Histoire des vents (trad. Lasalle)/III

III. Supplément à l’histoire des vents
Traduction par Antoine de La Salle.
Œuvres11 (p. 275_Ch3-346).

SUPPLÉMENT
À L’HISTOIRE DES VENTS.

Les observations et les conjectures qui font la matière de ce supplément, sont presque toutes extraites des ouvrages des deux plus célèbres météorologistes de notre temps (le Père Cotte et Toaldo). Je dois une partie de cet extrait aux soins du cit. Modeste Gence, avec qui je m’étois associé pour un travail sur les météores, et qui m’a aidé avec cette complaisance, ce zèle soutenu, cette sagacité et cette modestie qui le caractérisent. On trouvera dans l’article du Père Cotte quelques observations de Toaldo, mais avec des additions ou des changemens que le météorologiste français a cru devoir y faire, en les insérant, par extrait, dans son excellent ouvrage. Quant aux miennes, qui sont en très petit nombre, je les placerai entre deux crochets, ou dans les notes. J’ai eu l’attention de conserver les expressions des auteurs respectifs, même en les réformant, parce que mes corrections pouvant être autant d’erreurs, j’ai dû mettre le lecteur à portée d’en juger par lui-même.

Extrait des essais météorologiques de Toaldo.

Je me propose de résoudre les deux questions suivantes :

1°. Peut-on découvrir, en général, quelque retour ou période de saisons ?

2°. Quelles sont, en particulier, la condition et la cause des années extraordinaires, sur-tout pour les pluies ?

SOLUTIONS.

1°. Si le soleil, la lune et les autres planètes exécutoient leurs mouvemens propres dans des cercles concentriques à l’équateur, il est probable qu’il n’y auroit, pour tous les lieux de la terre, qu’une seule saison dans toute l’année, et que les années seroient toutes à peu près semblables et égales entr’elles. Mais l’orbite solaire (apparente) coupe obliquement l’équateur, d’où il résulte qu’en s’approchant et s’éloignant successivement (du zénith) des différens lieux, il régit les quatre saisons annuelles, et ces saisons seroient encore à peu près les mêmes tous les ans, sans l’altération occasionnée par la combinaison (de l’action de cet astre avec celles) des autres planètes, et principalement (avec celle) de la lune qui décrit une orbite encore plus oblique que celle du soleil, et beaucoup plus excentrique à la terre[1].

À ces quatre points du cours de la lune, la pleine et la nouvelle lune, et les deux quartiers, il faut ajouter ces six autres, l’apogée et le périgée, les deux équinoxes et les deux solstices (lunistices), ce qui fait dix en tout.

Ces dix points lunaires influent avec beaucoup plus de force et de régularité que tous les autres, sur les changemens de temps.

Chaque mois, la lune s’éloigne de la terre, et s’en rapproche de 27 000 milles : on appelle périgée, le point de sa plus grande proximité ; et apogée, le point de son plus grand éloignement. Or, cette différence de distance doit, sans contredit, altérer beaucoup la force ou action de la lune sur les eaux de la mer et sur l’atmosphère.

On observe en effet que les marées sont beaucoup plus hautes, vers le périgée que vers l’apogée.

On observe de pareilles altérations dans l’air, et il est prouvé que ces deux points sont les plus efficaces pour produire des vents, des pluies et la sérénité ; mais sur-tout lorsqu’ils se rencontrent avec les nouvelles et les pleines lunes.

On a même reconnu que cette variation se fait sentir jusques sur le baromètre ; ce dont on s’est assuré par comparaison de quarante ou cinquante années d’observations.

La lune passe en quatorze jours, du périgée à l’apogée, et revient au même point en vingt-huit jours à peu près (en vingt-sept jours sept heures quarante-trois minutes). Mais ce qu’il faut remarquer, c’est que ces points ne sont pas fixés à un lieu donné de l’orbite lunaire, mais qu’ils s’avancent lentement selon l’ordre des signes du zodiaque, en décrivant environ quarante degrés par an, et achevant leur révolution en huit ans et dix mois (en huit ans, trois cent dix jours, dix heures, cinquante-huit minutes).

Ces deux points étant les deux principales causes de la perturbation que la lune exerce sur la terre, on doit croire qu’en s’avançant ainsi dans le zodiaque, ils entraînent avec eux, dans leur révolution, une certaine impression particulière, tant sur les eaux que sur l’air.

Il résulte en effet des observations faites à Venise par Lemanza ; que, chaque année, dans le signe du zodiaque, où se trouve le périgée de la lune, la somme des marées, pour les jours ou la lune est dans ce signe, est toujours plus grande, et que cette plus grande somme s’avance avec les années, d’un signe à l’autre, en même temps que le périgée.

Nul doute que l’impression analogue sur les saisons et les constitutions des années, ne doive circuler semblablement avec l’apogée et le périgée, et ne vienne ainsi à former une période de saisons qui s’achève avec la révolution de l’apogée même, c’est-à-dire en neuf ans à peu près : conjecture qui sera confirmée par la presque égalité qu’on trouve dans les mesures de pluie, de neuf en neuf ans.

Ainsi, pour évaluer avec précision le produit d’une campagne, on doit le fixer sur un tableau de neuf années consécutives.

En second lieu, l’effet d’un agent dépendant beaucoup de la perpendicularité et de l’obliquité de son action, comme il y a une grande différence, tant par rapport à la terre que par rapport à un lieu particulier, dans l’action de la lune elle-même, selon qu’elle est voisine, éloignée, ou à une distance moyenne, du zénith de ce lieu, son action doit aussi beaucoup varier pour l’intensité, selon que la ligne des apsides répond à tel ou tel signe du zodiaque, selon, dis-je, que cette ligne répond aux deux équinoxes, aux deux solstices, ou autres lieux intermédiaires. D’où il résulte que l’impression générale de la lune sur l’atmosphère différera d’une année à l’autre, et qu’elle ne reviendra la même qu’après la révolution entière de l’apogée, c’est-à-dire après environ neuf ans.

Nous devons placer ici deux avertissemens.

1°. Il ne faut point espérer qu’on trouvera, après les neuf années révolues, une ressemblance ou une égalité parfaite, dans les saisons et les années, vu qu’il n’est pas question ici de quantités mathématiques, mais d’effets physiques où la multiplicité des causes incidentes défend de chercher cette grande précision. Il suffira donc de trouver dans ces années correspondantes une ressemblance sensible.

2°. L’action des astres n’est pas astreinte à des points indivisibles du temps et du lieu ; elle a une étendue de plusieurs degrés, et quelquefois d’un signe entier.

Or, l’apogée lunaire parcourant, comme on l’a dit, quarante degrés par an, il se peut trouver dans le même signe, ou à très peu près, en deux années immédiatement consécutives, ce qui peut occasionner une ressemblance entre ces deux années, ou même faire avancer d’une année le retour de la saison. Ainsi la ressemblance qui ne devroit avoir lieu qu’à la neuvième année, aura lieu vers la huitième.

Pline observe (lib. 2, c. 97), que les marées, au bout de huit ans, sont rappellées aux principes de leurs mouvemens, et à des hauteurs égales, par la variation de la centième lune ; maris œstus per octonos annos ad principia motûs et ad paria incrementa, centesimo lunæ revocari ambitu.

Et, en parlant des saisons (lib. 18, C. 25), il dit que les saisons subissent tous les quatre ans une espèce d’effervescence, mais qu’elles en souffrent une plus marquée au bout de huit ans, par la révolution de la centième lune : tempestates ardores suos habere quadrinis annis ;… octonis verò augeri easdem, centesimâ revolvente se lunâ.

Nous avons dit que l’impression de la lune et de son apogée varie selon les signes du zodiaque, à raison de leur plus ou moins grande obliquité, par rapport à un climat : c’est ce qu’on doit vérifier sur-tout pour les extrêmes ; c’est-à-dire, pour les deux signes solsticiaux, parce que ce sont les deux situations extrêmes pour un pays donné, spécialement hors des tropiques ; l’une, la plus perpendiculaire et la plus élevée ; l’autre, la plus oblique et la plus basse que puisse avoir la lune avec ses apsides.

Il semble que leur impression annuelle doive, comme celle du soleil, différer souverainement du cancer au capricorne. Quand l’apogée est au capricorne, le périgée, qui lui est toujours diamétralement opposé, se trouve au cancer ; et ce point, étant le plus efficace, déploie plus énergiquement son action, dans cette situation, sur nos mers et sur notre atmosphère.

La somme des marées est très grande dans les années de cette espèce, comme en 1753.

Au contraire, l’apogée étant dans le cancer, le périgée se trouve au capricorne, d’où il résulte alors que son action est très foible.

Néanmoins, comme souvent, en toutes choses, les extrêmes se touchent, et parce que les perturbations de l’atmosphère naissent, par un équilibre en plus ou en moins, par excès ou par défaut, (naissent de l’action d’une cause qui trouble l’équilibre, par sa variation en plus ou en moins, par son excès ou son défaut), il peut arriver que les altérations de l’atmosphère, et les saisons qui en dépendent, reviennent semblables, l’apogée se trouvant tantôt dans l’une ; tantôt dans l’autre de ces limites[2].

Mais quand même ces impressions extrêmes seroient différentes, il n’en seroit pas de même des signes parallèles, les gémeaux et l’écrevisse, le taureau et le lion, le bélier et la vierge, la balance et les poissons, le scorpion et le verseau, le sagittaire et le capricorne.

Tous ces signes, pris deux à deux, ont la même situation, la même relation et la même direction pour un lieu donné de la terre, et l’action d’un de ces signes ne pourroit différer de celle du signe correspondant, que par l’effet de l’impression des précédens, qui peut varier par l’ascension des uns, et la descension des autres.

Voilà donc encore deux autres cas où deux années immédiatement consécutives peuvent et doivent se ressembler ; savoir : quand l’apogée parcourt les signes des gémeaux et de l’écrevisse, du sagittaire et du capricorne.

Mais quant aux signes parallèles, intermédiaires, l’apogée passant de l’un à l’autre, par exemple, du taureau au lion, en trois ans, une troisième année pourra aussi quelquefois ressembler à une première.

Mais, dans de telles années, il ne devroit point y avoir d’accidens extraordinaires, l’impression de ces situations étant médiocre, et on devra probablement s’attendre, en pareille situation de l’apogée, à des années uniformes et tempérées.

Deux situations non moins et peut-être plus remarquables que les solsticiales, sont celles des équinoxes, qui comprennent à peu près un signe de chaque côté de l’équateur ; savoir : les poissons et le bélier, pour l’équinoxe du printemps ; la vierge et la balance, pour celui d’automne.

C’est dans ces situations que les astres agissent avec le plus de force sur la totalité de la terre, parce qu’alors la direction de leur action est perpendiculaire (verticale) et diamétralement opposée à celle de la pesanteur[3].

Dans ces situations, les marées ont leurs plus grandes hauteurs, et les hauteurs mêmes du baromètre s’en ressentent.

Actuellement, remarquez que l’apogée passe d’un équinoxe à l’autre en quatre ou cinq ans, ou plus exactement en quatre ans et cinq mois.

De plus, l’impression d’un équinoxe, c’est-à-dire, de la lune et de ses apsides, situés dans le plan de l’équateur, est égale, tant dans l’un que dans l’autre, abstraction fuite des autres circonstances.

Ainsi, toutes les quatrièmes ou cinquièmes années doivent ressembler aux premières, dans l’ordre qu’on aura choisi, quelle qu’en soit l’époque ; et un paseil retour doit avoir lieu par rapport aux signes solsticiaux.

Voilà ce que Pline entend, lorsqu’il dit que les saisons sont sujettes à une espèce d’effervescence tous les quatre ans : et comme, dans le calendrier Julien, il y a tous les quatre ans une année bissextile, c’est là le fondement de cette plainte si commune du peuple sur l’année bissextile, qu’il regarde comme une année malheureuse[4].

Actuellement, pour terminer ce qui regarde les périodes des années, dès que nous connoissons les périodes simples, qui sont de 4, de 5, de 8 ou de 9 ans, il nous sera facile de nous élever aux périodes composées ; car il suffira pour cela de doubler et de multiplier chaque période simple, par elle-même ou par une autre, ou de les combiner les unes avec les autres.

On aura la période composée de 18 ans (qui comprendra deux révolutions de l’apogée, et cette révolution de 223 lunaisons, appelée Saros par les Chaldéens) ; période qui devroit ramener les saisons avec d’autant plus d’exactitude, qu’elle approche de la révolution entière des nœuds de la lune, laquelle variant, dans la succession des années, la déclinaison annuelle de la Lune elle-même, peut en augmenter ou en diminuer l’action.

On peut encore doubler la période de 8 ans, et l’on aura celle de 16 ; mais il faut convenir qu’il y aura ici une ambiguïté entre la 16e. la 17e. et la 18e. car l’on doit se souvenir qu’une impression se répand sur l’étendue d’un signe et au-delà.

Si, au nombre de 8 et même de 9 années, on ajoute la petite période de 4 ans, on aura celle de 12 ou même de 13.

En un mot, toutes les années répondant aux nombres divisibles par 4, par 8, par 9 (et même par 2), à commencer d’une certaine époque, pourront ressembler aux années précédentes.

Mais, il faut le répéter, ne demandons ni une ressemblance parfaite, ni des mesures précises ; l’année semblable pourra, par les raisons exposées ci-dessus, tantôt avancer, tantôt retarder d’une année, sans que la règle du système doive en souffrir ; d’autant plus qu’à la rigueur les mouvemens des astres sont incommensurables entre eux.

Le retour de l’apogée lunaire au même signe du zodiaque, a lieu après huit ans et dix mois, en négligeant les petites quantités. Ainsi, au temps de ce retour, le soleil se trouve éloigné du lieu où il étoit au commencement de la première période, de deux mois ou de deux signes ; après la seconde période, de quatre mois ou de quatre signes ; après la troisième, de six mois ou de six signes ; c’est-à-dire que, si le commencement de la première période étoit au cœur de l’hiver, le commencement de la quatrième se rencontrera au milieu de l’été.

L’impression de l’apogée sera donc modifiée d’une autre manière, et produira des météores d’une toute autre espèce.

Voilà pourquoi la 9e. la 18e. et la 27e. année ne peuvent amener une ressemblance parfaite. Ainsi l’année semblable, pourra être, au lieu de la 9e. la 8e. ; au lieu de la 18e, la 17e. ; au lieu de la 27e. la 26e. ; au lieu de la 36e. la 35e.

Mais il suffit que, dans cet espace de temps, l’on puisse raisonnablement attendre une année semblable (qui peut avancer ou retarder d’une année) ; semblable, dis-je, à la 8e. ou à la 9e. qui a précédé, dans un ou dans plusieurs intervalles.

On n’aura un retour qui approche du véritable, qu’après six révolutions de l’apogée ; durant lesquelles les deux mois dont il s’en faut que chaque révolution de l’apogée ne fasse neuf années, forment une année entière, laquelle soustraite de 54 ans (nombre d’années que donneroient six révolutions de 9 ans), donne une période de 53 ans, qui, d’après ce calcul, semble devoir être la plus exacte, puisqu’au bout de 53 ans l’apogée revient à la même situation, par rapport au soleil, avec la seule différence de trois ou quatre degrés, qu’on doit compter pour rien ; et alors commencera un nouveau cercle de neuf années, lesquelles différant un peu entre elles, par les raisons exposées, correspondront aux années respectives de la première période. Car on ne peut prétendre que chaque année représente en rigueur la 54e. précédente, quoique cette ressemblance parfaite se rencontre quelquefois.

Il faudroit, pour constater cette assertion, plusieurs siècles d’observations. Je n’ai que la mesure de la pluie tombée à Paris. Dans cette ville, la mesure de la pluie fut, en 1699, de 18 pouces 8 lignes, et en 1752, qui est la 54e. de 19 pouces 4 lignes, avec la différence de 8 lignes seulement.

La somme de la première neuvaine fut de 160 pouces 3 lignes ; la somme de la sixième neuvaine, de 160 pouces 4 lignes ; avec la différence presque in- croyable d’une seule ligne.

Si l’on cherchoit un retour encore plus exact de l’apogée de la lune avec le soleil, il faudroit remonter jusqu’à la 115e. année ; époque où l’apogée retourne, au commencement de l’année, la même situation qu’auparavant, à un degré près.

Ce système, bien lié dans toutes ses parties, est confirmé tant par les tables météorologiques de l’essai que nous avons publié, et par celles auxquelles nous les avons comparées, que par la chronique des pluies ci-après : je passe à la seconde question.

J’ai dit, dans mon essai, que l’impression des apsides, quelle qu’elle fût, devoit arriver à son maximum dans les points cardinaux du zodiaque, et j’en ai dit ci-dessus la raison. Il suit de là que les années qui répondent à cette situation de l’apogée, doivent avoir quelque chose de singulier et d’extraordinaire dans les saisons, et dans les effets de ces saisons, tels que maladies et récoltes.

Rappelons-nous donc que l’apogée, en faisant sa révolution entière de huit à neuf ans, passe, en quatre ans, d’un solstice à l’autre, et d’un équinoxe à l’autre : mais, en deux ans, d’un équinoxe à un solstice, et d’un solstice un équinoxe.

Le célèbre Lambert avoit déjà observé, sur les hauteurs, apogées et périgées du baromètre, et l’observa encore mieux sur notre table, que les plus grands défauts, dans les hauteurs apogées, se succèdent de quatre en quatre ans, l’apogée lunaire étant dans les équinoxes ; et les excès aussi de quatre en quatre ans, l’apogée étant près des tropiques. Ainsi, les différences les plus remarquables entre les hauteurs positives et les négatives, se succèdent de quatre en quatre ans ; ce qui porteroit à croire qu’aux années de pluie devroient succéder, après deux ans, les années de sécheresse, et au contraire. Mais on doit faire attention que, pour l’équilibre de l’atmosphère, l’excès vaut autant que le défaut.

On pourroit dire avec plus de raison que de deux en deux ans, et encore mieux de quatre en quatre, il y aura de l’irrégularité dans les années. Et si l’on veut prendre la peine de noter, année par année, le lieu de l’apogée lunaire, dans nos tables de la pluie, du baromètre, des maladies mortelles, du prix des denrées, etc. l’on verra qu’en effet cette irrégularité se rencontre à ces intervalles ; que souvent à l’excès succède, deux années après, le défaut ; et vice versa.

Dans l’article relatif à la médecine, j’ai dit que toutes les quatrièmes ou cinquièmes années donnoient de l’exercice aux médecins et aux prêtres.

Dans l’article relatif à l’agriculture, j’ai averti, d’après le témoignage d’un vieux cultivateur, que quiconque sauroit conserver les productions de la terre pendant trois ou quatre ans, seroit certain de les vendre fort cher, vu qu’il ne se passe jamais quatre années sans qu’il y on ait une malheureuse.

Les années fort pluvieuses, à notre connoissance, sont 1728, 1744, 1745, 1755, 1764, 1772. Dans toutes ces années, l’apogée lunaire étoit au bélier. En 1758 et 1769, il étoit dans la balance ; en 1748, dans le cancer.

Dans les années de sécheresse 1725, 1743, 1762 (après une année très pluvieuse), années éloignées l’une de l’autre de dix-huit ans, l’apogée étoit au capricorne ; en 1747, dans le cancer ; en 1734, dans le bélier.

Il sembleroit, en général, que la situation de l’apogée dans les équinoxes, porteroit à l’humidité ; et sa situation dans les solstices, à la sécheresse ; mais il seroit plus vrai de dire que ces quatre situations inclinent à l’extraordinaire ; qu’elles produisent les années intempérées, et par conséquent extraordinaires.

On verra par la chronique ci-après, que toutes les années remarquables par les pluies et les inondations, se rencontrent avec la situation de l’apogée lunaire près des points cardinaux, mais spécialement près des équinoxes ; je crois qu’on peut en donner l’explication suivante :

Dans cette situation, les nouvelles et les pleines lunes, pendant deux mois du printemps, et deux autres mois de l’automne, concourent avec l’apogée, avec les équinoxes de la lune, et près des équinoxes solaires ; tous points d’une grande efficacité pour troubler l’atmosphère.

Pendant deux autres mois, près de l’un et de l’autre solstice, les apsides et les équinoxes lunaires concourent avec les quartiers de la lune ; et par cette raison, ils rendent ceux-ci encore plus turbulens.

Dans les autres mois intermédiaires, tous ces points sont répandus avec un intervalle de peu de jours entre eux.

Quand l’apogée et le périgée sont près des solstices, il en résulte des combinaisons semblables, avec la seule alternative des sizygies aux quadratures : que doit-il donc arriver dans de pareilles années ?

Il arrive, 1°. que l’atmosphère reçoit une forte impression, au commencement de la saison ; puisque par la suite elle n’a plus de repos, ni, pour ainsi dire, le temps de changer[5].

Ici se place naturellement un de nos axiomes météorologiques, savoir que les saisons prennent, au temps des équinoxes ou des solstices, un certain ton, une certaine habitude, tantôt pour trois mois, tantôt pour six ; ce qui s’est vérifié spécialement en cette année, par les trois mois d’un automne serein, et par les six mois de pluie consécutive.

Des autres situations naissent des combinaisons semblables ; mais elles ne sont pas si efficaces.

Si par hazard on trouvoit dans l’histoire quelques années extraordinaires hors de cette règle (et je n’en dissimulerai aucune dans la chronique ci-après), je dirai toujours qu’une exception rare ne rompt pas la règle.

Chronique des années remarquables par les pluies et les inondations.

1772. Cing mois de pluie, l’apogée passant des poissons au bélier.

1764 et 1765. Hiver tiède et très pluvieux depuis la fin de l’automne ; l’apogée au bélier.

1754 et 1755. L’apogée parcourant les poissons et le bélier, ces années furent extraordinaires par les pluies, les tempêtes, les tremblemens de terre, etc. dans tout le monde. Voyez la collection académique (liv. Ier.)

1746. Année de tourbillons et de tremblemens de terre ; l’apogée au bélier.

1733. Année extraordinaire pour les tempêtes ; l’apogée dans la balance.

1728. Année très pluvieuse ; l’apogée au bélier.

1702. Hiver très doux en Italie ; les pluies commencèrent à la fin de février, et durèrent plus de quatre mois : puis un intervalle de trois mois de sécheresse brûla toutes les récoltes : suivirent quatre mois, et plus, de pluie ; l’apogée au bélier.

1693. Année tempétueuse en Italie, à la Chine, au Mexique, et ailleurs ; l’apogée au bélier.

N. B. On voit que ces années sont éloignées entre elles d’espaces égaux à ceux que nous avons déterminés, c’est-à-dire de huit à neuf ans, de quatre à cing, ou de leurs multiples.

1688. Année mémorable, pour les tempêtes, par toute la terre, et pour les tremblemens de terre.

1683. Année funeste par les pluies, les inondations, les tempêtes, et autres météores extraordinaires, sur toute la terre, spécialement en Allemagne, pendant l’été ; l’apogée parcourant les poissons et le bélier.

1680. Année de vents, tempêtes, inondations, spécialement en Suisse ; l’apogée dans la balance.

1666 et 1667. Années tempétueuses en Asie et en Europe ; l’apogée dans les poissons et le bélier.

1624. Année malheureuse ; horrible hiyer, suivi d’inondations en automne ; l’apogée près du solstice d’été.

1617. Grandes inondations en Espagne ; l’apogée dans la vierge et la balance.

1612 et 1613. Années pluvieuses et tempétueuses, dans toute l’Italie et ailleurs ; l’apogée dans les poissons.

1608. Hiver horrible, suivi d’inondations ruineuses en automne ; à Padoue, l’eau fut d’une hauteur extraordinaire : l’apogée dans la vierge. Cette année, pour le froid de l’hiver et les pluies de l’automne, ressemble aux années 1624 et 1770 ; avec cette différence que, dans la dernière, l’apogée étoit près du solstice d’hiver.

1599 et 1600. Dans l’hiver situé entre ces deux années, grandes et fréquentes inondations à Rome ; l’apogée dans la vierge et la balance.

1578. Grande pluie, quatre comètes l’apogée au bélier.

1557. Inondations à Rome et en Toscane, durant l’automne ; l’apogée près du solstice du capricorne.

1528. Des pluies continuelles en été ; l’apogée près de la balance.

1529, 1531 et 1532. Tempêtes, famines, pestes, tremblemens de terre ; en 1529, l’on vit encore quatre comètes ; l’apogée étoit dans la balance ; et en 1532, à la fin des poissons.

1495. En automne, des pluies continuelles et des inondations terribles dans la Lombardie, la Bresse, le Padouan, et à Rome, tous les fleuves de ces pays s’étant débordés ; l’apogée près du solstice du capricorne.

1467. Année très pluvieuse ; l’apogée près de la balance.

1456. Ouragans et inondations, spécialement en Toscane ; l’apogée près du cancer.

1449. Inondations en Toscane ; l’apogée dans la vierge.

1432. Grandes inondations, sur-tout en Allemagne ; l’apogée dans la balance.

1405. En avril, grandes inondations à Padoue ; l’apogée près de l’équinoxe d’automne.

1401. Tout l’été pluvieux, maladies graves ; l’apogée dans le bélier.

1369. Eté très pluvieux (Targioni) ; l’apogée dans la vierge.

1333. Déluges en Toscane ; l’apogée dans la vierge.

1330. En octobre, le Pô rompit ses digues ; dans l’île de Chypre, il plut vingt-huit jours de suite, jour et nuit ; en Espagne, des déluges aussi ; l’apogée au bélier.

1314. Des pluies et des maladies, tout l’été, avec la famine ; l’apogée près du cancer.

1281. Inondations à Rome ; l’apogée au signe de la vierge.

1264. Inondations en Saxe ; l’apogée dans la balance.

1258. Inondations extraordinaires en Espagne ; l’apogée aux poissons.

1250. Inondations en Hollande ; l’apogée ibidem.

1230. Pluies continuelles, inondations, en Frise ; l’apogée près du solstice d’hiver.

1175. Inondations en Flandres ; l’apogée dans la vierge.

1031. Pluies, tempêtes, pestes et famine ; l’apogée près du solstice du cancer.

1014. Inondations, spécialement en Angleterre ; l’apogée ibidem.

941. Inondations et mortalité de bestiaux ; l’apogée au bélier.

906. Pluies, inondations, grêle, avec une comète ; l’apogée au bélier.

887. Grande inondation à Constantinople ; l’apogée aux poissons.

883. Tempêtes et inondations en France ; l’apogée près de la balance.

876. Inondations, avec une comète ; l’apogée au cancer.

858. Grande inondation du Tibre ; l’apogée à la fin du scorpion.

792. Inondation extraordinaire du Tibre ; l’apogée près du cancer.

716. Inondation très semblable à Rome ; l’apogée près du cancer.

684. Vents, tempêtes, inondations ; l’apogée au bélier.

682. Tempêtes et pluies continuelles ; l’apogée au capricorne.

676. Pluies continuelles ; l’apogée au bélier.

647. Vents, inondations, tremblemens de terre ; l’apogée au capricorne.

637. Abaissement de la ville de Malamoco ; excroissance de l’Adige, du Tibre, etc. l’on craignoit un déluge universel ; l’apogée dans le sagittaire.

591. Inondations en Italie, contagion inguinale en France ; l’apogée dans la balance.

589. Inondations ; l’apogée au cancer.

587. Inondations et mortalité d’hommes à Rome ; l’apogée au bélier.

520. En septembre, vingt jours de pluie continuelle ; les fleuves d’Italie et de France firent de grands ravages ; l’apogée dans la balance.

479. Le Tibre détruisit presque tout Rome ; l’apogée aux poissons.

457. Inondations et écroulemens de montagnes en France et en Bithinie ; l’apogée au cancer.

262. Inondations et tremblemens de terre ; l’apogée ibidem.


Autre table d’années célèbres par les pluies et les inondations, tirée du memoire de Toaldo, qui a concouru pour le prix proposé par l’Académie de Montpellier.


AVEC LES APSIDES LUNAIRES
PRÈS DES ÉQUINOXES.
AVEC LES APSIDES LUNAIRES
près des solstices.
479 1333 1612 262
520 1369 1613 457
587 1401 1617 589
591 1405 1666 637
596 1421 1667 647
676 1432 1683 682
684 1449 1688 716
883 1467 1693 792
887 1528 1702 858
906 1532 1728 876
941 1541 1733 1014
1175 1559 1746 1031
1250 1564 1754 1230
1258 1591 1755 1264
1281 1599 1764 1268
1321 1600 1765 1314
1330 1608 1772 1456
  1495
  1557
  1624
  1690

Cette seconde table, peu différente de la table plus détaillée qui la précède, pourra servir à la résumer, et à envisager le tout d’une seule vue.

Influence des principales situations de la lune, ou des points lunaires, sur les changemens de temps, pour les années comprises entre 1725 et 2772, inclusivement.


POINTS LUNAIRES. CHANGEANS. NON CHANGEANS.
Nouvelle lune. 522 82
Pleine lune. 506 92
Premier quartier. 424 189
Dernier quartier. 429 182
Périgée. 546 99
Apogée. 517 130
Équin. ascendant. 465 142
Équin. descendant. 446 152
Lunistice austral. 446 154
Lunistice boréal. 448 162


Ces nombres signifient que, sur 604 lunes, il y en a eu, par exemple, 522 accompagnées de changemens de temps, et 82 sans changemens. C’est un résultat des journaux météorologiques de Toaldo.


Résultat des observations de Toaldo, comparées et combinées avec celles d’un grand nombre d’autres.


POINTS LUNAIRES CHANGEANS. NON CHANGEANS. PROPORTIONS RÉDUITES AUX MOINDRES TERMES.
Nouvelle lune. 950 156 6 : 1
Pleine lune. 928 174 5 : 1
Premier quartier. 796 316 2  : 1
Dernier quartier. 795 316 2  : 1
Périgée. 1009 169 7 : 1
Apogée. 961 216 4 : 1
Équin. ascendant. 541 167 3  : 1
Équin. descend. 519 184 2  : 1
Lunistice mérid. 521 177 3 : 1
Lunistice septent. 526 180 2  : 1


On peut donc parier, par exemple, six contre un, que telle ou telle nouvelle lune amènera un changement de temps, et ainsi des autres.

La force changeante ou perturbatrice des combinaisons de points lunaires sur les marées de l’océan, ou de l’atmosphère, est encore plus grande que celle des points simples.


FORCE CHANGEANTE DES COMBINAISONS DE POINTS LUNAIRES.
Nouvelle lune.    
Avec le périgée. 168 :   5 33 : 1
Avec l'apogée. 140 : 21   7 : 1
Pleine lune.    
Avec le périgée. 156 : 15 10 : 1
Avec l'apogée. 144 : 18   8 : 1


C’est une chose remarquable qu’il n’arrive presque jamais de grands orages, sur terre ou sur mer, qui ne se trouvent combinés avec quelqu’un de ces points, unis ou séparés. Cherchez dans l’histoire les orages les plus célèbres par des naufrages, les marées les plus extraordinaires, les inondations, etc. vous les trouverez combinés comme je le dis.

On observe que les maladies s’exaltent, et que les malades courent les plus grands risques dans les jours du mois où tombent les dix points lunaires.

Il faut ajouter à ces points les quatrièmes jours, tant avant qu’après les nouvelles et pleines lunes. Ces quatre jours répondent aux sextiles et aux trines des anciens, ou plutôt aux octans de la lune, connus des astronomes par cette perturbation, qu’on appelle variation, qui est la plus grande dans ces situations-là. L’observation m’a convaincu que le ciel change alors, ou se dispose à changer.

Enfin, le lever, le coucher et les deux passages de la lune par le méridien, influent aussi notablement sur les changemens de temps, principalement sur les pluies.

Lorsque la lune est à ces points (à une demi-heure près), le vent se lève, se calme, ou se renforce ; le ciel se couvre ou redevient serein ; la pluie commence, cesse, ou devient orageuse, etc.

Le résultat de nos observations sur ce sujet, est que sur 760 pluies, 646 ont commencé (à une demi-heure près) avec les angles de la lune (le lever, le coucher, ou les passages au méridien, soit supérieur, soit inférieur). Des 114 pluies restantes, et qui ne s’accordent pas avec les quatre angles de la lune, quelques-unes s’accordent avec les quatre angles du soleil.

Ainsi, nous avons un principe physique, donné par la théorie, appuyé sur l’analogie des marées, enfin confirmé par une forte induction tirée de l’observation directe ; principe qui peut servir à expliquer, d’une manière satisfaisante, les observations déjà faites, et conduire à d’autres. Actuellement nous allons résumer, sous la forme d’aphorismes, tous les résultats de nos recherches météorologiques.

APHORISMES MÉTÉOROLOGIQUES.

1. Quand la lune se trouve en conjonction, en opposition, ou en quadrature avec le soleil, ou dans l’une de ses apsides, ou dans l’un des quatre points cardinaux du zodiaque, il est probable qu’elle produira une altération sensible dans l’atmosphère, et un changement de temps.

2. Les points lunaires les plus efficaces sont les sizygies et les apsides.

3. Les combinaisons des sizygies et des apsides sont très efficaces ; celle de la nouvelle lune avec le périgée porte une certitude morale d’une grande perturbation.

4. Les autres points subalternes acquièrent aussi une grande force par leur copulation avec les apsides.

5. Les nouvelles et les pleines lunes qui quelquefois ne changent pas le temps, sont celles qui se trouvent loin des apsides.

6. On doit observer aussi les quatrièmes jours, tant avant qu’après les nouvelles et les pleines lunes.

7. On doit encore observer le quatrième jour de la lune, que Virgile appelle un prophète sûr. Si les cornes de la lune sont claires et bien terminées, ce signe annonce du beau temps jusqu’au quatrième jour avant la pleine lune, quelquefois même pour tout le reste du mois ; si les cornes sont de couleur obscure, vagues et mal terminées, elles annoncent le contraire.

8. Un point lunaire change ordinairement l’état du ciel produit par le point précédent ; on peut dire du moins que le temps ne change ordinairement que par un point lunaire.

9. Les apogées, les quadratures et les lunistices méridionaux, annoncent ordinairement le beau temps ; car le baromètre monte alors : les autres points lunaires qui le font baisser, rendant l’air plus léger, et déterminant la chute des vapeurs, occasionnent ainsi le mauvais temps.

10. Les points lunaires les plus efficaces, tels que les nouvelles et pleines lunes, les apogées, mais sur-tout les périgées et leur concours, deviennent orageux vers les équinoxes et les solstices.

11. Le changement de temps arrive rarement dans le jour même d’un point lunaire ; mais tantôt il le devance, tantôt il le suit.

12. En général, pendant les six mois de l’hiver, les altérations des marées et de l’air atmosphérique anticipent et sont plus fortes, sans doute à cause du périgée du soleil ; dans les six mois d’été, au contraire, les marées sont moindres et retardent, ainsi que les changemens de temps.

13. Dans les nouvelles ou pleines lunes, vers les équinoxes et même vers les solstices (celui d’hiver principalement), le temps se détermine ordinairement, pour trois ou même pour six mois, au beau ou au mauvais.

14. Les saisons, les marées et les années, paroissent avoir une période de huit à neuf ans, correspondant à la révolution des apsides lunaires[6] ; une autre de dix-huit ou de dix-neuf, et d’autres multiples.

15. Il y a encore une période de quatre à cinq ans, et ces quatrièmes ou cinquièmes années sont sujettes aux intempéries.

16. Les pluies et les vents commencent ou finissent à peu près à l’heure du lever ou du coucher de la lune, et à l’heure de son passage au méridien, soit supérieur, soit inférieur, c’est-à-dire, à l’heure que la marée commence à monter ou à descendre dans ce pays (dans le golfe de Venise).

17. Il pleut beaucoup plus de jour que de nuit, et plus souvent le soir que le matin.

18. Les ouragans, les orages, les grêles, viennent ordinairement d’un quart de l’ouest (de quelque rhumb de vent tenant de l’ouest, sur-tout de ceux qui tiennent de l’ouest et du nord). J’ai vu cependant des ouragans venant de l’est ; mais il faut remarquer que c’étoit dans les heures de la matinée. Je crois qu’il est plus vrai de dire que les orages viennent du côté de l’horizon où se trouve le soleil.

19. Les orages d’été qui sont sans vent, n’apportent guère de la grêle, mais seulement du tonnerre : au contraire, les orages, accompagnés de vent, donnent peu de tonnerre, mais bien plus souvent de la grêle.

Indices sur le temps.

20. Ni beau temps fait de nuit, ni nuages d’été ne durent guère ; c’est un proverbe ; et un vent levé de nuit dure peu.

21. Les mouvemens du baromètre, bien observés dans chaque pays, et combinés avec l’observation des vents et des autres signes connus, donnent des indices presque sûrs des changemens de temps.

22. Un mouvement lent dans le baromètre indique une longue durée dans la constitution actuelle de l’atmosphère ; un mouvement brusque et comme par sauts, indique un temps qui dure très peu ; dans ce cas, même en montant, il annonce le mauvais temps.

23. Un automne humide, avec un hiver doux, est ordinairement suivi d’un printemps sec et froid, qui retarde beaucoup la végétation : telle fut l’année 1741 : au contraire, si l’hiver est sec, le printemps sera humide[7].

24. À un printemps et un été humides succède un automne serein, à un automne serein, un printemps humide. En un mot, les saisons ont alternativement une constitution différente, et se compensent entre elles[8].

25. Si les feuilles tardent à tomber en automne, elles annoncent un hiver rude et âpre ; apparemment parce que les vents de sud auront dominé dans un automne humide et prolongé ; d’où il suit qu’on doit s’attendre à voir le vent de nord dominer à son tour durant l’hiver, et amener un hiver d’autant plus vif, que l’automne aura été plus humide[9]. Tels furent les hivers de 1709, 1740 et 1770.

26. Bacon observe, d’après la remarque des paysans, que, lorsqu’il y a abondance de graines dans l’épine blanche, et dans la rose canine, on est menacé d’un hiver rigoureux ; car c’est aussi un signe que l’été a été fort humide et peu chaud.

27. Si les grues et les autres oiseaux de passage passent de bonne heure en automne, comme en 1765 et 1766, cela annonce un hiver très froid ; car c’est un signe que l’hiver a déjà pris pied dans les pays septentrionaux[10].

28. S’il tonne en novembre et en décembre, le peuple croit qu’on aura encore le beau temps ; mais, s’il tonne de bonne heure, et avant que les arbres poussent des feuilles, au printemps, on doit toujours attendre un retour de froid (mémoires de Berne). C’est ce qui arriva dans la Suisse, en 1765 : il tonna au mois de janvier ; les gelées des mois d’avril et de mai suivans causèrent de grands dommages[11].

Extrait du grand ouvrage météorologique du Père Cotte.

1. Les hauteurs du baromètre vont toujours en augmentant, selon Toaldo (depuis 1746 et même depuis 1740). Ayant comparé les observations faites à Padoue, de 1725 à 1771, il a trouvé sept dixièmes de lignes de différence, en plus, pour les vingt-quatre dernières années, sur les vingt-quatre premières.

(Il a trouvé aussi que la quantité de pluie et le nombre de jours pluvieux, humides, nébuleux, ont toujours été en augmentant depuis la même époque ; d’où il conclut qu’il faut de plus en plus préférer les engrais et autres moyens qui peuvent échauffer les terres).

PÉRIODES.

1. La variation séculaire et périodique de l’aiguille aimantée est désormais bien constatée.

Sa variation, annuelle, menstruelle et diurne, est presque démontrée.

(Le Père Cotte, Mrs. Cassini et Van Swinden, observent une variation diurne, périodique et constante de l’aiguille aimantée, par laquelle elle s’éloigne du nord le matin, et s’en rapproche le soir alternativement).

2. Variation diurne et périodique du baromètre, soupçonnée par Van Swinden. Cette période tend à faire monter le mercure de six à dix, ou douze heures du matin, puis baisser jusqu’à trois heures du soir ; monter ensuite jusqu’à six ou huit heures, et baisser de là jusque vers minuit. (Elle a paru constante au Père Cotte, sur le barométrographe de M. Changeux[12].

3. M. Changeux remarque, touchant les degrés analogues du froid et du chaud, que le volume de l’eau glacée augmente de , et que son volume, lorsqu’elle est dans l’état d’ébullition, augmente de la même quantité.

Observations du berger de Bambury.

10. Dans l’espace de huit années, le vent souffle autant du sud-ouest que du nord-est[13]. Ainsi, il y a autant d’années humides que de sèches. (Mais l’humidité domine de plus en plus, quoique les deux extrêmes se succèdent alternativement).

2°. Si, en octobre ou en novembre, on a de la neige ou de la gelée, on aura vraisemblablement un temps doux et clair, en janvier et en février[14].

Présages du Père Cotte.

1. Si les fleurs de la pimprenelle et le duvet de la dent-de-lion se contractent, et si la fleur de trèfle se gonfle, on est menacé d’orages.

2. Si les vers de terre sortent, que les taupinières se multiplient, que les mouches (puces, etc.) soient fort incommodes, et que les abeilles s’éloignent peu de la ruche, on doit s’attendre à de la pluie.

Aphorismes du Père Cotte.

1. Une chaleur extrême pour la saison, et jointe à une humidité excessive, annonce une crue d’eau subite.

2. Quand le froid devient tout à coup extrême, après plusieurs jours de gelée, c’est l’annonce d’un prompt dégel (d’un dégel très prochain).

3. Les températures violentes, comme pluies abondantes, ouragans, etc. occasionnent dans l’atmosphère une espèce de crise qui produit ensuite une température constante pendant quelques mois, soit en bien, soit en mal : il cite trois faits à l’appui. (Un temps pluvieux d’une certaine durée se termine ordinairement par une pluie presque continuelle durant un jour entier : il en est de même de presque toutes les autres qualités ou phénomènes qui, un peu avant de commencer à décroître, se portent tout à coup à leur maximum).

4. Les grands froids d’hiver n’ont lieu dans notre climat que quinze jours ou trois semaines après s’être fait sentir dans les pays du nord.

5. M. Toaldo assure que le retour des années froides ou chaudes, sèches ou pluvieuses, est sensiblement d’accord avec le retour des éclipses qui ne reviennent qu’au bout de dix-neuf ans.

(Toaldo dit : après la période de dix-huit ans et onze jours). Il prouve cette assertion par une table de cinquante-sept années d’observations ; savoir : depuis 1725 jusqu’à 1781. La ressemblance des trois périodes, chacune de dix-neuf ans, est telle qu’on n’auroit jamais osé se flatter d’une correspon- dance aussi régulière.

De 1743 à 1760, il y a soixante-huit lunaisons, ou mois très humides ; et dans la seconde période, de 1761 à 1778, il s’en trouve exactement le même nombre.

M. Toaldo a remarqué plusieurs fois qu’une tempête ou un coup de vent s’est répété au bout de dix-huit ans et onze jours ; ce qui est la durée exacte de la période astronomique.

Mais, en général, c’est dans la durée d’une lune, quelquefois de la précédente ou de la suivante, que la ressemblance se trouve plus marquée (et quelquefois aussi dans un autre lieu, comme je l’ai observé).

Cette correspondance a lieu non-seulement pour les pluies, mais encore pour les orages, les neiges, les brouillards, les inondations, etc.

M. Toaldo dit que ce n’est pas la distinction ou le nombre des jours, par rapport aux points lunaires, qu’on doit examiner, mais l’ordre, la situation et la combinaison des changemens de temps, avec l’ordre et la succession des points lunaires.

6. Le lunistice austral est de tous les points lunaires, celui qui influe le plus. (Il n’est pas d’accord avec Toaldo, qui met au premier rang le périgée.)

7. Les vents tenant de l’est accompagnent presque toujours les points lunaires (proposition fausse, comme je m’en suis assuré par ma propre vérification).

8. Les points lunaires annoncent en général plus de froid que de chaleur. Muschenbrok a observé en Flandres que les phases de la lune influoient sur la congélation. Kepler et Grafft ont soupçonné que l’aspect des planètes pouvoit contribuer en quelque chose à la première formation de la gelée. J’ai observé aussi assez souvent ce concours de reprise ou de cessation de la gelée avec les phases de la lune.

9. Le dernier quartier est le point lunaire où les changemens de temps (de température) sont le plus marqués, soit du chaud au froid, soit du froid au chaud ; ensuite le quatrième jour après la pleine lune.

10. La pleine lune et le premier quartier sont plus souvent accompagnés de froid que les autres phases.

11. C’est le quatrième jour avant la nouvelle lune qui influe le plus sur la chaleur.

12. L’apogée et le lunistice boréal sont les points lunaires qui influent le plus sur le froid.

13. Il en est de même de la nouvelle lune.

14. L’équinoxe descendant concourt ordinairement avec la chaleur.

Observation précieuse du Père Cotte.

Il y a un rapport frappant de tempo rature dans les années qui correspondent avec 1777 ; savoir : 1701, 1720, 1739 et 1758. (Il s’agit ici de la période de dix-neuf ans, ou plus exactement de dix-huit ans deux cent dix-neuf jours huit heures quarante-huit minutes ; c’est-à-dire, de celle qui embrasse la révolution des nœuds de la lune, et qui ramène les éclipses aux mêmes jours et à peu près aux mêmes heures). Cette dernière surtout (1758) a beaucoup de rapport avec 1777 ; sans presque de différence dans les températures de chaque mois de ces deux années, où l’on a éprouvé des excès de sécheresse et d’humidité.

Les années 1778, 1779 et 1780 ont été encore chaudes et sèches ; elles correspondent également à des années où l’on a éprouvé la même température.

Celles qui correspondent à 1781 ont été aussi chaudes et sèches ; et l’on sait combien cette dernière année a été chaude, sèche et prématurée. (L’année 1800 a été aussi extrêmement chaude et extrêmement sèche[15]).

Les années correspondantes à 1782, sur-tout 1725 et 1763, ont été singulièrement froides, humides et tardives ; telle a été aussi la température de 1782 (et celle de 1801, du moins jusqu’à présent, année très tardive).

Observations de M. de la Mark.

1. Il a remarqué une correspondance entre les déclinaisons de la lune et les vents.

2. Il a observé assez constamment que, lorsque la lune va du lunistice boréal an lunistice austral, le vent est nord, le temps beau, et le baromètre élevé, Au contraire, lorsqu’elle va du lunistice austral au lunistice boréal, le vent est sud, le temps pluvieux, quelquefois orageux, et le baromètre bas. Ces effets sont d’autant plus marqués, que la lune est plus près de ses lunistices, sur-tout si elle se trouve alors dans ses sizygies ou dans son apogée et son périgée, et principalement à ce dernier point. Cet effet est d’autant moins marqué, que la lune approche davantage de l’équateur.

Le temps des équinoxes du soleil trouble aussi cette régularité.

Toaldo (Extrait du Père Cotte).

1. Son résultat général est que le baromètre a une marche graduelle, relative à toutes les vingt-quatre heures de la lune  ; que le baromètre s’abaisse, lorsque la lune monte ; et vice versa. La différence diurne entre les extrêmes, est d’un seizième ; l’atmosphère auroit donc ses flux et reflux. Depuis une heure jusqu’à onze heures inclusivement, le baromètre est au dessous et à hauteur moyenne ; et il est au dessus depuis douze heures jusqu’à vingt-quatre.

Les deux marées de l’atmosphère correspondent à la huitième et à la quatorzième heure (il s’agit ici d’heures lunaires comptées depuis le passage de cet astre par le méridien).

2. M. Toaldo a encore examiné l’influence de l’équinoxe ascendant et descendant. Il résulte de cet examen, que le baromètre s’abaisse deux fois au dessous et s’élève deux fois au dessus, de la hauteur moyenne : ce qui indique deux basses et deux hautes marées de l’atmosphère ; les unes et les autres répondant aux heures du flux et du reflux de la mer.

3. M. Toaldo observe que, par rapport à la position du soleil, les hauteurs moyennes du baromètre sont d’environ une ligne plus grandes en hiver qu’en été ; les plus petites tombant en mars et en avril ; et les plus grandes, en décembre et en janvier.

Résultats de douze années d’observations du Père Cotte.

1. Le lunistice austral et le périgée sont les deux points lunaires qui influent le plus sur les variations de pesanteur dans l’atmosphère ; la pleine lune et l’équinoxe descendant sont ceux qui influent le moins à cet égard.

2. Le Père Boudier, qui a observé à Chandernagor, remarque que la plus grande élévation du mercure, dans le baromètre, a lieu, tous les jours, vers les neuf ou dix heures du matin ; et la moindre, vers les trois ou quatre heures du soir. La même observation a été faite à Mexico, à Surinam, à la Martinique ; et je suis dans le cas de la vérifier continuellement, soit par moi-même, soit par mes correspondans.

La cause qui influe sur ce phénomène, peut avoir quelque rapport avec les marées atmosphériques, occasionnées par l’action de la lune.

3. L’année 1778 a été remarquable par la plus grande élévation du baromètre qu’on ait jamais observée ; elle a eu lieu le 26 décembre. Le baromètre étoit à Genève à 27 pouces 9 lignes  ; à Londres, à 28 pouces 7 lignes .

L’on conclut de ce rapport, entre des lieux si éloignés les uns des autres, que les grandes modifications de l’atmosphère s’étendent très loin.

4. Les mois de janvier, février, mars et mai 1779, ont été remarquables par leur sécheresse.

Résultats d’observations par ordre de latitude.

1. Le degré extrême de chaleur est à peu près le même dans toutes les latitudes ; le degré extrême de froid varie beaucoup plus que le précédent ; le degré de chaleur moyenne, annuelle, est considérable vers l’équateur ; le thermomètre s’y soutenant, pendant presque toute la journée, à la même hauteur ; taudis qu’à proportion qu’on s’éloigne de l’équateur, les différences entre les deux termes extrêmes augmentent beaucoup.

2. Les élévations extrêmes et moyennes du baromètre, sont proportionnelles à l’élévation des lieux en latitude.

3. Les pluies sont beaucoup plus abondantes vers l’équateur que vers les pôles ; de même qu’elles sont plus abondantes, dans tous les climats, en été qu’en hiver.

4. Le nombre des jours de pluie augmente à mesure qu’on s’éloigne de l’équateur ; c’est par la même raison que, dans tous les climats, ce nombre est moindre en été qu’en hiver, quoique les pluies soient plus abondantes dans la première de ces deux saisons.

5. Les vents dominent dans l’ordre suivant : sud-ouest, ouest ; nord, nord- ouest, nord-est, sud, est, sud-est[16].

Valmont de Bomare.

1. Il rapporte que, depuis 1550 jusqu’à 1664, la déclinaison de l’aiguille aimantée a été orientale. En 1666, l’aiguille étoit précisément dirigée dans la ligne du pôle. Depuis ce temps jusqu’à présent, la déclinaison a été occidentale.

Observations diverses sur les météores et autres phénomènes corrélatifs.

1. M. Grafft assure (dans les mémoires de Pétersbourg) qu’il ne se lève, ni ne se couche aucune planète, sans quel que mouvement de l’air.

2. On prétend que, lorsque toutes les planètes se trouvent dans les signes septentrionaux, elles occasionnent de grandes chaleurs ; ce qui s’est trouvé vrai à la fin de juillet, et au commencement d’août 1774. L’hiver de 1770 fut très froid ; et toutes les planètes, excepté Saturne, étoient dans les signes méridionaux.

3. On a observé, dans certains ports, que les orages et les mauvais temps se forment lorsque l’eau tourne, c’est-à-dire au commencement de la haute ou de la basse marée (qui dépend, comme on sait, de la situation de la lune) ; mais avec cette différence qu’ils durent plus long-temps si la marée monte, et qu’ils se dissipent plutôt si la marée baisse ; les nuages et les vents suivant, en quelque sorte, les mouvemens de l’eau de la mer.

4. On croit que les mêmes heures sont critiques pour les malades.

5. Il faudroit encore vérifier cet axiome d’Aristote : que tous les animaux naissent dans les heures où la marée monte, et meurent dans le temps qu’elle baisse.

6. Le temps conserve ordinairement la constitution qu’il acquiert, durant la lune de septembre, tantôt pendant trois, tantôt pendant six mois.

Fait singulier.

En 1168, l’Arno (rivière qui passe à Florence) fut tellement glacé, au mois de janvier, que les voitures le traversèrent pendant douze jours ; et quand il commença à dégeler, on entendit dans tout Pise un violent coup de tonnerre[17].

  1. Il n’est pas douteux que les causes locales et particulières ont quelque influence sur la température et sur les météores de chaque région terrestre ; mais il est évident qu’elles influent très peu sur les phénomènes de ce genre, occupant de grands espaces, dans le temps, ou dans le lieu. On peut présumer que Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne et leurs satellites ont une influence analogue (quoique plus foible), sur-tout lorsque ces planètes se trouvent toutes du même côté ; mais l’observation n’a encore rien déterminé sur ce point. Ainsi, selon toute apparence, les deux principales causes de tous les météores et de tous les autres phénomènes, qui n’en sont que des conséquences naturelles, ce sont les deux plus visibles ; je veux dire, le soleil et la lune. Cela posé, il est clair que, s’il y a en effet des périodes, des retours de saisons, ou de parties de saisons ces retours doivent avoir lieu à peu près aux époques où ces deux astres se trouvent dans les mêmes situations respectives ; par exemple, aux points correspondans de cette période si connue, qui est l’objet du nombre d’or, et qui est de dix-neuf ans, ou plus exactement de dix-huit ans, deux cents dix-neuf jours, huit heures, quarante-huit minutes. On verra plus bas que ce résultat du simple raisonnement est parfaitement d’accord avec l’observation directe.
  2. Ce raisonnement nous paroit faux : à ln vérité, l’excès et le défaut doivent également troubler l’équilibre de l’atmosphère, et le mettre en mouvement ; mais ils ne doivent pas le troubler de la même manière, pour un même lieu. Lorsque l’excès, par exemple, se trouve en deux années différentes, dans deux points diamétralement opposés, par rapport à ce lieu, ce mouvement doit se faire aussi en deux sens opposés. S’il se fait du nord vers le sud, dans l’un des deux cas, il doit se faire du sud vers le nord, dans l’autre cas : ce qui doit par conséquent produire aussi deux vents opposés et deux températures contraires. Pour peu que cette théorie de Toaldo soit fondée, lorsque le périgée lunaire répondroit au capricorne, durant l’hiver, il devroit occasionner de grandes gelées dans nos contrées, et lorsqu’il seroit dans ce même signe, durant l’été, il occasionneroit de grandes sécheresses. Car alors la lune attirant l’humor aqueux de notre atmosphère, comme elle attireroit les eaux de l’océan, détermineroit cet humor vers le point de la surface du globe auquel elle répondroit verticalement, par conséquent elle en priveroit notre atmosphère et la dessécheroit ; par la même raison, elle détermineroit un mouvement de l’air vers ce même point, c’est-à-dire, du nord vers le sud, deux effets qui concourroient à occasionner dans nos contrées de grandes gelées durant l’hiver, et de grandes sécheresses durant l’été. Or, c’est ce qu’il est facile de vérifier sur un journal d’observations météorologiques, où soient marqués les points lunaires.
  3. Elle est alors plus forte pour diminuer la pesanteur des fluides, et leur donner un mouvement de bas en haut ; mais moins forte pour leur donner des mouvemens latéraux ou presque latéraux ; tels que ceux d’où résultent les vents de nord, de sud, etc.
  4. Dans certaines provinces de France, les rustiques cultivateurs l’appellent l’année de bicêtre.
  5. Pour que des causes moins puissantes puissent modifier l’atmosphère, et y occasionner un changement sensible, il faut qu’elles la trouvent dans une sorte d’équilibre ou de repos ; mais, lorsqu’elle a reçu une forte impression par l’action d’une cause très puissante, ces petites causes ne pouvant en détruire l’effet, mais seulement le diminuer, elle conserve long-temps l’impression reçue.
  6. On trouve, dans les mémoires de Berne, (1767) cet avertissement. Dans dix ans, on a une fort mauvaise récolte, deux fort médiocres, cinq ordinaires, et deux abondantes.
  7. Si l’automne a été humide et l’hiver doux, le vent de sud a donc fréquemment et long-temps régné durant ces deux saisons ; ce vent a donc poussé dans les régions septentrionales la plus grande partie de l’humor aqueux de l’atmosphère de la zone tempérée et de la zone torride. Cette eau s’y est donc gelée, (le froid qui y règne, dans de telles années, quoique moins âpre qu’il ne l’est ordinairement, étant toujours plus que suffisant pour la congélation). Il y a donc, dans la région septentrionale, une quantité de neiges et de glaces beaucoup plus grande qu’à l’ordinaire, elle sera donc très long-temps à se fondre. Ainsi, l’air de l’atmosphère septentrional qui, durant tout le printemps, touchera et léchera, pour ainsi dire, continuellement la surface de cette eau glacée, sera plus froid, plus pesant et plus élastique qu’il ne l’est ordinairement : il aura donc plus d’avantage qu’à l’ordinaire sur l’air méridional. Le vent de nord, et le froid qu’il amène, seront donc plus fréquens et plus constans dans la zone tempérée qu’ils ne le sont ordinairement ; et l’hiver, ainsi déplacé par les vents de sud qui auront régné durant cette saison, se transportera dans le printemps ; saison toutefois où le froid sera diminué par la chaleur du soleil, dont l’intensité et la durée croîtront alors de jour en jour. Au contraire, si l’hiver est sec, le printemps doit être humide. Car, si l’hiver est sec, le vent de nord est donc fréquent et de longue durée dans cette saison : les gelées et les neiges sont donc fréquentes. Or, s’il y a beaucoup de glaces et de neiges, il y aura donc une grande fonte au printemps ; et durant cette saison, l’humor aqueux provenant de cette fonte se répandra sur la terre, dans les fleuves, rivières, ruisseaux, lacs, étangs, etc. dans la mer et dans l’atmosphère, par-tout.
  8. Tous les fluides, et sut-tout l’eau, tendent à se répandre uniformément et à se distribuer également dans tout espace où leur cours est libre. De plus, chacune des causes qui empêchent cette égalité de distribution dans l’atmosphère, et qui luttent sans cesse les unes contre les autres, est tantôt supérieure et tantôt inférieure. Ainsi supposons qu’une cause quelconque, résidant dans la région septentrionale, ait poussé l’humor aqueux en grande quantité dans la zone tempérée (qui est méridionale par rapport à la zone glaciale), lorsque la cause boréale venant à s’affaiblir, la cause méridionale deviendra supérieure, cette eau qui s’étoit accumulée au midi, sera poussée vers le nord par deux causes combinées : savoir, par la cause méridionale dont la réaction sera par l’hypothèse supérieure à l’action de la cause boréale, puis par la tendance naturelle de l’eau à se répandre uniformément. Ainsi, cette eau ne se distribuera également ni au nord, ni au midi, comme elle l’auroit fait si elle n’eût obéi qu’à sa seule tendance. Mais elle s’accumulera au nord, elle y sera en excès, et elle manquera au midi, elle y sera en défaut. Actuellement supposons, que l’humor aqueux pêche d’abord par excès au nord et par défaut au midi. À l’aide d’un raisonnement semblable au précédent, nous sécherons le nord et nous mouillerons le midi. Quant aux vents latéraux, soit de l’est, soit de l’ouest, et aux mouvemens semblables de l’humor aqueux, il paroit que ces vents et les mouvemens corrélatifs de l’eau ne peuvent avoir lieu que dans les cas où la cause boréale et la cause australe étant égales ou presque égales, et dans une sorte d’équilibre, l’air atmosphérique, tendant à se porter de l’est vers l’ouest, ou de l’ouest vers l’est, et l’eau dont il est le véhicule, peuvent se glisser, pour ainsi dire, entre deux ; savoir, entre la calotte sphérique et boréale d’air seul, ou d’air combiné avec de l’eau, et la ceinture, ou zone méridionale, aussi d’air seul, ou d’air et d’eau. Ainsi, dans l’atmosphère terrestre, comme dans tout le reste de l’univers, l’égalité parfaite étant un cas beaucoup plus rare que l’inégalité, les vents de nord et de sud doivent être et sont en effet beaucoup plus fréquens que les vents d’est et d’ouest ; la tendance naturelle de l’humor aqueux å se distribuer également, étant toujours, ou presque toujours combinée avec une autre cause, cette distribution uniforme ne doit jamais, ou presque jamais avoir lieu dans aucune région ; cet humor, dans chaque région, doit être toujours ou presque toujours en excès, ou en défaut ; la succession alternative de ces deux extrêmes (et par conséquent celle des saisons trop sèches et des saisons trop humides) doit être perpétuelle ou presque perpétuelle dans chaque région. Enfin, l’excès qui a lieu dans un temps, ou dans une région, est la cause nécessaire du défaut qui a lieu dans un autre temps ou dans une autre région ; et réciproquement : ce qu’il falloit démontrer. D’ailleurs, l’air atmosphérique et l’humor aqueux, dont il est le véhicule, sont dans un mouvement perpétuel. Or, il n’y a d’autres mouPemens perpétuels existans ou possibles, que les mouvemens révolutifs (dans des courbes rentrantes) et les mouvemens alternatifs, ou leurs combinaisons. Donc, si les mouvemens de l’air atmosphérique et de l’humor aqueux ne sont pas révolutifs, ils sont alternatifs. Or, l’observation prouve que leurs mouvemens ne sont pas révolutifs. Ils sont donc alternatifs. L’air et l’eau doivent donc se porter et de portent en effet, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre,… comme nous.
  9. Dans le supplément qui est à la fin de la neuvième centurie de l’Histoire naturelle (tome IX), j’ai mis sous mon nom cette observation, l’ayant faite moi-même dans les années 1795, 1783, 1788 et 1794, et ne connoissant pas encore celle de Toaldo ; mais si les deux observateurs se trouvent d’accord sur ce point, l’aphorisme n’en a que plus de force et de solidité.
  10. La coupole glaciale de Bernardin de St. Pierre, à mesure qu’elle se forme et s’étend, chasse ces oiseaux vers le midi. S’ils paroissent de bonnė heure dans nos contrées, cette coupole est donc déjà formée, et son bord méridional très avancé vers le sud. Il y a donc déjà au nord une vaste calotte de froid solide. Il y aura donc fréquemment et long-temps, dans nos contrées, des vents de nord et des gelées. Ces oiseaux sont donc les courriers de l’hiver.
  11. Ces orages en décembre et en janvier supposent des temps doux : or, les vents de sud que supposent ces temps doux, chargeant et poussant dans la région septentrionale l’humor aqueux de la région méridionale, humor qui s’y convertit en glaces et en neiges, y recommencent l’hiver, qui ensuite sera porté par les vents de nord dans la zone tempérée, et s’étendra sur le printemps.
  12. Le lecteur, en comparant ce n°. avec le précédent verra pourquoi j’ai inséré, dans cet extrait, des observations sur l’aiguille aimantée. Je soupçonne qu’il y a, entre les causes des variations de la température et celle de la propriété magnétique, une relation très étroite ; ces choses se tiennent, puisque tout se tient : mais cette connexion, cette dépendance mutuelle dont nous parlons, est-elle médiate ou immédiate, prochaine ou éloignée ? c’est le véritable état de la question. Les effets de ces deux fspèces sont trop généraux, pour que leurs causes ne le soient pas ; et deux causes générales sont nécessairement ou identiques, ou analogues, ou concourantes, ou opposées et luttantes l’une contre l’autre : mais ceci est encore trop vague. Pour approcher un peu plus de la solution, si j’étois possesseur d’une bonne aiguille aimantée de six à sept pouces, je hazarderois peut-être les deux expériences suivantes, quelque ridicules qu’elles puissent paroître à la première vue.

    1°. J’approcherois du pole boréal de cette aiguille un gros morceau de glace, en le plaçant d’abord à l’est, puis l’ouest, enfin au nord direct de ce pôle. Ensuite je ferois ces trois mêmes épreuves sur le pole austral, et peut-être appercevrois-je, dans l’un des six cas, un très léger moupement dans l’aiguille.

    2°. Je ferois six épreuves semblables avec un corps très chaud ; par exemple, avec un fer rouge, en mettant toutefois une plus grande distance entre ce corps et l’aiguille aimantée, de peur que sa chaleur ne diminuât ou ne détruisît même la vertu magnétique de l’aiguille. Cela posé, si l’aiguille faisoit quelque léger mouvement du côté opposé de celui où se trouveroit le corps chaud, ce résultat ne nous apprendroit rien de nouveaux car alors ce mouvement pourroit être simplement l’effet de cette répulsion qu’un corps très chaud exerce sur tous les corps environnans, et qui est sensible dans les corps très légers, ou très mobiles, quoique pesans. Mais, si l’aiguille se portoit du côté du corps chaud, ce dernier résultat mériteroit quelque attention, en supposant toutefois que ce mouvement ne vint pas de ce que la chaleur de ce corps romproit l’équilibre entre la masse d’air située de son côté, et celle qui se trouveroit du coté opposé. Quoi qu’il en soit, il est très probable que ces douze expériences ne présenteroient aucun résultat nouveau ; et il est cent fois plus probable que, si nous portons un jugement sur la nullité ou la réalité des douze résultats, avant d’avoir fait aucune épreuve de ce genre, nous croirons savoir ce qu’en effet nous ignorerons. Il ne suffit pas de faire des expériences indiquées par des raisonnemens, il faut aussi en faire auxquelles on ne soit conduit par aucune analogie ; et, comme le dit Bacon, remuer toutes les pierres pour trouver quelque chose d’extraordinaire, et ne pas demeurer éternellement emprisonné dans le cercle étroit de nos connoissances actuelles, et de celles qui s’en éloignent peu ; l’expérience et l’observation même nous ayant appris que les plus belles découvertes sont presque toujours le produit des observations fortuites, ou des expériences hazardées.

  13. Cette assertion est fausse, comme on le verra plus bas.
  14. En fait d’hiver, comme de toute autre chose, astreinte à une certaine quantité et qu’on ne peut éviter, ce qu’on a de bonne heure, on le perdra ensuite ; et ce qu’on n’a pas d’abord, on l’aura plus tard.
  15. Cependant il n’est pas probable que les cinq années de suite, 1777, 1778, 1779, 1780 et 1781, aient été toutes chaudes et sèches.
  16. Il résulte de la comparaison que je viens de faire d’observations météorologiques de treize années, extraites du journal de Paris, que les vents de sud, d’ouest, et de tous les points du quart de cercle, compris entre ces deux points cardinaux, soufflent pendant sept mois de l’année. Ainsi, toutes choses égales, la probabilité que le vent, dans un jour déterminé, soufflera du sud ou de l’ouest, ou de quelqu’un des points compris entre ces deux limites, est à la probabilitó qu’il soufflera de quelque rhumb compris dans les trois autres quarts, comme sept est à cinq. Et la probabilité qu’il soufflera du sud, de l’ouest, ou d’un des rhumbs intermédiaires, est à la probabilité qu’il soufflera de quelque rhumb compris dans tel des trois autres quarts, comme quatre est à un.
  17. La même chose est arrivée à Auxerre, où j’étois, le 8 janvier 1789 ; à quatre heures du matin, toute la ville fut éveillée par un violent coup de tonnerre, qui fut comme le signal du dégel : en effet, dès ce moment, le froid rigoureux qu’on éprouvoit depuis le 29 novembre 1788, et qui étoit allé jusqu’au dix-huitième degré, commença à diminuer. Ce fait porteroit à croire que les orages dépendent, en général, de l’extrême différence entre la température de la surface du globe et celle de la moyenne région de l’atmosphère, quelle que soit celle des deux régions où se trouve la plus grand froid, ou la plus grande chaleur.