Histoire du Parnasse/Anatole France

Éditions "Spes" (p. 370-387).

CHAPITRE IV
Anatole France

Un de ses plus grands admirateurs a dit : « M. Anatole France, que l’on osa prendre pour un poète parnassien, a toujours différé de ceux qu’on lui donnait pour maîtres par le souffle énergique d’une pensée exquise[1] ». Que devons-nous en penser ? Anatole France entre au Parnasse avec un bagage assez léger, car ses œuvres de jeunesse intéressent surtout ceux qui s’amusent à retrouver les sources de ses plagiats[2]. Il est inutile d’insister : personne n’ignore qu’A. France est le roi des plagiaires. À ses débuts au Parnasse, il est l’homme de deux livres, les idylles de Chénier, les tragédies de Racine. À la Villa Saïd on peut contempler un exemplaire de Chénier dont l’usure atteste les bons services[3]. France possède à merveille le genre d’André Chénier : on sait qu’il en a fait un pastiche à ce point réussi que Becq de Fouquières s’obstina à le maintenir dans ses éditions savantes comme parfaitement authentique[4].

Chénier passe pourtant dans son admiration après Racine. Racine est le seul homme dont France ait gardé le culte toute sa vie[5]. La question a été traitée à fond par M. G. des Hons, dans un livre si pondéré qu’il nous réconcilierait avec la manie des sources. Ses rapprochements ne sont pas exagérés. Il nous montre France puisant dans Racine comme Racine avait puisé dans les Anciens[6].

On s’aperçoit vite au Parnasse que le nouveau venu est tout Racinien[7] ; cela n’est pas pour déplaire à Leconte de Lisle : France a dû avoir un joli succès, s’il a récité, boulevard des Invalides, la pièce qu’il compose, le 4 décembre 1865, après une représentation de Phèdre :


Dis-nous, dis-nous souvent tes épiques douleurs,
Ô fille de Minos ; rends-nous et ces beaux pleurs
Que tu mêlas jadis à la source limpide
Où, sous les peupliers, t’évoquait Euripide,
Et les pleurs pénitents qu’en regardant les cieux
          Racine a versés dans tes yeux[8].


Il admire encore, à la Béchellerie, le maître dont il a voulu posséder toutes les éditions : « C’est mon poète préféré. Je le lis toujours, et je le sais presque par cœur. La nuit, quand je ne dors pas, je me récite à moi-même les passages que je préfère ». Il aime tout en lui, et particulièrement son hellénisme : « c’est le plus grec de nos poètes, déclare-t-il ; tout le charme de l’antique Hellas est passé dans ses vers. Seuls les incomparables maîtres de Port-Royal ont pu donner à leur élève une si complète connaissance du génie grec[9] ». Peut-être y a-t-il dans cet éloge un peu d’ironie francienne contre quelqu’un : mettre si haut l’hellénisme de Racine, c’est probablement rabaisser le grécisant Leçon te de Lisle. Mais, au moment où nous sommes, à l’entrée de France au groupe parnassien, il n’est pas encore question d’ironies ; c’est même un très modeste compagnon : il pénètre au Parnasse par la petite porte.

Au passage Choiseul, il fréquente d’abord le rez-de-chaussée, la boutique du libraire. Il se présente à Lemerre comme fils du bouquiniste Thibault. Il rédige pour son patron des plaquettes de bibliophilie, qu’il n’a pas le droit de signer[10] ; puis il monte en grade, et devient lecteur, assez mauvais lecteur même, parce qu’à cette époque-là il est encore paresseux ; il tient mal ses engagements, et se fait rabrouer d’importance par l’éditeur[11]. En 1867, il fait la connaissance de Mendès ; il est autorisé à gravir l’escalier tournant qui monte à l’entresol parnassien[12]. Enfin, il est admis au salon de Leconte de Lisle, mais là ses débuts sont presque fâcheux : le fils du petit libraire est gauche, timide, silencieux ; il se tient assis au second rang ; il passe toute la soirée sur sa chaise, sans oser se mêler au mouvement de la conversation ; on ne lui demande pas de dire de vers. Il ne commence à compter qu’après la publication de La part de Magdeleine dans le Parnasse de 1869[13]. Alors, il s’enhardit jusqu’à parler un peu ; il tâche de se mêler à la vie du salon : l’impression devient plus fâcheuse encore ; jusque là on le considérait comme une quantité négligeable ; maintenant on se défie de ce grand diable de vingt-cinq ans, gauche, dégingandé, à qui ces jeunes esprits forts trouvent un relent de sacristie ; le couplet de Calmettes sur cette phase de la vie de France au Parnasse vaut d’être cité : « il n’avait pas encore dépouillé les allures hésitantes que sa timidité jointe à son désir de plaire imprimait à sa complexion. Ces alternatives d’élan et de retraite furent taxées d’équivoques. Le jeune France dilatait Içs yeux, et l’on disait qu’il avait l’air d’épier ; il parlait la main sous le menton, en agitant la paume comme pour empêcher ses paroles de tomber par terre, et l’on disait qu’il servait sur un plat les compliments à l’interlocuteur. De l’éducation chez les Maristes de Stanislas…, il avait gardé l’habitude des avancements de corps, des sourires appris que l’on déclarait obséquieux. Cette parade cérémonieuse lui faisait prêter des desseins cauteleux[14] ». Ce milieu est républicain, donc soupçonneux : on remarque qu’après avoir écouté une tirade enflammée contre l’Empire, France s’avance vers l’orateur, avec une sorte d’enthousiasme, et semble dire : — serrons-nous la main, puisque nous pensons de même. — Mais quand il lui arrive de parler spontanément, de se livrer presque, on aperçoit son admiration pour la richesse, l’autorité, l’ordre établi[15]. On ne le trouve ni franc ni sûr, et cette mauvaise impression persistera jusqu’à la fin : un jour, à la Béchellerie, Courteline, de sa voix gouailleuse, lui dit en face ce que les autres se contentent de croire in petto : « Enfin, mon cher Courteline, vous savez bien que j’aime votre œuvre. — Permettez, permettez, mon cher Maître, je sais que vous me le dites, mais j’ignore ce que vous pensez[16] ».

À ses débuts, France poursuit lentement, prudemment, son chemin, faisant montre de la plus diplomatique modestie ; un soir, c’est en 1875, il sort de sa poche le manuscrit d’une pièce qu’il vient de terminer, et qu’il veut soumettre à Leconte de Lisle ; il hésite, il est inquiet : « Vous n’allez peut-être pas aimer cela, cher maître. C’est si différent de ce que vous faites ». Puis, il lit ces vers, qu’il n’a pas reproduits dans ses œuvres, et que nous ne connaissons que par l’appréciation de Leconte de Lisle : « c’est très bien, cher ami, surtout le passage où le bébé nu, dans sa petite baignoire de zinc, voit arriver sa marraine qui lui apparaît comme une fée. C’est un peu mystérieux, une marraine ; c’est quelqu’un qui est de la famille, non par la voix du sang, mais par celle du cœur, et par la vertu du baptême, ce mystère. Pourquoi pensiez-vous que je n’aimerais pas cela ? Croyez-vous donc »que je n’aie pas été petit ? » France exulte ! Le 10 janvier 1876, il écrit à Jules Breton : « Leconte de Lisle est charmant… C’est le plus aimable des hommes[17] ».

Le compliment à outrance n’est pas chez lui une manie, mais un système. On pourrait en trouver de nombreux exemples chez son implacable secrétaire[18]. Aucune de ces flagorneries ne vaut celle-ci, qu’il servit, avec succès, au banquet de la Société de la Révolution Française : « vous remuez des montagnes de documents. Vous êtes les titans de l’histoire ! » Les délicats qui trouveraient cet éloge un peu massif se tromperaient : France est dans la note juste, puisque, d’après le compte rendu officiel, « ce beau discours provoqua les applaudissements enthousiastes de l’assistance[19] ». France se fait bien voir par ses compliments, mais il s’impose surtout par ses brocards. Le « bon maître » a des méchancetés insignes. Sur Jules Lemaître, qui était son ami, il distille quelques confidences : « Lemaître ! quel esprit charmant ! Mais il s’est usé de toutes les façons. Savez-vous qu’il travaillait, ayant toujours à côté de lui, sur sa table, un flacon de rhum, dont il buvait de nombreux petits verres, au fur et à mesure que les heures passaient ; à la fin du travail, le flacon était vide. Vous comprenez, à la longue cela l’a tué… » Il revient encore à la charge, avec attendrissement : « Jules Lemaître était un homme délicieux ; malheureusement il avait une vieille maladie qui lui démolissait le cerveau[20] ! »

Cet homme dangereux se fait donc peu à peu une situation au Parnasse par ses caresses et par ses morsures. Reconnaissons qu’il conquiert de l’autorité par des moyens plus légitimes. Son érudition, très supérieure à celle des camarades, n’excite pas leur jalousie, mais leur admiration[21]. C’est mieux qu’un érudit, c’est un penseur. Sa théorie de la poésie objective, développée dans l’article dont nous avons parlé, devient la doctrine même du Parnasse : dans le salon de Leconte de Lisle on vit longtemps sur ce système[22]. France a une esthétique générale à laquelle se réfèrent ses critiques de détail, et cela lui donne une supériorité incontestable dans les discussions techniques ; de là, sa victoire sur Paul Bourget dans leur controverse sur l’épithète vraiment poétique : « ce n’est pas par l’emploi systématique de l’épithète générale qu’on donne au vers de l’étendue ; c’est par la rigoureuse conformité de cette épithète. avec la pensée dont elle participe. Sans l’harmonieuse union des mots, sans leur vertu d’expansion réciproque, pas de sensation poétique qui s’éveille, grandisse et se prolonge, pas de vers qui rebondisse[23] ». Ses théories sont vérifiées par la finesse de son oreille : il ausculte les vers à la perfection. C’est lui qui découvre dans les Poèmes Saturniens un vers de treize pieds ; il le signale à Verlaine qui n’en avait pas eu conscience[24]. Enfin, son érudition (dont il ne faut pas exagérer la profondeur) donne une base solide à ses théories[25]. Il a étudié chez Molière l’importance et la place des mots de valeur, par exemple dans ces deux vers du Misanthrope :


Non, non, il n’est pas d’âme un peu bien située
Qui veuille d’une estime ainsi prostituée.


« Les mots qui portent sont ceux qui, placés à la césure ou à la fin des vers, sont projetés par le rythme : âme, bien située, estime prostituée. Ces notes résonnent si clairement qu’on est contraint de les entendre, et elles satisfont la pensée. Par l’instinct du génie, Molière a toujours ainsi forgé ses meilleurs vers. La cadence y donne du ballant aux termes principaux, qui sont à la césure ou à la rime[26] ».

Peu à peu France est devenu une des gloires du Parnasse. À distance, jugeant l’École dans le recul de ses souvenirs, Calmettes l’aperçoit « à côté de Leconte de Lisle, et le premier du Parnasse après le maître[27] ». Il a quitté la chaise sur laquelle, au début, il s’incrustait, silencieux ; sans doute, il n’a pas encore conquis l’élégant prestige qui viendra plus tard ; sa tête est désagréable à regarder, tant elle est lourde et retombante : un nez interminable s’incline sur une barbe mal taillée qui prolonge toutes les lignes descendantes de la figure[28] ; sa démarche, remarque Mlle Breton, est un peu « celle des oiseaux de marais appelés échassiers » ; mais enfin, il marche dans le salon, il va de groupe en groupe, il pérore, il pontifie, soulignant chaque idée importante par un mouvement spécial de la main droite, le pouce et l’index joints[29]. On l’écoute ; il devient un centre. Il dirige maintenant un groupe dont les membres principaux sont Frédéric Plessis et Paul Bourget[30]. Ce dernier lui rend un hommage précis qui donne la date de l’avènement d’A. France : « je l’ai connu, un peu après la guerre de 70, tout jeune, et accepté déjà par ses cadets comme un maître. C’était exactement en 1873[31] ».

Cette prééminence date de son envoi au Parnasse de 1869, qui comprend seulement deux pièces, mais remarquables toutes deux. La Danse des Morts est curieusement sculptée, ironique sans excès, quoiqu’elle reproduise la grande ironie macabre. Le poète antireligieux des Noces Corinthiennes a encore des mots de croyant : sans doute cette danse est lugubre : elle aboutit à la géhenne :


Oui, mais dans cette nuit étalée au grand jour
On sent l’élan commun de la pensée humaine,
On sent la foi profonde, — Et la foi, c’est l’amour !


Le matérialiste conclut :


Oh ! bienheureux ceux-là qui croyaient à l’Enfer[32] !


La seconde pièce, La Part de Magdeleine, était déjà célèbre avant de paraître au Parnasse : elle avait été déclamée par Agar à l’ancienne salle Gerson, où les Parnassiens avaient organisé des lectures ; c’est le premier pas de France vers la faveur du public, comme aussi vers la perfection parnassienne[33]. Il devient sévère pour lui-même ; il brûle un recueil, Statues et Bas-Reliefs, qui ne le satisfait plus ; il n’en garde qu’un sonnet, La Mort de César ; encore ne l’admet-il pas dans l’édition définitive de ses poésies, se reprochant de l’avoir reproduit dans la première édition des Poèmes Dorés[34].

Ce volume, dédié à Leconte de Lisle « en témoignage d’une vive et constante admiration », contient mieux que des vers : de la vraie poésie ; ainsi, pour rendre les sourdes inquiétudes d’une femme qui soupire, éprise de l’amour, il a ce vers vraiment fluide :


Elle laisse errer son regard couleur de mer[35].


La forme est souple, mais parfois l’inspiration est inquiétante. France reprend l’idée de Victor Hugo dans Les Voix Intérieures ; rêvant sur l’avenir de Paris abattu par les siècles, Hugo aperçoit encore l’Arc de Triomphe, la Colonne Vendôme, Notre-Dame, c’est-à-dire la gloire militaire, le génie, et l’art religieux. Dans sa Vision des Ruines, Anatole France, devant Paris réduit au sort de Ninive ou d’Ecbatane, ne voit subsister que la femme de Carpeaux au guichet du Louvre :


C’est un corps de femme accroupie,
Un corps lascif, jeune et lassé,
Qui fut sans doute caressé
Par le regard d’un siècle impie[36].


Déjà la hantise chamelle, qui chez lui ira croissant avec l’âge, apparaît ici, et reparaît dans La Prise de Voile[37]. On a voulu, avec quelque vraisemblance, expliquer tout Anatole France, art, philosophie, religion, par la révolte de sa sensualité contre les ennemis de la chair, principalement contre le christianisme[38]. C’est bien là le sens de sa Leuconoë surtout si on la lit encadrée dans sa conférence de Rio de Janeiro sur les dieux asiatiques du premier siècle de l’ère chrétienne x. C’est la même doctrine dans Le Venusberg[39] ; A. France magnifie Tannhäuser qui, n’ayant pu obtenir son pardon de Rome, retourne à Vénus ; il blâme le Pape qui n’a pas eu la manche assez large :


Il ne faut pas ainsi désespérer les âmes ;
Si ceux-là sont damnés qui furent amateurs
Du parler clair et du clair sourire des dames,
Hélas ! le Paradis n’aura plus de chanteurs[40].


La même thèse est reprise tout au long dans Les Noces Corinthiennes dont la première partie paraît dans le Parnasse de 1876. De tous les poèmes d’Anatole France c’est le plus parnassien, car c’est surtout là qu’on peut constater l’influence de Leconte de Lisle ; Mendès seul se refuse à la reconnaître, obsédé par son désir de diminuer le trop puissant maître : il définit l’auteur des Noces « un poète racinien à la façon d’André Chénier[41] ». C’est une simple logomachie ; pour s’en convaincre il suffit de lire la courte préface du poème : c’est la pure doctrine parnassienne, c’est la philosophie même de Leconte de Lisle, c’est sa théorie sur la science et la religion, nuancée d’un peu de respect ironique : impie, France parle avec piété de la religion ; il lui préfère la science, mais, dit-il, « c’est une pensée peu scientifique de croire que la science puisse un jour remplacer la religion. Tant que l’homme sucera le lait de la femme,… il rêvera. Et qu’importe que le rêve mente, s’il est beau ? » Il n’est pas jusqu’à la Maïa, chère à Leconte de Lisle, qui ne finisse par apparaître : « N’est-ce pas le destin des hommes d’être plongés dans une illusion perpétuelle ? Et cette illusion n’est-elle pas la condition même de la vie ? » Dans Les Noces, aussi bien que dans La Révolte des Anges, il reprend à son compte l’Hypatie de Leconte de Lisle[42].

L’influence subie par France est visible jusque dans l’emploi des noms calqués sur le grec :


Au long des jours de miel et des heures amères
Suis doucement le fil que te tournent les Mœres[43].


Cet hellénisme souligné est une marque de la fabrique parnassienne, une contrefaçon même, car il est bien inférieur à celui de Leconte de Lisle, comme tous les pastiches, comme tout ce qui est tendancieux et sournois[44]. Du reste, l’intéressé lui-même s’en rend bien compte, et l’avoue dans un accès de modestie dont il faut lui savoir gré : visitait le théâtre d’Orange où, deux ans auparavant on avait joué Les Noces Corinthiennes, et voulant se rendre compte de l’acoustique, il monte sur le proskenion, et récite une tirade empruntée non à sa pièce, mais à Œdipe Roi[45]. L’idée est vraiment jolie, comme aussi l’hommage qu’il rend à J.-G. Frazer, dans sa préface aux Heures de Loisir : « Frazer a éclairé d’une lumière nouvelle cette antiquité grecque que nous croyions connaître[46] ». L’hellénisme qu’il connaît, c’est celui des sophistes[47]. C’est en sophiste qu’il fait, devant Jules Breton, l’éloge des divinités grecques, pendant qu’il écrit Les Noces Corinthiennes : « les dieux les plus intéressants sont ceux de l’antiquité, ceux qui symbolisent les forces de la nature. On les a indignement calomniés. Nous devons, nous poètes, les défendre, les réhabiliter, les remettre sur leur piédestal[48] ». Bien entendu il ne croit pas à ces dieux, puisqu’il est athée, mais c’est une façon de dire qu’il préfère le paganisme au christianisme[49].

Son érudition mythologique n’est pas toujours sûre Daphné dit à sa mère qu’elle a promis de suivre Hippias,


…fidèle, en sa chambre d’ivoire,
Ou de dormir avec Caron dans la nef noire[50].


On ne dort pas dans la barque du Styx, avec ou sans Caron. À défaut d’une histoire de la mythologie grecque, France aurait dû consulter le sonnet de Baudelaire :


Quand don Juan descendit sur l’onde souterraine…


Mais à quoi bon insister ? Ne serait-il pas naïf de discuter la pureté de son hellénisme dans une pièce aussi composite, aussi « contaminée » ? Kallista a lu Shakespeare, et cite, discrètement, du Macbeth, quand elle dit à sa fille :


Et toi-même, qui donc, en tes jours de langueur,
Du vin spirituel viendrait nourrir ton cœur
Affaibli par le lait de la tendresse humaine[51] ?


Quant à l’auteur, il a lu, pour écrire ce drame pseudo-grec, Les Martyrs, et surtout Atala ; toute l’intrigue des Noces est empruntée à Chateaubriand : la chrétienne Kallista, gravement malade, et voulant obtenir de Dieu sa guérison, fait le vœu que sa fille Daphné prendra le voile ; elle demande en outre, que si sa fille viole ce vœu, l’enfer ne soit que pour elle, Kallista. Daphné, qui aime Hippias, ne voit pas d’autre remède que le suicide. C’est exactement le nœud du roman de Chateaubriand, et son dénoûment : la mère d’Atala lui dit, pour forcer sa volonté : « Songe que je me suis engagée pour toi…, et que si tu ne tiens pas ma promesse, ce sera moins toi qui seras punie, que ta mère dont tu plongeras l’âme dans des tourments étemels[52] ». Atala s’empoisonne, et Daphné suit son exemple. Les Noces Corinthiennes sont du Chateaubriand, et non du christianisme, car c’est du Chateaubriand et, en plus, de la haine pour l’Église. Quel rôle joue ici le christianisme ? En face du paganisme incarné dans l’ardent et bel Hippias, dans le bon vieillard Hermas, la foi est représentée par deux femmes et un évêque : Kallista est une matrone égoïste et hystérique ; Daphné, victime des idées religieuses de sa mère, est une étrange chrétienne : elle veut célébrer son mariage avec Hippias à la païenne, à la romantique, dans le tombeau de famille. Elle discute religion avec son fiancé qui l’engage à renoncer à son christianisme : pauvre d’esprit, voici tout ce qu’elle trouve à lui répondre :


Christ Jésus doit un jour ressusciter les siens :
Voilà ce que du moins enseignent les anciens.
Homme, tu peux tenter d’éclaircir ce mystère.
Moi, femme, je dois croire, adorer, et me taire.
Christ est le Dieu des morts…


L’évêque Théognis devrait la renvoyer à son catéchisme, et même le réapprendre pour son propre compte, car il bénit, sans l’ombre d’un scrupule, l’union d’un païen et d’une chrétienne. On s’aperçoit très vite, à la lecture, que le poème a été composé pendant que l’auteur de La Vie de Jésus écrivait ses Origines du Christianisme, et sous leur influence[53]. Mais la palette de France est moins brillante : il assombrit encore le crépuscule de Renan. On l’a entendu déplorer la sombreur d’une église, et, avant même d’en être sorti, s’écrier : — Que cet art chrétien est donc triste[54] ! » C’est l’effet qu’il a voulu obtenir dans Les Noces. À la fin de la première partie, Daphné, forcée de renoncer à son amour, proteste amèrement :


Réjouis-toi, Dieu triste, à qui plaît la souffrance !


Ce poème est une vraie machine de guerre contre la foi, biendissimulée du reste, car d’aucuns s’y sont laissé prendre, avec quelque candeur : Jules Tellier, Barrès, Rodenbach, etc.[55]. Les amis et les ennemis déclarés du catholicisme y ont vu plus clair. Le P. Poncel déclare que « ce poème exquis est une agression voilée[56] ». Par contre, George Sand, qui est « affranchie », remercie France de lui avoir envoyé son drame, son merveilleux drame : « c’est beau et frais comme l’antique, et me fait pleurer, une fois de plus, l’œuvre malsaine du christianisme… Vos vers frappent ce mensonge en plein cœur, et ils sont beaux parce qu’ils ont une grande portée ; faites-en encore, vengez la vie de cette doctrine de mort[57] ». Les Noces Corinthiennes, c’est l’envers de Polyeucte ; ou encore c’est le Celse de M. Louis Rougier : étudiant le conflit de la civilisation antique et du christianisme primitif, l’auteur de ce Celse, paru dans la collection des « Maîtres de la pensée antireligieuse », semble à un moment se contenter de résumer Les Noces Corinthiennes, mais d’une façon plus franche qu’Anatole France[58] ; celui-ci joue longtemps une sorte de jeu autour de la religion ; toute sa simili-piété tombe brusquement quand la situation capitale apparaît, à la seconde partie : Hippias, voyant le Christ se dresser entre Daphné et lui, le provoque. Jusque là industrieux à tisser des paroles pieuses, France blasphème avec spontanéité par la bouche d’Hippias, et proteste avec conviction, au nom de son épicurisme, contre l’ascétisme chrétien[59]. Pour son propre compte, il parle avec autant de violence que son Hippias : célébrant le poète Ady, qu’il trouve inquiet, révolté, intolérant, il conclut : « depuis-Jésus-Christ, la tristesse qui émane de sa religion, la pensée de la mort, nous ont tous rendus ainsi. Le catholicisme a tué les admirables forces païennes[60] ».

Une œuvre de haine a bien du mal à paraître vraie aux yeux de l’historien. Je ne vois guère que Jules Lemaître qui admire là « une vive intelligence de l’histoire[61] ». Mais en revanche, la passion antireligieuse peut être scénique. Quelqu’un s’avise que le poème est fait pour les planches : des comédiens amateurs jouent, le 27 janvier 1884, au Cercle des Arts Intimes le texte d’Anatole France adapté à la scène par Sarcey lui-même : celui-ci se donne beaucoup de peine, corrige, supprime, fait des raccords, des adjonctions ; puis, dans Le Temps du 4 février, il embouche la trompette : « le succès a dépassé notre attente ; nous n’aurions jamais cru qu’un poème, conçu en dehors de toutes les données scéniques ordinaires pût ainsi prendre le public[62] ». Ce n’est pas l’apôtre du bon sens qui exulte ainsi, c’est l’anticlérical, et l’on devine bien à quel endroit de la pièce il a découvert « la scène à faire » : Les imprécations d’Hippias contre le Dieu des Galiléens le ravissent[63].

Ce n’était qu’un succès de coterie. Le vrai public n’avait pu encore dire son mot. Grâce au directeur de l’Odéon, Ginisty, la pièce est enfin jouée dans une vraie salle, le 30 janvier 1902[64]. La critique se réserve : Larroumet constate que le poème, en tant que pièce, se tient solidement sur les planches ; il insiste surtout sur la beauté des vers[65]. Paul Fiat, sévère pour l’interprétation, discute le fond, et notamment la dureté du dénoûment : « n’est-ce pas l’effet de la rancune du poète contre le Dieu qui n’aime pas les noces[66] ? » À la question posée par M. Flat, on peut répondre affirmativement : l’Église condamne les joies de la chair, et c’est ce qui irrite Anatole France. Mais qui nous dira l’opinion du public ? Que pensèrent surtout les spectateurs qui, au Théâtre Français, le 11 mars 1918, assistèrent à la représentation troublée par les Gothas ? L’auteur fait bonne contenance, et le public ordonne que la représentation continue[67]. C’est un signe de bravoure, mais non une marque d’intérêt : elle semble d’un autre âge, et d’un médiocre réconfort, « cette œuvre harmonieuse et violente, écrit M. Doumic, où M. Anatole France dit son fait au Dieu des chrétiens[68] ».

Reste donc le charme des vers, qui peut pâlir un instant au contact de la dure réalité, mais qui reparaît intact, après l’alerte. Les Noces Corinthiennes sont délicieusement écrites. France n’a eu que de minuscules corrections à faire au premier texte avant de le publier dans ses Poésies. Une seule est assez intéressante : au Parnasse il écrit : Karon, et Caron dans ses œuvres. C’est une façon de nous prévenir qu’il a renoncé à Leconte de Lisle, à ses pompes, et à son hellénisme. Pour tout le reste, son vers demeure inaltérable, intangible. Qui change un mot détruit une beauté : Sarcey, le citant de mémoire, commet une variante qui est fâcheuse :


Je n’ai point fait de mal à ce jeune immortel.


C’est un jeton de plomb, à côté de la vraie médaille :


Je n’ai jamais fait tort à ce jeune immortel[69].


On peut différer d’avis sur la thèse soutenue dans ce poème, mais non sur la beauté de la forme[70]. En ce sens, M. Ernest-Charles a eu le droit de dire que le théâtre parnassien eut ainsi son chefd’œuvre ; mais il ajoute que le prosateur, en grandissant, a rejeté dans l’ombre le poète[71]. C’est, au contraire, le succès de ses œuvres en prose qui donne l’idée de porter au théâtre son poème dramatique : Les Noces, sans cela, n’auraient jamais pu rivaliser avec Le Passant. France devient le plus grand de nos écrivains en prose à la fin du xixe siècle, grâce à ses vers et à l’art parnassien, grâce aussi à Mme de Caillavet qui le devine et le dirige ; cette influence discutable au point de vue politique, est un des cas littéraires les plus curieux, mais sort de notre étude[72]. Mme de Caillavet fait de lui un mondain irréprochable, un merveilleux causeur, mais elle ne peut, comme Mme de La Fayette parlant de La Rochefoucauld, se vanter d’avoir réformé son cœur, et de lui avoir enseigné la reconnaissance : on sait son ingratitude noire envers Leconte de Lisle.

Le Maître lui avait prouvé son affection par des conseils, des éloges, des services. Il l’aide puissamment, en 1876, à obtenir un poste déjà convoité sous l’Empire : c’est grâce à Leconte de Lisle que France est attaché à la Bibliothèque du Sénat. Le grand poète pousse l’amabilité jusqu’à l’aider à terminer un Dictionnaire de Cuisine, commencé par Dumas[73] ! À ce moment, France est « dévôt au Maître », dit un habitué du salon[74] ; il épouse ses idées ; il commente le sonnet des Montreurs, et montre en Jean-Jacques Rousseau leur ancêtre : nous avons hérité de sa manie de se raconter, d’étaler ses infirmités, « indélicatesse roturière… Tous, nous nous confessons plus ou moins en habit d’arménien[75] ». Surtout, nous l’avons vu : au zénith de son talent poétique, France suit l’orbite de Leconte de Lisle ; il adopte sa manière, et lui doit une bonne part de son drame corinthien[76]. D’où vient donc ce cri de colère du disciple contre le maître : « cet homme a tout desséché autour de lui[77] ! » À partir du moment, où A. France prend conscience de sa valeur, il sent monter en lui des désirs d’indépendance, des vélléités d’indiscipline, et Leconte de Lisle, qui s’en aperçoit, laisse échapper parfois le trop plein de sa rancune[78]. Sa colère dut éclater quand il put lire la page vraiment admirable où France, brossant une apologie du moyen âge, oppose nettement son tableau aux caricatures qu’on trouve dans les Poèmes Barbares ou les Poèmes Tragiques : « Mille images éparses de la vie de nos pères brillent et s’agitent à la fois dans mon imagination ; j’en vois de terribles et j’en vois de charmantes. Je vois de sublimes artisans qui bâtissent des cathédrales et ne disent point leur nom ; je vois des moines qui sont des sages, puisqu’ils vivent cachés, un livre à la main, in angello cum libello ; je vois des théologiens qui poursuivent, à travers les subtilités de la scolastique, un idéal supérieur ; je vois un roi et sa chevalerie conduits par une bergère. Enfin, je vois partout les saintes choses du travail et de l’amour, je vois la ruche pleine d’abeilles et de rayons de miel. Je vois la France, et je dis : Mes pères, soyez bénis ; soyez bénis dans vos œuvres qui ont préparé les nôtres ; soyez bénis dans vos souffrances qui n’ont point été stériles, soyez bénis jusque dans les erreurs de votre courage et de votre simplicité[79] ». J’ai cité cette page in extenso, parce qu’elle rachète bien des choses ; c’est la plus généreuse des inspirations d’Anatole France, mais c’est aussi une déclaration de guerre, et voici l’attaque brusquée : un beau jour, dans un de ses articles du Temps, France fait l’éloge de ce symbolisme que haïssait Leconte de Lisle[80]. Huysmans prétend gaîment que le symbolisme, auquel il ne croit pas, est « une immense mystification montée par A. France pour embêter les Parnassiens[81] ». Leconte de Lisle, lui, trouve la plaisanterie amère ; il est persuadé, très sérieusement, que son ancien élève a inventé le symbolisme pour lui jouer un mauvais tour ; il laisse voir la profondeur de sa blessure[82]. Il se fâche violemment, et sa fureur vient de ce qu’il a parfaitement compris, dans l’article qui lance Moréas, toutes les perfidies, toutes les attaques sournoises qui le visent, lui, Leconte de Lisle : « les révolutionnaires s’étonnent seuls qu’on fasse des révolutions après eux… M. Théodore de Banville, le plus habile des poètes à manier les rythmes… Banville, notre père… » France fredonne un De Profundis sur l’école parnassienne enterrée par le groupe de Moréas ; celui-ci marche en triomphateur, « suivi de cinquante poètes, ses disciples ! » Enfin, Anatole France traite de ridicule toute la prosodie parnassienne,, et voici le « Bonsoir, Messieurs ! » qu’il lance à ses anciens compagnons : « j’ai jadis récité dévotement, en bon parnassien, les litanies de Sainte-Beuve à Notre-Dame la Rime… Je ne renie pas ma foi. Mais je puis, sans apostasie, reconnaître que la prosodie qui s’en va était bien livresque[83] ».

Pour appeler les choses par leur nom, cet article est une mauvaise action ; et, chose bizarre, les rieurs ne sont pas du côté de France : au nom des symbolistes, Gustave Kahn le traite de très haut, avec dédain, presque avec dégoût[84]. De son côté, Leconte de Lisle riposte par cette déclaration faite à Huret, c’est-à-dire à l’Écho de Paris : « il y a un homme dont je ne vous parlerai pas, à qui j’ai donné dans le temps, de toutes les façons, des preuves d’amitié, mais qui, depuis, m’a odieusement offensé. C’est M. Anatole France. Je reconnais son talent, qui est délicat et subtil, mais j’estime peu son caractère[85] ». L’autre manque d’esprit, pour une fois : au lieu de s’écrier, comme Talleyrand gifflé, « Oh ! l’énorme coup de poing ! », France a la maladresse de se fâcher, de riposter en l’honneur de la galerie, tout en se déclarant « désarmé devant un homme de son âge » ; Leconte de Lisle, qui a quelques duels sur la conscience, répond froidement dans l’Écho : « malgré mon âge et toute la distance qui nous sépare, je suis prêt à lui accorder l’honneur d’une rencontre. Deux de mes amis attendront ses témoins chez moi, 64, boulevard Saint-Michel, dimanche 3 mai, à deux heures de l’après-midi ». Eviradnus fait reculer Zéno. Il ne reste plus au malheureux France qu’à tâcher de sauver la face ; il le tente, toujours dans l’Écho de Paris : « s’il oublie généreusement en ma faveur qu’il est né en 1820, il est de mon devoir de ne pas l’oublier. Faut-il donc que je lui apprenne qu’il est une de ces gloires auxquelles on ne touche pas[86] ? » Puis, tout vibrant de rancune, et oubliant qu’une affaire d’honneur arrangée lui impose au moins le silence, Anatole France, vaincu et diminué, cherche à toucher à cette gloire, mais avec prudence : il compose à l’avance le discours que son vain-, queur prononcera à l’Académie ; il raille ce pyrrhonien qui doute de tout, sauf de la beauté de ses vers, et qui incarne l’orthodoxie littéraire : « c’est que M. Leconte de Lisle est un prêtre de l’art, l’abbé crossé et mîtré des monastères poétiques. Mieux que cela encore. N’est-ce pas M. Bourget qui l’a appelé un pape en exil[87] ? »

Quand on est roi du Parnasse, il faut savoir se montrer bon prince : ils se réconcilièrent, et Anatole France n’eut plus qu’à attendre la mort de Leconte de Lisle pour être sûr d’avoir le dernier mot[88]. Comme il répétait souvent « Bête comme un poète », son secrétaire lui demanda un jour : — Mais pour vous, le poète, qui est-ce ? — Le poète, pour moi c’est Corneille, V. Hugo… Mais Leconte de Lisle est beaucoup plus poète que tous ces gens-là ! Ah ! celui-là, si vous l’eussiez connu ! C’était vraiment une fichue bête[89] ! » Le mot manque d’élégance, d’atticisme, et surtout de reconnaissance. Mais pourquoi Leconte de Lisle avait-il dit jadis, devant ses Parnassiens : « Victor Hugo ? Il est bête comme l’Himalaya[90] ! »

Tels sont les adieux du disciple au maître. Il dit également adieu à la poésie : peut-être y retrouverait-il trop, à son gré, le souvenir de Leconte de Lisle. Ce n’est pas bien entendu la raison qu’il donne à ceux qui se plaignent de le voir renoncer au vers : son prétexte c’est qu’il n’est pas poète. On se récrie, on croit devoir lui rappeler Les Noces Corinthiennes ; il répond : « j’ai écrit des vers. Pourtant, je ne suis pas poète. Je ne pense pas en vers, mais en prose, et je convertis ma prose en vers. Les vrais poètes pensent directement en vers. C’est le signe[91] ». C’est une erreur, car son Chénier versifiait souvent de la prose ; du reste, il donne une autre raison à M. Maurras qui, après Thaïs, lui demande s’il ne prépare pas un volume de vers : « Non, dit-il, j’ai perdu le rythme[92] ». Il le retrouve quatre ans après ; la veine poétique n’était pas tarie, mais obstruée par la prose de la vie, et voilà qu’elle coule à nouveau, toute fraîche, dans Le Lys Rouge :


Lors, au pied des rochers où la source penchante
Pareille à la Naïade et qui rit et qui chante,
Agite ses bras frais et vole vers l’Amo,
Deux beaux enfants avaient échangé leur anneau,
Et le bonheur d’aimer coulait dans leurs poitrines
Comme l’eau du torrent au versant des collines[93].


Mais est-ce bien parnassien ? C’est plutôt la manière de Chénier. Voici qui est mieux dans la note de l’École : Madame lit Yseult la Blonde, par Vivian Bell :


Quand la cloche, faisant comme qui chante et prie,
Dit dans le ciel ému : « Je vous salue, Marie »,
La vierge, en visitant les pommiers du verger,
Frissonne d’avoir vu venir le messager
Qui lui présente un lys rouge et tel qu’on désire
Mourir de son parfum sitôt qu’on le respire[94].


Ces vers, c’est comme une guirlande de verveine déposée, en expiation, sur l’autel du Parnasse, qu’il avait abîmé de toutes ses forces, l’ingrat ! Ne fût-ce que par orgueil, il aurait dû être reconnaissant pour le Maître qui avait deviné que l’art des vers ferait de lui un grand prosateur ; pour les anciens du Parnasse qui lui avaient communiqué tous leurs secrets, et qui auraient pu le punir, en lui citant du La Bruyère : « quand enfin l’on est auteur, et que l’on croit marcher tout seul, on s’élève contre eux, on les maltraite, semblable à ces enfants drus et forts d’un bon lait qu’ils ont sucé, qui battent leur nourrice ».

Du reste, libre aux « Franciens » qui trouveront ce chapitre-ci insuffisant, inintelligent, scandaleux, de lire dans Les Nouvelles Littéraires du 19 avril 1924 l’apothéose jubilaire du Parnassien renégat : ils apprendront là que, comme poète, Anatole France, était génial…


  1. Maurras, Anatole France politique et poète, p. 5-6.
  2. G. Huard, Normannia, fascicule II, septembre 1928.
  3. Ségur, Conversations, p. 65.
  4. Heredia, Les Bucoliques, p. xiii ; cf. Barthou, Revue de Paris, 15 décembre 1923, p. 721-727.
  5. Le Goff, Anatole France, p. 230-231 ; Roujon, La Vie et les Opinions, p. 237 sqq.
  6. Anatole France et Jean Racine, passim.
  7. Ricard, Petit Temps du 2 septembre 1900.
  8. G. Girard, La Jeunesse, p. 175 ; cf. Ségur, Conversations, p. 119.
  9. Le Goff, Anatole France, p. 241, 58.
  10. Ricard, La Revue, Ier août 1912, p. 302, 311 ; Bulletin du Bibliophile, 1923, p. 260.
  11. Goudeau, Dix ans de Bohème, p. 143 ; Roujon, La Vie et les Opinions, p. 9-10.
  12. G. Girard, La Jeunesse, p. 221 ; M. Corday, Anatole France, p. 55-56 ; {{sc|Ségur, Conversations, p. 173.
  13. Calmettes, p. 305-306 ; G. Girard, La Jeunesse, p. 221-222.
  14. Leconte de Lisle et ses Amis, p. 295 sqq.
  15. Ibid., p. 296-297.
  16. Le Goff, p. 247.
  17. Mme Demont-Breton, Les Maisons, II, 139-140, 151.
  18. J. J. Brousson, Anatole France en Pantoufles, passim.
  19. La Révolution française, 1908, LIV, 305.
  20. Le Goff, A. France à la Béchellerie, p. 11, 247.
  21. Ricard, Le Petit Temps, 2 septembre 1900.
  22. Calmettes, p. 218.
  23. Id., p. 169-170.
  24. Montel, Bibliographie de Verlaine, dans le Bulletin du Bibliophile, 1924, p. 320.
  25. Les Matinées de la Villa Saïd, livre fort intéressant de M. Gsell, nous révèlent une bévue singulière d’Anatole France : il prétend qu’au xviie siècle, on préférait les rimes attendues aux rimes inattendues, quand c’est le contraire qui est vrai ; il s’appuie sur un passage de Brossette qui n’existe pas ; il prête à Boileau, à Malherbe, une opinion qui est juste à l’opposé de leur système. Gsell, Les Matinées, p. 137-138. Il n’y a donc pas que les références de son Histoire de Jeanne d’Arc qui soient fausses.
  26. Gsell, Les Matinées, p. 189.
  27. Leconte de Lisle et ses Amis, p. 304.
  28. Michel Corday, A. France d’après ses Confidences, édition illustrée, p. 16-17.
  29. Mme Demont-Breton, II, 130 ; M. Corday, Anatole France, p. 55-56.
  30. Calmettes, p. 307.
  31. Quelques Témoignages, p. 149-150.
  32. Parnasse de 1869, p. 147 ; Poésies, p. 108.
  33. Poésies, p. 120 ; Calmettes, p. 306.
  34. Revue, 1926, p. 480.
  35. Poésies, p. 44.
  36. Poésies, p. 42.
  37. Poésies, p. 251-258.
  38. Michaut, Anatole France, p. 273-313.
  39. Revue de Paris du 15 novembre 1928.
  40. Poésies, p. 82.
  41. Rapport, p. 159.
  42. La Révolte des Anges, ch. xviii ; cf. Massis, Jugements, I, 759.
  43. Poésies, p. 171.
  44. Charly Clerc, Le Génie, p. 118 ; L. Daudet, Études et Milieux littéraires, p ; 27 Zola, Documents Littéraires, p. 178 ; Troude, Bulletin des Professeurs catholiques de l’Université, 15 décembre 1926 ; cf. Henri {{sc|Massis, Jugements, I, 156-162.
  45. Corday, Anatole France, p. 101-102.
  46. Frazer, Heures de Loisir (Geuthner, 1922).
  47. Amiot, Anatole France et la Grèce, dans la Revue Hebdomadaire du 10 octobre 1925, p. 137.
  48. Mme Demont-Breton, II, 154.
  49. Corday, Anatole France, p. 190.
  50. Poésies, p. 151.
  51. Poésies, p. 145.
  52. Atala, p. 130-131 (Fontemoing, 1906) ; cf. V. Giraud, R. D. D.-M., Ier octobre 1915 p. 598.
  53. J. Lemaître, Revue Bleue du 12 septembre 1885, p. 324.
  54. Corday, Anatole France, p. 193.
  55. J. Tellier, Nos Poètes, p. 135-136 ; Rodenbach, Revue Bleue du 4 avril 1891, p. 423 ; Charly Clerc, Le Génie du Paganisme, p. 104-105.
  56. Les Études du 20 mai 1925, p. 395-396.
  57. Mme Pouquet, Le Salon de Mme de Caillavet, p. 61 ; cf. Édouard Rod, Revue de Paris, 15 décembre 1894, p. 737, 754.
  58. Celse (Delpeuch, 1926), p. 187.
  59. Poésies, p. 192-193 ; cf. G. A. Masson, Anatole France, p. 18, et Times Literary supplément, 16 october 1924, p. 637.
  60. Sandor Kémeri, Promenades, p. 163-164.
  61. Revue Bleue du 12 septembre 1885, p. 324.
  62. M. Kahn, Figaro du 20 juin 1925.
  63. Poésies, p. 192.
  64. X. de Ricard, Revue (des Revues), Ier février 1902, p. 312.
  65. Le Temps du 3 février 1902.
  66. Revue Bleue, 8 février 1902, p. 186.
  67. Corday, Anatole France, p. 151 ; Le Goff, A. France à la Béchellerie, p. 169.
  68. R. D. D.-M., Ier avril 1918, p. 696-699.
  69. Maurice Kahn, Figaro du 20 juin 1925.
  70. Bourget, Quelques Témoignages, p. 168 ; Clair-Tisseur, Modestes Observations, p. 110 ; P. Quint, Revue de France, Ier décembre 1925, p. 553 ; H. Bremond, Poésie Pure. p. 105 sqq. ; Mme A. Daudet, Journal de Famille et de Guerre, p. 179.
  71. Théâtre des Poètes, p. 160-161.
  72. Ségur, Conversations, p. 29 ; A. Maurel, Souvenirs, p. 147 sqq. ; Hovelaque, Revue de France, Ier avril 1925, p. 554-555 ; surtout Mme Pouquet, Le Salon de Mme de Caillavet, passim.
  73. Corday, A. France, p. 54-56.
  74. Barracand, Revue de Paris, Ier mars 1914, p. 200.
  75. Ségur, Les Conversations, p. 115.
  76. Haraucourt, dans l’Enquête de Huret, p. 335.
  77. Je tiens ce mot d’un poète à qui il a été dit.
  78. X. de Ricard, Revue (des Revues), Ier février 1902, p. 306, 308.
  79. La Vie littéraire, I, 98. J’ai déjà cité quelques lignes de cette belle page dans le chapitre sur les Poèmes Barbares ; cf. Camille Jullian, Anatole France historien, dans les Nouvelles Littéraires du 19 avril 1924.
  80. J. J. Brousson, L’Illustration du 15 novembre 1924, p. 455.
  81. Huret, Enquête, p. 180.
  82. Id., ibid., p. 285.
  83. La Vie littéraire, IV, 148-155 ; cf. Huret, Enquête, p. 6-7, 139 ; Barthou, Conferencia du Ier mai 1925.
  84. Huret, Enquête, p. 404.
  85. Id., ibid., p. 285.
  86. Huret, p. 440-442.
  87. La Vie littéraire, I, 95-96, 101.
  88. Mme Pouquet, Le Salon de Mme Armand de Caillavet, p. 122.
  89. J. J. Brousson, Anatole France en pantoufles, p. 177, 301 ; cf. Ségur, Conversations, p. 35.
  90. X. de Ricard, La Revue, Ier février 1902, p. 305.
  91. Gsell, Les Matinées, p. 161 ; cf. Poncel, Les Études, 5 mai 1925, p. 304 ; Hovelaque, Revue de Paris, Ier avril 1925, p. 549.
  92. Maurras, Anatole France Politique et Poète, p. 13.
  93. Le Lys rouge, p. 136 ; cf. G. des Hons, p. 170-172.
  94. Le Lys rouge, p. 3.