Histoire populaire du Christianisme/IXe siècle

NEUVIÈME SIÈCLE.




En 802, le patrice Nicéphore, s’étant emparé de l’empire d’Orient, relégua l’impératrice Irène à Lesbos où elle mourut l’année suivante ; c’est-à-dire que les Iconoclastes se remirent à massacrer les Iconolâtres.

À cette époque, Karl le Grand était le maître absolu de tout l’Occident. Il avait fait de larges concessions à l’Église, mais en réservant sa propre suprématie dans toute son étendue. Il défendit aux évêques de chasser, de verser le sang des Chrétiens ou même des païens, d’épouser plusieurs femmes (plures uxores), d’user de fraudes pieuses et d’opérations magiques, de porter des armes, d’exciter des querelles, d’entretenir des femmes étrangères et de s’enivrer. Ces différentes prohibitions donnent une idée singulière des mœurs courantes de l’épiscopat.

On voit que les Capitulaires de l’empereur décidaient toutes les questions religieuses, non-seulement celles qui étaient de discipline ecclésiastique, mais aussi celles qui touchaient au dogme. Ainsi, le Concile réuni à Aix-la-Chapelle, en 809, ayant pris, au sujet de la procession du Saint-Esprit, une décision contraire à l’opinion de la cour romaine, il fut ordonné aux évêques gaulois de ne point se conformer à la doctrine du pape, ce qui ne surprit ni le pape ni les évêques. Léon III ne protesta en aucune façon, et les évêques obéirent.

Karl le Grand mourut en 814. Il avait épousé quatre femmes à la fois, tout en gardant cinq concubines ; mais l’Église, par reconnaissance sans doute, ne lui en fit jamais aucun reproche. D’ailleurs, la polygamie n’était pas un fait extraordinaire en ce temps-là, puisque le même empereur l’avait défendue aux évêques.

Ce fut en 816, sous Louis le Débonnaire, que l’institution des chanoines fut étendue à toutes les églises des Gaules, d’Allemagne et d’Italie.

Le pape Léon III mourut le 12 juin de cette même année. C’était un homme très-cruel et très-rapace. Sous prétexte de conspiration contre sa personne, il avait décimé, en 815, les principales familles de Rome, et les supplices s’étaient tellement multipliés que l’empereur avait été contraint d’intervenir. Par les taxes, les confiscations et les pillages, il avait épuisé les villes et les campagnes, de sorte qu’il laissa en mourant des richesses immenses. Étienne IV lui succéda. Celui-ci, étant mort l’année suivante, eut pour successeur Pascal Ier.

Louis le Débonnaire confirma, en 817, les donations faites à l’Église par Peppin et Karl le Grand ; mais il inséra dans l’acte impérial une clause spéciale, portant que les villes et terres concédées au Saint-Siège resteraient soumises à la domination et sujétion de l’empereur.

Il arriva, en 824, que Théodore, primicier de l’Église, et le nomenclateur Léon, ayant eu les yeux crevés, furent décapités dans le palais de Latran. Le pape envoya deux légats à l’empereur pour nier qu’il eût pris part à ces meurtres ; mais, quand les commissaires impériaux vinrent à Rome demander qu’on leur livrât les assassins, le pape s’y refusa, attendu, dit-il, que les exécuteurs du meurtre étaient de la famille de saint Pierre. L’affaire n’eut donc pas de suite.

Pascal Ier mourut peu après, le 11 mai 824. Eugène II lui succéda.

Le Concile de Rome, tenu en 826, sous le pontificat d’Eugène II, ordonna de suspendre les sous-diacres, diacres, prêtres et prélats qui étaient incapables de remplir les fonctions de leur ministère, jusqu’à ce qu’ils se fussent fait instruire. La plupart en effet ne savaient pas un mot de latin, même à Rome, de sorte qu’ils ne comprenaient absolument pas les prières contenues dans l’office de la messe. Il y a des capitulaires qui ordonnent aux évêques contemporains de veiller à ce que les prêtres comprennent au moins l’Oraison dominicale, afin que chacun sache ce qu’il demande journellement à Dieu : Dominicam orationem ipsi intelligant, ut quisque sciat quid petat a Deo.

Le pape Eugène II mourut le 27 août 827. Valentin lui succéda pendant un mois. Grégoire IV fut élu le 5 janvier de l’année suivante, mais il ne fut consacré qu’après que les commissaires impériaux eurent examiné et approuvé son élection.

On tint quatre Conciles dans les Gaules en 828, pour la correction du clergé et du peuple. Il est bien entendu que les ecclésiastiques et les fidèles n’en restèrent pas moins, les uns ignares et corrompus, et les autres incurablement stupides.

En 830, les fils de Louis le Débonnaire, ayant déposé leur père et forcé l’impératrice Judith de prendre le voile, furent soumis presque aussitôt ; mais, par ordre du pape, on séquestra dans un monastère Hilduin, Elisakhare et Wala, abbés de saint Denys, de Centula et de la Vieille-Corbie, comme instigateurs et chefs de la révolte.

Trois ans après, le pape, s’étant rendu en France, appelé par Lothaire, fils de Louis, fut soupçonné de n’y être venu que pour frapper l’empereur des censures ecclésiastiques. Alors, les évêques firent savoir au pape que, s’il était venu pour excommunier, il s’en retournerait excommunié lui-même, ce qui effraya sensiblement Grégoire ; mais d’autres évêques le rassurèrent en lui promettant de leur côté d’excommunier ceux qui l’excommunieraient.

Lothaire assembla donc un Concile à Compiègne, où les Pères anathématisèrent l’empereur, le déclarant coupable d’homicides, de sacrilèges, d’adultères, et d’avoir fait la guerre pendant le carême. Puis on l’enferma dans un couvent. L’année suivante il se réconcilia avec l’Église et fut rétabli. Enfin, à Metz, en 835, on procéda à son entière réintégration, et sept archevêques lui donnèrent sept absolutions définitives pour les crimes dont ils le déclaraient, d’ailleurs, innocent.

Il ne faut pas oublier que ce fut en 835 qu’on entendit parler pour la première fois de saint Denys martyr, dont l’histoire fut écrite par l’abbé Hilduin. Celui-ci apprit donc au monde chrétien, qui ne s’en doutait pas, que saint Denys, prêchant l’Évangile dans les Gaules, sous Domitien, fut saisi, fouetté, brûlé, exposé aux bêtes, entonné dans un four, mis en croix, communié en prison de la main propre de Jésus-Christ, et finalement décapité ; puis, que son corps se releva, ramassa sa tête et la porta entre ses mains au milieu d’un cortège d’anges. Dans ce remarquable ouvrage, l’abbé Hilduin accuse de pure ineptie les personnes qui ne voudraient pas croire à la réalité de ces faits.

Le pape Grégoire IV mourut le 11 janvier 844. L’archiprêtre Sergius lui succéda. Celui-ci étant mort le 27 janvier 847, Léon IV lui succéda.

En 849, un moine bénédictin du diocèse de Châlons-sur-Marne, nommé Gotescalc, enseigna que Dieu a prédestiné, de toute éternité, les uns à la vie éternelle, les autres à l’enfer, indépendamment des mérites ou des démérites des hommes, et que, depuis le péché d’Adam, nous ne sommes plus libres pour faire le bien. Deux Conciles, celui de Mayence et celui de Quierzy-sur-Oise, condamnèrent comme hérétique la doctrine de Gotescalc. Il est malheureux que cette doctrine ne soit autre que celle de saint Paul, de saint Augustin, de saint Isidore et de toute leur école. Quelques évêques contemporains tentèrent bien de défendre le Bénédictin condamné en s’appuyant de l’autorité de saint Augustin, « mais, dit l’abbé Guyot, il n’était pas aisé de saisir, au IXe siècle, les vrais sentiments de ce saint docteur. » C’est pourquoi Gotescalc est un hérétique. L’abbé Guyot en prend son parti sans peine, mais le moine n’en fut pas moins fouetté publiquement, pour avoir partagé l’opinion du saint Docteur, et enfermé pour la vie dans l’abbaye de Hautvilliers.

Le pape Léon IV mourut le 17 juillet 855. Benoît III lui succéda, mais il y eut des troubles à Rome avant sa consécration. Il fut chassé du palais de Latran, dépouillé de ses habits pontificaux et battu outrageusement par son concurrent le prêtre Anastase. Puis on le consacra. La légende de la papesse Jeanne prit place plus tard entre Léon IV et Benoît III.

Celui-ci mourut le 10 mars 858. Nicolas Ier lui succéda.

Un an auparavant, l’empereur d’Orient Michel l’Ivrogne avait chassé le patriarche Ignace et nommé à sa place un homme d’un grand génie et d’une science profonde, nommé Photius. Les évêques le firent passer par tous les ordres en six jours. De cette façon, on le fit moine, lecteur, sous-diacre, diacre, prêtre, évêque et patriarche, et le Concile de Constantinople, en 861, le reconnut pour légitimement ordonné.

Le dépossédé Ignace se plaignit au pape Nicolas qui excommunia Photius en 862 ; mais ce dernier excommunia à son tour le pape Nicolas, prit le titre de patriarche universel et accusa d’hérésie tous les évêques de la communion romaine. Il leur reprocha : 1° de jeûner le samedi ; 2° de permettre l’usage du lait pendant le carême ; 3° d’empêcher les prêtres de se marier ; 4° de réserver aux seuls évêques l’onction du chrême ; et 5° d’avoir ajouté au symbole de Constantinople le mot filioque, pour exprimer que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.

Le pape Nicolas mourut le 13 novembre 867. Adrien II lui succéda.

Le huitième Concile général de Constantinople, en 869, condamna Photius comme intrus.

Le pape Adrien II mourut le 26 novembre 872. Jean VIII lui succéda.

En 879, un nouveau Concile de Constantinople reconnut Photius pour patriarche légitime, et le pape l’admit à sa communion. Cependant, c’est de cette époque que date le grand schisme d’Orient et que l’Église grecque orthodoxe se sépara définitivement de l’Église catholique romaine.

Le pape Jean VIII mourut le 15 décembre 882. Martin II lui succéda. Celui-ci mourut le 23 février 884, et eut pour successeur Adrien III. Mort d’Adrien III, en 885, le 8 juillet. Étienne V lui succéda.

L’empereur Léon le Philosophe déposa Pho
tius, en 886, et le fit enfermer dans un monas
tère.

Le pape Étienne V mourut le 7 août 891. Formose lui succéda.

Un moine de Flavigny fut accusé, au Concile de Châlons-sur-Saône, en 894, d’avoir empoisonné Adalgaire, évêque d’Autun. Il offrit de recevoir la communion pour prouver son innocence. On la lui donna, ce qui ne lui fit aucun mal. En conséquence, il fut déclaré innocent.

Le pape Formose mourut le 4 avril 896. Après l’antipape Boniface, dont le pontificat dura quinze jours, Étienne VI fut élu.

En 897, un Concile, réuni à Rome, condamna Formose, mort l’année précédente. Étienne VI fit déterrer le cadavre qu’on apporta dans la salle des séances et qui fut assis sur le siège papal, revêtu des habits pontificaux. Là, on l’interrogea. Il ne répondit rien et fut condamné. On le dépouilla, on lui coupa trois doigts et la tête, et on le jeta dans le Tibre. Cette même année, le pape Étienne VI fut étranglé au mois d’août. Romain lui succéda et mourut le 8 février 898. Il eut pour successeur Théodore II, qui fit enterrer de nouveau le corps de Formose trouvé par des pêcheurs. Théodore étant mort le 3 mars, Jean IX lui succéda.

Le 12 mars 899, mort de Jean IX, à qui succéda Benoît IV.



Fin du neuvième siècle.