Émile Méresse
Imp. Fernand Deligne & Cie (p. 68-85).


ADMINISTRATION DU CATEAU
DANS LES TEMPS MODERNES




Comme au Moyen Âge, la ville du Cateau reste soumise à l’autorité des évêques, puis des archevêques de Cambrai[1], alors que cette dernière ville est soustraite à leur souveraineté. Philippe ii en reconnaît implicitement la neutralité et l’indépendance lorsqu’en 1586, il permet aux habitants de commercer avec les villes de son obéissance. C’est en vain qu’en 1640, les Espagnols offrirent à l’archev^que de lui donner en échange le comté d’Alost et la terre de Lessines qui étaient d’un grand revenu, ils durent reconnaître que la châtellenie n’était soumise à aucun impôt[2]. Un arrêt du Conseil privé de Bruxelles déclara les habitants du Cateau et de la châtellenie non assujettis aux impôts établis par les états du Cambrésis pour le compte des Espagnols[3]. En 1664, les habitants peuvent invoquer cette neutralité auprès de Louis xiv en lui demandant de les protéger et, de fait, celui-ci les « maintint dez lors en leurs droits, franchises, coutumes, privilèges et libertés » par des lettres patentes signées de sa propre main[4]. Après le traité de Nimègue, qui attribua à la France Cambrai et le Cambrésis, cette indépendance est encore reconnue. En 1697, Le Pelletier écrit à Fénelon : « Pour le Cateau-Cambrésis, j’ai fait dans tous les tems, même avant que vous n’eussiez l’archevêché de Cambrai, tout ce qui a dépendu de moi pour maintenir les droits de l’archevêché sur la ville et châtellenie du Cateau-Cambrésis[5] ».

Ce n’est pas que les traitants ne veuillent accaparer ce pays, mais à la cour même on en défend l’indépendance. Les rapports des intendants Faultrier et Dugué de Bagnols[6] sont très affirmatifs sur ce point.

Rien ne nous montre mieux ce qu’était cette indépendance du Cateau que la requête présentée au roi en 1765 par Mgr de Choiseul et le chapitre métropolitain, aussi la citerons-nous en entier : « À l’égard du Cateau-Cambrésis, comme les habitants ne s’estoient jamais donné aux Espagnols, comme les archevêques de Cambrai n’avoient jamais cessé d’y exercer tous les droits de la puissance publique qui appartenoient aux possesseurs des fiefs de l’Empire, le roi d’Espagne n’avoit prétendu dans aucun temps en être le souverain, Le Cateau étoit donc resté dans son ancien état, ne connaissant de maître que l’archevêque de Cambrai et n’ayant de relation avec l’empereur que dans les cas de la mouvance et du ressort… Cette petite ville ne fut prise ni par l’armée française, ni cédée par le traité de Nimègue ; elle conserva ses lois, ses usages et sa liberté… Si donc le Cateau fut regardé depuis le traité de Nimègue, non comme une partie, mais comme une dépendance du royaume de France, ce fut en vertu de la protection que Louis xiv lui avoit promise en prenant ce petit État sous sa sauvegarde par des lettres patentes de 1664, accordées aux archevêques de Cambrai dans un temps où l’Espagne possédoit tout le reste de leur État ; mais ces lettres patentes mêmes avoient reconnu et confirmé tous les droits, privilèges, coutumes et libertés de ce pays. Aussi, depuis le traité de Nimègue, les traitants tentèrent en vain de conquérir pour eux un État dont le Roi n’avait point fait la conquête. Les intendants des provinces de Flandre et du Hainaut essayèrent aussi inutilement de le soumettre à l’administration française. Sa Majesté a, dans tous les temps, eu la bonté de reconnaître que le Cateau-Cambraisis devait conserver sa liberté et ses privilèges et que les archevêques de Cambrai n’avoient jamais perdu l’exercice d’une puissance publique qui ne peut admettre de concurrence. Peu de temps après la paix de Nimègue, les officiers de la maîtrise des Eaux et Forêts voulurent étendre leur juridiction sur les bois de la châtellenie du Cateau ; l’archevêque, qui étoit le sieur de Brias, eut recours à Sa Majesté et les bois furent jugés indépendants de la justice de la maîtrise et de l’ordonnance françoise des Eaux et Forêts. En 1672, le roi créa en Flandre de nouveaux offices : les traitans qui étoient chargés de les vendre voulurent porter cet établissement dans la châtellenie du Cateau ; l’archevêque de Brias protesta contre cette innovation[7] ».

Avant même sa prise de possession, Fénelon dut s’employer à la cour pour assurer le maintien des privilèges du corps municipal. « J’ai une double joie, écrivait-il de Versailles au châtelain et aux échevins, de recevoir des marques d’honnêteté de votre part et de pouvoir vous assurer que le roi vous conserve dans la possession de vos franchises. M. de Pontchartrain m’a promis d’imposer, à cet égard, silence aux traitans. Rien ne pouvait me faire plus de plaisir que d’avoir, immédiatement après ma nomination, cette occasion de m’attirer votre amitié et de vous persuader de la mienne. Je souhaite de tout mon cœur, Messieurs, de pouvoir vous témoigner par des services plus importans avec quelle sincérité de cœur je veux être tout à vous[8] ».

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  1. L’évêché avait été transformé en archevêché en 1559.
  2. Mémoire de Fénelon à M. de Chamillard. A. D. F. d. C.
  3. 16 mai 1640
  4. Archives du Cateau, AA 4. Mémoire concernant les auteurs, etc.
  5. Précis historique et statistique, etc.
  6. Bulletin de la Commissions historique du département du Nord, t. x. Mémoire de Dugué de Bagnols, p. 450 et suivantes.
  7. Mémoire pour Mgr de Choiseul, p. 294 et 295. Requêtes présentées au Roi par Mgr l’archevêque de Cambrai et par le chapitre de cette église en 1765.
  8. A. D., F. d. C. Voir aussi Bruyelle. Précis sur le Cateau-Cambrésis, dans les Mémoires de la Société d’Émulation de Cambrai, 1re  série, t, xix, p. 449, 450.