Histoire des doctrines économiques/2-2-3

III

JEAN-BAPTISTE SAY

Jean-Baptiste Say était né à Lyon, en 1767, d’une famille protestante originaire de Nîmes, mais émigrée à Genève au moment de la révocation de l’édit de Nantes et rentrée en France au milieu du xviiie siècle[1]. Son père, qui était dans le commerce, fit de mauvaises affaires à Lyon et se réfugia à Paris. Le jeune Say y débuta comme employé dans une maison de banque. Entre 1785 et 1787, il fit un séjour en Angleterre ; toutefois la Richesse des nations ne fut connue de lui qu’après son retour en France.

Bientôt la Révolution éclate : il embrasse avec ardeur les idées nouvelles, quitte le comptoir pour faire du journalisme, puis s’enrôle comme volontaire en 1792. Rentré dans la vie civile, il fonde vers la fin de la Terreur (floréal an II — mai 1794) une revue qu’il intitule la Décade philosophique, politique et littéraire par une société de républicains, et dans laquelle il écrit souvent des articles d’affaires et d’économie politique. Au lendemain du 18 Brumaire, il est nommé tribun : c’est le temps de toute la ferveur de son enthousiasme pour Bonaparte. En 1805, il tombe en froid avec l’empereur. Il refuse alors le poste de directeur des Droits réunis dans l’Allier, poste qui lui est offert en compensation du tribunat ; puis il se met à voyager, essaye de diverses industries, monte une filature de coton à Auchy, près d’Hesdin, dans le Pas-de-Calais, et ne revient à Paris qu’en 1812. Sous Louis XVIII, il est nommé professeur d’économie industrielle au Conservatoire des Arts et Métiers, puis, après 1830, professeur d’économie politique à la Sorbonne, et il meurt en 1832.

Ses œuvres principales sont les suivantes :

1o Le Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses, ouvrage publié en 1803, la même année que le fameux Principe de population de Malthus. Pour la seconde édition, publiée en 1814, le Traité fut presque entièrement refondu[2]. L’ouvrage comprend trois parties : 1o production ; 2o distribution ; 3o consommation des richesses. La circulation n’y est pas, encore détachée comme une partie spéciale de la science ;

2o Le Catéchisme d’économie politique, manuel élémentaire par demandes et par réponses, paru en 1817 ;

3o Le Cours complet d’économie politique, publié en 1828-1829 et écrit dans la pensée que l’économie politique « embrasse le système social tout entier[3] ». Du reste J.-B. Say inclinait de plus en plus vers les études philosophiques[4], comme Quesnay, dans sa vieillesse, s’était tourné vers les mathématiques. Quoique le Cours soit moins bien ordonné que le Traité, sa division se ramène sans trop de peine à la grande division qui a fini par prévaloir et qui est devenue absolument classique, je veux dire la division en quatre parties : production, circulation, répartition et consommation. Les deux premiers livres de Say ( « Production des richesses ; — Application des principes de l’économie politique aux diverses industries » ) représentent la production ; le livre III ( « Échanges et monnaies » ) et le livre IV ( « Influence des institutions sur l’économie des sociétés » ) figurent, quoique moins exactement, la circulation ; le livre V fait de la répartition sous le titre : « De la manière dont les produits sont distribués dans les sociétés » ; le livre VI est consacré à la population ( « Nombre et condition des hommes » ) ; le livre VII ( « Des consommations opérées dans la société[5] » ), à la consommation ; le livre VIII, aux « Finances publiques » ; et le tout se termine par des « Notions complémentaires », où la statistique tient une large place.

« Pour exposer les vues de Say, a dit M. de Böhm-Bawerk, il faut prendre presque exclusivement comme sources le premier de ses deux principaux ouvrages, le Traité d’économie politique. Le Cours complet est, en effet, presque absolument dépourvu d’assertions originales[6]. »

Si J.-B. Say n’a pas l’originalité puissante d’Adam Smith, il excelle au moins à vulgariser des idées justes, qu’il sait rendre personnelles par la façon dont il les présente. Ce qui frappe avec lui, c’est un style agréable et coulant, une limpidité remarquable dans l’exposition, et un ordre vraiment didactique dans l’ordonnancement des matériaux. Ne pouvant le suivre avec le même détail qu’Adam Smith, nous détacherons dans son œuvre certaines théories plus saillantes, qu’il a émises le premier ou qu’il a faites siennes par la lumière qu’il a projetée sur elles. En les connaissant, on connaîtra suffisamment l’œuvre tout entière.

I. Théorie des richesses immatérielles. — Nous avons signalé dans Adam Smith la forme matérielle sous laquelle le grand économiste avait en quelque sorte emprisonné la valeur, la richesse et le travail. À peine s’était-il une fois écarté de cette conception — et ici fort mal à propos — en considérant comme du capital les qualités intellectuelles ou autres acquises par le travail[7]. Or, J.-B. Say réagit contre cette tendance, en ramenant l’attention vers la nature du besoin qui est satisfait, au lieu de la concentrer tout entière sur la matérialité tangible d’une chose. C’est précisément pour cela que dans l’intervalle, entre la composition du Traité et celle du Cours complet, Say avait été amené à voir dans l’économie politique une science qui doit embrasser l’ordre social tout entier[8], en quoi l’on peut trouver qu’il allait bien un peu trop loin.

Mais revenons à sa notion moins matérielle de l’utilité économique.

« L’utilité, dit-il, peut être créée, avoir de la valeur et devenir le sujet d’un échange sans avoir été incorporée à aucun objet matériel… Les services que l’on rend sont un produit immatériel qui a son prix et qui devient la matière d’un échange. » Et J.-B. Say cite l’utilité d’une représentation théâtrale, qui satisfait notre besoin de jouir[9]. Cette idée s’applique aisément aux travaux du soldat, du juge, de l’administrateur[10] ; poussée plus loin, elle engendre la notion d’un capital productif d’agrément, qui viendrait s’ajouter à la notion déjà traditionnelle du capital[11]. Mais, si ingénieuse et si philosophique qu’on puisse la trouver, cette idée n’a pas été suivie.

II. Concept économique de la production et de la consommation. — Qu’est-ce que produire ? Qu’est-ce que consommer ? Questions élémentaires auxquelles les physiocrates avaient oublié de répondre. Eh bien, produire, c’est ajouter de l’utilité ; consommer, c’est en ôter[12]. Puis viennent les diverses catégories de consommations. Celles-ci sont publiques ou privées ; elles sont improductives, c’est-à-dire stériles ou de jouissance, ou bien au contraire productives. Consommation de jouissance est synonyme de dépense, dans le langage usuel[13].

Tout cela est devenu élémentaire, en restant absolument classique.

III. Rôle de l’entrepreneur. — C’est J.-B. Say, aussi, qui a isolé et analysé le rôle de l’entrepreneur, en le détachant nettement de celui du capitaliste. Les recherches du savant, les applications de l’entrepreneur, l’exécution par l’ouvrier, voilà les trois opérations dont l’ensemble constitue toute production industrielle[14].

La notion du profit d’entreprise, bien distincte de celle du loyer ou intérêt du capital, devait nécessairement en sortir. J.-B. Say la dégage, en remarquant fort bien la confusion que les économistes anglais avait faite jusque là. Ils y ont néanmoins persévéré encore un demi-siècle après lui[15].

On connaît enfin la classification des industries en industrie agricole (y compris les mines), industrie manufacturière et industrie commerciale[16] : classification qui, en juxtaposant ainsi bien malgré elles l’agriculture et les mines, nous fait involontairement ressouvenir des anciennes doctrines physiocratiques sur la nature et sur la production[17].

IV. Théorie des débouchés. — La théorie des débouchés est la plus grande contribution que J.-B. Say ait apportée à la science économique. Elle se rattache chez lui à une autre idée bien simple : c’est qu’une vente n’est que la moitié d’un échange. « Les ventes et les achats, dit-il dans son Catéchisme, ne sont, dans la réalité, que des échanges de produits… La monnaie n’est pas le but, mais seulement l’intermédiaire des échanges[18]. » Mais Le Trosne l’avait dit avant lui et presque aussi bien[19], et il n’était pas même le seul parmi les physiocrates.

De là à la théorie des débouchés il n’y a qu’un pas[20]. « Ce n’est jamais, dit Say, la volonté d’acquérir qui manque aux hommes ; c’est le moyen. Or, ce moyen, en quoi consiste-t-il ? C’est de l’argent, s’empressera-t-on de répondre. J’en conviens, mais je demande à mon tour par quels moyens cet argent arrive aux mains de ceux qui veulent acheter : ne faut-il pas qu’il soit acquis lui-même par la vente d’un autre produit ? L’homme qui veut acheter doit commencer par vendre et il ne peut vendre que ce qu’il a produit ou ce qu’on a produit pour lui[21]… Que devons-nous conclure de là ? Si c’est avec des produits que l’on achète des produits, chaque produit trouvera d’autant plus d’acheteurs que tous les autres produits se multiplieront davantage… C’est si bien avec des produits que l’on achète les produits, qu’une mauvaise récolte nuit à toutes les ventes[22]. »

De la théorie des débouchés on tire sans peine :

1° Le principe de la solidarité des industries, des régions et des nations entre elles, et ici Say critique fort justement Voltaire, qui « fait consister le patriotisme à vouloir du mal à son voisin[23] ». Mais cette théorie non plus n’avait de nouveau que sa forme, car les économistes du xviiie siècle n’avaient pas été sans la voir ;

2° La réfutation de la théorie de la surproduction. « Si tous les produits s’achètent les uns les autres, demande J.-B. Say, comment arrive-t-il qu’à certaines époques tous les produits surabondent à la fois et qu’on ne trouve à vendre quoi que ce soit ? » Et J.-B. Say répond par le défaut d’équilibre : la surproduction, que l’on a envisagée comme absolue, est seulement relative, relative aux besoins actuels, c’est-à-dire relative à l’aisance d’une population qui ne pourrait acheter que si elle avait à vendre[24].

Cette question de la surproduction — comme aussi celle des richesses immatérielles — fut longuement discutée dans la correspondance entre J.-B. Say et Malthus. Nous ne défendons pas Say dans sa théorie des richesses immatérielles, qui, vraie au fond, n’était peut-être pas revêtue d’une terminologie assez claire : mais sur la théorie des débouchés l’avantage reste sans peine à J.-B. Say, en face de Malthus[25]. Celui-ci, sans avoir la clairvoyance et la perspicacité d’Adam Smith, en avait un peu le désordre, avec une certaine inégalité dans cet art de bien discerner et de bien définir qui est vraiment l’essence de l’esprit philosophique.

Depuis lors, cependant, les événements ont montré que la théorie des débouchés ne saurait avoir le caractère absolu que J.-B. Say lui attribuait. À l’en croire, ce ne sont jamais, entre peuples, que les produits qui s’échangent contre les produits : il ne semble point qu’il ait fait une part aux capitaux, dans ce mouvement de va-et-vient qui s’opère de nation à nation. C’était sans doute presque complètement vrai de son temps, alors que les valeurs mobilières étaient peu nombreuses et peu répandues ; alors que les législations permettaient difficilement aux étrangers d’acquérir et déposséder des immeubles ; alors, enfin, qu’il n’y avait encore ni nos grands marchés de valeurs internationales, ni notre esprit moderne de cosmopolitisme financier. Aujourd’hui, au contraire, les capitaux émigrent sans peine ; les terres et les maisons elles-mêmes franchissent en quelque sorte les frontières ; surtout les créances et les valeurs de portefeuille se déplacent de pays à pays sans la moindre difficulté. Aujourd’hui, par conséquent, les nations peuvent s’appauvrir en aliénant leurs capitaux, comme un prodigue livre les siens contre les produits et les services de ceux qui exploitent ses faiblesses. L’échange international des produits contre les produits ne donne donc plus l’explication d’une balance des comptes ou d’une variation des cours du change, comme il aurait pu en fournir la raison il y a un siècle[26].

Bien plus, la théorie des débouchés, appliquée au commerce international comme Say l’appliquait lui-même, c’est-à-dire d’une façon absolument simpliste, le conduisait à une erreur aussi grave que celle des mercantilistes ses adversaires. Pour lui, d’une part, l’échange international est tenu nécessairement en équilibre par la formule « produits contre produits » ; d’autre part, quand il s’agit d’apprécier le bénéfice qu’un pays réalise dans cet échange, c’est sur les marchés étrangers — et non pas sur le marché national — que nous devons prendre la valeur des articles que nous y avons mis et de ceux que nous en avons retirés[27]. Ainsi, quand un marchand français envoie pour 20.000 francs d’eaux-de-vie en Angleterre, et quand, parvenant à les y vendre 1.000 l. st., il achète de la quincaillerie anglaise qui, rendue en France, y vaut 28.000 francs, l’échange des produits est en équilibre et la France a gagné un équivalent de 8.000 francs, tandis qu’elle n’eût rien gagné si c’était la balance du commerce qui se fût trouvée en équilibre pour cet article là[28]. La comparaison ne doit pas être faite entre 20.000 et 28.000 francs, mais entre 25.000 fr. et 1.000 l. st., ou 1.000 l. st. et 25.000 fr. — ce qui est maintenant l’égalité parfaite.

Toutes les difficultés sont ainsi résolues. L’excédent apparent des importations tient donc, d’après J.-B. Say : 1° à la plus-value que donnent les transports, puisque la douane nationale a évalué avant le transport les marchandises qui sortaient, et après le transport celles qui rentraient[29] ; 2° aux prix auxquels le marchand national a su vendre et acheter, prix qui, eu égard au marché national, étaient inversement cher et faible, cher lorsqu’il vendait et faible lorsqu’il achetait. Par conséquent, l’avantage d’un pays — étant donné l’équilibre constant et nécessaire qui résulte de la formule « produits contre produits » est d’avoir une balance du commerce beaucoup défavorable[30].

Et J.-B. Say, poursuivant son argumentation contre les mercantilistes, se pose cette question : « Convient-il de recevoir des métaux précieux préférablement à toute autre marchandise ? » — Cela dépend, répond-il ; car, « si les besoins de la société réclament de l’or et de l’argent, le taux de leur valeur relativement aux autres marchandises assure dès lors des bénéfices aux négociants qui en feront venir ; et si l’état de la société n’en réclame pas, on la condamnerait à perdre en l’obligeant à recevoir des métaux précieux plutôt que toute autre chose dont les négociants trouvent la défaite plutôt lucrative[31]. »

Nous acceptons bien le raisonnement de J.-B. Say en ce qui concerne la comparaison des mouvements de numéraire et des mouvements de marchandises ; quant à son idée un peu trop simpliste de la balance du commerce — balance qu’il suppose en un équilibre nécessaire et dont, les écarts apparents ne servent qu’à masquer cette nécessité de l’équilibre — nous restons convaincu que certains mercantilistes éclairés, comme Mun, avaient professé des opinions plus exactes.

En d’autres termes, l’erreur de J.-B, Say, c’est tout ensemble de ne pas soupçonner les correctifs que la balance générale des comptes apporte à la balance spéciale du commerce ; elle est de ne pas croire à une émigration ou immigration de capitaux, qui se superposerait à la théorie des débouchés et même à tous les mouvements de revenus dans un sens ou dans l’autre pour mettre la balance des comptes en équilibre ; elle est enfin de ne rien soupçonner du phénomène que Ricardo, au même moment, constatait et expliquait par sa théorie de la valeur internationale : je veux dire l’adaptation naturelle et réciproque qui, entre nations, ajuste le pouvoir de la monnaie sur le besoin qu’on en a[32]. Il est même à craindre maintenant que beaucoup de libre-échangistes, séduits par la clarté d’exposition de J.-B. Say, ne s’arrêtent à cette surface et qu’ils ne le citent beaucoup de confiance sans avoir creusé comme il convenait cette partie, assurément incomplète et très défectueuse, de sa doctrine économique.

On a prêté parfois à J.-B. Say des sympathies en faveur de la progressivité de l’impôt. Nous avons répondu ailleurs sur ce point[33]. Au fond, il ne s’agissait que de l’exemption des revenus très misérables, ce qui n’a rien de commun avec le principe de la progressivité.

Dans leur ensemble, les travaux de J.-B. Say laissent l’impression d’un esprit vraiment didactique, éminemment apte à exposer, à faire comprendre et à persuader. Aussi est-ce lui qui a vraiment fondé, je ne dis pas l’économie politique, mais au moins l’enseignement économique. Il est toutefois regrettable que certaines pages, comme le Discours préliminaire du Traité, révèlent un homme profondément infatué de lui et armé d’un cruel dédain pour le vulgaire inapte à le comprendre. Il n’est pas moins regrettable que sa morale, purement utilitaire au sens de Bentham, n’ait eu qu’une base absolument fragile et fausse, que la saine philosophie est incapable d’avouer[34].

Enfin, bien que ce dernier grief n’ait pas la même importance, on ne saurait non plus justifier J.-B. Say de son dédain pour l’étude des doctrines économiques professées avant lui, à moins qu’on ne lui trouve une excuse dans cet esprit général de suffisance et d’amour-propre scientifique qui, à la fin du xviiie siècle et au commencement du xixe, inspirait à presque tout le monde le mépris systématique de l’histoire et des institutions du passé.

En l’an VIII, membre alors du Tribunat, il avait répondu à un concours de l’Institut sur la question : Quelles sont les meilleures institutions pour fonder la morale chez un peuple ? par un mémoire auquel il donna le titre Olbie. Il y décrivait, au milieu de ses conseils et dans toute la prétentieuse élégance de ces temps là, les mœurs du pays chimérique d’Olbie, où, disait-il, il avait voyagé. C’était, avec toute l’outrecuidance de la philosophie la plus hostile au christianisme[35], la peinture d’une Salente économique. « Pour les Olbiens, dit-il, le premier livre de morale fut un bon traité d’économie politique », parce que l’économie politique est une « science importante, la plus importante de toutes, si la moralité et le bonheur des hommes méritent d’être regardés comme le plus digne objet de leurs recherches[36]. » J.-B. Say moraliste est tout entier dans ces jugements.

    preneur retire chaque année un profit qui le récompense de ses soins, de son travail, de ses talents, de ses risques » (Réflexions sur la formation et la distribution des richesses, § 86).

  1. J.-B. Say eut un frère, Louis Say, qui habita Nantes et publia aussi des ouvrages importants sur l’économie politique. M. Schatz (l’Individualisme économique, p. 153 en note) n’hésite pas à le proclamer « infiniment plus intéressant que son illustre frère Jean-Baptiste, encore que d’une orthodoxie plus suspecte ».
  2. C’est l’édition dont nous nous servons ici. Elle est précédée d’une très plate « Dédicace à Sa Majesté Alexandre Ier, Empereur de toutes les Russies » et libérateur de la France. On a bien fait de ne pas reproduire ensuite cette page, qui ne fait pas suffisamment honneur au patriotisme de l’écrivain. — C’est dans cette édition que Say prévoit les chemins de fer (1814). « À défaut de canaux, dit-il, il est probable qu’avec le temps on établira des coulisses de fonte pour communiquer d’une ville à l’autre » (I. III, ch. vi, t. II de l’édition de 1814, p. 286 en note).
  3. Discours préliminaire, en tête du Cours complet.
  4. Say avait déjà ébauché son système philosophique, dès 1817, par son Petit volume contenant quelques aperçus des hommes et de la société.
  5. Sous ce titre J.-B. Say étudie l’influence de la propriété, la propriété littéraire, les apprentissages et les corporations, le commerce extérieur, les brevets d’invention, etc., etc.
  6. Böhm-Bawerk, Histoire critique des théories de l’intérêt du capital, tr. fr., t. I, p. 147.
  7. Richesse des nations, 1. II, ch. i, t. I, p. 340.
  8. Voyez le Discours préliminaire en tête du Cours complet.
  9. Cours complet, Ire partie, ch. v et vi, t. I de l’édition Guillaumin, pp. 87 et s. et p. 101. Nous citons toujours le Cours d’après l’édition Guillaumin.
  10. Voir surtout le Traité, 2e édition, 1814, 1. I, ch. xiii.
  11. « Nous avons vu en traitant des capitaux, dit-il, que les uns étaient productifs de produits matériels et que d’autres étaient absolument improductifs » (J.-B. Say appelait ainsi : 1° les capitaux dits aujourd’hui capitaux morts) ; 2° « les madones, les saints des pays superstitieux… images qui n’ont garde d’accorder des biens à de stériles prières » (Traité, 1. I, ch. xii, 2e édition, pp. 113-116)… « Il en est d’autres (capitaux) qui sont productifs d’utilité où d’agrément… De ce nombre sont les maisons d’habitation, les meubles, les ornements qui ne servent qu’à augmenter les agréments de la vie. L’utilité qu’on en tire est un produit immatériel » (Traité, 1.1, ch. xiii, 2e éd., p.120).
  12. Traité, 1. I, ch. i. — Cours complet, 1. I, ch. iv, t. I, p. 81.
  13. Cours complet, VIIe partie, ch. ii et iii, t. II, pp. 201 et 208.
  14. Traité, 1. I, ch. vi. — Cours, Ire partie, ch. vi.—Voir nos Éléments d’économie politique, 2e édition, pp. 133 et s.
  15. Cours, Ve partie, ch. vii, t. II, p. 27. « Les auteurs anglais, dit-il en note à cet endroit, du moins ceux qui sont antérieurs à l’époque où nous sommes, faute d’une analyse complète, comprennent (dans les profits de l’industrie) les profits qui résultent des capitaux. Ils confondent ainsi l’action de plusieurs causes très diverses. Aussi le mot anglais profits signifie-t-il les profits réunis qu’un homme tire de son capital et de son industrie » (Comparez Traité, 1. II, ch. vii et viii en entier). — Cependant, comme nous l’avons fait déjà remarquer, Turgot avait dit : « Il faut que, outre l’intérêt de son capital,
  16. Traité, I. 1, ch. ii. — Cours, Ire partie, ch. vii, 1.1, pp. 101-102. — Ibid., IIe partie, ch. vii, 1.1, p. 256.
  17. Voyez plus haut, p. 213 ; — Baudeau, Introduction à la philosophie économique, ch. i, art. v.
  18. Catéchisme, ch. xi, p. 41 des Œuvres diverses dans l’édition Guillaumin. — Comparez Cours complet, IIe partie, ch. ii, t. I, p. 74 : « Les biens, les richesses, y est-il dit, ne sont que passagèrement sous la forme de numéraire. »
  19. Voyez supra, p. 245. — Voyez Le Trosne, Intérêt social, ch. ii, § 2.
  20. Traité, I, I, ch. xv.
  21. Ici J.-B. Say pense sans doute au propriétaire non cultivateur et au capitaliste non entrepreneur.
  22. Cours complet, IIIe partie, ch. ii, t.1, pp. 338 et s. — Cependant J.-B. Say, entraîné par l’enthousiasme de son idée, fait ici même une application inexacte de sa théorie. « Comment, dit-il, voit-on maintenant acheter, en France, huit ou dix fois plus de choses qu’il ne s’en achetait sous le règne de Charles VI ? Qu’on ne s’imagine pas que c’est parce qu’il y a plus d’argent… C’est que les Français produisent dix fois plus. » — Eh bien, entre les deux époques, le règne de Charles VI et celui de Louis XVIII (la population avait augmenté probablement de 50 %, c’est-à-dire de moitié), il y a surtout cette différence que la division du travail et des professions a été poussée beaucoup plus loin et qu’un régime de Geldwirthschaft a succédé à un régime qui tenait encore beaucoup de la Naturalwirthschaft, à un régime où chacun vivait beaucoup sur son fonds, où chacun tout au moins ne connaissait guère que des produits de sa localité. Il serait faux de croire que du commencement du xve siècle au commencement du xixe siècle les productions de la France eussent augmenté dans le rapport de 1 à 10 comme le dit J.-B. Say. — Voilà une de ces questions que l’étude de l’histoire a contribué singulièrement à éclaircir. J.-B. Say donnerait à penser — ce qui ne serait pas vrai cependant — qu’il confondait la richesse et le commerce, et qu’il ressemblait à ceux qui veulent prouver le plus ou moins de richesse des divers peuples ou du même peuple à diverses époques en faisant, sans correction aucune, des comparaisons de balances du commerce ou de trafics des chemins de fer.
  23. Cours complet, t. III, ch. ii, t. I, p. 345 ; — Voltaire, Dictionnaire philosophique, ve Partie.
  24. Cours complet, l. III, ch. ii, t. I, pp. 343-345. — Item, Œuvres diverses, t. II, pp. 250 et s. « Si l’on pouvait penser, dit-il, que chaque société humaine peut produire de toutes les choses une quantité supérieure à ce qu’elle peut en consommer, je demanderais comment il arrive que les sept huitièmes de la population manquent d’une multitude de produits regardés comme nécessaires » (Eod. loc., p. 252).
  25. Parmi les Lettres à M. Malthus, publiées par J.-B. Say lui-même en 1827, les quatre premières sont relatives à la théorie des débouchés. — Voyez une intéressante discussion dans Vialles, la Consommation et les crises économiques, 1903, pp. 91 et s.
  26. Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édition, pp. 386 et s. — Nous avons touché également ce point en ce qui concerne particulièrement J.-B. Say, dans notre préface au Régime légal des valeurs mobilières étrangères en France, par Jules Robin, Lyon, 1899, pp. vii-xi.
  27. À comparer l’exemple fourni par Bastiat, les 100.000 fr. de verroteries et de cotonnades qui achètent 1 million de poudre d’or en Guinée.
  28. Traité, 1, I. ch. xvii, 2e édit., t. I, p. 182 en note.
  29. Sur ce point Say a raison, mais il infirme la portée de son raisonnement en ajoutant : « Ordinairement le négociant anglais qui fait des achats en France, paye les frais de transport de ses marchandises, et le négociant français en fait autant pour les marchandises qu’il achète en Angleterre » (Traité, ibid., p. 181 en note). — Il ne se demande pas de quelle nation est le navire qui effectue matériellement le transport et qui en reçoit le prix : il n’y a cependant que cela d’intéressant au point de vue de la balance des comptes. L’analyse que Mun avait faite (voyez supra p. 128), était certainement plus judicieuse.
  30. « Ce qui est digne de remarque, c’est que plus le commerce qu’on fait avec l’étranger est lucratif, plus la somme des importations doit excéder la somme des exportations, et qu’on doit désirer précisément ce que les partisans du système exclusif regardent comme une calamité. Je m’explique : quand on exporte pour dix millions et qu’on importe pour onze millions, il y a dans la nation une valeur d’un million de plus qu’auparavant. Malgré tous les tableaux de la balance du commerce, cela arrive toujours ainsi, ou bien les négociants ne gagneraient rien… Dans un pays qui prospère, la somme de toutes les marchandises importées doit excéder celles de toutes les marchandises exportées » (Ibid., pp. 182-183 en note).
  31. Ibid., p. 188. — J.-B. Say ne se doutait guère que le mercantiliste Thomas Mun avait soutenu, il y avait plus de cent cinquante ans, la même opinion sur l’innocuité ou même l’avantage d’une exportation de numéraire (Voyez plus haut, pp. 126). — Isaac de Bacalan avait dit aussi : « On croit avoir fait pencher en sa faveur la balance du commerce, lorsque, après avoir retiré des marchandises d’une nation en échange de celles qu’on lui a portées, cette nation est demeurée débitrice et a payé en argent le surplus des marchandises qu’elle a reçues. Mais, qu’on y prenne garde ! Ce n’est encore là qu’un échange : car, ou vous ne considérez l’argent que comme signe et alors il n’a point de valeur réelle, ou vous le considérez comme marchandise, et dans ce cas le commerce n’a abouti qu’à un échange et la balance est encore en suspens » (Paradoxes philosophiques, dans Sauvaire-Jourdan, pp. 42-43 ; voyez plus haut p. 242).
  32. Voyez infra, ch. vi, « La valeur internationale ».
  33. Éléments d’économie politique, 2e édit., p. 702 en note.
  34. J.-B. Say prétendait que « la doctrine de ce grand homme (Jérémie Bentham) finira par régner seule, parce qu’elle est fondée sur la nature des choses, qui ne périt point, et sur l’intérêt de l’humanité, que l’on entendra mieux chaque jour ». Il le loue d’avoir « donné pour base au droit, non des théories vagues et contestées, comme le droit divin, mais un principe fécond…, seule marche qui convienne au grand siècle dans lequel nous vivons » (Notes pour le Cours d’économie politique de Storch, voyez op. cit., éd. franc., 1823, t. I, p. 6 en note).
  35. Olbie, à étudier surtout la note C, pp. 83-96.
  36. Op. cit., pp. 10 et 25.