Histoire du parlement/Édition Garnier/Chapitre 25

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CHAPITRE XXV.

DE LA MAJORITÉ DE CHARLES IX, ET DE SES SUITES.

Après la prise de Rouen et la bataille de Dreux, le chancelier de L’Hospital réussit à donner à la France quelque ombre de paix. On posa les armes des deux côtés, on rendit tous les prisonniers. Il y eut un quatrième édit de pacification signé et scellé à Amboise le 19 mars 1563, publié et enregistré au parlement de Paris et dans toutes les cours du royaume.

Le roi fut ensuite déclaré majeur au parlement de Normandie ; il n’avait pas encore quatorze ans accomplis ; né le 27 juin 1550, l’acte de sa majorité est du 14 auguste 1563 : ainsi il était âgé de treize ans un mois et dix-sept jours. Le chancelier de L’Hospital dit, dans son discours, que c’était pour la première fois que les années commencées passaient pour des années accomplies. Il est difficile de démêler pourquoi il parlait ainsi : car Charles VI fut sacré à Reims en 1380, âgé de treize ans et quelques jours. Ce fut plutôt pour la première qu’un roi fut déclaré majeur dans un parlement. Charles IX s’assit sur un trône ; la reine sa mère vint lui baiser la main à genoux ; elle fut suivie d’Alexandre, duc d’Orléans, qui fut depuis le roi Henri III ; du prince de Navarre, c’est le grand Henri IV ; ensuite Charles, cardinal de Bourbon, le prince Louis de Montpensier, François son fils, nommé le Dauphin d’Auvergne, Charles de la Roche-sur-Yon, rendirent le même hommage, et vinrent se ranger auprès du roi.

Le cardinal de Lorraine et le cardinal Odet de Châtillon, frère de l’amiral, suivirent les princes. Il est à remarquer que le cardinal de Châtillon[1] s’était déclaré protestant ; il s’était publiquement marié à l’héritière de Péquigny, et il n’en assista pas moins en habit de cardinal à cette cérémonie. Éléonore, duc de Longueville, descendant du fameux Dunois, baisa la main du roi après les cardinaux ; vint ensuite le connétable de Montmorency, l’épée nue à la main ; le chancelier Michel de L’Hospital, quoique fils d’un médecin, et n’étant pas au rang des nobles, suivit le connétable : il précéda les maréchaux de Brissac, de Montmorency, de Bourdillon. Le marquis de Gouffier de Boisy, grand-écuyer, parut après les maréchaux de France.

L’édit fut porté par le marquis de Saint-Gelais de Lansac au parlement de Paris, pour y être enregistré ; « mais, dit le président de Thou, ce parlement le refusa ; il députa Christophe de Thou (son père), Nicolas Prévôt, président des enquêtes, et le conseiller Guillaume Viole, pour représenter qu’aucun édit ne devait passer en aucun parlement du royaume sans avoir été auparavant vérifié à celui de Paris ; que l’édit sur la majorité du roi portait que les huguenots auraient liberté de conscience, mais qu’en France il ne devait y avoir qu’une religion ; que le même édit ordonnait à tout le monde de poser les armes, mais que la ville de Paris devait être toujours armée, parce qu’elle était la capitale et la forteresse du royaume ».

Le roi, quoique jeune, mais instruit par sa mère, répondit : « Je vous ordonne de ne pas agir avec un roi majeur comme vous avez fait pendant sa minorité ; ne vous mêlez pas des affaires dont il ne vous appartient pas de connaître ; souvenez-vous que votre compagnie n’a été établie par les rois que pour rendre la justice suivant les ordonnances du souverain. Laissez au roi et à son conseil les affaires d’État ; défaites-vous de l’erreur de vous regarder comme les tuteurs des rois, comme les défenseurs du royaume, et comme les gardiens de Paris. »

Les députés ayant rapporté à la compagnie les intentions du roi, le parlement délibéra : les sentiments furent partagés. Pierre Séguier, président qu’on nomme à mortier, c’est-à-dire président de la grand’chambre du parlement, et François Dormy, président des enquêtes, allèrent rendre compte de ce partage au roi, qui était alors à Meulan. Le roi cassa, le 24 septembre, cet arrêt de partage, ordonna que la minute serait biffée et lacérée ; et enfin le parlement enregistra l’édit de la majorité le 28 septembre de la même année.



  1. Voyez tome XII, page 506 ; c’est à ce cardinal de Châtillon que Rabelais dédia le quatrième livre de Pantagruel ; voyez dans les Mélanges, année 1767, la fin de la première des Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de ***.