Histoire du chevalier Grandisson/Lettre 69

Nouvelles lettres angloises, ou Histoire du chevalier Grandisson
Traduction par Abbé Prévost.
(tome VIp. 48-61).

LETTRE LXIX.

Le Chevalier Grandisson,
au Docteur Barlet.

à Boulogne, 21 Mai.

Vous avez dû juger, mon cher & respectable Ami, qu’il me seroit difficile de vous écrire avant mon arrivée dans cette Ville. L’exécution testamentaire m’a donné, à Paris, plus d’occupations que je ne m’y étois attendu. Enfin le succès a rempli toutes mes espérances. M. Lowther doit vous avoir informé des premiers événemens de notre voyage, & d’une avanture fort extraordinaire, qui nous est arrivée presque aux portes de Paris.

Le retardement de la belle Saison, nous a fait trouver quelque difficulté à passer le Mont-Cenis ; & d’un si mauvais tems, je n’ai pas été surpris de trouver le sommet de cette montagne, moins agréable qu’il ne l’est ordinairement au commencement de l’Été. Vous vous souvenez que l’Évêque de Nocera m’avoit offert de venir au-devant de moi, jusqu’au pied des Alpes : mais lui ayant écrit de Lyon que j’espérois de le voir à Parme, je l’ai trouvé dans cette Ville, chez M. le Comte de Belvedere, où il étoit arrivé la veille, avec le Pere Marescotti. Ils ont marqué tous trois une extrême satisfaction de me voir ; & lorsque je leur ai présenté M. Lowther, avec les éloges dûs à son habileté, en leur apprenant aussi que j’avois consulté les plus habiles Médecins de ma Nation, sur la maladie de leur Clémentine, ils m’ont comblé de bénédictions, jusqu’à m’ôter le tems de leur demander des nouvelles d’une si chere Famille. Disgrace ! affliction ! m’a dit seulement l’Évêque, avec un regard si triste, qu’il m’a pénétré de compassion. Il a voulu qu’avant son récit, on commençât par m’offrir quelques rafraichissemens.

À la fin, pressé par mes instances, il m’a dit : Jeronimo, le pauvre Jeronimo est vivant ; c’est tout ce que j’ai d’heureux à vous apprendre. Votre présence lui sera plus salutaire que tous les remedes. Clémentine est en chemin, pour revenir de Naples à Boulogne. Elle est d’une extrême foiblesse, obligée à mettre beaucoup de lenteur dans sa marche. On lui fera prendre quelques jours de repos à Urbin. Chere Sœur ! que n’a-t-elle pas souffert de la cruauté de sa Cousine, aussi bien que de sa maladie ! Le Général l’a toujours traitée avec amitié. Il est marié depuis votre départ, à une Dame, dont le mérite, la fortune & la naissance ne nous laissent rien à desirer. Il ne s’oppose point au desir qu’il nous a vu, de faire encore une tentative. Sa Femme a souhaité d’accompagner ma Sœur ; & ne pouvant vivre sans elle, il a pris le parti de faire aussi le voyage. S’il avoit pris conseil de moi, il seroit demeuré à Naples. Cependant j’espere, que vous le trouverez aussi disposé que nous, à la reconnoissance pour votre visite, & pour toutes les peines où vous n’avez pas fait difficulté de vous engager.

À l’égard de ma Sœur, a-t-il continué, sa santé n’a souffert aucune diminution ; mais il nous reste peu d’espérance que son esprit se rétablisse jamais. Elle garde un silence obstiné. Elle ne répond pas même aux questions qu’on lui fait. Camille est avec elle. C’est la seule personne qu’elle paroisse écouter. On lui a dit que le Général est marié. Cette nouvelle n’a fait aucune impression sur elle, non plus que les caresses de sa Belle-sœur, qui s’efforce d’obtenir son amitié. Nous espérons qu’à son retour, mon Pere & ma Mere auront plus de pouvoir sur son esprit. Dans ses plus fâcheux accès, elle n’a jamais oublié ce qu’elle doit à l’un & à l’autre. Camille croit lui voir quelquefois de l’attention, lorsqu’on lui parle de vous : mais cette situation dure peu. Tout d’un coup, elle tressaillit, avec une apparence de terreur ; elle regarde autour d’elle, elle met le doigt sur ses lévres, comme si sa crainte étoit que sa Cousine ne sache qu’on a prononcé votre nom devant elle.

Le Prélat, & le Pere Marescotti, regrettent également que l’entrevue qu’elle desiroit lui ait été refusée. Ils sont persuadés, tous deux, que cette complaisance, & celle de l’abandonner aux soins maternels de Madame Bemont, étoit la seule voie dont on pût espérer quelque succès. Mais à présent, dit l’Évêque… Il n’a point achevé. Un soupir a déclaré le reste.

Le lendemain, je dépêchai un de mes gens à Boulogne, pour me préparer un logement ; & nous nous mîmes en chemin l’après-midi. Le Comte de Belvedere trouva l’occasion de m’apprendre, que sa passion n’est pas ralentie, pour Clémentine, & que malgré sa maladie, il a fait de nouvelles ouvertures de mariage à la Famille. Comme il n’est pas question d’un mal héréditaire, il se promet tout, de la patience & des remedes. En nous quittant, après nous avoir accompagnés pendant une partie du chemin ; souvenez-vous, Chevalier, me dit-il, que Clémentine est le centre de mes espérances. Il m’est impossible d’y renoncer. Je n’aurai point d’autre femme. Le silence fut ma seule réponse. J’admirai la force de son attachement, & je le plaignis beaucoup. Il me promit d’autres explications à Boulogne.

Nous y arrivâmes le 15. J’y repris mon ancien logement. Pendant la route Jeronimo avoit été le principal sujet de notre entretien. L’Évêque & le Pere, n’eurent pas besoin d’entendre long-tems M. Lowther, pour prendre une haute opinion de son habileté ; & dans la satisfaction qu’ils en ressentirent, ils l’assurerent, qu’indépendamment du succès, son voyage seroit pour lui la plus avantageuse affaire qu’il eût jamais entreprise. Il répondit qu’étant au-dessus du besoin, l’intérêt avoit eu peu de part à ses vues, & qu’il étoit parfaitement satisfait des conditions que je lui avois déja fait accepter.

Jugez, cher Docteur, avec quelle émotion je revis le Palais Della Porretta, quoique Clémentine n’y fût point encore. Je me hâtai de passer dans l’appartement de mon cher Jeronimo, qui étoit instruit de mon arrivée. En me voyant paroître ; j’embrasserai donc encore une fois, s’écria-t-il, l’homme que j’aime, mon cher, mon généreux Grandisson ! Ah ! c’est aujourd’hui que j’ai assez vécu. Il pancha la tête sur son oreiller, pour me considérer d’un air attendri. Je voyois éclater, sur son visage, le plaisir au milieu de la douleur.

L’Évêque, qui n’avoit pu être témoin de cette tendre Scene, parut alors, & me dit que le Marquis & la Marquise étoient fort impatiens de me voir. Il me conduisit lui-même. L’accueil du Marquis fut civil ; mais celui de la Marquise ne peut être comparé qu’à celui d’une mere, qui revoit un fils après une longue absence. Aussi me dit-elle qu’elle m’avoit toujours regardé comme un quatrieme fils ; & qu’à présent, qu’elle venoit d’apprendre que je m’étois fait accompagner d’un habile Chirurgien, & que j’apportois les avis des plus grands Médecins d’Angleterre, elle reconnoissoit que les obligations de sa Famille ne pouvoient jamais être acquittées.

J’avois M. Lowther avec moi. Sur le champ, on fit appeler les Chirurgiens, qui traitoient le Seigneur Jeronimo. Ils ne firent pas difficulté d’expliquer leur méthode & leurs opérations. M. Lowther prit le ton d’un homme éclairé, qui respecte les lumieres d’autrui ; & la jalousie, naturelle pour les Étrangers, n’empêcha point que son mérite ne fût reconnu. Jeronimo, dans une confiance aveugle pour tout ce qui vient de moi, a souhaité qu’il prît une chambre près de la sienne. Depuis ce moment, M. Lowther, qui n’a pas cessé de l’observer, m’assure qu’il se rendra digne de sa confiance & de la mienne. Quel bonheur pour moi, cher Ami, si je devenois utile à la guérison du Frere & de la Sœur ! tous deux si chers l’un à l’autre, qu’on doute si leur mutuelle tendresse n’a pas beaucoup de part à la durée de leur maladie ! Mais que de présomption dans une si flatteuse espérance !

À présent, l’impatience commune est de voir arriver Clémentine. Elle est à Nocera. Le Général & sa Femme sont avec elle. Ce fier Comte ne peut soutenir l’idée de mon retour, ni penser avec modération qu’on me croie si nécessaire au rétablissement de sa Sœur. C’est ce que la Marquise m’a fait entendre, dans une conversation que je viens d’avoir avec elle. Elle m’a conjuré de me modérer, si quelque excès de sensibilité pour l’honneur de la Famille emportoit son fils au-delà des bornes. Dans cet entretien, je n’ai pas été peu surpris de lui entendre dire qu’elle commençoit à craindre que cette chere Fille, dont elle avoit eu si long-tems une si haute opinion, ne fût pas digne de moi, dans la supposition même qu’elle eût le bonheur de se rétablir. Un compliment de cette nature n’a pu manquer de me causer beaucoup d’embarras. Que pouvois-je répondre qui ne parût ou trop froid, ou peut-être intéressé, & capable de faire juger que je comptois trop sur une récompense que le Général croit encore au-dessus de moi ? Je me contentai de dire, & c’étoit avec vérité, que l’infortune de l’aimable Clémentine me la rendoit plus chere que tout l’éclat de sa fortune. Il n’y a point d’ouverture, répliqua la Marquise, que je ne sois portée à vous faire. Toutes mes résolutions sont en suspens. Nous ne savons à quel parti nous attacher. Votre voyage, entrepris au premier signe ; la possession où vous êtes d’un bien considérable dans le Pays de votre naissance, car vous devez bien juger que nous n’avons pas négligé les informations sur tout ce qui vous regarde ; Olivia, qui sans être une Clémentine, a des prétentions sur vous, & qui a quitté l’Italie, comme nous le savons, & comme vous l’avouez vous-même, pour les faire valoir en Angleterre, quelles obligations ne vous avons-nous pas ? À quoi nous résoudre ? Que devons-nous souhaiter ?

La Providence & vous, Madame, vous réglerez mes pas. Je suis en votre pouvoir. La même incertitude, qui vient de la même cause, ne me laisse pas plus qu’à vous la liberté de me déterminer. C’est au rétablissement de notre chere Clémentine que toutes mes idées & tous mes desirs se rapportent à présent, sans la moindre vue d’intérêt.

Permettez que je vous fasse une question, a-t-elle repris : c’est pour ma satisfaction particuliére. Si l’événement devenoit heureux pour Clémentine, vous croiriez-vous engagé par vos premieres offres ?

Lorsque je les fis, Madame, la situation, de votre côté, étoit la même qu’aujourd’hui : Clémentine ne jouissoit pas d’une meilleure santé. La seule différence, c’est que ma fortune a changé, & qu’elle répond à mes desirs. Mais je vous déclarai alors que si vous me faisiez l’honneur de me donner votre Fille, sans insister sur un article indispensable, je renoncerois volontiers à tout autre bien qu’elle, & je me reposerois de mon établissement sur la bonté de mon Pere. L’héritage de mes Ancêtres seroit-il capable d’altérer mes résolutions ? Non, Madame. Jamais je n’ai fait d’offre à laquelle j’aie manqué, lorsqu’il n’est point arrivé de changement dans les circonstances. Si vous vous relâchez sur l’article de la résidence, je me reconnoitrai fort obligé à votre bonté, sans vous proposer d’autre condition.

Elle a répété qu’elle ne m’avoit fait cette question que pour se satisfaire elle-même. Je parle sincérement, a-t-elle ajouté ; & jamais vous ne me trouverez coupable de mauvaise foi.

Je l’ai assurée que toute mon ambition étoit de répondre à l’opinion qu’elle avoit de moi. Je me crois lié, lui ai-je dit. Vous, Madame, & les vôtres, vous êtes libres. Quelle satisfaction, cher Docteur, pour un cœur aussi fier que vous connoissez le mien, de m’être trouvé en état de lui tenir ce langage ! Si m’abandonnant à mes inclinations, j’avois tâché de plaire à la jeune personne dont vous connoissez les charmes, comme je le pouvois avec honneur, & comme je l’aurois fait sans doute, si j’avois été moins touché des malheurs de cette noble Famille, je me serois engagé dans des difficultés qui augmenteroient beaucoup mes peines. Apprenez-moi, cher Ami, que Miss Byron est heureuse. Quelle que soit ma destinée, je me réjouis de n’avoir entrainé personne dans mes incertitudes. La Comtesse de D… est une femme respectable. Miss Byron mérite une telle Mere, & la Comtesse ne trouvera jamais une Fille plus digne d’elle. Que le bonheur de cette chere Miss est important pour le mien ! Je lui ai demandé son amitié. Je me suis bien gardé de souhaiter une correspondance avec elle, & je m’applaudis de ne m’être pas fié là-dessus à mon cœur. Quel auroit été mon embarras ! Graces au Ciel, je n’ai rien à me reprocher. Lorsqu’on ne se jette pas témérairement dans le danger, & qu’on n’a pas trop de confiance à ses propres forces, on peut espérer de sa propre prudence des secours proportionnés à l’occasion.

J’ai parlé à la Marquise, de Madame se Sforce, & de sa Fille, & je lui ai demandé si ces deux Dames étoient à Milan ? Vous savez, sans doute, m’a-t-elle répondu, le cruel traitement que Clémentine a reçu dans cette maison. Madame de Sforce prend parti pour sa Fille. Ce différend nous a mis fort mal ensemble. Elles sont toutes deux à Milan. Le Général a fait serment de ne les revoir jamais, s’il peut l’éviter. L’Évêque a besoin de toute sa Religion pour leur pardonner. Vous n’ignorez pas, Chevalier, les raisons qui ne nous permettent point de laisser prendre le voile à Clémentine.

J’ai conçu, Madame, que c’étoient des raisons de famille, fondées sur les dernieres dispositions de son Grand Pere ; mais je n’ai jamais eu la curiosité de m’en informer plus particulierement.

Ma Fille, Monsieur, est en possession d’une Terre fort considérable, qui touche à la principale des nôtres. Elle doit ce présent à ses deux Grands Peres, qui l’aimoient tous deux avec passion, & qui se réunirent, pour lui donner une marque solide de leur tendresse. L’un d’eux, qui étoit mon Pere, avoit aimé dans sa jeunesse une jeune personne d’un mérite extraordinaire, & s’étoit cru bien établi dans son cœur : mais lorsque de l’aveu des deux Familles le mariage étoit prêt à se conclure, un accès de piété mal entendue la porta tout d’un coup à se jetter dans un Couvent, où son impatience lui permit à peine d’attendre la fin des épreuves, pour former le dernier engagement. Dans la suite elle eut le malheur de s’en repentir ; & sa triste situation ne fut ignorée de personne. Mon Pere, d’ailleurs zélé Catholique, en conçut une aversion insurmontable pour le Cloître ; & remarquant de bonne heure un tour sérieux dans le caractere de Clémentine, il prit, de concert avec le Pere de mon Mari, la résolution de ne rien épargner pour lui ôter le goût de la vie religieuse. Leur dessein étoit aussi de fortifier les deux maisons par de bonnes alliances. En un mot, cette Terre s’étant présentée, ils l’acheterent à frais communs pour ma Fille ; &, par une clause spéciale de leurs Testamens, ils statuerent que si Clémentine prenoit le voile, un legs si riche passeroit à Daurana, fille de ma Sœur Sforce.

Nous étions bien loin de soupçonner que Daurana eût des sentimens fort passionnés pour le Comte de Belvedere, & que son dessein, comme celui de sa Mere, fût de pousser ma fille dans un Couvent, pour succéder à son bien, & pour s’assurer du Comte. Cruelle Cousine ! Cruelle Tante ! Avec les apparences d’une si vive affection pour ma Fille ! Malheureux le jour où nous la remîmes entre leurs mains.

Outre la belle Terre, qu’elle tient de ses Grands-Peres, nous pouvons faire beaucoup en sa faveur. L’Italie a peu de Familles aussi riches que la nôtre. Ses Freres ne considerent point leur propre intérêt, lorsqu’il est question des siens ; & je lui dois aussi cette justice, que sa générosité ne cede point à la leur. Nos quatre Enfans n’ont jamais connu ce que c’est que l’altercation. L’avantage de l’un est toujours celui de l’autre. Cette Fille, cette chere Fille, a fait de tout tems les délices de sa Famille. Quelle seroit notre joie de la voir rétablie, & mariée, suivant l’inclination de son cœur ! Cependant nous avions toujours cru remarquer que malgré les dispositions de ses Grands-Peres, son penchant étoit pour le Cloître. Mais à présent, Chevalier, vous ne vous étonnerez point que nous soyons résolus de nous y opposer. Pourrions-nous consentir à voir la cruauté de Daurana récompensée ? sur-tout lorsque nous ne pouvons plus nous dissimuler les motifs de sa barbarie ? L’aurois-je jamais pensé de ma Sœur Sforce ? Mais que ne peuvent l’Amour & l’Avarice, lorsque ces deux passions réunissent leurs forces ; l’une régnant dans le cœur de la Mere, & l’autre dans celui de la fille ? Hélas, hélas ! elles ont ruiné l’esprit de ma chere Clémentine. Le seul nom de Daurana lui cause de la terreur.

J’appréhende, mon cher Docteur, & je suis impatient tout à la fois de revoir l’objet de tant de larmes. Je souhaiterois qu’elle ne fût point accompagnée du Général. Ma crainte est de manquer de modération, s’il oublie la sienne. Je trouve dans mon cœur, que je n’ai pas mérité qu’on en use mal avec moi ; & que de mes Égaux sur-tout, ou de mes Supérieurs, je ne dois pas le souffrir. C’est un aveu que je vous fais avec confusion ; car cet orgueil étant un vice réel, il y a long-tems que je devrois l’avoir surmonté.

Mes plus tendres complimens à ceux pour qui vous me connoissez de l’affection. M. & Madame Reves sont du nombre. Je crois Charlotte heureuse. Si quelque chose manque à son bonheur, je suis persuadé que c’est sa faute. Dans l’égalité de ma tendresse pour mes deux Sœurs, qu’elle ne me donne pas sujet de dire que son Aînée est la meilleure, & par conséquent la plus aimable.

Olivia me cause de l’inquiétude. J’ai honte pour elle & pour moi, qu’avec sa naissance & ses bonnes qualités elle ait été capable d’une démarche qu’elle condamneroit dans une autre. Lorsqu’une femme a passé sur cette délicatesse, qui est comme le rampart de la modestie, que reste-t-il à la modestie même, pour se mettre à couvert de l’Ennemi ?

Dites à mon Émilie, qu’elle n’est jamais hors de ma mémoire, & que parmi les excellens exemples qu’elle a devant les yeux, ceux de Miss Byron ne doivent jamais sortir de la sienne.

Mylord L… & Mylord G… sont en pleine possession de ma tendresse fraternelle. Je n’écris point aujourd’hui à mon cher Belcher. Vous écrire, c’est écrire à lui.

Vous connoissez le fond de mon cœur. Si dans cette Lettre, ou dans les suivantes, il échappoit à ma plume quelque chose dont la communication vous parût demander des ménagemens, je compte sur votre discrétion avec plus de confiance qu’à la mienne.

J’attens de mes Amis un grand nombre de Lettres par le premier ordinaire. Ma Patrie, que j’ai toujours aimée, n’a jamais été si chere qu’aujourd’hui à votre, &c.

Grandisson.