Histoire populaire du Christianisme/IIIe siècle

TROISIÈME SIÈCLE.




Ce fut en 206 qu’Origène, fils de Léonide, évêque et martyr, se mutila pour éviter les tentations, ayant pris à la lettre le précepte de Jésus-Christ de se châtrer pour le royaume des cieux. C’était l’homme le plus savant et le plus éloquent de son temps. Il n’admettait pas la divinité du Christ. « Nous n’élevons ni temples, ni statues à Jésus-Christ qui nous a défendu d’adorer rien de matériel et d’humain. Nous n’adorons pas Jésus-Christ, nous l’admirons. » Il croyait, ainsi que saint Clément d’Alexandrie, son maître, à la préexistence des âmes et à leurs transmigrations successives, ainsi qu’à l’éternité de la matière ; et il enseignait que les étoiles avaient des âmes, méritaient et déméritaient. Ces idées sont exposées-dans son Périarkhon, ou traité des principes, dont il ne reste qu’une traduction latine. L’Église le considère encore comme un des plus grands défenseurs de la foi, bien qu’il ait erré dans le Périarkhon, probablement parce qu’elle professait, au IIIe siècle, beaucoup de dogmes qu’elle a rejetés depuis. Toujours est-il qu’Origène mourut, vers 253, en communion avec l’orthodoxie d’alors. Saint Pamphile écrivit son apologie et saint Grégoire le Thaumaturge son panégyrique.

En ce temps-là, Théodote le Banquier fonda la secte des Melchisédéciens. Ayant lu dans un psaume : « Tu es prêtre selon l’ordre de Melchisédec» et dans l’Épître aux Hébreux de saint Paul que Melchisédec était sans père, ni mère, ni généalogie, ces hérétiques en concluaient que Melchisédec était fort au-dessus de Jésus-Christ qui avait un père, une mère et deux généalogies.

Le pape Zéphirin mourut le 26 juillet, an 217, sous Macrin. Calixte lui succéda. En 222, mort de Calixte. Urbain lui succéda.

Origène entreprit, dit-on, vers 229, ses éditions des Écritures en six et en huit langues, sous le titre d’Hexaples et d’OctapIes. Il corrigea et modifia le texte grec du Nouveau-Testament.

Disons ici pour n’y plus revenir que le Nouveau-Testament n’a été que trop souvent modifié, non seulement dans la forme mais aussi dans le sens lui-même. Nous en donnerons quelques preuves inconestées. Ainsi, à la fin du IIIe siècle, les Évangiles sont revus et amendés par Hésychius et Lucien. Au commencement du VIe, l’empereur grec Anastase fait examiner, critiquer, expurger et amender de nouveau les quatre Évangiles qui, dit saint Victor, dans l’état où ils étaient, semblaient avoir été composés par des évangélistes idiots : Tanquam ab idiotis evangelistis composita. Dans les dernières années de son règne, Charlemagne fait corriger les quatre Évangiles du Christ par des savants grecs et syriens : Quatuor Evangelia Christi, cum græcis et syris optime correxerat. Enfin, le pape Sixte-Quint corrige à son tour les Écritures, à deux reprises. La première révision produit la correction de plusieurs milliers de passages ; de la seconde résultent plus de deux mille corrections nouvelles.

Certes, les saintes Écritures, Ancien et Nouveau Testaments, sont le bien propre de l’Église, et elle en use comme elle l’entend ; mais si les fidèles s’imaginent qu’elle en a toujours respecté la première rédaction, ils sont plongés dans une pieuse erreur.

Le pape Urbain mourut le 23 mai, an 230, sous Alexandre Sévère. Pontius lui succéda. Celui-ci, étant mort six ans après, eut pour successeur Fabien.

Les Valésiens, ou Eunuques, parurent en 240. Ces hérétiques étaient particulièrement attachés à la chasteté. Ils n’admirent d’abord dans leur communion que ceux qui se mutilaient volontairement ; mais bientôt, poussés par un plus vif sentiment de charité, ils mutilaient à l’envi tous ceux qu’ils pouvaient saisir. On les craignait beaucoup. Cette secte s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Elle existe encore en Russie.

Le pape Fabien fut martyrisé à Rome, le 10 mars, an 250, sous Décius. Corneille lui succéda l’année suivante.

Décius avait rendu son édit de persécution en 249. Il y eut des apostasies sans nombre dans l’Église. La persécution cessa en 251.

Félicissime, chef de ceux qui avaient apostasié en Afrique pour sauver leur vie, demanda leur pardon ; mais s’étant refusé à l’enquête ordonnée par saint Cyprien, évêque de Carthage, il fut excommunié. Cette question amena le schisme de Novatien, chef des Kathares, les purs, qui niait que l’Église eût le pouvoir d’absoudre les apostats. Le Concile de Carthage, présidé par saint Cyprien, excommunia, en 251, soixante-dix évêques partisans de Novatien. Les apostats purent rentrer dans l’Église après trois ans. Le pape Corneille approuva la décision du Concile. Dans une autre assemblée tenue à Carthage en 252, on admit les apostats immédiatement.

Le pape Corneille mourut cette année-là, le 14 septembre. Lucius lui succéda en 253, fut martyrisé deux mois après et eut pour successeur saint Étienne.

Une lutte très-vive s’engagea, en 256, entre ce pape et l’évêque Cyprien, à propos de la coutume de rebaptiser les hérétiques qui abjuraient leurs erreurs, coutume soutenue par Cyprien et repoussée par Étienne. Les deux saints se traitèrent fort mal l’un l’autre. Un Concile donna raison à Cyprien, mais l’Église lui donna tort.

Le pape Étienne fut martyrisé le 2 août, an 257. Sixte II lui succéda.

Saint Cyprien fut décapité en 258, à Carthage, tandis qu’à Rome on tranchait la tête du pape Sixte II. Denys lui succéda un an après.

Vers 260, Sabellius, de Ptolémaïs en Lybie, enseigna que la Trinité ne consistait pas dans la triplicité des personnes divines, Père, Fils et Saint-Esprit, mais dans la manière triple d’en considérer une seule. Ainsi, disait-il, le Père étant la substance du soleil, le Fils serait la lumière et le Saint-Esprit la chaleur. Paul de Samosate, évêque d’Antioche, soutint une doctrine identique, en 262, à cette exception près qu’il déclarait Jésus un pur homme auquel la sagesse divine s’était communiquée.

Lamennais, de nos jours, a reproduit sous des formes particulières, dans son Esquisse d’une philosophie, l’hérésie de Sabellius et de Paul de Samosate. Celui-ci prêcha ouvertement sa doctrine, en sa qualité d’évêque, jusqu’au troisième Concile d’Antioche qui le déposa.

Le pape Denys mourut le 26 décembre, an 269. Félix lui succéda.

En 270, saint Antoine se retira au désert. Il était extrêmement ignorant, ayant toujours refusé d’apprendre à lire et à écrire. Il avait vécu quinze ans dans un sépulcre, en Égypte, avant d’aller au désert. On ne saurait mener une vie plus édifiante.

Le pape Félix fut martyrisé le 22 décembre, an 274, sous Aurélien. Eutychien lui succéda.

Manès, ou Manichée, commença à enseigner sa doctrine en 277. C’était un Persan né dans l’esclavage, puis affranchi, et qui hérita des richesses d’une femme de Ctésiphon. Il était profondément instruit dans toutes les sciences des Mages. Ne pouvant exposer ici ses idées dans leur ensemble, nous dirons, sans plus insister, qu’il croyait à l’existence de deux principes coéternels, l’un bon, l’autre mauvais. Selon lui, la fin de l’homme consistait à dégager la lumière des ténèbres, c’est-à-dire, la substance divine de la matière à laquelle elle est incorporée. Les Manichéens, de même que les Buddhistes, avaient le plus grand respect pour tout ce qui était vivant. Ils condamnaient la procréation des enfants, parce que c’était mettre des âmes en captivité. L’Ancien Testament leur semblait l’œuvre du mauvais principe et ils n’admettaient que certaines parties du Nouveau. Le Manichéisme se répandit d’Orient dans tout l’Occident. Manès étant retourné en Perse, le roi Sapor le fit écorcher vif, parce qu’il n’avait pas réussi à guérir le fils du despote.

Le pape Eutychien mourut le 7 décembre, an 283, sous Carus. Caius lui succéda.

Hiérax était un médecin, né à Léontium, en Égypte, et qui donna son nom aux Hiéracites. Saint Épiphane nous apprend que Hiérax niait la résurrection de la chair et n’admettait qu’une résurrection spirituelle des âmes, que cet hérétique condamnait le mariage comme un état inférieur permis sous l’Ancien Testament mais criminel depuis Jésus-Christ, et qu’il défendait à ses disciples toute autre société que celles des moines, des célibataires, des vierges et des veuves. Les Hiéracites croyaient que les enfants morts avant l’âge de raison n’allaient pas au ciel, n’ayant pas mérité le paradis par leurs bonnes œuvres. Ils admettaient bien que le Fils a été engendré par le Père, et que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, ce qui est évident ; mais, par malheur, leur maître Hiérax tenait beaucoup à ce que Melchisédec fût le Saint-Esprit revêtu d’un corps humain. Ils avaient aussi, dit saint Épiphane, une horreur superstitieuse pour la viande et le vin, oubliant que, selon saint Paul, toute créature de Dieu est bonne à manger. Nous présumons que l’Apôtre ne conseillait pas l’usage de l’anthropophagie.

Le pape Caius mourut le 22 avril, an 296, sous Dioclétien. Marcellin lui succéda.



Fin du troisième siècle.