Histoire des races maudites de la France et de l’Espagne/Introduction


INTRODUCTION.


S’il était nécessaire de démontrer avec quelle persistance invincible les préjugés maîtrisent les hommes et combien les lois sont impuissantes à changer les mœurs qu’elles réprouvent, l’histoire des Races maudites suffirait pour atteindre ce but. Il est aisé de comprendre que les Juifs, considérés comme les descendants des meurtriers d’un Dieu, aient été des objets de haine et de mépris pour ses adorateurs, qui, d’ailleurs, n’avaient presque jamais de rapports avec eux sans que ce fut aux dépens de leur fortune ; on oubliait promptement les services qu’on en avait reçus pour se souvenir seulement des conditions onéreuses dont on avait dû subir le joug, sans compter que la nature des opérations auxquelles les Juifs se livraient tout entiers et la résignation qu’ils étaient forcés de pratiquer n’étaient pas de nature à les rehausser dans l’esprit de peuples guerriers ou agriculteurs. Il est encore plus naturel que les Bohémiens, cette race sans foi ni loi, qui ne demande sa vie qu’au mensonge et au vol, aient de tout temps excité un vif sentiment de répulsion chez les populations au milieu desquelles ils vivaient. Mais les Cagots, mais les Caqueux, mais les Chuetas, mais les Vaqueros, mais les Oiseliers ne ressemblaient en rien aux races que nous venons de nommer : ils avaient un domicile fixe, ils professaient la même religion que leurs voisins, ils gagnaient leur vie en exerçant des métiers utiles et honorables : d’où vient donc le mépris et l’aversion qu’ils inspiraient ? C’est ce que nous nous sommes proposé de rechercher dans ce livre, destiné à retracer les suites à jamais déplorables d’un préjugé, mais non à raviver des haines qui, si elles ne sont pas encore bien éteintes, ne tarderont pas à l’être.

L’existence et l’état misérable des Cagots, si peu et si mal connus hors des lieux qu’ils habitaient, sont des faits incontestables que l’ignorance seule pourrait vouloir révoquer en doute ; mais leur origine, déjà problématique vers la fin du moyen-âge, s’obscurcit de jour en jour : chaque siècle, en passant, laisse tomber son voile sur elle comme pour la dérober aux regards des races futures. Cette origine, comme nous le verrons tout à l’heure, a fourni matière à nombre de conjectures plus ou moins probables, plus ou moins ingénieuses ; ce qu’il y a de certain, c’est que ces êtres, dégradés par l’opinion et portant sur eux je ne sais quel sceau de malédiction, étaient bannis, repoussés de partout comme des pestiférés dont on redoutait le contact et la vue. Ils étaient sans nom, ou, s’ils en avaient un, on affectait de l’ignorer pour ne les désigner que par la qualification humiliante de crestiaa ou de cagot. Leurs maisons, disons mieux, leurs huttes, s’élevaient à l’ombre des clochers et des donjons à quelque distance des villages, où ils ne se rendaient que pour gagner leur salaire comme charpentiers ou couvreurs, et pour assister à l’office divin à l’église paroissiale. Ils n’y pouvaient entrer que par une petite porte qui leur était exclusivement réservée ; ils prenaient de l’eau bénite dans un bénitier à part, ou la recevaient au bout d’un bâton. Une fois dans le lien saint, ils avaient un coin où ils devaient se tenir séparés du reste des fidèles. On craignait même que leurs cendres ne souillassent celles des races pures : aussi leur assignait-on, dans le champ du repos, dans le lieu où tous les mortels sont égaux, une ligne de démarcation. Le peuple, en général, était tellement imbu de l’idée que les Cagots ne ressemblaient en rien au reste des hommes, qu’un père réduit à la plus extrême misère, aurait mille fois mieux aimé voir sa fille tendre la main à la charité publique que de l’unir à un Cagot. Ce préjugé passa du peuple aux plus hautes classes de la société, et l’Église et l’État furent d’accord pour repousser de tous les emplois honorables les victimes sur lesquelles il s’acharnait ; enfin, il les poursuivit avec une opiniâtreté tellement minutieuse qu’il leur désigna jusqu’aux sources où ils devaient puiser l’eau qui leur était nécessaire : aussi n’est-il presque pas de village dans les Pyrénées où il n’y ait une fontaine appelée Fontaine des Cagots.

Sous l’empire de pareilles idées, doit-on être surpris de voir planer sur eux les imputations les plus calomnieuses, les soupçons les plus flétrissants ? Ils étaient sorciers, magiciens ; ils répandaient une odeur infecte, surtout pendant les grandes chaleurs ; leurs oreilles étaient sans lobe, comme celles des lépreux ; quand le vent du midi soufflait, leurs lèvres, leurs glandes jugulaires et la patte de canard qu’ils avaient empreinte sous l’aisselle gauche, se gonflaient ; et mille autres accusations tout aussi fondées. Ainsi les vieilles légendes, auxquelles le peuple ajoute encore foi aujourd’hui, nous représentent les Cagots comme enclins à la luxure et à la colère ; comme avides, hautains, orgueilleux, susceptibles et surtout pleins de prétentions. Une ancienne tradition, dont nous ne garantissons pas l’authenticité, nous assure que lorsque la dénomination de Cagot était donnée à quelque membre de cette caste flétrie par l’opinion, il avait le droit, par devant la justice du temps, d’exiger une réparation ; mais il ne pouvait la recevoir qu’à la condition de porter un pied de canard sur l’épaule. Ce qu’il y a de certain, c’est que jusqu’à la fin du XVIIe siècle, les Cagots pyrénéens, les Gahets gascons et les Caqueux de la Bretagne étaient astreints par la législation alors en vigueur à porter une marque distinctive, appelée pied d’oie ou de canard dans les arrêts des parlements de Navarre et de Bordeaux.

En proie à tant de misères, si les Cagots espéraient un changement dans la législation et de meilleurs jours pour leur postérité, ils devaient désespérer qu’elle se fondît jamais dans la masse générale, qui, en dépit des ordonnances et des arrêts, s’obstinait à la repousser de son sein : en effet, le prêtre et le tabellion, couchant sur les registres de l’état civil et sur ceux du fisc les noms des Cagots qui naissaient, qui se mariaient, qui mouraient, et qui à force de travail et d’intelligence étaient devenus propriétaires, oubliaient rarement de les accompagner de la qualification qui vouait ces malheureux au mépris et à la haine de leurs semblables, et perpétuaient ainsi la ligne de démarcation qui les en séparait. Ce n’était pas tout : un riche Cagot se mariait-il, son nom et celui des gens de la noce ne tardaient pas à figurer dans une chanson satirique, qui circulait au loin et se transmettait de père en fils. Les Cagots avaient-ils eu une rixe avec ceux qui ne l’étaient pas, vite un chant de victoire où les maudits étaient encore maltraités après le combat. Cependant, ils ne voulurent pas laisser à leurs adversaires le monopole de ces chansons : un Cagot de Bénéjacq, entre autres, en composa une ; mais, au lieu de se livrer à de justes représailles, il entonne un chant où respire la gaîté et la résignation.

Cette vertu jointe à l’amour du travail rendit leur condition plus tolérable ; ils entreprirent de remonter au rang dont ils n’auraient jamais dû descendre, et pendant quatre siècles, du XVIe au XIXe ils ne cessèrent de réclamer contre les mauvais traitements dont ils étaient l’objet. Au XVIIe siècle le pouvoir judiciaire passa de leur côté ; mais ils ne gagnèrent pas beaucoup à ce changement, dû aux lumières de l’époque : les parlements, qui avaient été peu obéis des Cagots lorsqu’ils s’étaient montrés hostiles à cette race vouée au malheur, le furent encore moins de ses adversaires quand ils lui devinrent favorables, et les lois ne purent prévaloir contre l’habitude. Enfin 1789 vint, et les Cagots français, déjà en possession d’une condition meilleure, durent croire qu’ils touchaient au terme de leur longue misère ; ils profitèrent des troubles de la révolution pour détruire les monuments qui les signalaient comme Cagots ; mais leur but n’a pas été complètement atteint, et où les écrits ont disparu, la tradition reste et désigne telle ou telle famille comme cagote. La civilisation dont notre époque se glorifie n’a pas lui également sur toutes les localités encore habitées par les descendants des Races maudites ; si dans les unes elle a entièrement dissipé le préjugé qui les frappait, dans d’autres elle n’a fait qu’en diminuer l’intensité. Il n’y a plus ni Oiseliers ni Marrons, races pareilles à celles des Cagots pour l’aversion dont elles étaient l’objet, mais infiniment moins considérables et dont les annales sont bien plus pauvres ; c’est à peine si l’on compte encore quelques Chuetas à Palma, et quelques Vaquéros dans les Asturies. Quant aux Agots ou Cagots du versant méridional des Pyrénées, ils ne sont complètement émancipés que d’hier, et il faudra beaucoup de temps encore pour qu’ils rentrent en grâce dans l’opinion du vulgaire.

C’est donc aujourd’hui ou jamais qu’il faut écrire les annales des Races maudites de la France et de l’Espagne, qui ne sont pas même nommées dans les meilleures histoires de ces deux pays. Plus tôt un livre comme le nôtre n’eût pas été possible ; plus tard il ne le serait plus. Les documents, quoi qu’on fasse pour les conserver, s’égarent ou se perdent ; les vieillards, ces chroniques vivantes du passé, s’en vont ou deviennent incapables de répondre aux questions qu’on leur adresse, et leur mémoire se refuse à rendre les chansons populaires qu’ils lui ont confiées : hâtons-nous donc de retracer cette curieuse page de l’histoire moderne, qui, pour être étrangère à l’histoire politique, n’en mérite pas moins l’attention.

Avant nous, plus d’un écrivain a abordé la tâche que nous avons entreprise ; mais à part F. de Belle-Forest et P. de Marca, qui ont parlé des Cagots des Pyrénées de visu, mais incidentellement, et Palassou, qui n’a pas poussé assez loin ses recherches, tous les auteurs qui ont traité cette question n’ont fait que reproduire ce qui avait été dit avant eux, seulement ils y ont ajouté des inexactitudes de leur crû. Un examen successif de tout ce qu’on a écrit relativement aux Cagots, Agots et Capots des Pyrénées et de la Gascogne, aux Gahets de la Guienne et aux Caqueux de la Bretagne, éclairera le lecteur à cet égard, et lui montrera à quel point la question en était lorsque nous l’avons prise. Nous examinerons ce qui a été dit des autres Races maudites en tête du chapitre que nous consacrerons à chacune d’elles.

Le premier auteur qui ait parlé des Cagots est le médecin Laurent Joubert, qui s’exprime ainsi sur leur compte, à propos des taches qu’on voit sur la peau de certains individus : « Quoique de pareilles affections semblent plutôt des impuretés de la peau que des maladies, et que, à ce qu’on dit, elles régnent, non sur la totalité, mais sur de certaines parties du corps, cependant il y a des hommes vulgairement appelés Capots et ladres blancs, qui présentent une leucé générale. En effet, leur véritable mal, ce n’est pas l’éléphantiasis proprement dite, que l’on définit un chancre de tout le corps et qui provient uniquement de l’atrabile, par suite de l’inflammation de toutes les humeurs ; ce n’est pas non plus ce que les Grecs appellent lèpre, et qui n’est qu’une affection de la peau, ni le mélas, sorte de vitilige. C’est dans la pituite que la capoterie a sa source ; tout l’indique : blancheur complette et presque de neige, absence de toute démangeaison, surface du corps égale et unie, et bouffissure de la face. La seule chose qui fasse supposer qu’ils ne jouissent pas d’une parfaite santé, c’est leur mauvaise haleine : ce qui provient de la facilité avec laquelle leur pituite se corrompt. Cette affection n’est pas contagieuse, comme la lèpre ; elle ne se gagne même pas par le commerce des deux sexes ; elle n’est qu’héréditaire et se transmet aux enfants. En effet, il n’y a que celui qui est né de parents capots, soit de père et de mère, soit de l’un des deux seulement, en qui l’on découvre la capoterie, c’est-à-dire qui soit affecté d’une leucé naturelle et générale ; voilà du moins ma conjecture. C’est ainsi que les lézards verds font des lézards verds, et les polypes blancs des polypes blancs. C’est donc avec raison qu’on leur interdit de se marier hors de leur caste, de peur que ce mal, qui s’est maintenu avec une invincible persistance dans une certaine population, ne s’étende davantage. La première origine de ce mal remonte à des individus primitivement atteints d’une affection qui se rapproche beaucoup de l’anasarque[1], et qui provenait, ou de la mauvaise qualité des aliments, ou d’un désordre dans les fonctions digestives : ce que donnent aisément à entendre les ingénieux raisonnements de Galien, liv. iii, Des causes des symptômes, chap. v[2]. »

Après Laurent Joubert, qui probablement n’avait jamais vu de Cagot, vient le commingeois François de Belle-Forest, dont voici textuellement les paroles : « Je ne veux oublier qu’es pays de Béarn, et de Bigorre, et par presque toute la Gascoigne il y a une sorte d’hommes, que ceux du pays appellent les uns Capots, les autres Gahets, mais que touts detestent en general, et fuyent leur accointance pour les avoir en opinion qu’ils sont ladres. Aussi ne leur est-il permis de se tenir dedans les villes, ains és fauxbourgs, et là encor escartez de touts les autres : voire és Eglises on leur fait une closture a part, affin qu’ils n’infectent les autres. Ils sont touts charpentiers, et tonneliers, et n’en trouverez pas un qui face autre mestier, beaux hommes, laborieux, fort mechaniques : et au reste portans en leur face, et actions quelque cas qui les rend dignes de celle detestation, en laquelle on les a ainsi par tout : outre ce tant beaux soyent ils, ny eux ny leurs femmes, si ont ils touts l’haleine puante, et les approchant vous sentez ne sçay quel mal plaisante odeur sortir de leur chair, comme si quelque malediction de pere en fils, tomboit sur ceste race miserable d’hommes. Quant a dire d’où cela provient, les opinions en sont diverses, les uns reportent cela a la malediction donnée par Helisee à Giezi son serviteur, et asseurent que ce genre d’hommes sont de sa race, a laquelle la lepre de Naaman (selon le dit du prophete) doit adherer jusqu’a la fin du siecle : d’autres dient que ce sont les restes des Goths demourez en Gascoigne : mais c’est fort mal parlé, car la plus part des maisons d’Aquitaine, et d’Espaigne, voire les plus grandes, sont issues des Goths, lesquels long temps avant le Sarrasinesme avoyent receu la religion Catholique pour quitter l’Arrianisme. D’autres sont d’advis que ces Gahets ou Capots, sont issus des reliques des hérétiques Albigeois, excommuniez par censure apostolique, et que ceste lepre interieure leur est ainsi demouree, et demeure a perpetuité en signe de la desobeissance. Or laquelle que ce soit de ces raisons, si est-ce que pour dire vray, ce peuple n’est guere friant des Eglises, et ne frequente le divin service que par maniere d’aquit : aussi est il enterré ailleur que le reste des Chrestiens, et presque sans nulle solennité : et qui plus est quelque part qu’il soit, il est povre, vivant du jour a la journée, serf de chacun, et n’osant respondre au moindre du peuple qui l’injurie, et s’il y en a quelqu’un de riche (ce qui n’advient que rarement) on ne voit guere que ses enfans heritent de sa substance, si ce n’est du meuble que tout le monde abhorre comme la peste : qui me fait penser que ce soit pour vray ceste race Giezite, et Juifve Chrestienne par le commandement de quelque Prince, laquelle porte encor la penitence du peché de leur chef : et m’estonne que nul des anciens aye remarqué chose tant segnalee que de voir par toute une grande Province, n’y avoir presque ville, ny village, et sur tout en Bearn, et Bigorre, où il n’ayt quelque famille de ces Charpentiers separez du corps, et société des autres citoyens : et que la chose s’estant ainsi escoulée sous silence, et les modernes en ignorans la cause, ces hommes cependant n’ont peu gaigner l’heur d’estre receuz parmy les autres, tant la main de Dieu les a tenus de prez, et tant sa parole est veritable, et infaillible. Je laisse aux gents de meilleur esprit que le mien, le discours plus secret de ces choses, me suffisant de vous avoir touché ce que j’ai veu, et que nul (que je sçache) avoit jusqu’aujourd’huy mis en evidence[3]. »

Vers le même temps, un étranger qui écrivait sur la France un livre[4], dans lequel ses propres observations se trouvent combinées avec celles de ses devanciers, consacrait quelques lignes aux Cagots[5]. L’auteur, Just Zinzerling, commence par rapporter le passage de Paul Merula ; puis, venant à ce qui lui est personnel, il fait connaître les détails qu’il avait appris à Toulouse, au sujet d’un examen de Cagots[6], et termine en émettant l’opinion que ce sont les descendants des Goths.

Jean Darnal, avocat au parlement de Bordeaux, et jurat de cette ville, s’exprime ainsi dans sa continuation de la Chronique Bourdeloise : « (L’année 1555) Messieurs les Jurats firent ordonnance, que les Gahets qui resident hors la ville du costé de Sainct-Julien en un petit faux-bourg separé, ne sortiroient sans porter sur eux en lieu aparent une marque de drap rouge. C’est une espece de ladres non du tout formez, mais desquels la conversation n’est pas bonne, qui sont charpantiers et bons travaillons, qui gaignent leur vie en cest art dans la ville et ailleurs[7]. »

À quelque temps de là, un autre magistrat de Bordeaux, Florimond de Ræmond, conseiller au parlement, faisant observer que « tout ainsi que les ladres du corps, sont comme retranchez du monde, aussi les ladres de l’ame, ont toujours esté séparez de l’Eglise, » ajoute : « Nous voyons en nostre Guyenne, cela avoir este practiqué à l’endroit de ceux qu’on appelle communément Cangots ou Capots : race quoy que Chrestienne et Catholique, qui n’a pourtant aucun commerce, ny ne peut prendre alliance avec les autres Chrestiens, moins habiter aux villes, leur estant mesmes deffendu de se mettre à la table sacrée, avec les autres Catholiques, et ayans lieu séparé dans l’Eglise. Le peuple saisi de ceste opinion, qu’ils soient infects, se persuade qu’ils ont l’alaine et la sueur puante (le mesme dit-on des Juifs) et tient pour certain qu’ils sont tachez de quelque espece de ladrerie. C’est pourquoy on les contraint en quelques lieux, comme en ceste ville de Bordeaux, de porter un morceau de drap rouge sur l’espaule pour les recognoistre. J’ay tousjours pensé que c’estoit un erreur populaire, et que ceste ladrerie corporelle qu’on imagine, provient de la ladrerie spirituelle de leurs Peres : Car il y a grande apparence, que ce sont les restes des Gots Arriens, qui furent deffaits à nos portes, dont encor aujourd’huy un champ porte le nom, et que le victorieux donna la vie à quelque miserable canaille, qui eschappa la furie du combat, à la charge de se separer en divers lieux, qui leur furent assignez pour leur demeure, en la Guyenne, et en quelques endroits du Languedoc, apres avoir abjuré leur Heresie. Ce que j’ay remarqué en quelque bon Autheur, qui m’est escoulé de la memoire. Et comme on permet aux Juifs de vivre entre les Chrestiens, mais c’est à la charge d’avoir quartier à part, aussi on leur prohiba d’avoir aucune hantise ou communication familiere avec les Catholiques, rigueur qui a continué de main en main à leurs successeurs… J’ay autresfois veu un vieux titre d’une des terres de la Dame Corisande d’Andouins, Comtesse de Guissen, par lequel ses predecesseurs avoient donné permission à quelque partie de ses peuples de s’allier avec le reste des Chrestiens, qui tesmoigne que c’estoit une maladie de l’ame et non du corps. Aussi en quelques lieux la coustume du Pays leur deffend de porter armes, ny mesmes avoir des cousteaux qui ne soyent emoussez. A quoy sont bonnes ces deffences, si ce n’est pour marque et tesmoignage de sedition et rebellion, compagne certaine et infaillible de l’Heresie ? Cecy a beaucoup d’apparence : car les médecins ne sont pas d’accord que ces hommes soient taschez d’aucun mal contagieux. Ils en ont fait espreuve par la saignee, n’ayant peu recognoistre aucune chaleur extraordinaire en leur sang, qui eust fondu tout aussi tost le sel qu’on jettoit dedans, s’il eust esté entasché de lepre. D’ailleurs ils sont forts, robustes, et gaillards, comme le reste du peuple. Que si c’estoit quelque espece de ladrerie, les autres contrees, voire les autres Royaumes, n’en seroient pas exempts. Or il ne se trouve de ceste race de gens en lieu de la terre, qu’en la Guyenne et en Languedoc, où fut ceste grande deffaite des Gots au temps du Roy Clovys, ce qui me faict croire que ce sont les restes de ce peuple[8]. » Le conseiller ajoute qu’il est confirmé dans son opinion par le nom des Cagots, qu’il dit être une altération de Cans Gots, qui signifie chiens goths, et termine par quelques considérations sur les noms de Chestiens et de Gahets, sur lesquelles nous aurons à revenir.

Le père de la chirurgie française, abusé par la tradition populaire, range les Cagots parmi les lépreux ; seulement, les voyant aussi beaux et aussi sains en apparence que le reste des hommes, il invente une classe de ladres, pour les y placer, au lieu d’examiner sans préventions la valeur des bruits répandus sur leur compte. Voici ses paroles : « Outre plus il faut estimer, que lorsque les signes (de la lèpre) apparoissent au dehors, le commencement est long temps auparavant au dedans, à raison qu’elle se fait tousjours plustost aux parties interieures qu’exterieures : toutesfois aucuns ont la face belle, et le cuir poly et lissé, ne donnant aucun indice de Lepre par dehors, comme sont les ladres blancs, appellez Cachots, Cagots, et Capots, que l’on trouve en basse Bretagne, et en Guyenne vers Bordeaux, où ils les appellent Gabets[9] : és visages desquels bien que peu ou point des signes sus alleguez apparoissent, si est-ce que telle ardeur et chaleur estrange leur sort du corps, ce que par expérience j’ay veu : quelquefois l’un d’iceux tenant en sa maison l’espace d’une heure une pomme fresche, icelle apres apparoissoit aussi aride et ridee, que si elle eust esté l’espace de huict jours au Soleil. Or tels ladres sont blancs et beaux, quasi comme le reste des hommes, etc.[10] »

Guillaume Bouchet, qui dix ans plus tard reproduisait les mêmes détails, à quelque chose près, nous apprend qu’il y avait de son temps des Cagots dans le Poitou : « … Laissant le particulier, on se va mettre sur le general : mettant en avant le pays où il y avoit le plus de ladres. Et fut trouvé que nostre Poictou n’en estoit gueres taché : à cause de la region qui est temperee : que s’il y en avoit, que c’estoyent ladres blancs, appeliez cachots, caquots, capots, et gabots qui ont la face belle : que s’ils sont ladres, ils le sont dedans le corps : le commencement de ladrerie estant long temps au paravant au dedans avant que paroistre : à raison que la lepre se fait tousjours plustost aux parties intérieures qu’exterieures[11] ».

Quelques pages plus loin, le conteur poursuit en ces termes : "Sur la fin de la Seree, laissans la lepre particuliere, ils se mirent à disputer si les capots de Gascogne estoyent vrayement ladres : mais n’en estant rien conclud, je ne mis rien en ma memoire[12]. » Ce passage, réellement curieux, achève de prouver que dans le même temps que les parlements et les assemblées législatives traitaient les Cagots à peu près comme des lépreux, c’est-à-dire à la fin du XVIe siècle, il y avait déjà doute qu’ils le fussent, et qu’il était impossible à un savant, comme l’était Bouchet, de disserter, à leur sujet, plus amplement que ne l’avait fait François de Belle-Forest, dont il ne pouvait manquer de connaître le livre.

Mieux avisé que Paré et Bouchet, un chirurgien contemporain, qui avait eu plus d’une fois occasion d’examiner des lépreux, déclare en ces termes que les Cappots ou Cagots ne sont vrais ladres : « Arnobius… dict, que la lepre de l’ancien Testament, et mesme aussi celle que nostre Seigneur Jesus-Christ guerit en conversant avec les hommes, n’estoit que la pure Vitiligo blanche (que les Juifs appelloyent lepre, Barrat ou Albarrat), les Grecs la nommoyent λευκῆ, les Arabes Guada ou Alguada, d’où, à mon advis, est procedee l’erreur de quelques uns, qui veulent que les personnes saisies de ceste lepre blanche (qu’aucuns estiment estre la vraye Cappoterie) descrite en ces lieux du vieil Testament, soyent appellez ladres blancs, Cappotz, Cagotz, ou Cangotz. Toutesfois ils sont fort deceus, comme il leur sera facile à juger, lors qu’ils auront leu, et bien observé entre autres livres, et passages, ce que monsieur Augier Ferrier (Médecin de ceste ville, et grand Alpheste) en a escrit en sa république[13]. » Plus loin, le même chirurgien traitant des signes univoques de lepre, déclare que les Cagots ont tous l’haleine puante : « Ceste feteur d’haleine (dit-il) est aussi familière aux Cappots, comme estant la seule des marques qui les rend differens d’avec les sains, laquelle procede de la pituite, qui est abondante en eux, qui se pourrit et s’altere facilement : d’où procede l’haleine puante de ces ladres (improprement) blancs, selon maistre Joubert[14]. »

À peu de temps de là, mais à une grande distance des Pyrénées, un auteur italien parlait ainsi des Cagots, sans doute sur la foi des cosmographes qui l’avaient précédé : « Par tout ce pays, il se trouve une sorte d’hommes appelés Capots, qui ne font d’autre métier que celui de bûcherons et de tonneliers, et qui sont pauvres et misérables. Ces gens-là, évités et fuis par les autres, n’habitent pas dans les villes, mais dans les faubourgs et à part, comme chez nous les Bohémiens et les Juifs. On pense que ce sont des restes des Albigeois[15]. »

Après le livre de Botero, le premier ouvrage qui se trouve sur notre chemin, est la relation de deux Jésuites en mission dans le Béarn. Ils y virent des Cagots, et en parlèrent en ces termes, dans une lettre qu’ils écrivirent au général de leur ordre : « Les Cagots (Cascigotki) du Béarn, restes des anciens Goths, sont séparés, par le quartier qu’ils habitent et par leurs mœurs, de la masse des indigènes, avec lesquels ils n’ont absolument aucun commerce, et qui croiraient se déshonorer en s’alliant par mariage avec eux. Jadis ils imposèrent aux Béarnais la plus dure servitude, et ce fut en récompense des longs et courageux efforts qu’elle fit pour la secouer, que la noblesse obtint autrefois la plus grande et la meilleure part des biens du clergé et des moines, laissant seulement aux curés le droit d’en prélever la dîme pour leur subsistance : ce qui fait qu’aujourd’hui encore les hommes nobles se laissent à ce titre donner le nom d’abbés. Le souvenir de la cruelle domination des Goths ne se retrouve pas seulement dans des monuments anciens ; il vit encore dans le cœur des Béarnais, il s’y révèle par un penchant inné à l’indépendance, si bien qu’allant fort au delà d’une juste liberté, ceux d’entre eux qui arrivent au gouvernement de leur pays, sous le prétexte de ne pas laisser perdre leurs droits, attaquent tyranniquement le droit d’autrui[16]. »

L’un de ces jésuites, qui se trouvait en 1619 dans la capitale de l’Aragon, y rencontra un Navarrais, auquel il communiqua son système sur les Cagots, et qui le reproduisit dans un traité imprimé à Saragosse en 1621, et devenu fort rare[17]. L’auteur de ce livre était un ecclésiastique de Saint-Jean-Pied-de-Port. Il expose et prouve de son mieux, dans deux longs chapitres, son opinion sur l’origine des Agotes. Ceux-ci, dit-il, ne descendent point des Albigeois, comme l’a pensé Jean Botero dans sa description du Béarn, mais bien des Goths. Vers l’an 412, une partie de ce dernier peuple se répandit dans l’Aquitaine et la Vasconie, et y exerça tant de cruautés que les premiers habitants du pays se soulevèrent, unirent leurs forces, et, guidés par les nobles, parvinrent à détruire ou à chasser les Goths, dont il ne resta parmi eux que quelques misérables, fort peu à redouter. Ces misérables, d’après l’auteur, furent les premiers Agotes, et il assure que telle est la tradition constante du Béarn et de la Basse-Navarre. Voici ce que dit Martin de Vizcay de la manière dont on traitait de son temps les Agotes : « Il ne leur est point permis de se mêler aux populations ; ils habitent de pauvres huttes séparées des autres maisons ; on les regarde comme des pestiférés. Ils ne sont point admis aux emplois publics ; il ne leur est jamais permis de s’asseoir à la même table que les naturels du pays. Boire dans un verre que leurs lèvres auraient touché, serait comme boire du poison. À l’église, ils ne peuvent entrer plus avant que le bénitier. Ils ne vont point à l’offrande, près de l’autel, ainsi que cela se pratique pour les fidèles ; mais après l’offertoire, le prêtre se rend à la porte de l’église où ils se tiennent, et c’est là qu’ils font leur offrande. On ne leur donne point la paix à la messe ; ou, si l’on la leur donne, c’est avec un porte-paix différent, ou avec le revers du porte-paix ordinaire. S’allier à eux par des mariages, ce serait se rendre infâme, et il n’y a pas eu jusqu’ici d’exemple de pareille union. Je me souviens, ajoute D. Martin, que dans mon enfance on leur défendit toute espèce d’armes, à l’exception d’un couteau sans pointe ; comme si l’on avait pu craindre qu’ils ne voulussent de nouveau se rendre maîtres du pays. La fureur et la rage contre ces pauvres gens sont arrivées à un tel point, qu’on leur attribue des défauts naturels qu’évidemment ils n’ont pas : on prétend, par exemple, que tous ont une haleine empestée, qu’ils n’éprouvent pas le besoin de se moucher, qu’ils sont sujets à un flux de sang et de semence continuel, qu’ils naissent avec une longue queue, et autres choses aussi palpablement fausses et absurdes, mais qui ne laissent pas de se répandre, par voie de tradition, parmi nous[18], » etc. L’auteur dit aussi ce qu’il pense de ces injustes traitements, et il se donne la peine de démontrer en vingt pages, soit par l’Écriture-Sainte, soit par le témoignage de l’antiquité, que cette conduite n’est conforme ni à la saine raison ni à notre sainte religion.

Au commencement du XVIIe siècle également, le savant André du Chesne parlait ainsi des Cagots, dans un ouvrage que l’abbé Ladvocat voudrait retrancher du catalogue de ses productions[19] : « Je ne veux oublier finissant ce Chapitre… qu’en ce pays, comme en celuy de Bearn, et en plusieurs endroicts de Gascongne, habite une sorte d’hommes appeliez vulgairement Capots ou Gahets, qu’un chacun fuit et déteste comme ladres, et qui ont l’haleine fort puante, tous charpentiers et tonneliers, vrays restes de la race de Giezi, ou comme tiennent quelques uns, des Albigeois heretiques. Quoy que c’en soit, séparez du commun, et de domicile pendant leur vie, et de cimetière après leur mort[20]. »

L’opinion qui donnait aux Cagots les Juifs pour ancêtres n’était qu’une croyance populaire née d’une mauvaise application d’un verset de l’Ecriture-Sainte, lorsqu’un savant, adoptant cette origine, y joignit une démonstration puisée dans la philologie. Suivant François Bosquet[21], les Capots auraient été ainsi nommés du latin capus, qui signifie dans les auteurs du moyen-àge, comme dans Théodulphe d’Orléans, un épervier, a capiendo ; d’où il estime que les capitulaires de Charles-le-Chauve ont donné par sobriquet le nom de capi aux Juifs, à cause des usures et des rapines qu’ils exerçaient : signification qui se rapporterait à celle du mot gahet en gascon. Cette explication est ingénieuse ; mais elle pèche par la base, et P. de Marca, dans le dernier paragraphe d’un chapitre que nous rapporterons plus loin, n’a pas eu de peine à signaler l’incertitude de l’une des preuves que Bosquet apporte en faveur de son opinion.

À quelques années de là, Oihenart écrivait, dans son curieux ouvrage sur le Pays Basque et la Gascogne, ce passage qui a été si souvent invoqué, et qui, à ce titre, mérite d’être cité en entier : « Quant à ce que rapportent Belle-Forest et Paul Merula de cette race d’hommes que les Gascons appellent Cagots, quelques-uns Capots, les Bordelais Gahets, les Basques et les Navarrais Agots, à savoir qu’ils sont tenus pour infectés de la lèpre et pour infectant les autres, qu’ils ont sur leurs figures et dans leurs actions quelque chose qui appelle sur eux le mépris et la haine, et que tous ont l’haleine puante, je ne saurais, pour moi, l’affirmer ; car je crains que cette opinion ne soit basée sur des préjugés populaires plutôt que sur des faits. Je ne nierai pas, cependant, qu’ils soient en butte au mépris public, à un tel point que même dans leur propre patrie, ils sont tenus pour étrangers, ne sont admis ni aux fonctions publiques ni aux honneurs, et ne peuvent jouir enfin des choses communes aux habitants d’une même rue ou d’un même village. Non-seulement on leur interdit tout mariage et tout commerce avec les indigènes ; mais encore un arrêt du parlement de Bordeaux leur a formellement défendu, sous peine d’être battus, de paraître en public sans chaussure et sans un morceau de drap rouge attaché à leur habit en lieu apparent. Dans la plupart des communes, ils ont leurs domiciles dans des lieux éloignés de toute habitation ; dans les églises même ils ont des places distinctes et des bénitiers à part. Aussi sont-ils voués à des métiers vils et mènent-ils une vie misérable et abjecte. Il résulte de plusieurs monuments anciens qu’ils portèrent autrefois le nom de chrétiens, et l’usage de cette dénomination n’est pas encore perdu pour nous. Eux, de leur côté, nous appellent pellutas[22], c’est-à-dire velus ou chevelus, d’où certains ont conjecturé assez ingénieusement que ce sont des restes des Goths, autrefois maîtres de l’Aquitaine ; que la répugnance si marquée des Gascons pour ces êtres misérables provient de leur vieille haine contre les Goths, leurs éternels ennemis : que ce nom de chrétiens leur fut donné par des hommes encore étrangers à la foi chrétienne, et est ainsi resté jusqu’à nos jours attaché à cette lie des Goths ; enfin que le nom de pellutas ou de chevelus doit être rapporté à l’ancienne habitude qu’avaient les Aquitains de laisser croître leur chevelure[23]. »

Six ans plus tard, un historien ecclésiastique, ayant à parler des éléments étrangers que les événements politiques avaient portés dans la population de l’Aquitaine, exprime la croyance où il est que les Cagots descendent des Goths : « Le second meslange, dit-il, fut fait au temps de l’Empereur Honoré qui livra ce Païs aux Gots, lesquels estans Maistres de la Province, il est plus que croyable qu’ils se meslerent avec les naturels du Païs. Il est neantmoins à presumer que le meslange fut petit, à cause de la haine qui estoit entr’eux, laquelle alla s’augmentant si fort que les Gots estans Arriens persecuterent les Aquitains qui estoient Catholiques, pour raison de laquelle persecution ils furent chassés par Clovis de toute l’Aquitaine : Que s’il en demeura quelqu’un, ce furent quelque plus que petites gens qui vivent encore aujourd’huy en Gascogne soubs le vil et abject nom de Capots, sans se mesler par Mariage mesme avec les plus pauvres du Païs[24]. »

La question en était à ce point, lorsque Pierre de Marca tenta de lui donner une autre solution. À cet effet, il fit de nouvelles recherches, dont nous devons lui savoir gré, et sa conclusion fut que les Cagots des Pyrénées et de la Gascogne, les seuls qu’il connût, descendaient des Sarrazins : « I. Je suis obligé (dit-il) d’examiner en cét endroit l’opinion vulgaire qui a prevalu dans les esprits de plusieurs, et qui mesmes a esté publiée par Belleforest, touchant cette condition de personnes qui sont habituées en Bearn, et en plusieurs endroits de Gascogne sous le nom de Cagots ou de Capots, à sçavoir qu’ils sont descendus des Wisigots, qui resterent en ces quartiers apres leur deroute generale. Cette difficulté ne peut estre bien resoluë, sans avoir representé l’Estat de ces miserables, qui sont tenuës et censées pour personnes ladres et infectes, ausquelles par article expres de la Coustume de Bearn, et par l’usage des Provinces voisines, la conversation familiere avec le reste du peuple est severement interdicte : de maniere que mesmes dans les Eglises, ils ont une porte separée pour y entrer, avec leur benestier, et leur siege pour toute la famille, sont logez à l’escart des villes et des villages, où ils possèdent quelques petites maisons, font ordinaire mestier de charpentiers, et ne peuvent porter autres armes ni ferremens que ceux qui sont propres à leur travail. Ils sont chargez d’une infamie de fait, quoi que non pas entierement de celle de droit, estans capables d’estre oüis en tesmoignage ; combien que suivant le For ancien de Bearn, le nombre de sept personnes de cette condition fust necessaire, pour valoir la déposition d’un autre homme ordinaire. On croit donc, que le nom de Cagots leur a esté donné, comme si l’on vouloit dire Caas Goths, c’est à dire Chiens Goths, ce reproche leur estant resté, aussi bien que le soupçon de ladrerie, en haine de l’Arianisme que les Goths avoient professé, et des rigueurs qu’ils avoient exercées dans ces contrées ; et l’on se persuade qu’en suite, pour une peine de leur servitude, on leur avoit imposé de couper le bois, comme l’on fit aux Gabaonites.

« II. Mais je ne puis gouster ceste pensée, qui ne prend son fondement que du rencontre de ce nom de Cagot, avec l’origine qu’on lui donne : d’autant plus que cette dénomination n’est pas si propre à ces pauvres gens, que plusieurs autres qu’on leur a données, et ne se trouve escrite que dans la Nouvelle Coustume de Bearn reformée l’an 1551. Au lieu que les anciens Fors escrits à la main, d’où cét article a esté transcrit, portent formellement le nom de Chrestiaas ou de Chrestiens, et de là l’endroit des paroisses où ils sont bastis, se nomme, par le vulgaire le quartier des Chrestiens, comme aussi on leur donne plus ordinairement dans les discours familiers, le nom de Chrestiens que de Cagots. Dans le Cayer des Estats tenus à Pau l’an 1460, ils sont nommés Chrestiens et Gezitains. En Basse Navarre, Bigorre, Armaignac, Marsan, et Chalosse, on leur donne divers noms, de Capots, Gahets, Gezits, Gezitains et de Chrestiens : où ils sont aussi rejetés du commerce ordinaire et de la conversation familiere, pour estre soubçonnés de ladrerie. Ce soubçon estoit si fort en Bearn, en cette année 1460, que les Estats demanderent à Gaston de Bearn Prince de Navarre, qu’il leur fust defendu de marcher pieds nuds par les ruës, de peur de l’infection, et qu’il fust permis, en cas de contrevention, de leur percer les pieds avec un fer ; et de plus, que pour les distinguer des autres hommes, il leur fust enjoint de porter sur leurs habits l’ancienne marque de pied d’oye, ou de canard, laquelle ils avoient abandonnée depuis quelque temps. Cét article neantmoins ne fut pas respondu. Ce qui fait voir que le Conseil du Prince n’adheroit pas entierement à l’animosité des Estats, et qu’il n’estimoit pas que ces gens fussent vrayement infectés de ladrerie ; d’autant que s’ils eussent esté persuadés de cette opinion, il n’y avoit point de difficulté de faire les defences à ces misérables, de marcher pieds nuds par les ruës : comme fit Mahavia le Calyphe de Damas aux ladres de son Royaume, ainsi qu’on lit dans la Chronique d’Abraham Zacuth. Je conclus de ce que dessus, que les diverses denominations de Chrestiens et Gezitains, le soupçon de vraye ladrerie, et la marque du pied d’oye ne pouvans s’accommoder à l’origine des Goths, qui estoient illustres en extraction, esloignés d’infection, et suivant Salvian, de profession Chrestiene, quoi que neantmoins Ariene, il est necessaire de tourner ailleurs sa conjecture, et rechercher une descente, à laquelle tous les soubriquets puissent convenir.

« III. Je pense donc qu’ils sont descendus des Sarasins, qui restèrent en Gascogne apres que Charles Martel eut deffait Abdirama, qui en son passage avoit occupé les avenuës des Monts Pyrenées, et toute la Province d’Aux, comme l’escrit formellement Roderic de Tolede en son histoire Arabique. On leur donna la vie en faveur de leur conversion à la Religion Chrestienne, d’où ils tirerent le nom de Chrestiens ; et neantmoins on conserva toute entiere en leur persone, la haine de la nation Sarasinesque ; d’où vient le surnom de Gezitains, la persuasion qu’ils sont ladres, et la marque du pied d’oye. Pour bien comprendre ceci, il faut presupposer que le siege de l’Empire des Sarasins fut establi en la ville de Damas de Syrie, comme l’on apprend de l’histoire Grecque de Zonare, de l’Arabique publiée par Erpennius, et de l’Espagnole escrite par Isidore de Badajos il y a neuf cens ans. De sorte que l’Afrique ayant esté conquise par les lieutenans du Calyphe de Damas, l’Espagne fut la suite de leurs victoires, et cette armée Mahometaine que le General Abdirama Sarasin fit penetrer de l’Espagne dans les Gaules, marchoit sous les auspices du roi Sarasin de Damas en Syrie. Or comme les medecins remarquent qu’il y a plusieurs païs sujets à certaines maladies locales, la Province de Syrie et celle de Judée sont sujetes à la ladrerie, comme a observé cét ancien médecin Ætius, et Philon le Juif, qui de là tire une raison de police touchant la defense faite aux Juifs de manger de la chair de pourceau. La preuve de cette infection pour les Syriens se tire aussi de l’histoire de Naaman de Syrie qui fut guéri de sa Lepre par Elisée, mais Giezi en fut frapé pour le prix de son avarice. C’est pourquoi les anciens Gascons encore qu’ils donassent la vie aux Sarasins, qui embrassoient la religion Chrestienne, conserverent neantmoins cette opinion, qu’ils estoient ladres, comme estans du Païs de Syrie, qui est sujet à cette infection ; et pour justifier leur sentiment animé de la haine publique, employoient la lepre de Giezi, d’où vient la dénomination de Gezits, et Gezitains.

« IV. Ils leur ont aussi tousjours reproché leur puanteur et leur odeur infecte, non seulement en haine de leur tyrannie, comme les Italiens donnoient cette mauvaise reputation aux Lombards, ainsi qu’on voit dans l’Epistre adressée à Charlemagne par le pape Estienne, qui pour le divertir du mariage de Berte fille de Didier Roi des Lombards, lui représente l’infection et la mauvaise odeur qui accompagnoit ordinairement la race des Lombards ; Mais parce qu’on a tousjours observé par expérience, que les Sarasins sentoient mal, et avoient une odeur puante, qui exhaloit de leur corps. Ce qui est tellement vrai, qu’ils estimoient que cette mauvaise odeur ne pouvoit leur estre ostée, que par le moyen du Baptesme des Chrestiens ; auquel pour cét effet ces Agareniens ou Sarasins présentoient leurs enfans, suivant leur anciene constume, ainsi que tesmoigne le Patriarche Lucas en sa sentence Synodique, et Balsamon sur le Canon xix. du Concile de Sardique ; laquelle coustume les Turcs continuent encore aujourd’hui. Aussi Burchard en la description de la Terre Sainte, certifie que les Puans Sarasins avaient accoustumé de son temps, c’est à dire il y a 600. ans, de se laver en cette fontaine d’Egypte, où la tradition enseignoit que nostre Dame lavoit son petit enfant, et nostre grand maistre ; et que par le benefice de ce lavement, ils perdoient la mauvaise odeur qui leur est comme héréditaire, ainsi que parle Burchard. A quoi j’adjousterai ce que Brouverus a remarqué des Juifs, qu’ils estoient aussi diffamés anciennement d’exhaler une fascheuse odeur ; que Fortunat escrit avoir esté effacée par le Saint Baptesme, que l’Evesque Avitus leur confera. Ils ont autrefois esté accusés d’en procurer le remede, par le sang des enfants Chrestiens, qu’ils tuoient le Vendredi saint, pour prendre ce sang meslé avec leurs azymes, comme ils pratiquerent en la personne du petit Simeon, en la ville de Trente, l’an 1475. au rapport de Jean Matthias Medecin, et auparavant en la ville de Fulde, du temps de l’Empereur Frideric l’an 1236.

« V. Ayant recherché l’origine de l’imputation de la Ladrerie, et de la puanteur des Gezitains ou Cagots, dans la race des Sarasins ; on doit deriver de la mesme source, la marque du pied d’Oye ou de Canard, qu’ils estoient contraincts anciennement de porter, quoi que l’usage en soit maintenant aboli. Combien que par Arrest donné contradictoirement au Parlement de Bourdeaux, il ait esté autresfois commandé aux Cagots de Soule de porter la marque du pied d’oye ou de canard. Car comme le plus fort et le plus salutaire remede, qui soit proposé dans l’Alcoran pour la purgation des pechés, consiste aux lavemens de tout le corps, ou d’une de ses parties que les Mahometains pratiquent sept fois, ou pour le moins trois fois chasque jour, on ne pouvoit conserver la memoire de la superstition Sarasinesque, par un Charactere plus expres, que par le pied de l’Oye, qui est un animal qui se plaist à nager ordinairement dans les eaux ; neantmoins en Catalogne la marque d’un Sarasin estoit de porter des cheveux rasez, et coupés en rond, sous peine de cinq sols, ou de dix coups de foüet sur la ruë, suivant l’ordonnance des Estats tenus à Leride l’an 1301.

« VI. Il reste de satisfaire à la dénomination de Cagots ; laquelle, outre qu’elle est en usage dans le Bearn, est aussi pratiquée au reste de la Gascogne sous le nom de Capots, et mesmes en la Haute Navarre, où cette sorte de gens sont appelés Agotes et Cagotes. Sur quoi je n’ai rien de plus vraisemblable à proposer, sinon qu’on leur faisoit ce reproche, pour se mocquer de la vanité des Sarasins, qui ayans surmonté les Espagnes, mettoient entre leurs qualités, celle de vainqueurs des Goths, comme faisoit Alboacen le Roi More de Conimbre petit fils de Tarif en son Edit, qui est au Monastere de Lorban en Portugal, lequel Edit Sandoval a produit en ses Notes sur Sampyrus. On pretendoit donc leur donner le tiltre de leur vanterie, en les qualifiant Chiens ou Chasseurs des Goths, par une signification active : de mesme que Ciceron nomme Chiens, ces effrontés qui servoient aux desseins de Verrés, pour butiner la Sicile ; si l’on n’aime mieux croire que c’est un ancien Reproche, et terme de mespris tiré de ce convice de Concagatus, dont il est fait mention dans la Loi Salique. Ce qui peut estre confirmé, de ce que lors qu’on veut à bon escient mespriser ces gens, ou injurier quelque autre personne, on employe le nom de Cagot pour un Convice tres-atroce.

« VII. Pour clorre ma conjecture, touchant la descente des Cagots, et la defence qui leur est faite de se mesler en conversation familiere avec le reste du Peuple ; je pense qu’outre l’opinion de la lepre qu’on leur a tousjours imputée, l’ordre qui fut tenu dés le commencement en leur conversion, peut avoir donné lieu à la Coustume qui a perseveré depuis, de les escarter du commerce ordinaire des hommes, particulierement en ce qui regarde les repas, que nos païsans ne veulent jamais prendre communément avec eux. Car comme ils devoient estre instruits en la foi Chrestienne, avant que de recevoir le Baptesme, et passer par les degrés des Catechumenes, pendant une ou deux années à la discretion des Evesques ; il faloit aussi qu’ils fussent traictés en qualité de Catechumenes, pour ce qui regarde la conversation avec les autres Chrestiens ; qui estoit severement interdite aux Catechumenes, ainsi que l’on voit dans le Chapitre v. du Concile de Mayence tenu sous Charlemagne, en ces termes : Les Catechumenes ne doivent point manger avec les baptizés ni tes baiser, moins encore les Gentils ou Payens. Ce qui fut fait au commencement par ceremonie Ecclesiastique, d’escarter les Sarasins nouveaux Catechumenes de la communication des repas et du baiser avec les autres Chrestiens, passa en Coustume à cause de la haine de la nation, accompagnée du soupçon de ladrerie ; qui s’est augmenté avec le temps, à mesure qu’on a ignoré la vraye origine de leur separation. Car à vrai dire, ces pauvres gens ne sont point tachés de lepre, comme les Medecins plus sçavans attestent, et entr’autres le sieur de Nogués Medecin du Roi et du païs de Bearn, tres-recommandable pour sa doctrine, et pour les autres bonnes qualités qui sont en lui ; lequel apres avoir examiné leur sang qu’il a trouvé bon et loüable, et consideré la constitution de leurs corps, qui est ordinairement forte, vigoureuse et pleine de santé, leur a accordé son certificat ; afin qu’ils se pourveussent par devant le Roi, pour estre deschargés de la tache de leur infamie, puis que c’estoit la seule maladie qui les pouvoit rendre justement odieux au peuple.

« VIII. Cette aversion n’est pas seulement en Gascogne ; mais aussi en la Haute-Navarre, où les prestres faisoient dificulté de les oüir en confession, et de leur administrer les sacremens l’an 1514. de maniere qu’ils eurent recours au Pape Leon X. lequel ordona aux Ecclesiastiques de les admetre aux sacremens, comme les autres fideles. L’exposé de leur Requeste pretend de bailler à ces Agotes, ou Chrestiens, (car c’est ainsi qu’il les nomme,) une origine toute nouvelle ; disant que leurs ayeuls avoient fait profession de l’heresie des Albigeois, en haine de laquelle bien qu’ils l’eussent abandonnée, on les chargea d’infamie, qui passoit à leur postérité. Mais il y a de la surprise en cette Requeste, d’autant que les Cagots sont plus anciens que les Albigeois. Car ceux-ci commencèrent à paroistre en Languedoc environ l’année 1180. et furent ruinés l’an 1215. et neantmoins les Cagots estoient reconnus sous le nom de Chrestiens, dés l’an mille, ainsi qu’on remarque dans le Chartulaire de l’Abbaye de Luc ; et l’Ancien For de Navarre qui fut compilé du temps du Roi Sancé Ramires environ l’an 1074. fait mention de ces gens, sous le nom de Gaffos, d’où est venu celui de Gahets en Gascogne, et les metant au rang des ladres, les traite avec la mesme rigueur que le For de Bearn[25]. »

L’opinion de P. de Marca fut acceptée par ses contemporains comme le dernier mot de la science, et les plus habiles se bornèrent à renvoyer à son livre[26] : aussi se passa-t-il un siècle sans que la question de l’origine des Cagots fût remise sur le tapis, au moins en France ; car, de l’autre côté des Pyrénées, le P. Joseph de Moret lui consacrait quelques lignes dans ses Annales de Navarre[27]. Cet écrivain, qui paraît ignorer ce qui avait été dit avant lui sur le même sujet, penche à voir dans les Cagots les descendans des Albigeois, et pose en fait que leur nom est dérivé de celui des Goths : assertion qu’il accompagne de démonstrations plus bizarres que concluantes.

Cette opinion sur la descendance des Agots, contre laquelle D. Martin de Vizeay, comme on l’a vu, s’était déjà élevé, ne prévalut pas contre celle qui leur donnait les Goths pour ancêtres. On en voit la preuve dans un factum publié pour eux en 1674[28], et dans les ouvrages d’un colonel espagnol, D. Juan de Perocheguy, qui n’hésite point à affirmer que les Goths ou Agots (ce qui, dit-il, est la même chose) proviennent des débris de l’armée d’Alaric II, mise en déroute par Clovis[29].

Le premier auteur français, qui, au XVIIIe siècle, ait reparlé des Cagots, est Le Duchat, qui, à propos d’un livre de la librairie de Saint-Victor, dont Rabelais donne le catalogue burlesque[30], dit qu’ils descendent des Goths et des Sarra- zins, et qu’ils sont aussi puants que peu orthodoxes[31]. Plus loin, le même commentateur, voulant expliquer l’expression quanard de Savoie, par laquelle son auteur semble désigner les Vaudois, dit qu’il fait allusion aux Cagots, qu’on tenait, ajoute-t-il, pour également infectés d’hérésie[32].

Comme je l’ai dit, l’opinion de Marca sur l’origine des Cagots avait prévalu sur toutes les autres ; un avocat au parlement de Toulouse, M. Vanque-Bellecour, crut avoir trouvé un argument sans réplique en faveur de ce système. Voici comment il s’exprime dans un factum contre les Cagots de Monbert : « On lit dans l’Histoire Universelle de Charron, que le valeureux Yezith, ou Gizith avoit rempli toute la terre de son nom glorieux par la brillante défaite de Hoemen, fils d’Ali, gendre et neveu de Mahomet. Voilà tout le mystère que renferme le mot Yesite dévoilé, et qui ne permet plus de douter que les Cagots ne descendent des Sarrasins, puisque le mot Yezite est un composé de celui de Yezith, grand Emir, ou Califfe des Sarrasins[33]. »

Quelle que fût la force de cet argument, les populations pyrénéennes, surtout les Basques, persistèrent à regarder les Cagots comme les descendants des Wisigoths : nous en avons pour garant Boureau Deslandes, qui, en 1753, donnait quelques détails sur les Agots du pays de Labourd[34], et pour preuve un passage du P. Manuel de Laramendi, où, tout en renvoyant au livre du P. de Marca, le savant Jésuite émet une opinion différente[35].

Sans nous arrêter à ce que disent les auteurs du Dictionnaire de Trévoux, qui, sous les mots Cagot et Capot, citent du Chesne, P. de Marca, F. de Belle-Forest et Bosquet ; sans faire autre chose que nommer DD. Cl. de Vie et Vaissete[36], D. Louis-Clément de Brugeles[37], et Moréri[38], qui citent P. de Marca ; ni rapporter les paroles de l’intendant le Bret, qui le copie ; nous examinerons les recherches que l’abbé Venuti a consacrées aux Gahets de Bordeaux[39]. Dans la première partie de son travail, le savant Italien, après avoir cité P. Merula, F. de Belle-Forest, Scaliger, Oihenart, du Cange, Ménage et P. de Marca, trace la triste histoire des Cagots, et rappelle les réglemens qui les concernaient. Il examine ensuite l’opinion de ceux qui leur assignent les Goths et les Wisigoths pour ancêtres, et croit pouvoir assurer qu’elle est erronée. De là il passe à celle des écrivains qui les font descendre des Sarrazins, et il ne la trouve pas plus fondée que le sentiment de Bosquet, qui regarde les Cagots comme de race juive. Dans la seconde partie de ses recherches, Venuti tâche de prouver qu’ils sont des descendants de ces premiers chrétiens qui sortirent des provinces de Guienne, de Navarre, de Béarn et de Languedoc pour entreprendre le pèlerinage de la Terre-Sainte, avant et après la célèbre époque des croisades d’occident, et qui revinrent avec la lèpre. Vers la fin de son travail, il parle des Cacous de Bretagne, d’après les textes publiés par DD. Martene et Lobineau, et il émet l’opinion que ces malheureux ont la même origine que les Cagots.

Bullet, qui, vers la même époque, publiait deux ouvrages où il est question des Cagots pyrénéens et des Caqueux bretons, se montra d’un avis contraire en tout point. Dans le premier, après avoir touché un mot des Cagots d’après P. de Marca, qu’il cite, et rapporté qu’ils se sont toujours dits descendus des Albigeois, quoique cet aveu ne fût pas à leur avantage, il demande si l’on ne peut pas « conjecturer que depuis que l’on eut représenté la Reine Berthe avec un pied d’oie, pour faire connoître la peine que le mépris des censures lui avait attirée, on contraignit les Albigeois, les Vaudois qui se révoltaient contre l’Eglise, qui méprisoient ses excommunications, à porter ce signe qui leur rappeloit continuellement le souvenir du châtiment que Dieu tiroit de ceux qui ne faisoient point de cas des peines canoniques[40]. » Dans le second des ouvrages que j’ai signalés plus haut[41], Bullet consacre aux Caqueux bretons, qu’il ne nomme même pas dans le premier, trois articles, dont le plus étendu est emprunté presque mot pour mot au Dictionnaire de la Langue Bretonne de D. Louis le Pelletier[42].

Le système de Venuti ne laissa pas néanmoins que de trouver des sectateurs. Parmi eux l’on peut compter M. de Paw, qui dans ses Recherches philosophiques sur les Égyptiens et les Chinois[43], mentionne les Cagots, à propos des Poulichis et des Parias des Indes, et surtout des Porchers de l’Égypte, auxquels on avait interdit l’entrée des temples, qui étaient distingués du reste de la nation, et ne pouvaient s’allier qu’entre eux.

Cependant le peuple, dans le sud-ouest de la France, continuait à regarder les Cagots comme les descendants des Goths, tandis que les hommes éclairés se rangeaient de l’avis de P. de Marca, c’est-à-dire voyaient dans ces malheureux un reste des Sarrazins vaincus par Charles-Martel : c’est là du moins le parti que prirent deux foristes célèbres du XVIIIe siècle, M. de Maria et Labourt, qui, aux chapitres des droits du prince et des seigneurs, et des qualités des personnes, traitent assez longuement des Cagots[44].

Tels étaient les systèmes en vogue sur l’origine de ces parias, lorsque Court de Gebelin publia son Dictionnaire étymologique de la langue françoise, dans lequel on lit deux articles sur les races maudites dont nous parlons, l’un consacré aux Cagots, l’autre aux Cacous de la Bretagne. Dans le premier[45], il fait succinctement le détail des vexations dont les Cagots étaient l’objet, et il cite le travail de P. de Marca, dont, dit-il, on ne peut tirer aucun parti. Il mentionne aussi la dissertation de Venuti, que sans doute il n’avait pas lue ; autrement il se serait bien gardé d’avancer que « aucun n’a fait attention que dans la Basse-Bretagne, on retrouve les mêmes phénomènes, les mêmes familles, le même nom à peu-près, la même aversion, la même infamie. » Dans son second article[46], Court de Gebelin commence par citer ce que Ballet dit des Cacous, dans ses Mémoires sur la langue celtique, puis il mentionne les ordonnances de 1474 et 1475 qui les concernent, et rappelle que c’est au célèbre Hevin que l’on doit, si l’on en croit du Cange, la suppression de ces lois absurdes et ridicules. Il s’exprime ainsi en terminant : « Voilà donc un Peuple en France, du Nord au Midi, vivant de père en fils dans un état d’ignominie des plus odieux, sans qu’on en ait jamais pu découvrir la raison.

« Mais quand on se rappelle que chez tous les peuples il y a eu de pareils phénomènes ; que les Indiens ont dans leur sein une Caste nombreuse qu’ils regardent avec la même horreur ; que les Hébreux traitèrent de la même manière les Gabaonites ; que David condamna les Ammonites à être Scieurs ; que les Francs tirent des Gaulois autant de serfs ; on ne peut s’empêcher de croire que ces Cagots, Cacous, Cahets, etc. livrés dans la Gascogne et dans la Basse-Bretagne à une ignominie aussi atroce, étoient les restes d’un ancien Peuple qui habitait les mêmes contrées avant que les Bretons et les Cantabres fussent venus habiter la Bretagne et le Béarn, et qui ayant été vaincus par ces nouveaux Peuples, furent asservis à cette affreuse dépendance, pour leur ôter tout moyen de révolte, et pour servir aux besoins des Conquérans. »

En 1784, date de la publication du tome premier des Variétés Bordeloises, l’abbé Baurein recherchant l’origine des Gahets, à propos de ceux qui habitaient le village de Grateloup en Médoc, dit qu’on appelait ainsi dans la Guienne ceux qui avaient le malheur d’être atteints de la lèpre, et renvoie le lecteur au travail de P. de Marca, qu’il loue beaucoup et dont il adopte les conclusions. Il rapporte ensuite l’opinion de Venuti, et, après quelques observations tendant à prouver que les Sarrazins, à mesure qu’ils se rendaient maîtres du pays bordelais, y laissaient leurs femmes et leurs enfants avec des détachements suffisants pour les protéger, il ajoute : « C’est donc à cet événement qu’on peut attribuer l’origine des Gahets dans le pays Bordelois, quoique celle de la lèpre puisse avoir différentes causes dans les différentes contrées de l’Europe[47]. »

L’année suivante, l’opinion de P. de Marca et de Baurein trouva un écho dans Sanadon, pour qui les Cagots « sont une preuve subsistante que la liberté des Basques-Aquitains n’a point souffert des invasions des Sarrazins[48]. »

En 1786, un Espagnol conçut le noble projet d’attirer l’attention du gouvernement de son pays et celle de ses compatriotes sur le sort des races maudites de la Péninsule : à cet effet, il publia un petit livre que l’on chercherait en vain dans nos bibliothèques[49]. La partie qui est consacrée aux Cagots de l’Espagne et de la France n’est autre chose que la traduction, quelque peu abrégée, du chapitre de P. de Marca. Après avoir rapporté les opinions diverses qui ont cours sur leur compte, il conclut que les Cagots ne sont pas lépreux, et que tout leur crime est d’avoir eu pour ancêtres, dans des temps fort reculés, des Maures ou des Juifs : « ce qui n’empêche pas, dit l’auteur, qu’ils ne soient plus anciens chrétiens que le plus grand nombre de ceux qui leur donnent, dans l’intention de les flétrir, ce nom de Cagots, comme pour leur jeter à la face le reproche d’une conversion récente[50]. »

Ramond, qui visitait les Pyrénées en 1787, consacre un chapitre de sa relation[51] aux goitreux et aux Cagots, qu’il confond. Après quelques considérations générales sur le crétinisme des Alpes et des Pyrénées, l’auteur aborde l’histoire des Cagots, des Cacous, des Coliberts et des Gahets, qu’il retrace succinctement d’après Bullet, du Cange, Court de Gebelin, Arcère et Pierre de Marca ; puis recherchant l’origine de ces malheureux, il nie que les Cagots de la Gascogne descendent des Alains, ou des Sarrazins. « Des Arabes, s’écrie-t-il, livrés à eux-mêmes dans des lieux reculés, n’auroient-ils rien conservé de leur langage, de leur religion et de leurs mœurs ? » Ramond examine ensuite le degré de confiance à accorder aux traditions qui s’obstinent à conserver les Goths pour ancêtres aux peuplades en question ; et, après s’être trompé sur l’opinion de P. de Marca[52], il se range de Paris de ceux qui voient dans les Cagots des descendants des Wisigoths. Il ne croit point, avec le prélat qui vient d’être nommé, que le nom de ces infortunés dérive de Caas Goths, Chiens de Goths, car Cacous et Cahets ne sauraient en venir ; mais il pense que les Wisigoths, tous ariens, ayant été, pour les Gaulois et les Francs orthodoxes, un objet de scandale et d’aversion, ont pu, dès le temps de Childeric Ier, être nommés Cagots, Cahets, Caffos, c’est-à-dire, selon Court de Gebelin, ladres et infects ; « car, ajoute-t-il, on n’a pas attribué le parfum à la sainteté, sans réserver l’infection à l’hérésie. » Plus loin, Ramond déclare que rien ne s’oppose à ce que les Cahets de Bordeaux soient des Alains, comme les Coliberts de l’Aunis, et il trace ainsi les diverses périodes de la triste histoire des Cagots : « Le refus des sacrements de l’église et de la sépulture des Chrétiens, fut la suite naturelle du ressentiment du clergé long-temps persécuté. On éloigna ces ariens des communautés, parce qu’ils étoient schismatiques, non parce qu’ils étoient lépreux. Ils devinrent lépreux, quand une dégénération successive, apanage naturel d’une race vouée à la pauvreté, et qui ne pouvoit se mêler avec d’autres races, y eut naturalisé les maladies héréditaires. Peu à peu, sans doute, ils acquiescerent à la foi de l’Eglise ; mais ils ne purent se régénérer. Ils cesserent d’être ariens, sans cesser d’être lépreux, et cesserent d’être lépreux sans cesser d’être livrés à tous les maux qu’engendre la viciation du sang et de la lymphe.

« Le gouvernement féodal, qui devint celui des barbares, quand ils renchérirent de barbarie, ne se contentoit plus de partager la terre avec le cultivateur ; il s’approprioit les personnes avec les possessions, et le Cagot devint, dans la race des esclaves, un esclave de plus basse condition. En vain les communes rentrerent dans les droits de l’homme ; il n’eut pour sa part que l’ombre de la liberté, et demeura dans une dépendance d’autant plus misérable, que, dans le nombre de ses tyrans, il n’avoit plus un maître qui pourvût à ses besoins. »

Ramond donne ensuite des détails sur quelques familles de Cagots, qu’il dit avoir vues de près, et il termine le chapitre par des réflexions philanthropiques, à la mode alors presqu’autant que pendant la Révolution française, dont ses vœux appellent l’accomplissement, non pas telle qu’elle fut, mais comme elle eût dû être.

À l’époque où il parut, l’ouvrage de Ramond fut accueilli avec beaucoup de faveur ; l’Académie des Sciences nomma des commissaires pour lui faire un rapport sur ce livre, et les journaux en rendirent le compte le plus avantageux[53]. Provoqué par les éloges qui accompagnaient l’analyse du travail de Ramond sur les Cagots, un Béarnais s’inscrivit en faux contre tous ces suffrages, et entreprit de prouver que ce travail péchait également contre le bon sens et contre la vérité.

« Les Cagots des Pyrénées, dit l’auteur au commencement de sa réfutation[54], peuvent exercer et exercent réellement telle profession que bon leur semble. Ils ne sont point esclaves ni ne le furent jamais. La misère, les maladies ne sont pas plus leur partage que celui de tous les citoyens qui les environnent. Ils ne sont point désarmés. Ils ne sont ni goitreux, ni imbécilles. Leur race n’a aucun caractère de dégénération. Leur articulation est aussi distincte que celle de tous les autres individus. Leur teint n’est ni livide ni basané. Leur complexion n’est ni plus foible, ni leur prétendue stupidité plus marquée que chez les autres hommes, » etc. L’auteur rapporte ensuite les articles du for de Béarn relatifs aux Cagots et aux ladres, qu’il paraît confondre, et fait l’histoire de la première de ces deux classes de réprouvés, en se servant des documents connus de son temps, et en citant Pierre de Marca, ainsi que Labourt et de Maria, commentateurs de la coutume de Béarn.

« Aux Cagots du Béarn, ajoute-t-il[55], M. Ramond joint encore ceux des deux Navarres. J’ai voyagé dans la Navarre espagnole, sans y avoir vu, ni entendu parler d’aucun Cagot : plusieurs assurent néanmoins qu’il en existe quelques uns ; mais qu’on les y considère, lorsqu’ils en rapportent la preuve, comme des familles anciennes, dignes d’être assimilées à la meilleure Noblesse du pays. J’ai également voyagé dans la Navarre françoise : je n’y ai vu, ni entendu parler d’aucun Cagot, comme de fait il ne sauroit y en avoir. La Coutume de la Province Basque de Soule, rédigée en 1520, n’en fait nulle mention. » Hourcastremé continue de réfuter Ramond, non seulement pour ce qu’il dit des Cagots, mais relativement à son système sur la formation des montagnes ; loin de considérer, à l’exemple de ce savant, les Cagots comme des esclaves, il assure que, « d’après la Coutume, libres, ceux-ci avoient même la faculté d’acquérir des terres nobles, comme plusieurs d’entr’eux en ont aujourd’hui. » Enfin il termine de cette manière, p. 385 : « Né dans le Béarn[56], j’y ai connu cent Cagots ; mais nul d’entr’eux n’avoit ni goitres, ni la jaunisse. J’y ai au contraire observé des hommes bien faits, vigoureux ; et surtout des femmes, qu’on eût mis au nombre des plus belles, s’il eût été question d’objets de comparaison. Plusieurs de ces Cagots y sont charpentiers, tourneurs, menuisiers ; mais le plus grand nombre n’est ni l’un ni l’autre. J’en ai connu, non-seulement mariant sans difficulté leurs enfans à des non-Cagots ; mais même avec des Nobles, et des Militaires, décorés de l’honorable Croix de St. Louis. Le Parlement de Pau en avoit, dit-on, n’aguères un parmi ses principaux Membres : la fortune, sur-tout, fait disparoitre les préjugés. Les talens agréables, les sciences, le calcul ne leur sont point étrangers. Navarreins, par exemple, a vu les Campagnet se transmettre, depuis trois ou quatre générations, un violon très-recherché. J’ai vu le temps où il n’y avoit point de bonne fête, si le violon ou la flûte des Campagnet n’en étoient pas. Ils ont également eu leurs Poëtes et leurs Chansons ; témoin celle qui commence par ces vers, marqués au coin de la plus gaie et de la plus sage philosophie :

Encouere qué Cagots siam,
Nou non dam ;
Touts ém hils deou paï Adam,

Quoique nous soyons Cagots,
Peu nous importent des mots :
Nous sommes tous fils d’Adam.

« Pour couronner enfin leur apologie, disons que si j’étois, par manière au moins, le premier des Cagots Béamois, je me nommerois Dufr**, et serois aujourd’hui le Directeur du Trésor royal du premier Empire de l’Europe[57]. »

À la même époque où Ramond visitait les Pyrénées, un autre voyageur, que nous croyons s’appeler Picquet[58], parcourait également ces montagnes. Il y vit des crétins, et en parla dans sa relation, dont la première édition parut au mois de janvier 1789, et la seconde 39 ans plus tard[59]. Tombant dans une erreur qui n’a été que trop répandue depuis, il confond ces malheureux avec les Cagots qu’il dit être « une descendance de ces Alains, Scythes d’origine, dont une partie paraît s’être fixée au pied des Pyrénées et dans le Valais, pour en garder les passages. » Un peu plus loin, il fait le tableau de la misérable condition à laquelle la haine populaire, secondée par la législature du pays, avait condamné ces « crétins, connus sous le nom de Gots, Cagots (chiens de Gots), Capots ; » mais il ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà. Enfin, revenant sur l’origine des infortunés dont il est question, il dit qu’ils descendent de « ces malheureux Gots, réfugiés dans les gorges des Pyrénées, échappés aux vengeances de Clovis. » Un seul passage de cet écrivain fera, plus que tout ce que nous pourrions dire, apprécier son jugement et son érudition ; le voici : « L’archevêque Marca, né à Gaud en Béarn, auteur d’une histoire insignifiante de son pays, a donné une grande preuve d’ignorance, en faisant descendre les crétins, gégistains de l’hébreu Giezi, serviteur d’Élisée et frappé de la lèpre. » L’auteur part de là pour faire une sortie contre les prêtres en style de 1789.

L’opinion de Ramond, sur laquelle celle que nous venons d’exposer paraît calquée, fit fortune, si l’on en juge par la confiance avec laquelle Dusaulx la présente comme le dernier mot de la science[60], et par la seule citation historique que l’on rencontre dans un traité qui s’applique particulièrement aux goitreux et aux crétins des Alpes françaises et italiennes[61]. Dans le cours de son travail, l’auteur s’en tient à ces deux classes d’affligés, qu’il considère sous le rapport exclusivement médical, et paraît ne pas confondre avec eux aucune autre catégorie d’infirmes ou de réprouvés. Toutefois, on trouve pages 195 et 196 un renvoi à l’ouvrage de Ramond, d’où il résulte, ce me semble, que pour cette fois Fodéré confond ensemble les deux choses que je distingue et qu’il faut distinguer, c’est-à-dire les Cagots avec les crétins.

L’auteur du Voyage dans le Finistère, Cambry, qui visitait la Basse-Bretagne pendant la Terreur, et auquel on peut se fier pour tout ce qui est de tradition, donne les détails suivants sur les Caqueux du district de Quimperlé[62] : « On voit aussi dans ces cantons quelques Caqueux, Cacouax, espèce de Parias, proscrits, qui vivent dans les landes, éloignés des habitations, sans qu’on communique avec eux : on les croyoit, au quinzième siècle, juifs d’origine, séparés par la lèpre des autres hommes. Ils font des cordes pour subsister… Ces hommes, séparés des hommes, furent l’objet de mille contes extravagans : ils vendoient des sachets qui préservoient de tous les maux, jettoient de mauvais vents, donnoient des herbes dont la vertu faisoit vaincre à la lutte, à la course ; ils vous prédisoient l’avenir. On dit que le Vendredi-Saint, tous les Caqueux versent du sang par le nombril. Ces malheureux profitèrent sans doute de la stupidité, de la crédulité de leurs voisins. Beaucoup parvinrent à défricher des landes, à cultiver des champs abandonnés, qu’ils fécondèrent : ils plantèrent des bois, des prairies ; on voit sur le chemin de Plaçamen un fort joli village de Caqueux. Le préjugé n’est plus aussi fort qu’il l’étoit autrefois ; mais on ne s’allie point encore à leur famille. »

Comme on le voit, Cambry n’ose pas se hasarder à émettre une opinion sur l’origine des Caqueux. L’académicien espagnol Traggia, qui, quelques années après, écrivait un article sur les Agots de la Navarre[63], se montre tout aussi réservé ; il évite de se prononcer sur la question de race, et se borne à exposer leur état misérable et à rapporter qu’on les regardait communément comme issus des Albigeois réfugiés et disséminés sur les frontières des Pyrénées vers 1215 : opinion qui lui paraît aussi contestable que l’étymologie généralement assignée au nom des Agots.

Au temps où écrivait Traggia, c’est-à-dire au commencement du XIXe siècle, personne n’avait encore fait des Races maudites le sujet d’un ouvrage spécial. En 1810, le comte Henri Grégoire lut, à l’institut, des Recherches sur les Oiseliers, les Coliberts, les Cagous, les Gahets, les Cagots et autres classes d’hommes avilies par l’opinion publique et par les lois dans diverses contrées de la France[64]. Ces recherches sont restées inédites en français ; mais, s’il faut en croire M. Quérard[65], elles auraient été traduites en allemand par le baron de Lindenau, et imprimées. Il y a, d’ailleurs, un extrait du mémoire de l’ancien évêque de Blois dans le rapport sur les travaux de la classe d’histoire et de littérature ancienne de l’institut fait par Ginguené, l’un de ses membres, dans sa séance publique, le jeudi 5 juillet 1810, et imprimé dans le Magasin encyclopédique de la même, année, tom. iv, no  d’août, pag. 251-257. Grégoire ne donne, sur les parias français, que des détails déjà connus, rapportant (ce que je n’ai jamais lu ailleurs) que « leurs femmes, pour la plupart, s’occupent à tisser des toiles. » Après s’être attaché à réfuter surtout Ramond, l’ex-évêque, ou plutôt son abréviateur Ginguené, termine ainsi : « De quelque part et à quelque époque que la lèpre fût venue en France et en Europe, il paroît que les Cagots, comme les Cacous étoient lépreux, que la lèpre s’est perpétuée plus longtemps et avec plus d’obstination que partout ailleurs, ce qui a autorisé plus longtemps aussi les mesures rigoureuses exercées contre ceux qui en étaient atteints, et les préjugés populaires qui ajoutaient aux rigueurs de ces mesures… Mais enfin la maladie qui avoit servi à ces distinctions avilissantes ayant disparu, le sang des Gahets ayant été reconnu aussi pur que celui des autres hommes, ils sont rentrés dans le sein de la société, » etc.

À la même époque (en 1801, si je ne me trompe), un médecin béarnais, touché de l’état de réprobation dans lequel vivaient encore les Cagots, entreprit d’ouvrir les yeux de ses compatriotes sur l’absurdité et l’injustice du préjugé auquel ils obéissaient en aveugles. Dans ce but, il publia une petite brochure qui fut sans doute tirée à grand nombre et distribuée dans le pays, mais dont nous n’avons pu, après des peines infinies, découvrir qu’un seul exemplaire, appartenant au petit-fils de l’auteur[66]. Il ne s’y trouve rien de bien intéressant ; cependant, eu égard à la rareté de cette pièce, nous en parlerons avec quelques détails. Elle est divisée en cinq chapitres, dont le premier, sans titre, nous introduit dans un village situé au pied des Pyrénées, où l’auteur voit passer le convoi d’un jeune homme tué en duel. Il interroge un vieillard qui assistait à cette lugubre cérémonie ; celui-ci le conduit dans sa rustique demeure, où ne tardent pas à arriver le curé, le médecin et l’instituteur du village. Dans le chap. ii, intitulé Combat de Léandre et Isidore[67], le vieillard raconte comment Léandre, sur le point d’épouser Hortense, se vit repousser par Melidor, père de la jeune fille, quand un rival, Isidore, lui eut appris que son futur gendre était issu de la race des Cagots ; et comment cette révélation amena entre les deux jeunes gens un combat au bâton dans lequel succombe Isidore. Le chapitre iii est intitulé Origine et progrès de l’opinion sur les Ladres ou Cagots, et s’étend de la page 5 à la page 10. M. le curé y prend la parole : « Il y a quarante ans, dit ce vénérable pasteur, que le ciel confia cette paroisse à mes soins. À mon avènement à cette place, la prévention contre les Cagots y était profondément établie. Ceux qui s’honoraient de ne pas être de cette race proscrite évitaient avec soin toute alliance avec eux. Ils ne leur conféraient jamais de charges publiques. L’on remarquait un quartier qui n’était habité que par les prétendus Ladres, et cette distinction s’étendait jusqu’à la maison du Seigneur, où il y avait un bénitier et des places à part. L’on ne cessait de me dire, lorsque je voulais prendre leur défense, qu’ils avaient les oreilles courtes, qu’ils répandaient une odeur désagréable, et qu’ils étaient fort enclins à la lubricité et à la colère. Voilà tout ce que l’on avait à leur imputer. Je voulus donc examiner la chose de plus près, et je commençâ mes recherches par la contemplation de ces gens-là. Mais je n’ai pu découvrir la moindre différence, ni dans leurs corps, ni dans leurs mœurs, ni dans leurs consciences. J’ai fait l’examen de fort près ; car j’ai eu maintes fois des domestiques de cette classe. La défunte Jeanne, qui a été, comme vous savez tous, ma gouvernante pendant trente ans, ne sentait pas mauvais. Elle était douce comme un agneau, Dieu lui ait fait miséricorde. » Le curé retrace ensuite l’histoire de la lèpre depuis le commencement du monde jusqu’au règne de Louis XIV. Le chapitre iv, qui va de la page 10 à la page 12, porte pour titre : Description de la Ladrerie. Le médecin y parle et dit, entre autres choses : « Je me contenterai de vous observer que j’ai poussé mes recherches sur les Ladres aussi loin qu’il m’a été possible. L’on ne saurait résister à l’évidence qui résulte de mes observations.

« Les symptômes qui dénotent la lèpre ne se manifestent dans ces régions tempérées, sur aucun individu de quel état ou condition qu’il soit ; et aucune des causes qui la produit, soit par génération, soit par contagion, n’y existe point. Or, où il n’y a pas de cause, il ne peut y avoir des effets. L’ouverture des cadavres est d’une grande utilité pour découvrir la cause des maladies. Je l’ai faite sur celui d’un prétendu ladre, avec toutes les précautions nécessaires pour en retirer un fruit avantageux. J’ai observé avec soin toutes les parties qui composent le corps, je n’y ai trouvé ni taches, ni levain, ni le plus faible indice capable de faire soupçonner la possibilité de la maladie. C’est donc outrager la nature de proscrire dans l’opinion publique, après plusieurs siècles, les vrais ou prétendus descendants de nos concitoyens qui furent sujets à une maladie passagère. » Dans le chapitre v, qui s’étend de la page 12 à la page 16, et qui est intitulé Récapitulations et conclusions, Minvielle fait, dès les premiers mots, connaître d’une manière encore plus explicite dans quel but il a composé sa brochure : « Forcé (dit-il) de quitter mes hôtes aux approches de la nuit, je me proposâ de mettre dans leur ordre naturel les documents que je venez de recueillir. Je les donne actuellement au public dans toute leur simplicité. Ils sont principalement destinés pour les habitants du département des Basses-Pyrénées, dans lequel il paraît végéter avec plus de force, et préoccuper l’esprit des citadins comme celui des campagnards. » Le Préjugé vaincu se termine par une double allocution que l’auteur adresse aux généreux habitants des Pyrénées, et aux prétendus ladres. Si cet appel fut entendu, ce ne fut sans doute que par les habitants des villes, chez lesquels les progrès incessants de la civilisation devaient bientôt amener l’abolition du préjugé combattu par Minvielle ; quant aux gens de la campagne, illettrés pour la plupart, et, d’ailleurs, fort opiniâtres dans leurs idées, ils ne firent aucune attention au factum que nous venons d’analyser. En tous les cas, sa nullité sous le double rapport du fond et de la forme l’a justement condamné à l’oubli et à la destruction qui en a été la suite. Mais continuons à passer en revue les auteurs qui ont parlé des races dont nous nous sommes fait l’historien.

Millin consacre quatre pages du cent-vingt-septième chapitre de son Voyage dans les départements du Midi de la France, aux Cagots des Pyrénées et aux Gahets de la Guienne ; il cite Oihenart, F. de Belle-Forest, Paul Merula, Court de Gebelin, Pierre de Marca, l’abbé Venuti, Ramond, et conclut ainsi : « Il ne me paroît pas possible de décider aujourd’hui quelle calamité, quelle défaite, quelle dispersion, ont pu conduire une race d’hommes à un tel degré de misère et d’avilissement : mais je pencherois davantage pour l’opinion qu’ils doivent aux Goths leur origine ; et l’étymologie recueillie par Pierre de Marca ne me paroît pas autant à dédaigner qu’on l’a pensé[68]. »

Comme on le voit, au lieu de s’éclaircir, le problème relatif à l’origine des Cagots s’obscurcissait de plus en plus. On pouvait espérer trouver, sinon une solution, au moins des observations nouvelles dans le troisième volume du Dictionnaire des Sciences médicales, qui parut en 1812 ; mais l’article que M. Virey leur a consacré n’apprend rien de nouveau, il ne fait que répéter les faits et les opinions mis en circulation par Court de Gebelin, F. de Belle-Forest, Ramond et P. de Marca, qui sont inexactement cités dans ce morceau. L’écrivain conclut de la manière suivante : « Il reste présumable, d’après la plupart des auteurs et M. le sénateur Grégoire, qui s’est occupé de ces recherches, que les cagots ou gahets sont les descendants de quelques-unes de ces hordes de barbares du nord, qui ont émigré dans l’Europe australe, dans les troisième et quatrième siècles. » À la suite de ce passage viennent des détails succincts sur les autres castes réprouvées, non-seulement de l’Europe, mais du reste de la terre, et des réflexions philanthropiques sur les Cagots.

Dans sa Description des Pyrénées, Dralet consacre la plus grande partie d’une note à des détails sur la condition des anciens Cagots et de ceux de son temps. « Les Agots ou Cagots, dit-il, sont domiciliés ; ils ne diffèrent des Basques d’ancienne origine ni sous le rapport du physique ni sous celui des mœurs. On ne les connaît que par la tradition, qui indique que telle ou telle famille est Agote, et que tel ou tel individu lui appartient[69]… »

Plus loin, Dralet revient aux Cagots, qu’il confond avec les goitreux, et il s’exprime ainsi : « Les goitreux seraient-ils, comme l’ont pensé d’autres observateurs, les restes d’un peuple vaincu, dispersés, partout persécutés et assujétis aux plus durs travaux ? nous ne le croyons pas non plus. L’histoire ne nous apprend pas que, chez aucune nation, l’esclavage le plus affreux ait occasionné la maladie dont il est question… » Dralet continue en prétendant que les goitres durent être fort communs dans les Pyrénées lorsque les premières peuplades s’y furent établies ; mais, dit-il, à mesure que la population s’augmenta, les cultures s’étendirent, les forêts furent exploitées et les eaux dirigées, les habitants connurent l’aisance, et le mal diminua. « Les goitres, ajoute-t-il, n’affligèrent plus sans doute que les familles indigentes réfugiées dans les lieux les plus malsains ; et cette conjecture paraît d’autant plus fondée, que les goitreux des vallées dont j’ai parlé sont encore sans propriété, et presque tous bûcherons ou charpentiers. » Dralet ne doute pas que ce ne soit à des circonstances semblables à celles sous l’empire desquelles se sont formées ces races de crétins appelées aussi dans les Alpes et dans les Pyrénées Caffos, en Auvergne Marrons, que les Cacous ou Caqueux de la Bretagne et les Colibets de l’Aunis et de La Rochelle doivent leur origine. Il fait le tableau des précautions prises anciennement pour empêcher tout contact entre les Cagots et le reste du peuple ; mais, fidèle à son système, il prétend que c’était dans le but d’arrêter les ravages du goitre. L’auteur termine par des réflexions philanthropiques auxquelles nous nous associons de grand cœur, et en exprimant le souhait qu’il se forme une société de bienfaisance occupée, aux pieds des montagnes, de rechercher la vraie nature du crétinisme, etc., et de faire, entre autres choses, l’histoire des événements relatifs aux malheureux qui en sont atteints[70].

C’est là, si je ne me trompe, la tâche que je me suis appliqué à remplir, en tant qu’elle rentrait dans mes études. Avant de quitter Dralet, il me semble convenable de rapporter une note que je lis, tome Ier, p. 193, de son livre. La voici : « Il y a encore d’anciennes églises dans le voisinage des Pyrénées, où l’on remarque une porte qui était autrefois à l’usage des Crétins. Cependant on ne voit plus de goitres dans les communes où se trouvent ces églises. Il résulte évidemment de ce fait que le mal a disparu à mesure que les malades se sont éloignés de son foyer, et que leur genre de vie s’est amélioré. » Si maintenant il m’est permis d’émettre mon avis, je crois pouvoir tirer de ce fait (et je n’ai aucune raison pour le rejeter) une conclusion différente, et j’avoue qu’il me semble plus logique de penser que le goitre n’a jamais été l’apanage exclusif des Cagots et la cause de leur proscription. Qu’on relise les passages de F. de Belle-Forest, d’Oihenart et de P. de Marca, et l’on verra que ces auteurs n’en font même pas mention.

Si Dralet confond les Cagots avec les goitreux, l’abbé Chaudon les range parmi les malheureux attaqués de la lèpre[71]. Après avoir consacré plus de deux pages à l’histoire de cette maladie, il en vient à parler des Cagots, sur le compte desquels il ne donne rien de nouveau, si ce n’est un renseignement dont nous profiterons plus loin. L’article se termine par deux paragraphes, dont le premier nous semble mériter d’être cité, parce que, suivant toute probabilité, l’auteur avait été témoin oculaire des faits qu’il rapporte : « Les Capots, dans les derniers temps, dit-il, étaient en général d’une constitution saine, et leurs femmes surtout avaient des traits réguliers. On pouvait en dire autant de leurs mœurs ; jamais de querelles entre eux, ni avec les autres citoyens, qui s’adressaient de préférence à eux pour les ouvrages de charpenterie et de menuiserie (auxquels ils se consacraient presque uniquement), parce qu’ils étaient laborieux dans le travail et modérés dans le prix de ce travail. »

M. Faget de Baure, qui, trois ans plus tard, publiait ses Essais sur le Béarn, plaça également les Cagots parmi les lépreux[72], au moment même où Garat[73] et J.-M.-J. Deville[74] se joignaient à ceux qui les considéraient comme des descendants des Goths.

Quoiqu’il en soit, ni l’un ni l’autre des trois auteurs que nous venons de nommer, ne semble avoir connu le Mémoire de Palassou sur la constitution physique des Cagots et l’origine de cette caste[75], qui est sans contredit ce qu’il y a de plus important et de plus complet sur la matière. Il se divise en quatre chapitres, dont les sommaires font assez bien connaître le contenu. Les voici : « I. Goitreux des Pyrénées injustement réputés Cagots : portrait de cette caste : nulle maladie particulière aux Cagots. La forme du lobe de l’oreille n’est point leur caractère distinctif. II. Triste condition des anciens Cagots. Leur descendance rapportée par quelques auteurs à la nation gothique. Observations contraires à cette conjecture. III. L’origine des Cagots attribuée par M. de Marca aux Sarrazins. Observations relatives à cette opinion. IV. Persécution contre les Cagots sous prétexte de léproserie : ils ne sont point lépreux. Preuves fondées sur des actes authentiques : protection des lois envers cette caste. » Palassou termine ainsi :

« CONCLUSION.

« Il est certain, par les preuves que nous avons données dans ce mémoire,

» 1o. Que les cagots ne sont affectés d’aucune maladie qui leur soit particulière.

» 2o. Qu’ils ne diffèrent pas des autres habitants ni dans leurs mœurs, ni leur constitution physique.

» 3o. Que le peu d’étendue du lobe de l’oreille n’est point le caractère distinctif de cette caste.

» 4o. Il ne paraît pas vraisemblable qu’elle tire son origine des Visigoths, ni des peuples du nord, qui ravagèrent la Novempopulanie vers le commencement de la monarchie française.

» 5o. Il n’est pas douteux que de grandes probabilités autorisent à penser avec M. de Marca, que les Cagots descendent des Sarrazins défaits par Charles Martel, à la mémorable bataille de Tours.

» 6o. Il est évident, après divers examens faits par d’habiles médecins, qu’ils ne présentent aucune trace de lèpre, maladie dont on les supposait anciennement attaqués.

» 7o. Il est en outre certain que malgré les préjugés populaires, dont les Cagots ont été trop souvent les victimes, le gouvernement ne cesse depuis long-temps de les protéger et de les traiter à l’égal des autres citoyens. »

Nous aurons à revenir plus d’une fois sur le mémoire de Palassou, qui nous a fourni nombre de documents intéressants que l’on chercherait vainement ailleurs.

Non loin de l’époque et des lieux où Palassou écrivait ses Mémoires sur les Pyrénées, un réfugié espagnol, qui avait eu occasion d’observer les Cagots dans plusieurs endroits du Béarn, consacrait quelques lignes à ces parias dans un ouvrage historique sur les nations basques[76]. Comme Palassou, qu’il cite d’une manière inexacte, il considère les Gagotes ou Hagotes (c’est ainsi qu’il les nomme indifféremment, ajoutant que Cagotes ne se dit aujourd’hui que par corruption) comme les descendants des Arabes, qui, après la bataille de Tours en 732, se seraient retirés et établis dans les montagnes du Béarn. L’écrivain esquisse ensuite rapidement l’histoire des Cagots, mais non sans tomber dans les erreurs qui avaient cours de son temps, et non sans en commettre de nouvelles. C’est ainsi qu’il dit que les Cagots sont nommés Caffos dans l’ancien for de Navarre et Hagotes dans celui de Biscaye, et qu’ils reçurent le nom de Cagots au temps des premières guerres de religion ; il ajoute qu’en 1094 ceux des Pyrénées embrassèrent le parti de Raymond comte de Toulouse, et de Gaston II vicomte de Béarn, qui étaient à la tête des Albigeois.

Après Palassou et J. A. de Zamacola, nous citerons encore N. d’Avezac Macaya, qui désigne les Arabes comme les ancêtres des Cagots[77], et Laboulinière, qui cette fois partage l’opinion de P. de Marca et de Palassou, dont le mémoire, dit-il, lui a été communiqué avant d’être imprimé[78]. Cependant, pour ne point paraître trop en désaccord avec ce qu’il disait à une autre époque, il s’exprime ainsi, page 78 : « Il semble donc que les Cagots, séparés, isolés, confinés, descendent plutôt d’un peuple à la fois subjugué par les armes et attaqué, ou du moins soupçonné de quelque maladie contagieuse. » Laboulinière reparle encore des Cagots, dans son troisième volume, chapitre XII, article Crétinisme.

M. de Marchangy n’hésite pas à attribuer aux Goths l’origine des Cagots : « Nul doute, dit-il, que ces infortunés ne soient les descendants abâtardis et dégénérés de ces peuples barbares, qui, dans les premiers siècles, vinrent s’écouler et se perdre dans l’Occident. On a quelque raison de croire, par exemple, que les Coliberts du pays d’Aunis sont des Ariens vaincus et dispersés sous l’épée des rois mérovingiens, et qu’on désignait plus particulièrement sous le nom de Taïfaliens… Les Gesitains de la Bresse sont vraisemblablement des Sarrasins, et les mœurs qu’ils ont conservées ne permettent pas de les méconnaître ; les Cagots du Bigorre et du Béarn semblent tirer leur origine des Goths dont Clovis abattit la puissance… » Plus loin, M. de Marchangy dit que les Cagots, s’alliant toujours entre eux, sentirent leur sang se vicier et se corrompre par degrés, et qu’à la longue ils donnèrent naissance aux crétins et aux goitreux[79].

Moins hardi que M. de Marchangy, le chanoine J. Mahé n’ose pas se prononcer sur l’origine des Caqueux bretons ; il se borne à dire qu’ils « passaient pour lépreux, et pour être descendus des Juifs, ou des Goths, ou des Sarrasins, ou des Albigeois. » Il rapporte ensuite ce que les historiens, de la Bretagne avaient écrit avant lui au sujet de ces malheureux. Comme beaucoup d’autres auteurs, il rattache aux Cagots pyrénéens « cette classe d’hommes qu’on nommait en Bretagne Cacous, et ailleurs Cagous, Caqueux, Cahets, Capots ou Cagots[80]. »

L’avocat Samazeuilh fait preuve d’une égale réserve, et se borne à rapporter que l’on croit les Cagots descendus des Maures, et de la même race que les goitreux et les crétins[81]. Plus tard, il est vrai, il s’est prononcé en faveur de l’opinion de P. de Marca[82] ; mais la manière dont ilamotivé sa décision ne peut que faire regretter qu’il ne s’en soit pas tenu au premier parti qu’il avait embrassé. En effet, outre qu’il n’apporte aucun fait nouveau dans la discussion, il commet encore plusieurs erreurs de nature à l’obscurcir davantage. En somme, les dix-sept pages qui composent sa note sur les Capots ou Cagots ne valent pas le temps que l’on passerait à les lire, surtout pour celui qui connaîtrait la note analogue de M. Michelet.

Dans son ouvrage sur le sud-ouest et le midi de la France, M. du Mège ne pouvait se dispenser de parler des Cagots ; mais, au lieu de faire de nouvelles recherches, il se contente de celles de Palassou et de quelques-uns des auteurs qui l’ont précédé ; il va même jusqu’à répéter leurs erreurs[83]. Cependant il rejette l’opinion de ce savant, comme ne lui paraissant pas avoir en sa faveur de grandes probabilités, et il assure que « aucune circonstance historique n’empêcheroit de voir dans les Cagots ou Chiens Goths, dans les familles Agotes du Labour, de la Soule et du Béarn, et dans les Capots de l’Armagnac, les restes détestés de ces Visigoths, qui… dominèrent dans toutes les contrées limitrophes des Pyrénées, et qui tinrent pendant longtemps l’Espagne sous leur joug[84]. »

En 1832, le secrétaire actuel de la députation de Navarre, Don J. Yanguas y Miranda, publia son abrégé de l’histoire de cette province, dans lequel il recherche l’origine des Cagots[85]. À l’exemple de Faget de Baure, dont il cite l’opinion, il les confond avec les lépreux, et pense que cette caste maudite provient de ces infortunés. Dans un autre ouvrage, qui parut quelques années après, Don José soutient la même thèse, en faisant précéder cette partie de son travail de l’analyse des pièces relatives aux Cagots qui se conservent dans les archives de la Chambre des Comptes de Pampelune ; suivant cet auteur, les Agots de la Navarre ne sont autre chose que les Cagots du Béarn dont le nom a été quelque peu altéré, et que l’ordonnance de Philippe-le-Long rendue contre les lépreux en 1217, refoula dans le premier de ces pays[86].

La même année 1832, le docteur Léon Marchant dit quelques mots sur les Cagots[87] ; mais c’est pour les confondre avec les goitreux et les crétins.

Quatre systèmes principaux se partageaient les esprits au sujet des Cagots, lorsque l’année 1833 en vit naître un cinquième, sur lequel le nom de son auteur dut nécessairement attirer l’attention. Dans une lettre écrite des Pyrénées à MM. les rédacteurs des Annales des Voyages[88], M. C. A. W. (Walckenaer) émet l’opinion que les Cagots descendent des Gaulois chrétiens de la Novempopulanie, qui les premiers reçurent l’évangile, vers le milieu du troisième siècle, et qui formèrent une caste à part, d’abord persécutée et méprisée par la généralité des habitants de cette partie de la Gaule attachée à son culte. Le savant écrivain ajoute : « Lorsque la religion chrétienne, après avoir été embrassée par les empereurs, fut devenue celle de tout l’empire ; quand les provinces, à l’imitation de la capitale et du souverain, abandonnèrent tout-à-coup l’ancien culte pour le nouveau, et que celui-ci eut été réglé d’une manière uniforme, et modifié, dans ses premières institutions, par l’autorité des conciles et des évêques, alors les chrétiens primitifs, ceux qui dans les provinces éloignées du centre de l’empire avaient embrassé la nouvelle religion avant qu’elle ne fût reconnue par l’état et les magistrats, pauvres, ignorants de ce qui se passait loin d’eux, refusèrent de se soumettre aux nouveautés qui leur étaient imposées par d’orgueilleux néophytes, naguère plongés dans la fange du paganisme, qu’ils détestaient comme leurs persécuteurs, et dont ils étaient abhorrés

« Ce qui donne, suivant moi, un haut degré de probabilité à ma conjecture, c’est que les Cagots sont désignés par le nom de Christaas Chrétiens, dans les plus anciens actes où il en est fait mention… Le nom de Cagot resté aussi dans notre langue comme terme de mépris pour désigner celui qui, dans l’exercice de la religion chrétienne, se fait remarquer par des petitesses d’esprit, des pratiques singulières, ou une dévotion outrée, est encore une nouvelle preuve de notre opinion. »

Dans le courant de la même année 1833, il parut dans la Revue de Paris[89] un article de M. Alexandre Teulet, intitulé : Les Cagots. M. Teulet réfute l’opinion de ceux qui voient dans les Goths les ancêtres des Cagots, et l’opinion de ceux qui les croient descendus des Sarrasins ; il donne des détails sur les Caqueux de la Bretagne, et il conclut, ou plutôt il se défend de conclure, en ces termes : « Il faut désormais renoncer à trouver l’explication de cette énigme historique, à moins que quelque découverte heureuse ne vienne mettre en lumière des titres anciens, ignorés jusqu’à ce jour. Pour le moment, le plus sage est encore de s’en tenir à la déclaration des auteurs qui, ne pouvant dire ce qu’étaient les Cagots, se sont bornés à énoncer ce qu’ils n’étaient pas ; et il faut conclure avec eux que les Cagots et les Cacous n’étaient ni des moines, ni des anachorètes, ni des lépreux, mais une certaine race d’hommes dévoués à la haine des autres hommes[90], » etc.

C’est également en 1833, qu’à la suite du premier volume de son Histoire de France[91], M. Michelet publia une dissertation « sur les Colliberts, Cagots, Caqueux, Gésitains, etc. » L’auteur y répète une partie de ce qui avait été dit avant lui, sans faire connaître rien de nouveau ; il reproduit même des erreurs, dans lesquelles il ne fût pas tombé, s’il eût recouru aux originaux[92] ; après avoir fait connaître les principaux systèmes existant au sujet des Cagots, le savant historien conclut ainsi : « Au reste, peut-être doit-on admettre à la fois les opinions diverses que nous avons rapportées ; tous ces éléments entrèrent sans doute successivement dans ces races maudites, qui semblent les Parias de l’Occident. »

Dans le tome premier de la France pittoresque, qui parut en 1835, si l’on s’en rapporte au titre, M. Abel Hugo indique « comme appartenant à la famille sémitique, les Burrins de l’Ain, les Chizerots de Saône-et-Loire, les Agotac ou Cascarotac des Basses-Pyrénées et quelques peuplades du Var et des Hautes-Alpes, qui sont presque certainement d’origine sarrazine[93]. » Plus loin, au tome troisième, il développe cette phrase de la manière suivante : « On trouve dans le pays basque une race d’hommes que les habitants considèrent comme descendants des Sarrasins, et qu’ils désignent sous les noms de Agotac et Cascarotac. En les examinant de près, on distingue dans leur physionomie les caractères un peu affaiblis du sang africain ; ils ont même gardé quelques coutumes étrangères. Quoiqu’ils soient établis depuis plus de mille ans dans le pays, et qu’ils aient embrassé le christianisme, ces malheureux sont victimes des préjugés les plus impies[94], » etc.

Si nous rouvrons le premier volume à la page 295, nous trouverons, sur les Caqueux, un article succinct, emprunté presque textuellement au curieux ouvrage de M. Habasque[95]. L’auteur, au lieu de choisir une opinion entre celles qui ont été émises sur l’origine de ces malheureux, se borne à rapporter que, suivant quelques écrivains, ils descendent des Alains, que les Bretons avaient réduits en esclavage, et à faire mention du mépris et du dédain auxquels ils ont toujours été en butte dans leur pays.

Cette répugnance héréditaire et encore subsistante des Bretons pour les Caqueux acquérait, la même année, un témoignage de plus, que la patrie et le talent de son auteur rendent digne de remarque. Dans un intéressant article de l’un de nos meilleurs recueils, M. Souvestre s’exprimait ainsi : « Peut-être le mépris pour les professions mécaniques vient-il de ce que beaucoup d’entre elles furent primitivement exercées, en Bretagne, par des étrangers, des Bohèmes et des Juifs, que l’on désigne sous le nom détesté de Caqueux. Quoi qu’il en soit, ce mépris s’enracina fortement, et il s’est maintenu partout jusqu’à nos jours[96]. » Un autre Breton, M. Aurélien de Courson, a également fait mention des Caqueux, dans l’ouvrage qu’il a publié en 1840, sous le titre d’Essai sur l’histoire, la langue et les institutions de la Bretagne armoricaine[97] ; et s’il s’est borné à répéter ce qui était déjà connu, il faut croire que ses recherches dans les archives de la Bretagne n’ont fait tomber entre ses mains aucun document nouveau relatif à ces malheureux. Toutefois, il ne paraît pas avoir eu connaissance du livre de M. Manet[98], qui, comme M. Habasque, confond les Caqueux avec les lépreux, et qui cite[99], sur ces premiers, deux pièces dont nous ferons usage plus loin.

Plus bref encore que ses trois compatriotes, M. Théodore de la Villemarqué dit quelques mots des Caqueux, mais c’est pour les confondre avec les lépreux, dont il faut soigneusement les distinguer ; il ajoute que « les Kakous sont le sujet de plusieurs chansons populaires[100]. »

Jusque-là, personne n’avait eu l’idée de faire venir les Cagots des Celtes ; elle naquit dans la tête de M. Hasselt, auteur de l’article consacré aux premiers dans la grande encyclopédie allemande[101], article (disons-le en passant) rempli des erreurs les plus grossières ; mais elle trouva bientôt un contradicteur dans un autre Allemand, le docteur Dieffenbach, qui la combat dans son Essai d’une histoire généalogique des Celtes[102], où, pour être moins nombreuses que dans le morceau cité plus haut, les erreurs ne manquent pas relativement aux Cagots.

Enfin, dans le même temps que nous étudiions la question dont nous espérons donner la solution dans ce livre, un autre auteur s’en occupait également et présentait à l’Académie des sciences de Paris une note qu’un journal[103] analyse en ces termes : « L’Académie a entendu la lecture d’une note de M. Guyon sur les Cagots des Pyrénées, dont il n’avait pu être donné lecture dans l’avant-dernière séance. Les Cagots ont été confondus, par plusieurs, avec les crétins, et cette erreur tient à une cause que M. Guyon prend soin d’indiquer. Il s’en faut de beaucoup que tous les Cagots soient crétins, et même ceux qui habitent des lieux sains et bien aérés sont en général d’une constitution robuste et d’une taille au-dessus de la moyenne. Cependant, même dans ces lieux, ils ont été, de temps immémorial, et sont encore aujourd’hui, jusqu’à un certain point, un objet de mépris pour les autres habitants, qui ne contractent guère d’alliances avec eux.

« Arrivés dans ce pays comme des étrangers fugitifs, comme des hérétiques, ils rencontrèrent peu de bienveillance parmi les populations qui étaient fixées avant eux dans ces cantons : beaucoup ne trouvèrent à s’établir que dans des localités qui avaient été dédaignées comme malsaines, dans des vallées humides, favorables au développement des affections goitreuses, et, par suite, du crétinisme ; ceux qui se trouvèrent placés dans ces conditions n’échappèrent pas à leur influence ; il y eut parmi eux des goitreux, des crétins, et c’est peut-être à cause de la fréquence du crétinisme chez quelques populations toujours suspectées d’hérésie, malgré une conversion qui n’avait pas été bien volontaire peut-être, que les crétins, à quelque race qu’ils appartiennent, ne sont pas dans les Pyrénées comme ils le sont dans presque tous les autres cantons de l’Europe, l’objet d’une tendre commisération.

« M. Guyon croit avoir reconnu chez les Cagots un caractère physique distinctif, qui consisterait dans l’absence du lobule de l’oreille. Il exprime, d’ailleurs, le regret de n’avoir pu donner plus de temps à l’étude d’une race qui ne tardera vraisemblablement pas à s’éteindre ; en effet, les préjugés qui existent contre les Cagots, bien qu’ils soient encore assez marqués, tendent à s’effacer, de sorte qu’il n’y aura bientôt plus rien qui en empêche la fusion avec les populations environnantes. Beaucoup de ces hommes émigrent pour l’Amérique, et M. Guyon considère cette tendance à voyager comme un héritage reçu de leurs ancêtres : car l’auteur partage l’opinion déjà soutenue par plusieurs écrivains, qui voient en eux des descendants des Goths. »

Après les auteurs dont nous venons d’exposer l’opinion, nous n’avons plus à mentionner, relativement aux Cagots du midi et du nord-ouest, que ce qu’en ont dit MM. Bernadau[104], A. Abadie[105], Auguste Savagner[106], Chausenque[107], A. Fourcade[108], les docteurs Esquirol[109] et Bertrand[110], Roux-Ferrand[111], Reinaud[112], Mazure[113], Émilien Frossard[114], Loubens[115], O’Reilly[116], Xavier Durrieu[117], Phil. le Bas[118], M-N. Bouillet[119], D. Teodoro Ochoa[120] et M. le baron Taylor[121]. Tous ces auteurs n’ont fait que de courts résumés, sans rien dire de nouveau : aussi nous contenterons-nous de les indiquer. Nous devons, cependant, plus à M. Reinaud, à qui la spécialité de ses études donne le droit de prononcer, au moins négativement, dans la question dont il s’agit. Ce savant rejette l’opinion de ceux qui ont rattaché aux invasions sarrasines les Cagots du Bigorre et des contrées voisines des Pyrénées, et il qualifie le système de P. de Marca d’insoutenable. Nous avons grande confiance dans l’érudition de M. Reinaud ; mais, dans la circonstance présente, nous voudrions lui voir apporter, à l’appui de son assertion, des preuves plus solides que le nom de Christaas, ou de Chrétiens, que l’on donnait autrefois aux Cagots dans les Pyrénées.

Les Cagots n’ont pas seulement servi de sujet à des dissertations historiques, ils ont fourni des héros à des ouvrages d’imagination. L’auteur de Corisande de Mauléon, Mme de Montpezat, a imaginé une famille de ces malheureux dans la Soule, pour servir de nœud à une fable intéressante dont le fond est puisé dans l’histoire du Béarn. En outre, il y a un roman intitulé le Cagot, nouvelle Béarnaise, où l’auteur, M. J. Badé, a mis en œuvre, indépendamment des documents écrits, quelques détails fournis par la tradition populaire ; il a été publié à Pau, dans l’Observateur des Pyrénées, numéros du 30 septembre, et des 2, 4, 7, 9, 14, 16, 21, 23, 28 octobre, 1er, 6, 11, 18 novembre, 4, 9, 13, 23, 27 décembre 1840, 2, 8 et 10 janvier 1841. Enfin, dans le tome premier de la Mosaïque du Midi, recueil in-4, qui se publie à Toulouse, on lit une nouvelle intitulée Le Paria des Pyrénées et signée Z. V. L’auteur a fait précéder sa fable d’un précis historique sur les Cagots, qu’il paraît avoir observés ; il les considère « comme les descendants de ces tribus guerrières qui envahirent la Germanie, l’Espagne, les Gaules, et formèrent dans le Midi un royaume dont Toulouse fut la capitale. » Le tout va de la page 35 à la page 33.

Dans le tome cinquième de la Revue de Bretagne (Rennes, m dccc xxxiv, in-8), p. 225-234, il y a un morceau intitulé les Montagnes d’Arez. Les Caqueux…, et signé E. D. V. L’auteur introduit les Caqueux dans un roman sur la Bretagne au XIIIe siècle, sous Pierre de Dreux, dit Mauclerc, et fait descendre cette « espèce de parias du moyen-âge » des « débris informes d’une population envahissante, descendue du Nord, alors que s’écroulait pièce à pièce le colosse romain, et que les digues armées opposées à ces torrents disparurent, en laissant leurs flots s’épandre librement sur le vaste sol de l’Empire. »

Mais l’ouvrage le plus intéressant, dont l’un des héros principaux soit un Cagot, est L’Andorre, par Élie Berthet[122]. La scène se passe vers la fin de 1815, et le Cagot qui y figure est un maître de forges de Vic d’Essos, nommé Bernard Alric. « C’était, dit le romancier, un grand jeune homme blond, aux formes athlétiques, mais au teint blanc, aux yeux humides, qui témoignaient d’une certaine timidité dans le caractère. Il n’était pas difficile de reconnaître en lui un de ces descendants des Visigoths dont la race s’est conservée pure dans les pays basques, au milieu de ces populations indigènes qui depuis le moyen âge lui ont voué une haine mortelle. » À ce portrait, qui se trouve pag. 6, M. Berthet a ajouté d’autres détails[123] qu’il paraît avoir puisés dans l’ouvrage de Ramond et qui n’apprennent rien de plus.

Nous devons ranger également parmi les romans un épisode où figure un Gabet et qui fait partie d’un article de la Gironde, revue de Bordeaux, intitulé Installation de Michel Montaigne, maire de Bordeaux[124]. Ce morceau, annoncé comme faisant partie d’un manuscrit qui « était vraisemblablement le journal inédit d’un ancien serviteur de l’auteur des Essais, » n’est autre chose qu’un pastiche assez maladroitement exécuté, et ne porte pour tout nom d’éditeur que la lettre G.



  1. Hydropisie du tissu cellulaire.
  2. Laur. Jouberti Val. Delph. in Galeni libros de Facultatibus naturalibus Annotationes, discipulis suis dictatæ, anno Domini m.d.lxiii In cap xi. (Laur. Iouberti… Operum Latinorum Tomus primus, Francofurti, apud heredes Andreæ Wecheli, m.d.xc.ix. in-folio ; p. 174, lig. 16).
  3. La Cosmographie universelle de tout le monde… Auteur en partie Munster, mais beaucoup plus augmentée, ornée et enrichie, par François de Belle-Forest, Comingeois, etc. À Paris, chez Nicolas Chesneau… m.d.lxxv. in-folio ; pag. 377, deuxième colonne, De la Gascoigne ressortant a Bourdeaux. Ce morceau a été traduit par Paul Merula et inséré par lui dans sa Cosmographie générale. Voyez Paulli G. F. P. N. Merulæ Cosmographiæ generalis Libri tres…Ex Officina Plantiniana Raphelengii. m.d.cv. in-4 ; partis ii. liber iii, pag. 579.
  4. Jodoci Sinceri Itinerarium Galliæ… Cum Appendice, de Burdigala. Lugduni, apud Jacobum du Creux, aliàs Molliard. Anno m.dc.xvi. in-16.
  5. Itinerarii Appendix, cap. ix. p. 112-114.
  6. Cet examen doit dire celui qui fut ordonné le 24 avril 1606, par le parlement de Toulouse, et dont il sera question plus loin.
  7. Supplement des Chroniques de la noble Ville et Cité de Bourdeaus, par Jean Darnal… À Bourdeaus, par Jac. Millanges… m.dc.xx. in-4 ; folio 4o verso.
  8. L’Antichrist, par Florimond de Ræmond…, dernière édition. À Cambray, de l’imprimerie de Jean de la Riviere, x.dc.xiii. in-8 ; chap. xli p. 567, 568.
  9. Capots, édit, de Paris, Gabriel Buon, 1575, in-folio, p. 623. L’édition de 1568 portait : « … comme sont les ladres blancs, appelés Cachos, que l’on trouve en basse Bretagne, et plusieurs autres lieux, qui m’est une chose indicible. »
  10. Les Œuvres d’Ambroise Paré, conseiller et premier chirurgien du roy… À Paris, chez Barthelemy Macé, 1607, in-folio ; vingtiesme livre, chap. xi, p. 744, Du prognostic de Lepre.
  11. Troisiesme Livre des Serees de Guillaume Bouchet… À Paris, chez Adrian Perier, m.d.xcviii. petit in-12 ; pag. 483.
  12. Ibidem, p. 521.
  13. Examen des Elephantiques ou Lepreux. Recueilli de plusieurs bons et renommez Autheurs, Grecs, Latins, Arabes et François. Par G. des Innocens, Chirurgien, natif et habitant de Tolose. À Lyon, pour Thomas Soubron, m.d.xcv. in-8 ; chap. ii, pag. 17.
  14. Ibidem, chap. xi, pag. 85, 86.
  15. Le Relationi universali di Giovanni Botero Benesc, etc. In Venetia, Appresso Giorgio Angelieri, 1599. in-4 ; parte prima, lib. i, p. 21. Bearnia. Bigorre. Comingia. Foix.
  16. Litteræ Societatis Jesu annorum duorum, m.dc.xiii, et m.dc.xiv, etc, Lugduni, apud Claudium Cayne, m.dc.xix. in-8. ; pag. 518, 519.
  17. Drecho de Naturalisa que los Naturales de la Merindad de San Juan del Pie del Puerto tienen en las Reynos de la Corona de Castilla… Por Don Martin de Vizcay Presbytero. En Çaragoça : Por Juan de Lanaja y Quartanet. Año 1621. in-4 ; fol. 123-146.
  18. Drecho de Naturaleza, fol. 126 et 127.
  19. « Il y a tout lieu de croire que cet ouvrage, attribué à André du Chesne, n’est pas de lui, car il étoit trop habile pour faire un tel livre. »
  20. Les Antiquitez et Recherches des villes, chasteaux, et places plus remarquables de toute la France… À Paris, chez Louys Boulenger, m.dc.xxix. in-8 ; second livre, chap. xxiii, pag. 732,733.
  21. Innocentii tertii pontificis maximi Epistolarum Libri quatuor, Regestorum xiii.xiv.xv.xviNunc primum edunt sodales eiusdem collegij (Fuxensis), et Notis illustrat Franciscus Bosquetus Narbonensis ICtus. Tolosæ Tectosagum, apud societatem Tolosanam, m.dc.xxxv. in-folio ; notæ, pag. 35,36.
  22. Ici Oihenart transporte matériellement dans le latin un mot basque. Peloutac, s’il faut en croire M. Larrégorry, instituteur à Larceveau, est le nom que donnent les Agotac au reste de la population. « Ellos (m’écrivait D. José Matias Elizalde, ancien supérieur des Prémontrés d’Urdax, à propos des Agots) Haman perlutas à los que no son de su raza. » Une autre personne native de la vallée de Baztan, et à laquelle le texte d’Oihenart était inconnu, me disait que dans sa jeunesse, toutes les fois qu’elle rencontrait un Agot, elle lui criait : Agote, agote ! À quoi celui-ci répondait : Perlute, perlute ! Je n’ai pu trouver ce mot dans les dictionnaires.
  23. Notitia utriusque Vasconiæ. Authore Arnaldo Oihenarto Mauleosolensi. Parisiis, sumptibus Sebastiani Cramoisy… m. dc. xxxviii. in-4 ; lib. iii, cap. v, pag. 414, 415.
  24. Histoire sacrée d’Aquitaine, etc. Première partie. Par le R. P. Jean Baiole de la Compagnie de Jésus. A Caors, par Jean d’Alvy, m.dc.xliv, in-4 ; chap. vi, parag. vi, p. 36.
  25. Histoire de Bearn… par Me Pierre de Marca… À Paris, chez la veuve Jean Camusat, m. dc. xl. in-folio ; livre Ier, chap. xvi, p. 71-73. Le travail de P. de Marca sur les Cagots du Béarn a été répété par Ménage. Voyez son Dictionnaire étymologique de la langue Françoise, édition de 1750, tom. 1er, pag. 280-284.
  26. Dans son édition du Glossaire du droit francois, de Ragueau (À Paris… chez Jean et Michel Guignard, m. d. cc. iv. deux volumes in-4o), Eusébe de Laurière se borne à citer l’ouvrage de P. de Marca et celui de P. Morula. Voyez tom. 1er, pag. 193. Quant à Ragueau, il s’était contenté de renvoyer à la coutume de Béarn.
  27. « A las reliquias disipadas de aquel Exercito de los Albigenses sospechan algunos se debe atribuir el nombre aborrecido de los que llaman Agótes, de los quales algunas Familias derrotadas, y fugitivas de su Suelo ocupado por las Armas Catholicas, aportaron, derramadas como en borrasca, á varias Regiones de la Fronlera del Pyrinéo : y quieren justificar con las Censuras de la Iglesia, y ódio de aquella Rebelion á ella el sumo vilipéndio, y tratamiento, peorque de Esclavos, con que se ven apartados, como Gente contagiosa, de los Pueblos, y condenados á los oficios mas viles de ta Republica : y ni aun dentro de las Iglesias, y Templos admitidos promiscuamente, sinon con gran distincion : dandoles el origen del nombre de Agotes, como de descendientes de Godos ; por haver dominado éstos largo tiempo en aquellas Comarcas de Tolosa, y averse llamado por esto aquella Provincia Gália Gothica. En quanto á esta causa del odio, nacido de la Rebelion de ahora á la Iglesia, no tenemos cosa particular, que assegurar. El origen del nombre tomado de los Godos parece cierto. Porque aun oy en Lengua Vulgar se llama aquella Provincia Languedóc, esto es, Landas, ó Campos de los Godos, que esso vale Landa en el Idioma Vascónico. Y el mismo origen de voz tienen los Campos, que llaman en Francia Landas de Burdéos : naciendo el nombre de los Váscones confinantes con una, y otra Region, que passaron á Francia, reynando Leovigildo. Pero sin que entrasse esta causa mas reciente, el odio, y tratamiento de esta Gente pudo originarse bastantemente, de lo que aborrecieron los Váscones, y Aledaños el nombre, y Señorio de los Godos con Guerra casi continua de tres siglos. » Annales del Reyno de Navarra, etc., tom. iii. En Pamplona : En la Imprenta de Pascual Ibañz… Ano mdcc. lxvi. in-folio ; lib. xx, cap. vi. no 22, p. 119,120.
  28. « Pero esas partes… imitando la sangre Goda que arde en sus venas, » etc. Pag. 52.
  29. « Ni tampoco quiero hacer mencion de la Ratalla, que ganó (Clovis) contra el segundo Alarico el Godo Arriano en los campos de Poitiers en el año 506. de cuya muerte, y total derrota provienen los Gots, ó Agotes, (que es lo mismo) que existen con tan vilipendiosa nota, é infeliz distincion en el Pais Bascengado, y con especialidad en Baztan, de 1243. Años a esta parte. » Reflexiones curiosas y notables sobre la ciencia y valor para la guerra, etc. Año 1752, con licencia. En Pamplona : Por los herederos de Martinez, in-8, p. 68,69. « La (nacion) Española tiene la propiedad del oro, que resiste á ligarse con los demás melales, conforme han practicado, y practican los Bascongados con los Agotes, que ha 1253. años que se introdugeron en el Hual de Bastán, y sus confines, sin que hayan podido lograr alianza alguna con los Naturales, los que á mi parecer se desvian de las maximas Evangelicas, y de lo que nos manda nuestra Sagrada Religion. » Origen de la Nacion Bascongada, y de su Lengua, etc. En Pamplona, en la imprenta de los Heredros (sic) de Martinez. Año 1760, petit in-8o, pag. 36.
  30. Pantagruel, liv. ii, chap. vii.
  31. Œuvres de maître François Rabelais, avec des remarques historiques et critiques de M. Le Duchat… À Amsterdam, chez Jean Frédéric Bernard, m. dcc. xli. trois vol. in-4 ; tom. 1er, pag. 235, note 82. Le Duchat y cite P. de Marca.
  32. Ibidem, tom. 1er, pag. 266. La note se termine par un renvoi au Scaligerana.
  33. Dissertations sur les anciens Monumens de la ville de Bordeaux, sur les Gahets, etc., par M. l’abbé Venuti… À Bordeaux, chez Jean Chappuis, etc. m. dcc. liv. in-4 ; pag. 136.
  34. De quelques particularités peu connues du païs de Labourd (Recueil de différents traités de physique et d’histoire naturelle,… seconde édition. À Paris, chez J. F. Quillau, mdccxlviii—M.dcc.liii, trois volumes in-12 ; tom. ii, pag. 113).
  35. Diccionnario trilingue dei Castellano, Bascuence, y Latin… Año 1745. En San Sebastian : Por Bartholomé Ricsgo y Montero, etc., deux volumes in-folio ; tom. i, pag. xxj.
  36. Histoire generale de Languedoc, liv. xxxlv, chap. lxxix ; éd. in-folio, tom. iv, pag. 492.
  37. Chroniques ecclesiastiques du diocèse d’Auch… À Toulouse, chez Jean-François Robert, m. dcc. xlvi. in-4 ; troisième partie, pag. 375.
  38. Le grand Dictionnaire historique, etc. Paris, m. d. cc. lix. in-folio ; pag. 25, col. 2. art. Cagots ou Capots.
  39. Diss. sur les anc. Mon. de Bord., etc., pag. 115-143.
  40. Dissertations sur la Mythologie françoise… À Paris, chez N. L. Moutard, m. dcc. lxxi. in-8 ; pag. 62, 63. Dissertation sur la reine Pédauque.
  41. Mémoires sur la langue celtique… À Besançon, chez Cl. Daelin. m. dcc. liv.-lx. trois vol. in-fol., aux mots Cacodd, Cacosi et Cacous.
  42. À Paris, chez François Delaguette, m. dcc. lii. in-fol., col. 105. Cet article a été également répété dans le Dictionnaire celto-breton de M. Le Gonidec, pag. 63, col. 2.
  43. À Berlin, chez C. J. Decker, m. dcc. lxxiii. in-8 ; tom. Ier, pag. 188, 189.
  44. Les Mémoires et Éclaircissements sur le for et la coutume de Béarn, par M. de Maria, avocat, ne se trouvent que dans la bibliothèque de quelques érudits béarnais ; c’est un manuscrit estimé qu’on ne se procurerait à aucun prix. Celui que j’ai vu est de format in-folio, il contient 269 pages, et porte la date de 1767. Ce que l’auteur dit des Cagots se lit pag. 7 et 180.

    L’ouvrage de Labourt sur le for et la coutume de Béarn est beaucoup plus complet et fort estimé ; c’est un manuscrit très rare, dont je ne connais qu’un exemplaire, gros in-4 de 723 pages.

  45. Monde primitif, analysé et comparé avec le monde moderne, considéré dans les origines françoises… À Paris, chez l’Auteur, etc. m. dcc. lxxviii. in-4 ; col. 244-246.
  46. Ibidem, col. 246, 247.
  47. Variétés Bordelaises, ou Essai historique et critique sur la Topographie ancienne et moderne du Diocèse de Bordeaux, tom. Ier. À Bordeaux, chez les Frères Labottiere, m. dcc. lxxxiv. in-8 ; pag. 257-264.
  48. Essai sur la Noblesse des Basques, pour servir d’introduction à l’Histoire générale de ces peuples, etc. À Pau, de l’imprimerie de J. P. Vignancour, m. dcc. lxxxv. in-8 ; pag. 163. Cet ouvrage a été traduit en espagnol et publié sous ce titre : Ensayo sobre la Nobleza de los Bascongados, para que sirva de Introduction a la Historia generál de aquellos Pueblo… Traducido por D. Diego de Lazcano Presbytero… Tolosa : m. dcc. lxxxvi. in-8. C’est probablement ce livre qui a fait dire à Arbanère dans son ouvrage sur les Pyrénées, tom. ii, pag. 264, que le père Sanadon avait écrit son traité en espagnol. M. Walckenaer, dans son article Béla (le chevalier de) de la Biographie universelle, tom. lvii, pag. 472, col. 1. prétend qu’Arbanère confond évidemment l’ouvrage du bénédictin français avec celui de Zamacola.

    Dans le même article, le savant académicien dit que le chevalier de Bêla, dans son Histoire des Basques, disserte savamment sur les races d’hommes qui habitent parmi eux et ne font pas partie de cette nation, tels que les Cagots et les Bohémiens. Ce travail a passé des héritiers de Tonnet, imprimeur-libraire à Pau, entre les mains de M. Walckenaer, qui en est le possesseur actuel.

  49. Apologia por los Agótes de Navarra, y los Chuetas de Mallorca, con una breve digresion á los Vaqueros de Asturias, escrita por D. Miguel de Lardizabal y Uribe, de la Real Academia Geográfico-Histórica de Caballeros de Valladolid. Madrid mdccxxxvi. Por la Viuda de Ibarra, Hijos y Compañia. Un volume petit in-8 espagnol, de 139 pages, plus le titre.
  50. « Con que en suma los Agótes no son leprosos, no tienen mas delito que descendor muy á la larga de Moros, ó de Judios ; y sin embargo de ser Christianos harlo mas viejos que muchísimos que los desprecian, hasta este nombre se le da por ignominia, como para echarles en cara una conversion reciente. » Pag. 13.
  51. Observations faites dans les Pyrénées, pour servir de suite à des Observations sur les Alpes, insérées dans une Traduction des Lettres de W. Coxe, sur la Suisse (Par M. Ramond de Carbonnieres). À Paris, chez Belin, m. dcc. lxxxix. deux parties in-8 ; chap. xi : Goitreux de la Vallée de Luchon. Histoire des Cagots, pag. 204-224. — À Liege, chez Dumoulin, m. dcc. xcii. in-8 ; pag. 175-192.
  52. « Seroit-ce donc des Goths,… comme l’a cru M. de Marca ? » On sait que le savant évêque de Conserans pensait, au contraire, que les Cagots provenaient de Sarrazins restés en France après la bataille de Tours.
  53. Voyez le Journal de Paris du 7 janvier 1790, et les Annales universelles, livraison du 9 janvier de la même année.
  54. Les Aventures de messire Anselme, chevalier des loix, par M. Hourcastremé. À Paris, chez Bossange et Compagnie… 1792, in-8 ; tom. Ier, p. 375.
  55. Pag. 382.
  56. À Navarrenx. Voyez les Aventures de messire Anselme, t. 1, p. 365.
  57. Pag. 385, 386.
  58. M. Quérard, dans sa France littéraire, tom. vii, p. 146, col. 2, indique sous ce nom, probablement d’après Barbier (Dictionnaire des anonymes et pseudonymes, tom. iii, p. 443, no 19269), l’ouvrage suivant : « Voyage dans les Pyrénées françaises, dirigé principalement vers le Bigorre et les Vallées ; suivi de quelques vérités nouvelles et importantes sur les eaux de Barèges et de Bagnères. Paris, 1789, in-8. » Or l’auteur du livre dont le titre va suivre, y dit, p. iij de l’avertissement, que le Voyage aux Pyrénées françaises fut publié, pour la première fois, en 1789 ; mais, plus loin, p. 225, en note, il cite Picqué.
  59. Voyage aux Pyrénées françaises et espagnoles, dirigé principalement vers les vallées du Bigorre et d’Aragon ; suivi de quelques vérités sur les eaux minérales qu’elles renferment, et les moyens de perfectionner l’économie pastorale. Par J. P. P***. Seconde édition, entièrement refondue et augmentée. Paris, E. Babeuf, 1828, in-8. Les passages que nous citons se trouvent pag. 133, 136 et 137. Il existe une troisième édition de ce livre. Paris, librairie universelle de P. Mongie aîné, 1829, in-8, On peut y recourir aux mêmes pages que dans la précédente.
  60. Voyage à Barege et dans les Hautes Pyrénées, fait en 1788… À Paris, de l’imprimerie de Didot jeune, m. dcc. xcvi. deux volumes in-8 ; tom. ii, pag. 11 et 12, en note.
  61. Traité du Goitre et du Crétinisme, précédé d’un Discours sur l’influence de l’air humide sur l’entendement humain, par F. E. Fodéré… Paris, germinal an viii. in-8.
  62. Voyage dans le Finistère, ou État de ce département en 1794 et 1795. À Paris, de l’Imprimerie-Librairie du Cercle-Social. an vii de la République Française, in-8 ; t. iii, pag. 146,147.
  63. Diccionario geográfico-histórico de España por la real Academia de la Historia. Seccion i… Madrid mdcccii. en la imprenta de la viuda de D. Joaquin Ibarra, deux volumes in-4 ; tom. Ier, pag. 8, 9.

    Le Magasin Pittoresque, qui, en 1838, avait donné un article aussi inexact qu’insignifiant sur les Cagots, consacra, dans un autre de ses cahiers, une demi-colonne aux Agotes de la Navarre. Il n’est pas difficile d’y reconnaître une traduction libre de l’article de Traggia. Voyez ce Magasin, sixième année, pag. 35, col. 1 ; et neuvième année (1841), pag. 295, col. 2.

  64. Le manuscrit de Grégoire, dont nous devons la communication à l’obligeance de M. H. Carnot, membre de la Chambre des Députés, son exécuteur testamentaire, forme un cahier in-4, de 67 pages.
  65. La France littéraire, t. iii, pag. 465, col. 1. Quelques recherches que nous ayons faites, M. Ferdinand Wolf et moi, en France et en Allemagne, nous n’avons pu trouver cette traduction du baron de Lindenau.
  66. En voici le titre et la description : Préjugé vaincu, ou Dissertation sur la Ladrerie, par Minvielle d’Accous. Une feuille in-8, signée A, et dont la dernière page, chiffrée 16, se termine par la souscription suivante ; À PAU, Chez Daumon, Imprimeur de la Préfecture.
  67. Pages 2-5.
  68. Tome IV. seconde partie. À Paris, de l’imprimerie Impériale, m.dccc.xi. in-8 ; pag. 518-522.
  69. À Paris, chez Arthus Bertrand, 1818, deux volumes in-8 ; tom. Ier, pag. 165, 166.
  70. Ibidem, p. 181-192.
  71. Extrait de l’essai historique sur Mézin ; par M. l’abbé C**, auteur du nouveau Dictionnaire historique. De la Lèpre et des Cagots ou Capots (Bulletin polymathique du Muséum d’instruction publique de Bordeaux… tom. xiii, année 1815. À Bordeaux, chez André Brossier, in-8 ; p. 131-130.)
  72. À Paris, chez Denugon… 1818, in-8 ; pag. 123.
  73. L’Hermite en Province… Par M. de Jouy… tom. Ier. À Paris, chez Pillet, 1818, in-12 ; pag. 104, 105.
  74. Annales de la Bigorre… Tarbes, imprimerie de F. Lavigne, 1818, in-8 ; pag. 35-57, chap. vi : Origine des Cagoths, qui, quoi qu’en aient dit plusieurs auteurs, entr’autres M. Ramond, n’ont aucun rapport avec les goitreux.
  75. Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des Pyrénées, et des pays adjacents… À Pau, de l’imprimerie de Vignancour, etc. 1815, in-8, p. 317-387.
  76. Historia de las Naciones Bascas de una y otra parte del Pirineo septentrional y costas del mar cantábrico. Escrita en español por D. J. A. de Zamacola. En Auch, en la imprenta de la viada de Duprat, 1818, trois volumes in-8 ; t. Ier, p. 248, note 111, et t. iii, p. 213-216.
  77. Essais historiques sur le Bigorre, accompagnés de remarques critiques, de pièces justificatives, de notices chronologiques et généalogiques, etc. Bagnères, imprimerie de J. M. Dossun, m. dccc. xxiii. deux volumes in-8 ; t. Ier, p. 112, 113.
  78. Itinéraire descriptif et pittoresque des Hautes-Pyrénées françaises, jadis territoires du Béarn, du Bigorre, des Quatre-Vallées, du Comminges, et de la Haute-Garonne. Paris, librairie de Gide fils, 1825, trois volumes in-8, t. Ier, chap. vii, p. 72-93 : « Origine et état actuel de la caste, jadis proscrite, des Cagots. » Dans l’Annuaire statistique du département des Hautes-Pyrénées, Tarbes, 1807, Laboulinière avait écrit un article sur les Cagots, qu’il confondait alors avec les goitreux.
  79. Tristan le Voyageur, ou la France au XIVe siècle… seconde édition. À Paris, chez Urbain Canel, etc. 1825-26, six volumes in-8 ; t. vi, p. 332-347 ; glossaire et annotations, p. 515-518.
  80. Essai sur les Antiquités du département du Morbihan… Vannes, de l’imprimerie de Galles aîné, 1825, in-8 ; pag. 411 et 412.
  81. Souvenirs des Pyrénées… Agen, imprimerie de Prosper Noubel, m. dccc. xxvii. deux parties in-8 ; 1ère partie, pag. 10.
  82. Histoire des comtes d’Armagnac, t. 1er, 2e partie, pag. 56-72, note sixième.
  83. Palassou avait dit, pag. 366, que, suivant Oihenart, on appelait les Cagots velus ; M. du Mège répète cette assertion sans examen.
  84. Statistique générale des départements Pyrénéens, etc. t. ii, Paris, librairie de Treutlel et Würtz, m.d.ccc.xxix. in-8 ; p. 131-139. M. du Mège a répété en partie cet article dans les additions et notes du liv. xiv de son édition de l’Histoire générale du Languedoc, tom. iii, pag. 44, col. 1. — pag. 45, col. 2.
  85. Historia compendiada del Reino de Navarra. En San Sébastian, en la imprenta de Ignacio Ramon Baroja. Setiembre de 1832, in-4 espagnol ; pag. 161-164. D. José n’y fait que répéter, en l’étendant, ce qu’il avait déjà dit dans ses Diccionarios de los Fueros de Navarra, etc. En San Sébastian, en la imprenta de Ignacio Ramon Baroja, 1828, in-4 esp. ; p. 81, note 5.
  86. Diccionario de Antiguedades del Reino de Navarra. Tomo 1. Pamplona : Imprenta de Javier Goyeneche, 1840, in-4 esp., p. 11-14.
  87. Recherches sur l’action thérapeutique des eaux minérales, etc. À Paris, chez J. B. Baillière, 1832, in-8 ; p. 149-151.
  88. Lettre I. sur les Vaudois, les Cagots et les chrétiens primitifs. — Nouvelles Annales des Voyages, quinzième année (avril, mai, juin 1833), t. 58 de la collection et 28 de la 2e série, p. 320-336.
  89. Tome lvii, p. 45-55.
  90. Pag. 55. Ce morceau a été répété, sans aucun changement, dans le Dictionnaire de la conversation et de la lecture, t. ix. Paris, Belin-Mandar, mdcccxxxiii, in-8 ; p. 438-442.
  91. Paris, librairie classique de L. Hachette, 1833, in-8 ; p. 495-499.
  92. Il dit, par exemple, des Cagots, p. 497 : « On les appelait aussi pelluti et comati ; cependant les Aquitains laissaient également croître leurs cheveux. » Nous avons vu plus haut que c’était les Cagots qui appelaient les Aquitains velus.
  93. Page 15, en note.
  94. Page 10, colonne 2.
  95. Notions historiques, géographiques, statistiques et agronomiques, sur le littoral du département des Côtes-du-Nord, etc. Saint-Brieuc, chez Madame veuve Guyon, 1832, deux volumes in-8. — Tome iii, Guingamp, chez B. Jollivet, octobre 1836, un vol. in-8. Voyez tome Ier, pag. 85 et 86. L’auteur, recherchant les causes de la proscription générale dont les Caqueux étaient frappés, dit : « Ce qui nous a paru le plus vraisemblable à cet égard, c’est que les métiers de cordiers, de tonneliers, etc., ont été pendant long-temps exercés par les lépreux. »
  96. Industrie et commerce de la Bretagne. § 1er. (Revue des deux Mondes, tom. iv, quatrième série, Paris, 1835, pag. 400).
  97. Paris, le Normant, in-8, pag. 337, 338.
  98. Histoire de la Petite-Bretagne, ou Bretagne-Armorique, etc. Saint-Malo, imp. de Caruel, 1834, deux volumes in-8.
  99. Tome ii, pag. 300 et 301, en note.
  100. Barzas-Breiz. Chants populaires de la Bretagne… Paris, Charpentier, 1839, deux volumes in-8 ; tom., pag. 254, 255. Il est juste de faire observer que la chanson dont M. de la Villemarqué donne le texte et la traduction, se rapporte évidemment à un lépreux confirmé : c’est ce qui nous a engagé à ne pas la comprendre dans le recueil des chansons et poèmes relatifs aux Cagots que nous insérerons à la fin de ce livre.
  101. Allgemeine Encyklopädie der Wissenschaften und Künste… bearbeitet und herausgegeben von J. S. Ersch und J. G. Grüber. Theil xiv. Leipzig, bei Brockhaus, 1825, in-4, pag. 76.
  102. L’ouvrage de M. Dieffenbach a pour titre général Celtica. La première partie est intitulée : Sprachliche Documente zur Geschichte der Kelten ; zugleich als Beitrag zur Sprachforschung überhaupt (Stuttgart, Imle et Leisching, 1839, grand in-8), et renferme un catalogue complet et comparatif des mots celtiques que nous ont laissés les anciens ; la seconde partie a pour titre : Versuch einer genealogischen Geschichte der Kelten (1840, deux volumes in-8). Ce qui s’y rapporte aux Cagots se trouve tom. Ier, pag. 86.

    Dans ce que l’auteur dit de cette race, il renvoie à un livre de Karl Fr. Vollr. Hoffmann, dont voici le titre exact : Europa und seine Bewohner. Ein Hand- und Lesebuch für alle Stände. In Verbindung mit mehreren Gelehrten herausgegeben. in 8 Bänden ; Bd. 5, portant pour titre particulier : Die Königreich Frankreich und England, von W. T. A. Zimmermann, 1ste Abtheilung, das Königreich Frankreich enthältend. Stuttgart und Leipzig, Scheible, 1837, grand in-8. M. Dieffenbach renvoie aussi à l’Ausland, 1838, no 312, und 11 sqq. C’est un journal ethnographique et géographique qui paraît chez Cotta, à Stuttgart, et qui renferme, pour la plus grande partie des traductions ou extraits de voyages et d’autres ouvrages français, anglais, etc.

  103. Le Messager, jeudi 29 septembre 1842. Académie des Sciences, séance des 12 et 19 septembre 1842. Cette analyse est littéralement copiée du Compte rendu des séances de l’Académie des Sciences. Séance du lundi 5 septembre 1842, in-4 ; tom. xv, deuxième semestre, pag. 515,516. 11 Depuis la note a paru en totalité dans l’Écho du Monde savant. Paris. — dimanche, 19 février 1843, no 11, col. 317-322.
  104. Tableau de Bordeaux… À Bordeaux, de l’imprimerie d’André Brossier, janvier 1810, in-12, pag. 64-66 ; l’Indicateur, samedi 11 septembre 1841, feuilleton signé le Viographe.
  105. Itinéraire topographique et historique des Hautes-Pyrénées… Par A. A***. À Paris, chez de Pelafol, etc., 1819, in-8 ; p. 26, et pag. 99, 100, en note.
  106. Encyclopédie des gens du monde… tom. iv. Paris, librairie de Treuttel et Würtz, 1834, in-8 ; p. 451-453.
  107. Les Pyrénées, ou Voyages pédestres dans toutes les régions de ces montagnes depuis l’Océan jusqu’à la Méditerranée… Paris, Lecointe et Pougin, 1834, deux volumes in-8 ; tom. iv, p. 145, 146. Cet auteur prétend que les Cagots descendent des Goths vaincus par Clovis.
  108. Album pittoresque et historique des Pyrénées… À Paris, chez Albanel, etc., 1835, in-8. — Seconde édit., Paris, Albanel, 1836, gr. in-8 ; ch. xxxv, p. 361-369.
  109. Des Maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal… Paris, chez J.-B. Baillière, 1838, deux vol. in-8 ; tom. ii, p. 370-373. Cagots. Le savant médecin parle d’après Ramond ; comme lui, il ne peut donner que des conjectures.
  110. Voyage aux eaux des Pyrénées… Clermont-Ferrand, imprimerie de Thibaud-Landriot, 1838, in-8 ; chap. xii : Goitreux. — Crétins, etc., pag. 317-335. L’auteur, qui confond les goitreux avec les Cagots, ne fait que répéter, avec de nouvelles erreurs toutefois, ce qui a été dit avant lui.
  111. Histoire des Progrès de la civilisation en Europe, depuis l’Ère chrétienne jusqu’au XIXe siècle… tom. iii. Paris, chez L. Hachette, 1836, in-8 ; p. 182-184. L’auteur a tiré les détails qu’il donne, de la Revue de Paris, qu’il cite imparfaitement à la fin du volume, pag. 381, note 12.
  112. Invasions des Sarrazins en France, etc. Paris, Ve Dondey-Dupré, 1836, in-8 ; p. 302-306.
  113. Histoire du Béarn et du Pays Basque, Pau, imprimerie de É. Vignancour, 1839, in-8 ; p. 406-414.
  114. Tableau pittoresque des Pyrénées françaises… Paris, J. J. Risler, 1839. in-4 ; p. 7-9.
  115. Histoire de l’ancienne province de Gascogne, Bigorre et Béarn… tom. i. Paris, Aimé-André, 1839, in-8 ; liv. ii, p. 133-136. M. Loubens voit dans les Cagots des descendants des Sarrasins.
  116. Essai sur l’histoire de la ville et de l’arrondissement de Bazas… Bazas, de L’imprimerie de Labarrière, 1840, in-8 ; chap. xxix, p. 461-470. Le nom et l’origine des Gahets. — La rigueur des législateurs à leur égard. — La cérémonie de leur exclusion.
  117. Feuilleton du journal le Temps, no  du 2 mars 1841, reproduit dans l’Écho français du vendredi 5 mars de la même année. L’auteur y pose en fait que les Cagots descendent des Wisigoths.
  118. Dictionnaire encyclopédique de la France… tom. iii, Paris, Firmin-Didot frères, mdcccxli. in-8 ; p. 545.
  119. Dictionnaire universel d’histoire et de géographie… Paris, librairie de L. Hachette, 1841, in-8 ; p. 288.
  120. Diccionario geográfico histórico de NavarraPamplona, imprenta del autor, año de 1842, in-4o espagnol ; p. 4 et 5. D. Teodoro se range de l’avis de D. J. Yanguas, qu’il omet de citer ; comme lui, il voit dans les Agotes de la Navarre des descendants des lépreux.
  121. Les Pyrénées… Paris, C. Gide, 1843, grand in-8 ; pag. 503-506.

    Dans le catalogue des livres de l’historien Conde, livres vendus par ses héritiers après sa mort, on lit au bas de la page 18 cet article : Origen de los Agotes, sans autre explication. Est-ce un manuscrit, un imprimé ? où et quand fut-il publié ? Rien n’est indiqué. Peut-être est-ce tout bonnement une copie du traité de D. Martin de Vizcay, comme nous l’avons reconnu pour une dissertation portant le même titre, et comprise dans un volume qui appartient à l’Académie de l’Histoire, de Madrid. (Papeles varios, vol. B 55.) Le catalogue de Conde n’a point été publié ; il fut distribué à quelques personnes seulement, à l’époque de la vente de cette bibliothèque. En voici le titre : Catalogue of rare, curions, and interesting Spanish Books, and a few miscellaneous Articles, forming the Library of Don J. Antonio Conde etc. (London) 1824, in-8 ; pag. 84, no 1165, vol. IVrom.

    Nous tenons de notre savant ami D. Miguel Salvá, que le P. Sarmiento est l’auteur d’une dissertation sur les Agots, dont l’original est conservé à Madrid, dans la bibliothèque du marquis de Villafranca. Malgré nos efforts, nous n’avons pu obtenir communication de ce traité placé sous le séquestre, comme tout les biens de son propriétaire.

  122. Ce roman, qui forme le second volume d’un livre dont le premier est intitulé Justin, a paru in-8, à Paris, chez l’éditeur Dumont, en 1843.
  123. Voyez pag. 34, 115, 289.
  124. Deuxième année, col. 682-689. L’épisode que nous avons en vue occupe la dernière.