Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre II/Chapitre 11

XI. Les Hollandois ſont reçus à Bornéo.

L’établiſſement formé à Bornéo, a un but moins important. C’eſt une des plus grandes iſles, & peut-être la plus grande que l’on connoiſſe. Ses anciens habitans en occupent l’intérieur. Les côtes ſont peuplées de Macaffarois, de Javanois, de Malais, d’Arabes, qui ont ajouté aux vices qui leur font naturels, une férocité qu’on retrouveroit difficilement ailleurs.

Les Portugais cherchoient, vers l’an 1526, à s’établir à Bornéo. Trop foibles pour s’y faire reſpecter par les armes, ils imaginèrent de gagner la bienveillance d’un des ſouverains du pays, en lui offrant quelques pièces de tapiſſerie. Ce prince imbécille prit les figures qu’elles repréſentoient, pour des hommes enchantés qui l’étrangleroient pendant la nuit, s’il les admettoit auprès de ſa perſonne. Les explications qu’on donna pour diſſiper ces vaines terreurs, ne le raſſurèrent pas ; & il refuſa opiniâtrement de recevoir les préſens dans ſon palais, & d’admettre dans ſa capitale ceux qui les avoient apportés.

Ces navigateurs furent pourtant reçus dans la fuite : mais ce fut pour leur malheur. Ils furent tous maſſacrés. Un comptoir que les Anglois y formèrent quelques années après eut la même deſtinée. Les Hollandois, qui n’avoient pas été mieux traités, reparurent, en 1748, avec une eſcadre. Quoique très-foible, elle en impoſa tellement au prince qui poſſède ſeul le poivre, qu’il ſe détermina à leur en accorder le commerce excluſif. Seulement il lui fut permis d’en livrer cinq cens mille livres aux Chinois, qui de tout tems fréquentoient ſes ports.

Depuis ce traité, la compagnie envoie à Benjarmaſſen du riz, de l’opium, du ſel, & de groſſes toiles : objets ſur leſquels elle gagne à peine les dépenſes de ſon établiſſement, quoiqu’elles ne paſſent pas annuellement 33 000 liv. Ses avantages ſe réduiſent au bénéfice qu’on peut faire ſur un petit nombre de diamans trouvés de loin en loin dans les rivières, & ſur ſix cens mille peſant de poivre qu’elle obtient à 34 livres le cent. Ses agens même ne peuvent tirer de Bornéo, pour leur commerce particulier, qu’une aſſez grande quantité de ces beaux joncs, dont l’uſage s’étend de plus en plus dans nos contrées. On tire plus d’utilité de Sumatra.