Histoire universelle/Tome I/I/III

Société de l’Histoire universelle (Tome Ip. 25-26).
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Annam

Le nom d’Indo-Chine est bien choisi s’il signifie que l’influence hindoue et l’influence chinoise se sont partagé le territoire ainsi désigné mais il serait erroné d’en conclure que ces influences s’y soient jamais combinées. La frontière demeure tranchée à cet égard. L’Annam est fils de la Chine. Les Annamites, peuple aborigène de la Chine méridionale, occupaient le Kouan Si, c’est-à-dire les régions de Canton, de Hong Kong et de Macao lorsque, sous la pression chinoise, ils descendirent sur le Tonkin actuel et l’envahirent jusqu’à la baie de Tourane. Au delà ils se trouvaient en présence des Tiams, peuple d’origine malaise et de civilisation hindoue auquel ils disputèrent — et sur lequel ils finirent par conquérir — les territoires qui complètent vers le sud, et jusqu’à la frontière du Cambodge, l’Annam actuel. En 214 av. J.-C. les Chinois annexèrent le Tonkin mais dès 207 un de leurs généraux s’y taillait un royaume indépendant qui s’étendit jusqu’à Canton. Environ un siècle plus tard ce royaume fut supprimé et dès lors, c’est-à-dire pendant plus de mille ans (112 av. J.-C. — 968 ap. J.-C.) l’Annam demeura sous la domination des Chinois et s’imprégna complètement de leur civilisation tout en gardant son caractère propre et ses aspirations à l’autonomie. En 939 profitant des troubles qui précédèrent en Chine l’avènement des Sung, les Annamites s’émancipèrent. Ils disputaient alors aux Tiams la région de Hué dont ceux-ci s’étaient emparés à la fin du viiie siècle. Une fois seulement cette rivalité séculaire fit trêve. Les deux peuples luttèrent ensemble contre les Mongols de Koublaï Khan. Le péril écarté, ils redevinrent ennemis. Un moment dominés par les Tiams qui, les attaquant par mer, prirent pied à Hanoï (1360), les Annamites recouvrèrent la suprématie et, en 1471, parvinrent enfin à détruire le royaume tiam dont les habitants émigrèrent, cédant la place à des cultivateurs annamites. Entre temps (1407-1427) une tentative violente d’annexion chinoise avait été complètement repoussée, si bien que l’Annam se trouva avoir satisfait à la fois son besoin de liberté et ses ambitions territoriales. Malheureusement des rivalités dynastiques surgirent et pendant longtemps divisèrent le pays. L’expansion annamite continua toutefois. La Cochinchine avec Saïgon, une partie du Cambodge furent annexés. Toute cette période de 1527 à la fin du xviiie siècle fut désolée par des troubles intérieurs sans lesquels l’Annam serait certainement parvenu à une haute fortune. Enfin l’unité fut rétablie par celui qui devait être l’empereur Gia Long et qui, sous l’inspiration de l’évêque catholique Pigneau de Béhaine, réclama l’appui de la France et signa avec Louis XVI le traité, point de départ de l’intervention française de 1883. Les explorations d’un officier de marine Garnier et d’un négociant français Dupuis ayant amené vers ce temps là des incidents sanglants, la France qui, sous Napoléon III, avait occupé la Cochinchine puis placé sur sa demande le Cambodge sous son protectorat, s’établit au Tonkin. Une guerre avec la Chine s’en suivit qu’illustrèrent les opérations du célèbre amiral Courbet, notamment la destruction de l’arsenal de Fou-Tchéou et des forts échelonnés sur la rivière Min, faits d’armes qui ne coûtèrent aux Français que dix hommes. Le protectorat de la République française sur l’Annam fut reconnu en 1885 par le traité de Tien-Tsin. Dix-sept ans plus tard (1902) l’inauguration du grandiose pont du Fleuve Rouge long de deux kilomètres et demi et l’organisation de l’exposition d’Hanoï permirent d’apprécier la valeur de l’effort accompli par la France.