Histoire populaire du Christianisme/IVe siècle

QUATRIÈME SIÈCLE.




Dioclétien rendit son édit de persécution, en 303, à Nicomédie. Outre les condamnations qu’elle amena, la persécution causa de grands troubles dans l’Église d’Afrique. Des évêques et des prêtres s’étaient soumis à l’édit en livrant les vases et les livres sacrés. Ceux qui s’étaient montrés forts dans le danger flétrirent du nom de traditeurs ceux qui avaient cédé à la crainte. Ce fut l’origine du schisme de Donat qui excita un certain nombre d’évêques à casser l’élection de Cécilien au siège épiscopal de Carthage, parce que ce prêtre avait été nommé par des évêques traditeurs.

Il y eut un Concile à Elvire, en Espagne, en 305. Dans le trente-troisième canon de ce Concile, il est dit que les évêques, les prêtres et les clercs doivent s’abstenir de leurs femmes pendant qu’ils sont dans le service sacré. Nous n’en conclurons que ceci, c’est que les évêques et les prêtres étaient pour la plupart mariés à cette époque.

Le pape Marcellin était mort, le 24 octobre, an 304. Marcel ne lui succéda que trois ans après, Licinius étant empereur et Constantin auguste. Le pape Marcel mourut le 16 janvier, 310. Eusèbe lui succéda et mourut la même année. Miltiade fut élu en 311.

Fleury, dans son histoire ecclésiastique, rapporte à l’an 312 la vision de Constantin. Dans sa marche contre Maxence, il vit une croix dans le ciel, en plein midi, plus brillante que le soleil, et sur laquelle étaient inscrits ces mots : Par ce signe tu vaincras ! Constantin, qui était encore païen, persuada aisément à son armée que le miracle était réel, les trois quarts de ses soldats étant Chrétiens et habitués aux prodiges

Le pape Miltiade mourut le 10 janvier, 314. Sylvestre lui succéda.

L’Arianisme date de 319. Arius, prêtre d’Alexandrie, enseigna que le Fils est engendré, bien qu’il l’ait été avant les temps ; qu’il est d’une substance différente de celle du Père ; qu’il est variable de sa nature et capable de vice et de vertu. « Il fut conduit à cette hérésie, dit l’abbé Guyot, par la difficulté d’expliquer l’accord de l’unité et de la trinité en Dieu. »

Le mot difficulté nous semble une expression trop mitigée. « Comment, continue le savant abbé, trois personnes distinctes peuvent elles exister dans une substance simple ? La seule issue possible était d’admettre trois êtres distincts dans une substance unique, ce qui est incompréhensible mais non contradictoire. » L’abbé Guyot nous stupéfie. Son raisonnement est aussi fort que celui-ci : Comment admettre que ce qui est carré est rond ? en admettant que ce qui est rond est carré.

Arius appuyait sa doctrine sur les passages des Évangiles où Jésus-Christ se dit inférieur à son Père et soumis à sa volonté. Plusieurs évêques se rallièrent à l’Arianisme et le défendirent, Eusèbe de Nicomédie, entre autres. Il y avait longtemps d’ailleurs que beaucoup d’Églises étaient Ariennes avant Arius. Saint Denys d’Alexandrie professait l’inégalité des deux premières Personnes et ne considérait le Saint-Esprit que comme une simple créature. De sorte que l’Arianisme se répandit rapidement en Égypte, en Lybie et dans la Thébaïde supérieure. Tout l’Orient fut agité par les discussions théologiques.

Constantin, voyant que les fidèles étaient troublés par l’anarchie qui s’était emparée des Églises, se hâta de réunir un grand Concile général à Nicée, en Bithynie, l’an 325. Deux mille quarante huit évêques s’y rendirent ; mais comme il s’agissait de statuer sur la divinité du Christ, on renvoya mille sept cent trente d’entre eux qui n’y croyaient pas. Il n’en resta donc que trois cent dix-huit seulement. Ces pères de Nicée, dit l’évêque Sabinus qui recueillit les actes du Concile, étaient aussi ignorants qu’ils étaient grossiers. Ces débats furent donc très-violents et les évêques se dirent beaucoup d’injures. Enfin, Athanase, qui avait suivi comme diacre l’évêque Alexandre d’Alexandrie, proposa le mot consubstantiel pour expliquer la relation du Père au Fils.

Le Concile accepta définitivement le symbole suivant sur lequel est fondée la foi de l’Église catholique. Nous citons textuellement :

« Nous croyons en un Dieu, père tout-puissant, qui a fait toutes les choses visibles et invisibles, et en un Seigneur Jésus-Christ, fils unique de Dieu, engendré par le Père, c’est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu et lumière de lumière, véritable Dieu de Dieu véritable, engendré et non fait, consubstantiel au Père, par lequel toutes choses ont été faites au ciel et sur la terre, qui est descendu, s’est incarné et s’est fait homme pour nous et pour notre salut, qui a souffert, qui est ressuscité le troisième jour, qui est monté au ciel, et qui viendra juger les vivants et les morts. Et nous croyons au Saint-Esprit. »

Puis, le Concile ajouta cette imprécation : « L’Église de Dieu, catholique et apostolique, anathématise ceux qui disent : Qu’il y avait un temps où le Fils de Dieu n’existait pas, ou qu’il n’existait pas avant d’avoir été engendré, ou qu’il a été fait de rien, ou qu’il est d’une autre substance ou essence que son Père, ou qu’il est créé et sujet au changement. »

Arius et les évêques qui lui restèrent fidèles furent excommuniés. Quant à Constantin, il condamna tout livre de l’hérésiarque aux flammes, et à la peine capitale toute personne qui en posséderait une copie.

En 328, il changea d’opinion et rappela Arius ainsi que les évêques Ariens. On vit cette année-là, à Alexandrie, saint Antoine l’anachorète. Ce grand saint qui, nous l’avons dit, était d’une ignorance fabuleuse et ne savait absolument ce dont il était question, excommunia néanmoins les Ariens et s’en retourna comme il était venu.

Hélène, mère de Constantin, retrouva à Jérusalem la croix sur laquelle Jésus-Christ avait été crucifié. Les clous, qu’on retrouva aussi, furent envoyés à l’Empereur qui en mit une partie à son casque et le reste au mors de son cheval. On ne sait naturellement, ni comment cette croix avait été conservée, ni si elle était la vraie croix, ni même s’il y avait jamais eu une vraie croix. L’essentiel est que l’impératrice Hélène la retrouva.

Saint Athanase, le chef des Consubstantialistes au Concile de Nicée, et qui avait été élu au siège épiscopal d’Alexandrie, fut accusé, en 335, d’avoir violé une vierge, tué un évêque et brisé un calice. On le déposa au Concile de Tyr et l’Empereur l’exila dans les Gaules.

Le pape Sylvestre mourut à Rome, le 31 décembre de cette année. Marc lui succéda.

En 336, Arius fut trouvé mort, à Constantinople dans un lieu d’aisances. Les Ariens accusèrent les Consubstantialistes de l’avoir fait périr par leurs maléfices, et les Consubstantialistes proclamèrent que la vengeance divine, l’avait frappé.

Le pape Marc mourut le 7 octobre de cette année. Jules lui succéda.

Constantin ne tarda pas à suivre Arius. Il mourut le 22 mai 337. Ce fut Eusèbe de Nicomédie, évêque arien, qui le baptisa au dernier moment. Ce premier empereur chrétien fut un des plus grands misérables qui aient jamais existé. Nous en reparlerons ailleurs.

Les empereurs Constance et Constant convoquèrent les évêques d’Orient et d’Occident au Concile de Sardique, dans la nouvelle Dacie. Il en vint cent d’Occident et soixante-dix d’Orient, selon saint Athanase ; trois cents occidentaux et soixante-seize orientaux, selon Nicéphore Calliste. Le pape Jules envoya deux prêtres et un diacre pour l’y représenter. Les évêques d’Orient qui étaient Ariens refusèrent de siéger avec Athanase que soutenaient ceux d’Occident ; de sorte que ceux-ci, beaucoup plus nombreux, déposèrent, excommunièrent et anathématisèrent les orientaux. Ceux-ci, retirés à Philippopolis, excommunièrent de leur côté Athanase et le pape Jules. Le Concile général de Sardique, où les évêques latins tentèrent pour la première fois d’asseoir la suprématie du siège de Rome, ne réussit qu’à envenimer les haines, et il rompit en fait toute communication religieuse entre l’Orient et l’Occident. Quant au dogme de la consubstantialité, il n’y fut rien changé à Sardique. On y rédigea bien un symbole plus long que celui de Nicée qui fut approuvé par Jules, mais il ne nous est pas parvenu.

Le pape Jules mourut le 12 avril 352. Libère lui succéda. Athanase fut de nouveau condamné au Concile d’Arles, en 353, et au Concile de Milan, en 355, par trois cents évêques latins. Le pape Libère n’ayant pas souscrit à cette condamnation, fut exilé par l’Empereur Constance ; mais, en 357, fatigué de l’exil, Libère revint sur sa décision et reconnut ainsi l’Arianisme. C’est ce qu’on nomme dans l’Église, la chute de Libère.

En 360, Julien, proclamé Empereur à Paris, renonça au Christianisme.

L’hérésie des Macédoniens date de l’année suivante. Ils étaient ainsi nommés de Macédonius, évêque déposé de Constantinople, qui attaqua la divinité du Saint-Esprit. Il eut beaucoup de sectateurs en Thrace et en Bithynie. Les Grecs donnèrent aux Macédoniens le nom de pneumatomaques, ou ennemis de l’Esprit.

L’Empereur Julien, que l’Église a surnommé l’Apostat, était doué de grandes qualités morales et de beaucoup d’esprit. Au lieu de persécuter les Chrétiens, il se contenta de critiquer leurs idées et leurs actes et de se moquer d’eux. L’Église l’a particulièrement en horreur. Il fut tué d’un coup de lance dans un combat contre les Perses, en 363.

Le pape Libère mourut le 24 septembre 366, sous Valentinien. Damase lui succéda.

Comme la possession du siège épiscopal de Rome procurait d’immenses richesses et une grande autorité, elle excitait naturellement l’ambition de tous les prêtres. « Celui qui parvient à ce but, dit Ammien Marcellin, est sûr de s’enrichir, quand ce ne serait que des offrandes des matrones. Il ne se montre plus en public que sur un char, magnifiquement vêtu, et ses repas somptueux l’emportent sur les tables des rois. Eorum convivia regales superant mensas.

Par suite de brigues opposées, le prêtre Damase et le diacre Ursicinus furent élus et ordonnés simultanément.

Les deux partis en vinrent aux mains sur les places et dans les Églises. On releva en un seul jour cent trente-sept cadavres dans la Basilique Sicinienne qui fut réduite en cendres. La victoire étant restée aux partisans de Damase, les historiens ecclésiastiques ont décidé que l’élection de celui-ci était seule canonique et légitime. Maximien, préfet de Rome, voyant la bataille terminée, fit mourir avec impartialité, de part et d’autre, ceux qui avaient pris une part trop vive à l’affaire, prêtres ou séculiers.

En 368, sous Valentinien, il y eut un Concile à Laodicée en Phrygie. Les canons de ce Concile nous donnent quelques détails intéressants sur les mœurs et les croyances du temps. Le trente-sixième prohibe, pour les prêtres et les clercs, l’étude de la magie et des mathématiques ; un autre défend de prier les Anges au lieu de Jésus-Christ. Enfin, le soixantième dresse la liste des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament qu’on doit seuls considérer comme sacrés. Or, on n’y trouve ni Judith, ni Tobie, ni la Sagesse, ni l’Ecclésiastique, ni les Macchabées, ni l’Apocalypse.

Un édit de Valens, Empereur d’Orient, soumit tous les moines au service militaire, en 376. Il y en avait, surtout en Égypte, une prodigieuse multitude. Dans la seule ville d’Oxyrinque, on comptait trente mille moines et religieuses. Saint Pacôme rassemblait deux fois par an cinquante mille moines dans le monastère de Tabesse. L’abbé Sérapion, près d’Arsinoë, gouvernait dix mille moines. Ils étaient plus de cent mille dans les deux Thébaïdes, haute et basse. La mort de Valens empêcha d’exécuter l’édit.

L’hérésie d’Apollinaire de Laodicée fut condamnée à Rome, en 377. Les Apollinaristes soutenaient que Jésus-Christ n’avait ni un corps, ni une âme semblables aux nôtres ; que son corps était impassible et que son âme était sans entendement, pareille à l’âme sensitive de Platon, que celui-ci distingue de l’âme raisonnable.

Le deuxième Concile général se réunit à Constantinople, en 383, sous Théodose, pour régler les affaires de l’Église et statuer définitivement sur la doctrine orthodoxe. Le résultat le plus important des délibérations fut un symbole semblable à celui de Nicée, mais auquel on ajouta une déclaration nouvelle au sujet de la divinité et de la procession du Saint-Esprit. Celui-ci fut déclaré Seigneur vivifiant qui procède du Père, et prit place dans la Trinité consubstantielle. Dans les premiers temps, le Saint-Esprit n’était guère qu’un mot abstrait. Saint Jérôme rapporte que Lactance n’y voyait qu’une expression propre à signifier la sainteté du Père et du Fils : Sanctificationem utriusque personæ. Cependant le concile de Constantinople ne fit procéder le Saint-Esprit que du Père. La troisième Personne de la Trinité devait attendre encore quatre siècles avant de procéder du Père et du Fils.

Priscillien fut condamné au Concile de Bordeaux en 384, sous Maxime. Les Priscillianistes étaient des hérétiques qui mêlaient les erreurs des Manichéens à celles des Gnostiques.

Le pape Damase mourut le 11 décembre de cette même année. Sirice lui succéda.

Saint Jérôme quitta définitivement Rome vers cette époque. C’était un esprit inquiet et violent. Il avait parcouru la Thrace, le Pont, la Bithynie et la Cappadoce, s’était retiré au désert et en était sorti pour venir à Rome servir de secrétaire au pape Damase. À la mort de ce dernier, il retourna en Orient. Il traduisit le premier la Bible de l’hébreu en latin.

En 389, les Jovinianistes furent condamnés à Rome. Ils soutenaient que l’abstinence et la sensualité étaient choses indifférentes en soi ; que la virginité n’était pas un état plus parfait que le mariage ; que la mère de Jésus n’était plus vierge après l’enfantement, et que Jésus-Christ n’avait eu qu’une chair fantastique.

Le pape Sirice mourut le 20 novembre 398, sous Honorius. Anastase Ier lui succéda.

Il y eut vers ce temps là une révolte générale des moines d’Égypte contre Théophile, évêque d’Alexandrie. Ils lui en voulaient extrêmement parce qu’il ne croyait pas que Dieu eût un corps. Ces moines, sans savoir pourquoi, partageaient l’opinion de Tertullien à cet égard. Théophile, à qui ils n’auraient pas laissé le temps d’argumenter, prit le parti de leur déclarer qu’en les voyant il croyait voir le visage même de Dieu. Les moines en conclurent que si Dieu avait un visage, il avait aussi un corps et que Théophile était orthodoxe, de sorte qu’ils renoncèrent à leur pieux dessein de le massacrer.

Ce fut au Concile de Tolède, en 400, qu’on donna pour la première fois le titre de pape à l’évêque de Rome. Si nous le lui avons donné nous-même jusqu’ici, ce n’a été que pour nous conformer à l’usage de l’Église.

Parmi les canons du Concile de Tolède, il en est un qui permet d’avoir une femme légitime ou une concubine, au choix des personnes. D’ailleurs, l’Église, pendant les huit premiers siècles, a eu des idées peu arrêtées sur le mariage. L’Empereur Valentinien était ouvertement bigame. Il était permis dans certains cas au mari et à la femme de disposer l’un de l’autre en faveur d’un tiers. Saint Augustin rapporte qu’Acyndinus, devant une somme au fisc, et menacé d’être pendu, prêta, pour s’acquitter, sa femme à l’agent du fisc. Saint Augustin le loue de cette action. D’ailleurs, selon le diacre Paul, l’Église laissait au pouvoir civil le soin de fixer les conditions et la forme du mariage, sans doute par suite du mépris qu’elle a toujours eu pour la femme, comme il nous serait facile de le démontrer par d’innombrables citations.



Fin du quatrième siècle.