Histoire populaire du Christianisme/VIIe siècle

SEPTIÈME SIÈCLE.



En 602, le centurion Phocas, proclamé empereur par l’armée, fit égorger l’empereur Maurice et toute sa famille.

Peu après, saint Grégoire le Grand lui écrivit en ces termes, dans sa trente et unième lettre : « À Phocas, empereur, — ad Phocam, imperatorem.

« Gloire à Dieu dans le ciel, à Dieu qui, comme il est écrit, change les temps et transfère les couronnes ! Que les cieux se réjouissent, que la terre frémisse de plaisir, et que le corps tout entier de la République universelle (l’Église catholique) partage la joie de vos actes cléments ! »

Le pape saint Grégoire mourut le 12 mars 604. Sabinien lui succéda en septembre de la même année. Mort de Sabinien, le 2 février 605. Boniface III, élu le 25 février 606, mourut le 12 novembre suivant, Boniface IV lui succéda le 18 septembre 607.

En 608, parut le prophète arabe Mahomet qui se nommait en réalité : Mohhammed ben-A’bd-Allah-al-Qoraysch, c’est-à-dire Mohhammed, fils d’A’bd-Allah, de la tribu Qoraysch.

La religion fondée par le prophète Mohhammed pouvant, à la rigueur, être considérée comme une sorte d’hérésie à la fois juive et chrétienne, nous dirons ici en peu de mots en quoi elle consistait. Mohhammed enseignait qu’il n’y avait qu’un Dieu unique, absolument parfait, créateur de l’univers et n’ayant ni fils ni filles. Dieu avait envoyé déjà beaucoup de prophètes aux hommes, Abraham, Moïse, entre autres, et enfin, le plus grand de tous, Jésus, fils de Marie, mais non fils de Dieu. Les Juifs ne firent point mourir Jésus, parce que Dieu le sauva. Les Juifs et les Chrétiens ayant altéré la vérité, Dieu avait envoyé Mohhammed pour l’enseigner de nouveau. Il fallait donc reconnaître Mohhammed pour le prophète suprême, croire en la résurrection, au jugement universel, à l’enfer où les méchants et les infidèles brûleront à jamais, et au paradis qui est un jardin de délices où les bons et les croyants jouiront de toutes les félicités imaginables, en compagnie de femmes éternellement jeunes et belles.

Le prophète ordonna, dans le livre que lui dicta l’ange Gabriel et qu’il nomma le Koran, de prier cinq fois par jour, à certaines heures, en se tournant toujours vers le temple de la Mekke où les Arabes gardaient une pierre noire très-vénérée ; de se laver régulièrement le visage, les mains et les pieds ; de ne point boire de vin ; de ne pas manger de porc et de jeûner pendant tout un mois particulier. Il recommanda aussi de faire, au moins une fois dans sa vie, le pèlerinage de la Mekke, et de répandre beaucoup d’aumônes. Il ordonna enfin d’exterminer tous les idolâtres et enseigna que tous les hommes étaient soumis à la fatalité ou prédestination. Ce dernier dogme réunit dans un assentiment commun saint Paul, saint Augustin, Mohhammed, Calvin et les Jansénistes.

En ce temps-là, Boniface IV, avec la permission du pieux assassin Phocas, dédia le Panthéon à la Vierge et à tous les martyrs.

Le pape Boniface mourut le 25 mai 614, sous Héraclius. Deusdedit lui succéda. Celui-ci mourut le 8 novembre 617. Il eut pour successeur Boniface V.

Mohhammed s’enfuit de la Mekke en 622. Cette date devint le commencement de l’Ère mahométane, de l’Hégire, c’est-à-dire la fuite.

Boniface V mourut cette année-là, le 25 octobre. Honorius lui succéda en 626.

En 630, le roi frank Dagobert ordonna de baptiser de force la population du pays de Gand, ce qui se fit aisément, car les premiers venus pouvaient être chargés de l’opération. Saint Augustin dit, en effet, dans son traité du Baptême, « de Baptismo » : « Ce sont les mots sacramentels qui font l’effet requis au baptême. Que le baptême soit administré par un saint, par un hypocrite ou par un impie, peu importe ; le baptisé n’en est pas moins sanctifié en Jésus-Christ. »

L’hérésie des Monothélites date de 633 ; elle est due dans son origine à Sergius, patriarche de Constantinople. Monothélisme signifie volonté unique.

Les Monothélites soutenaient donc que l’unité personnelle impliquait nécessairement l’unité de volonté distincte, car deux volontés, deux principes d’action, supposent deux personnes. Or, la divinité et l’humanité formant une seule personne en Jésus-Christ qui, d’après l’Église, est à la fois Dieu et homme, il s’en suit qu’il n’y a en Jésus-Christ qu’une unique volonté que ces hérétiques, excellents logiciens d’ailleurs, nommaient Théandrique, c’est-à-dire à la fois divine et humaine. Ils se séparaient en cela de l’hérésie d’Eutychès qui, nous l’avons vu, ne reconnaissait qu’une seule nature en Jésus-Christ. C’est pourquoi le Monothélisme sembla à l’empereur Héraclius une théorie mixte à l’aide de laquelle les Catholiques, les Nestoriens et les Eutychiens pourraient s’accorder et mettre un terme aux désordres effroyables qui troublaient tout l’Orient.

Sergius, patriarche de Constantinople, fit adopter la nouvelle doctrine dans un Concile d’Alexandrie, en 633, et l’empereur l’imposa par un édit ; mais saint Sophrone, évêque de Jérusalem, assembla un autre Concile, en 634, dans lequel il fit condamner comme hérétique le dogme d’une seule volonté en Jésus-Christ.

« Malheureusement, dit l’abbé Guyot, dans son Dictionnaire des hérésies, le pape Honorius, à qui saint Sophrone avait écrit, s’était laissé séduire par une lettre artificieuse de Sergius qui, sans nier distinctement les deux volontés en Jésus-Christ, semblait soutenir seulement qu’elles étaient une. »

Nous ne pouvons certainement concevoir comment Sergius admettait qu’il n’y eût qu’une seule volonté, sans nier cependant qu’il y en eût deux. Le pape Honorius répondit donc à Sergius ces paroles imprudentes : « Confessons une seule volonté dans le Christ, parce que la divinité n’a pas pris notre péché, mais notre nature telle qu’elle était avant d’avoir été corrompue par le péché. »

Il est vrai que ce malheureux pape écrivit une seconde fois au patriarche de Constantinople qu’il fallait laisser cette chicane à l’oisiveté des grammairiens ; mais cette facilité et cette tolérance d’Honorius lui attirèrent, longtemps après sa mort, les qualifications désagréables d’hérétique et de fauteur d’hérésies. Trois Conciles généraux le condamnèrent ouvertement et nominativement, ce qui nous semble en contradiction avec le dogme de l’infaillibilité papale.

Le cardinal Baronius a beau s’écrier : « Les papes n’ont jamais erré ; j’en appelle aux papes eux-mêmes ! » cette exclamation singulière n’empêche pas que trois Conciles généraux, le sixième, le septième et le huitième, n’aient condamné Honorius. Or, il est impossible que le Saint-Esprit, qui dicte les décisions des Conciles généraux, ait tort, et que le cardinal Baronius ait raison. Le cardinal Baronius était un savant homme, mais le Saint-Esprit en savait plus long que lui.

L’empereur Héraclius défendit, par un édit, de parler à l’avenir de la nature simple ou des deux natures de Jésus-Christ, de sa volonté unique ou double. Comme cet édit était on ne peut plus sage et raisonnable, il révolta tout le monde. Héraclius fut regardé comme un hérétique par tous les partis.

Le pape Honorius mourut en 638. Sévère lui succéda dix-huit mois après. Sévère mourut presque immédiatement et eut pour successeur Jean IV.

En 641, l’impératrice Martine et le patriarche Pyrrhus empoisonnèrent Constantin, fils d’Héraclius, qui n’était pas monothélite, et voulurent couronner Héraclius, second fils de Martine ; mais le sénat fit arracher la langue à l’impératrice et couper le nez à Héracléon, qui n’avait que dix ans. Puis Constant II, fils de Constantin, fut proclamé empereur, et l’hérétique Paul devint patriarche.

Jean IV assembla à Rome un Concile qui anathématisa les Monothélites, leurs fauteurs et leurs partisans.

Ce pape mourut le 12 octobre 642. Théodore lui succéda.

Vers 648, l’ex-patriarche Pyrrhus vint à Rome présenter au pape Théodore une profession de foi catholique, en lui demandant de l’aider à reprendre possession du Siège de Constantinople. Théodore le reçut dans la communion de l’Église, mais ne fit rien de plus, par l’excellente raison qu’il lui était radicalement impossible d’agir en Orient par des ordres ou par des prières. Pyrrhus, peu satisfait, s’étant mis à l’abri sur le territoire grec, à Ravenne, renonça avec un égal empressement au Catholicisme pour reprendre ses opinions monothélites. L’historien Théophanes dit à ce sujet que le patriarche de Constantinople retourna à ce qu’il avait vomi, comme un chien qu’il était.

L’empereur Constant publia à cette époque le Type, ou ordonnance, qui défendait de s’occuper à l’avenir de disputes théologiques ; mais Théodore déclara que le Type n’était qu’une subtilité abominable. L’expression est singulière, car rien n’était moins subtil que l’ordonnance de Constant. Il est vrai que rien n’était plus inutile, car personne n’en tint compte.

Le pape Théodore mourut le 13 mai 649. Martin Ier lui succéda.

Le nouveau pape, à peine élu, convoqua un Concile de cent cinquante évêques qui anathématisèrent solennellement Pyrrhus, le patriarche Paul, le Monothélisme et le Type de Constant.

L’empereur ordonna, en 653, à l’Exarque de Ravenne d’enlever le pape Martin et l’abbé Maxime qui avait converti Pyrrhus. Le pape et l’abbé furent transportés à Constantinople. On traîna le premier dans les rues, nu, un carcan de fer au cou ; le second eut la langue et la main coupées. Tous deux furent exilés.

Dans l’intervalle, Constant ordonna de donner un successeur à Martin, du vivant de celui-ci. Eugène fut élu, et Martin le reconnut pour pape légitime, bien que cette élection fût anticanonique, puisqu’elle constituait un double pontificat.

Le pape Martin mourut en exil, le 14 septembre 655, et le pape Eugène le 2 juin 658. Vitalien lui succéda.

Il y eut, en ce temps-là, un mouvement extraordinaire parmi les peuples d’Orient et d’Occident. Les villes et les campagnes peuplaient les monastères qui se multipliaient de toutes parts. Les enfants que leurs parents y conduisaient avec eux devenaient forcément moines, dès qu’ils atteignaient l’âge de raison. Constant, qui voulut s’opposer à cette émigration insensée, devint tellement odieux aux Orientaux qu’il forma le projet de transporter de nouveau en Italie le siège de l’Empire. Il vint en effet à Rome, vers 663, mais il se contenta de piller la ville et de faire enlever le toit d’airain de l’église Sainte-Marie-des-Martyrs. À son retour il fut assassiné à Syracuse.

Le pape Vitalien mourut le 27 janvier 672. Adéodat lui succéda. Mort d’Adéodat, 17 juin 676. Il eut pour successeur Donus, le 2 novembre de la même année. Celui-ci mourut le 11 avril 679. Agathon lui succéda.

En 680, Constantin Pogonat résolut de faire adopter le Catholicisme romain par tout l’Orient, et il crut que rien ne serait plus efficace pour atteindre ce but que de convoquer le sixième Concile général. Deux cents et quelques évêques aimables, ainsi qu’ils furent qualifiés dans les actes, se réunirent à Constantinople. Ils anathématisèrent le Monothélisme, le pape Honorius qui avait pactisé avec l’hérésie vers 633, et l’évêque d’Antioche, Macaire, qui, poussé à bout, déclara que, loin de reconnaître deux volontés en Jésus-Christ, il ne lui en reconnaissait même plus une seule. On maudit Macaire qui fut enfermé dans un monastère, et le Concile se sépara.

Le pape Agathon mourut le 10 février 682. Léon II lui succéda. Celui-ci, étant mort le 17 août de l’année suivante, eut pour successeur Benoît II. Le 8 mai 685, mort de Benoît II. Son successeur Jean V étant mort le 2 août 686, Conon lui succéda. En septembre 687, Sergius succéda à Conon.

Le troisième Concile de Saragosse décida, en 691, que les veuves des rois seraient régulièrement enfermées dans un couvent pour le reste de leur vie.

En 695, le patrice Léonce et le patriarche Callinique, s’étant saisis de l’empereur Justinien II que les prêtres et les moines détestaient, lui coupèrent le nez et l’exilèrent ; mais, en 696, Apsimare coupa le nez du patrice Léonce, qui s’était fait proclamer empereur, et prit sa place.

C’était alors la coutume à Constantinople de couper le nez des personnes détrônées. Parfois aussi on leur crevait les yeux, mais le plus souvent on faisait l’un et l’autre.



Fin du septième siècle.