de l’automne 1649 jusqu’à l’automne 1650, au départ des navires du canada


Après le départ de Mlle Mance on eut le martyre des Révérends Pères de Brébœuf et Lallemant. Pendant toute cette année on ne voyait que des descentes de Hurons qui fuyaient la cruauté des Iroquois et venaient chercher parmi nous quelque refuge, toujours on apprenait par eux quelques nouvelles esclandres, Quelques nouveaux forts perdus, quelques villages pillés de nouveau, quelques nouvelles boucheries arrivées. Enfin le reste des Hurons défilait peu à peu et chacun s’échappait du mieux qu’il pouvait des mains de son ennemi : ce furent les terribles spectacles dont le Montréal fut récréé pendant cet an, afin de le préparer tout à loisir d’être le soutien de tous les Iroquois ci-après, car enfin, n’y ayant plus rien à les arrêter au-dessus pour combattre, il fallait nécessairement que tout tomba sur lui ; tellement que voyant ces gens passer et leur raconter les boucheries, ils pouvaient bien dire : « Si cette poignée de monde que nous sommes ici d’Européens ne sommes plus fermes que 30 000 Hurons que voilà défaits par les Iroquois, il nous faut résoudre ici à être brûlés à petit feu avec la plus grande cruauté du monde, comme tous ces gens l’ont quasi été. »

Voyez un peu de quel œil ces pauvres Montréalistes pouvaient regarder ces misérables fuyards qui étaient les restes et les derniers débris de leur nation. Voilà à peu près les pitoyables divertissements que l’on eut ici jusqu’au retour de Mlle Mance qui fut trois Jours avant la Toussaint. Elle vint consoler le Montréal dans les afflictions et lui apporter de bonnes nouvelles : savoir, premièrement, que sa chère fondatrice était toujours dans la meilleure volonté du monde ; secondement, que la compagnie du Montréal à sa sollicitation, s’était unie cette fois-là par un contrat en abonne forme authentique, que M. Ollié avait été fait directeur de la compagnie au lieu de M. de la Marguerye, à cause qu’il était du conseil privé, qu’en cette réunion, tous avaient fait voir une telle preuve de bonne volonté pour cet ouvrage, qu’on avait tout sujet d’en bien espérer, qu’on avait jugé à propos qu’elle portât les associés à quitter le dessein du Montréal et à donner une assistance aux Hurons, laquelle fut proportionnée à l’état pitoyable où ils liaient dans le temps de son départ, mais qu’elle avait répondu à la personne qui lui avait parlé que MM. du Montréal étaient plus zélés pour l’ouvrage commencé que jamais, que pour marque de cela, ils venaient de s’unir authentiquement par un acte public afin d’y travailler, qu’ayant appris toutes ces choses à cette personne, cela n’empêcha pas qu’il alla voir Monsieur et Madame la Duchesse de Liancourt pour lui faire la même proposition, ce qui fut en vain, car elle n’eut d’autre réponse, sinon, qu’ils travaillaient pour le Montréal.

“ Tout cela m’a bien fait adorer la Providence Divine, ajouta-t-elle, quand j’ai su à mon retour que Monsieur Lemoine avait été pour mener du secours dans le pays des Hurons, a été obligé de relâcher, les trouvant qu’ils venaient tous, du moins autant qu’il en restait, car enfin, si tout ce monde avait tourné ses vues et avait fait ces dépenses pour ce dessein, à quoi est-ce que tout cela aurait abouti ? L’état pitoyable où j’avais laissé les hommes me fesait compassion, mais le ciel qui voulait les humilier n’a pas permis que ces serviteurs, ayant ouvert leurs bourses pour un ouvrage qu’ils ne voulaient pas maintenir ; il a choisi dans le Montréal une œuvre qu’apparemment il voulait rendre plus solide. Son saint nom soit à jamais béni.