Histoire des fantômes et des démons/La Reine Bazine

LA REINE BAZINE.

La fameuse Bazine, qui épousa Childéric, notre quatrième roi, et qui fut mère du grand Clovis, est représentée par les vieux historiens comme une habile magicienne.

Le soir de ses noces, lorsqu’elle fut seule avec Childéric, dans le lit nuptial, elle pria son nouvel époux de passer la première nuit dans une entière continence ; et lui dit de se lever, d’aller à la porte de son palais, et de lui dire ce qu’il y aurait vu. Childéric regardant cet avis comme quelque chose de très-respectable, parce qu’il lui paraissait mystérieux, s’y conforma, sortit, et ne fut pas plutôt dehors qu’il vit d’énormes animaux se promener dans la cour ; c’étaient des léopards, des licornes et des lions.

Étonné de ce spectacle, il vint aussitôt en rendre compte à son épouse. Elle lui dit, du ton d’oracle qu’elle avait pris d’abord, de ne point s’effrayer, et de retourner encore une seconde et même une troisième fois. Il retourna, et vit, la seconde fois, des loups et des ours ; et la troisième, des chiens et d’autres petits animaux, qui s’entre-déchiraient.

il était bien naturel que Childéric demandât à la reine l’explication de ces visions prodigieuses ; car quelle apparence qu’une princesse aussi raisonnable que Bazine, ne l’eût fait sortir trois fois que pour l’épouvanter ?

« Vous serez instruit, lui dit-elle, mais, pour cela, il faut passer le reste de la nuit sagement ; et, au point du jour, vous saurez ce que vous voulez apprendre. »

Childéric promit ce que sa femme exigeait, et tint parole ; la reine la lui tint aussi. Ce fut en ces termes qu’elle lui développa l’énigme :

« Cher époux, dit-elle, n’ayez point d’inquiétude, et écoutez attentivement ce que je vais vous dire. Les prodiges que vous avez vus sont une image de l’avenir ; ils représentent les mœurs et le caractère de toute notre postérité. Les lions et les licornes désignent le fils qui naîtra de nous ; les loups et les ours sont ses enfans, princes vigoureux et avides de proie ; et les chiens, animaux aveuglément livrés à leurs passions, désignent les derniers rois de votre race. Ces petits animaux que vous avez vus avec les chiens, c’est le peuple, indocile au joug de ses maîtres, soulevé contre ses rois, livré aux passions des grands, et malheureuse victime des uns et des autres. »

On ne pouvait pas mieux caractériser les rois de cette première race, et si la vision n’est qu’un conte, il est assez bien imaginé. (Hist. des Reines de France.)