CHAP. LI.

De Junon (1).

Les Argiens considèrent Junon comme la protectrice de leur ville et c’est par cette raison qu’ils célèbrent avec pompe la solennité qu’ils ont instituée en son honneur. Le principal appareil de cette fête est un char, traîné par deux taureaux blancs, sur lequel la prêtresse doit se faire conduire jusqu’au temple de la déesse, qui est en dehors de la ville. Le jour de cette cérémonie arriva une fois sans qu’il fût possible de se procurer les deux taureaux prescrits ; mais la prêtresse s’avisa d’y suppléer en attelant ses deux fils au char. Ceux-ci ayant ainsi rempli l’office des animaux (qui manquaient), la prêtresse, arrivée devant la statue de Junon, demanda à la déesse la récompense de leur dévoûment, et on dit que Junon la leur accorda, en leur envoyant un sommeil qui fut suivi de la mort.

(1) Le sujet de ce chapitre est l’histoire de Cléobis et Biton, fils de Cydippe, souvent citée chez les anciens comme un exemple insigne de piété filiale, pour la conduite des jeunes gens, et comme une preuve que la mort est un bienfait, puisque Junon l’accorda aux enfants de Cydippe comme ce qui pouvait leur arriver de plus heureux. Hérodote a placé le récit de cette aventure, qu’il raconte d’une manière beaucoup plus intéressante que notre auteur, dans la bouche de Solon, au moment où Crésus, après lui avoir montré tous ses trésors, espère que le sage d’Athènes va le reconnaitre pour le plus puissant et le plus heureux des mortels (liv. I, chap. 31, tom. 1er , p. 76-80. Hérodote de Baëhr) Plutarque, dans la vie de Solon (chap. 27, p. 372-373, tom. 1er  de l’édit. de Reiske) rapporte la même histoire avec les mêmes circonstances, et la reproduit encore dans ses Consolations à Apollonius (p. 413, tom. 6, Plut. de Reiske). Cicéron au 1er livre des Tusculanes ( chapitre 47, p. 155-156, tome 11 de l’édition de Lemaire) a donné en quelque sorte la traduction du récit d’Hérodote. Lucien l’a mis en dialogue entre Solon et Crésus dans son Charon (ou les Contemplateurs, p. 48-49, tom. 3 du Lucien de Lehman) ; Diogène de Laërte y a fait allusion (dans sa vie de Solon, tom. 1er, p. 32 de l’édition de Huebner, Lips. 1828 in-8o ) ainsi que Dion Chrysosthôme (dans le second discours sur la fortune, p. 330, tom. 2, édit. de Reiske), Valère-Maxime (liv. V, chap. 4, no 4, p. 380-381, tom. 1er de l’édition de Lemaire) et Hyginus (fable 253, p. 363) : il est encore résumé dans Servius, sur les Géorgiques (lib. III, v. 532 note, p. 570, tom. 5, édit. de Lemaire). L’abbé Barthélemy dont les traductions si habilement fondues ressemblent à des originaux pleins de fraîcheur, pourra donner une idée du récit d’Hérodote à ceux qui ne peuvent pas le lire dans l’original (Voyage d’Anacharsis, chap. 53e, tom. 4, p. 297 à 298, édit. 8o de Ledoux 1825).

              Et vetus Argolicos illustrat gloria fratres
              Qui sua materno colla dedere jugo.

                                               (Claudian. idyl. VII, v. 39-40).