Histoire des croyances en Chine/03

Histoire des Croyances religieuses et des Opinions philosophiques en Chine
(p. 25-49).



Troisième Leçon.


Sommaire. — La deuxième dynastie. II. Bronzes rituels. Graphies.


A.   Symboles. — Mets offerts. Libation. Cauris, amphore et quenouille. Victime égorgée, viande crue, peau, sang. — Les offrants ; le fils, les petits-fils. — L’Ancêtre. Son talon. Ses vestiges. Sa figure. Ses yeux. Sa niche. Sa silhouette. Sa venue. — L’entrée du sanctuaire. Transport extatique de l’offrant, à la rencontre de l’Ancêtre. — Présentation à l’Ancêtre, des nouveau-nés, d’objets divers. Annonces d’événements. — Offrande aux monts, aux nuées.
B.   Textes.


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Je consacre un chapitre spécial aux graphies de la deuxième dynastie, à cause de leur importance. Inédites jusqu’ici, je les ai publiées pour la première fois, en 1916, dans la troisième édition de mes Caractères chinois, appendice Graphies antiques.

C’était l’usage des Anciens de ce temps-là, quand ils désiraient quelque faveur, quand un bonheur leur était échu, quand une entreprise leur avait réussi, de couler en bronze un vase, portant à l’intérieur des symboles et des caractères qui exprimaient l’impétration ou la reconnaissance. A l’extérieur du vase étaient figurés les deux yeux de l’Ancêtre, représentant son attention bienveillante. Le vase commémoratif était placé dans le temple de la famille, pour servir aux offrandes, de génération en génération. Tout ce que nous possédons de symboles et de caractères antiques, nous a été conservé par les quelques bronzes de cette sorte, qui ont échappé à la destruction. Car les anciens Chinois ne gravèrent pas sur pierre ; et la fragilité de la matière employée par eux pour les écritures, bois, soie ou papier, n’a pas permis que des écrits antiques parvinssent jusqu’à nous tels quels. Ci-dessous un échantillon de ces vases rituels.


Le symbole le plus fréquent, est une == main droite, qui offre un == semblable à une flamme. Emblème de mets offerts, dont le fumet s’élève. Il ne s’agit pas d’encens, de parfums ; les anciens Chinois n’en offraient pas. — Presque toujours, sous la figure précédente, une sorte de == larme tombante, ou une == tache sur le sol, représentent le liquide, un vin aromatique spécial, répandu en libation. Parfois la libation est reçue dans un vase, ou sur une espèce de coussin, ou sur des rameaux feuillus souvent disposés en étoile.


Le fils qui offre, est représenté, le plus souvent, sous la figure ==, qui doit exprimer qu'il est comme éthérifié, comme transporté vers l'Ancêtre, par son amour et son désir. Parfois il est représenté par une figurine en pied, tête et quatre membres. Les petits-fils qui savent marcher, sont figurés, au-dessous de leur père, debout, élevant les deux mains plus haut que leur tête. Ou bien ils portent au bras un == écheveau, symbole de la succession des générations. — Quand les petits-fils ne savent pas encore se tenir debout, ils sont représentés accroupis entre les jambes de leur père, dans une position qui rappelle celle d'une grenouille assise.

Outre les == mets et la libation, trois objets font partie de toute offrande ancienne un peu solennelle. Ils sont figurés sur nombre de bronzes. Ce sont:

1° IS une sorte de coffre ou de châsse, contenant un échantillon de == jade, un == cauris, un == vase en poterie.

2° == une amphore de vin, soutenue par deux mains, avec un instrument pour brasser ou pour puiser la liqueur.

3° une quenouille, que deux ou quatre mains filent.

L’idée est claire. On offrait aux défunts les choses qui, pour les vivants, sont les plus nécessaires ; du numéraire, de la vaisselle, du vin, la matière textile des vêtements. Voyez la première graphie ci-conlre, colonne de gauche ; et les deux colonnes de la seconde graphie. Les == cauris s’offraient parfois enfilés en chapelet, en grande quantité, par charges d’homme. Ci-contre, offrande de mets, libation, et une charge de cauris.

L'offrande de viande crue est symbolisée... ou par une M crédence à rayons, sur laquelle la viande (non figurée) se disposait.

ou par la figure de l'offrant, armé du couteau avec lequel il a égorgé ou va égorger la victime, laquelle est parfois représentée, parfois non.

ou par la peau de la victime écorchée, fichée sur un pal à pied fourchu. Le trident qui pend, représente la queue. Rarement le vase à sang accompagne cette figure.

La présence de l'Ancêtre, à qui l'offrande est faite, est figurée, le plus souvent, par |Jb le talon de son pied. Maintenant encore, en présence de, se dit en chinois jï 55 hÎ tsai kenn-ts'ien, littéralement devant le talon, ou devant les talons.

Parfois c'est à l'empreinte du pied de l'Ancêtre, que l'offrande est faite. Maintenant encore, lors des offrandes aux défunts, les Chinois cherchent à reconnaître leurs vestiges, sur une planche sablée ou cendrée ad hoc. Les figures reproduites sur cette page, se rapportent à des faits de ce genre. Dans la quatrième, l'Ancêtre a marché tout autour de l'offrande, l'admirant ou la humant. Dans la cinquième, ses deux jambes sont représentées. — Le cadre qui entoure trois de ces graphies, va être expliqué.

Rarement l’Ancêtre est représenté en pied, et l’offrande lui est faite directement.

Sa présence est parfois figurée par ses deux yeux qui regardent. Ou par un triangle, qui symbolise aussi son regard attentif.

Le temple des Ancêtres, ou plutôt, au fond de ce temple, la niche d’où leur influence était censée émaner, est figurée par un cadre, le plus souvent carré ou rectangulaire, à angles rentrants. Ci-contre.

Mais, le plus souvent, le temple et la présence de l'Ancêtre sont figurés, ou par la balustrade qui séparait le chœur de la nef ; ou par l’entrée du chœur, un défilé formé probablemcnt par deux ou quatre colonnes. C’est devant cette entrée que se tiennent les suppliants, fils et petits-fils ; c’est là que se fait l’offrande. — Ci-contre, dans le sanctuaire, une peau de victime exposée, et les yeux de l’Ancête qui la regardent. Devant le sanctuaire, la crédence à viande, et la trace de la libation.

Parfois, emporté par l’ardeur de son désir, l’offrant est transporté en esprit, jusque par delà la grille et les colonnes, jusque dans le sanctuaire, vers la niche, en présence de l’Ancêtre. — Ci-contre la plus belle figure que la deuxième dynastie nous ait léguée ; un fils ravi en esprit aux pieds de son père. — Ci-dessus, de gauche à droite, hommage de l’égorgement d’une victime, hommage d’une enfilade de cauris, hommage d’un grand vase bien réussi (il est mutilé sur le bronze). Dans les trois cas, l’offrant s’élance vers l’Ancêtre. En bas toujours offrande et libation.

Parfois l’Ancêtre est représenté, dans le sanctuaire, fonçant d’en haut vers la main de l’offrant, vers l’offrande.

Assez souvent l’Ancétre est figuré par une silhouette flottante, à gros œil unique, parfois surmonté d’un triangle. Un simple triangle symholise parfois son œil, son regard.

Nous pouvons interpréter maintenant les graphies suivantes ;

Présentation d’un nouveau-né aux regards (triangle) de l’Ancêtre.

Présentation d’un nouveau-né, les fontanelles encore béantes, devant la niche de l’Ancêtre, avec libation.

Présentation de deux jumeaux, avec offrande de viande crue et libation.

Présentation à l’Ancêtre debout dans sa niche, de deux jumeaux, un garçon et une fille, avec offrande de fruits probablement.

En présence == de l’aïeul, libation, offrande à deux mains de 玉 [yin] jade, vin et filasse, pour la naissance d’un petit-fils.

Offrande d’une bannière, avec libation, devant la niche, pour remercier de l’apparition d’un vestige du pied de l’Ancêtre.

Présentation d’un char nouvellement construit, avec offrande de viande crue saignante, sur le pal.

Offrande de javelles, après une bonne moisson.

Annonce qu’une cuisson de poteries a bien réussi.

Avis qu’une maison a été construite.

Annonce qu’on a achevé un arc, des flèches, une barque.

Annonce, Aux ancêtres, d’exploits cynégétiques. Un tigre, des volatiles, ont été tués à la chasse.

Offrande et libation, aux monts, aux nuées.

B.   Textes. — Le jour j^ 申 keng-chenn, (le deuil étant fini ), le nouvel empereur se rendit à la porte de l’Est (pour saluer le soleil levant, au commencement de son régne). Le soir de ce jour, l’empereur ordonna au ministre Hou, de prélever, sur le fonds de cauris destiné aux munificences, cinq charges, qui seraient employées à offrir, == en sa présence, == mets et • libation,== vin et == filasse, pour remercier des cinq empreintes du pied et de la main de feu son père == I, apparues durant les seize mois du deuil. En mémoire de quoi, ce vase fut placé dans le sanctuaire. — Comme il s’agit des empereurs == Siao-i et == Ou-ting, ce bronze date de l’an 1273 avant J.-C.

Au jour 戊寅 ou-yinn, un 月 mois après les 喪 funérailles du 王 prince, des vestiges de ses pas et sa silhouette (les deux premiers signes de la seconde colonne, en comptant de droite à gauche) apparurent. Ce pourquoi des largesses furent faites aux officiers. De plus, en présence du défunt, nous offrons mets et libation, vin et filasse^ devant la niche du sanctuaire.


Notes. — Les Chinois ont eu trois écritures. L’ancienne, datant de l’origine, et dont les textes ci-dessus sont des spécimens. La moyenne, depuis 213 avant J.-C, et la moderne. La moyenne et la moderne sont des transformations successives de l’ancienne, faites uniquement en vue de simplifier l’écriture, sans aucun scrupule scientifique. La seule écriture chinoise idéographique vraie, est donc l’ancienne. Là gît le vice radical de certains ouvrages, dans lesquels les écritures sumérienne ou cunéiforme ont été comparées avec les écritures chinoises moyenne ou moderne, inventées plus de mille ans plus tard et arbitrairement déformées. Toutes les déductions de pareilles comparaisons, sont naturellement de nulle valeur.


Sources. — ===== Li-tai tchoung-ting i-k’i k’oan-cheu fa-t’ie, de ==== Sue chang-koung, entre 1136 et 1162. — ==== Liou-chon-Voung, de 杨桓 Yang-hoan, vers 1340. — ===== Tsi kou tchai tchoung-ting i-k’i k’oan-cheu, de 院元 Yuan-yuan, 1804. — ===== Yunn-ts’ing-koan kinn-wenn, de ==== Ou joung-koang, 1842. — =====. Tchoung-ting tzeu-yuan, de ==== Wang li-ming, 1876. — ====== Chenn-tcheou kouo-koang-tsi, et ==== Chenn-tcheou ta-koan, tout récents, — Dans ces collections se trouvent les figures des vases, les estampages ou les copies des inscriptions, tout ce qui nous reste.

Ouvrages. — L. Wieger S.J., Caractères chinois, troisième édition 1916, augmentée de l’appendice Graphies antiques (photogravures). Ce livre épuise les sources indiquées ci-dessus. Troisième dynastie, 罸 Fa de 周 Tcheou, empereur 武 Ou.


Quatrième Leçon.


Sommaire. — Troisième dynastie. A. Historique. — B. Textes des Annales et des Odes. Le Ciel, le Souverain d’en haut. Conception extraordinaire du chef du clan. Le Ciel prédestine et protège sa lignée, lui donne enfin l’empire. — C. C’est le Ciel qui récompense et qui punit par ses mandataires. Les crimes du tyran Kie le firent rejeter. — D. Évocation des ancêtres, par Tan de Tcheou. Ses discours. — E. Fondation de la ville de Lao-yang. Tertre du Ciel. Tertre du Patron du sol. Empereurs défunts associés au Ciel ; ministres défunts associés à leur empereur. — F. Offrande impériale. — G. Mort de l’empereur Tch’eng. Avènement de l’empereur K’ang. — H. Textes divers. — I. Le Souverain, !e Ciel, être personnel, anthropomorphe.

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A.   La troisième dynastie, qui occupa le trône impérial de la Chine de l’an 1050 à l’an 256, c’est-à-dire pendant huit longs siècles, fut fondée par 發 Fa duc de 周 Tcheou, gouverneur des Marches occidentales, lequel détrôna et tua 辛 Sinn, le dernier empereur de la deuxième dynastie. Je rappelle que cette dynastie, d’abord appelée 商 Shang, s’appela 殷 Yinn après 1315. — Fa descendait de == K’i, ministre de l’agriculture, investi du fief 邰 T’ai en 2065. En 1589, la famille se transporta à == Pinn. En 1275, le duc === Tan-fou, chef du clan, s’établit dans la plaine 周 Tcheou, au pied du mont == K’i. Depuis lors ses descendants portèrent le titre de ducs de Tcheou, et gouvernèrent pour l’empereur la vallée de la == Wei, boulevard de l’empire contre les incursions des barbares du nord- ouest. — Notons, pour l’intelligence des textes, que quand, en 1050, le duc Fa fut devenu l’empereur == Ou, il passa à son frère == Tan le titre de == duc de Tcheou, conféra le titre impérial à son père == Tch’ang, à son aïeul == Ki-li, et à son bisaïeul == Tan-fou, lesquels n’avaient été que ducs de leur vivant. Car la piété filiale interdit à un fils de porter un titre supérieur à celui que porta son père. S’il l’acquiert, il faut que ce titre soit conféré d’abord au père, pour que le fils puisse le porter sans impiété. Nous allons donc entendre nommer continuellement l’empereur 文 Wenn et le duc de Tcheou ; c’est-à-dire Tch’ang le père de l’empereur Ou, et Tan le frère de l’empereur.


B.   Je consacrerai cette Leçon à prouver, par les textes contemporains des Annales et des Odes, que, durant les quatre premiers siècles de sa durée, les no- tions sur l’Etre suprême, le Ciel, le Souverain d’en haut, léguées par les Anciens, transmises par les deux premières dynasties, furent conservées intactes par la troi- sième, la dynastie Tcheou.

Devenus les maîtres de l’empire, les Tcheou chantèrent, dans le temple des ancêtres, la gloire de leur clan. Nous savons que tout clan illustre prétendait que le Souverain d’en haut avait été pour quelque chose dans la naissance de son fondateur (page 21). Les Tcheou honoraient, comme né du Ciel, == K’i dont la mère fut == Kiang-yuan. Voici les textes : « C’est Kiang-yuan qui fut la mère de la race des Tcheou. Comment cela se fit-il ?.. Voici... Après une offrande faite pour obtenir de ne pas rester stérile, comme elle s’en revenait, elle posa son pied dans l'empreinte du gros orteil du Souverain, frémit, conçut, mit au monde un fils qui devint ministre de l’agriculture. ».. Celle ode date du commencement de la dynastie, onzième siècle. Plus tard la même légende sera rappelée en ces termes : « Kianq-yuan fut sans faute. C’est le Souverain d’en haut qui la rendit mère. » (Odes Cheng-minn et Pi-houng.)

Vers 1018, un chant solennel résume ainsi la prédestination des Tcheou par le Souverain d’en haut, et le soin spécial qu’il prit d’eux durant plus de deux siècles, de 1275 a 1065 : « Auguste est le Souverain d’en haut. Il s’inclina vers la terre avec majesté. Il contempla les quatre régions, cherchant le site où il établirait notre peuple. — Le gouvernement des deux premières dynasties n’ayant pas été bon, le Souverain d’en haut chercha un homme dans les principautés des quatre régions. Il découvrit Tan-fou, l’aima et l’établit dans l’Ouest. — Le Souverain le fit prospérer; le Ciel le maria et lui conserva son mandat. Il étendit ensuite sa faveur à son fils, puis au fils de celui-ci ; il fixa sa faveur dans celle famille. — Le Souverain parla à l’empereur = Wenn. Élève tes aspirations, lui dit-il, plus haut que le niveau vulgaire. J’aime ta distinction et ta soumission. Attaque tes ennemis. Tu seras victorieux. — Fort de ce mandat, l’empereur Wenn défit les barbares, puis les seigneurs qui lui étaient hostiles. Il prépara la gloire future des Tcheou, par l’ordre exprès du Ciel. » Odes, Hoang-i, Wenn-wang you cheng.)

Les passages suivants sont tirés de six odes rituelles officielles, toutes antérieures à l’an 1030. « Ses trois ancêtres étant au ciel, l’empereur Ou continue leur œuvre sur la terre. L’empereur Wenn son père est là-haut ; oh ! comme il brille dans le ciel ; il assiste le Souverain. — Quand une vertu brille sur la terre, une gloire lui est destinée au ciel. A cause de sa vertu, un décret émané du Ciel statua que l’empereur Wenn régnerait sur le pays de Tcheou. Dans sa sollicitude, le Ciel lui procura, pour être son épouse, une fille de noble race, si vertueuse qu’elle paraissait être la petite sœur du Ciel. L’empereur Wenn servit parfaitement le Souverain d’en haut, qui le combla de biens. — Grand est le mandat du Ciel ! Il n’est pas perpétuel. Il n’est pas aisé de le conserver. Jadis les Yinn virent de beaux jours, tant qu’ils se conformèrent aux intentions du Souverain d’en haut. Puis ils perdirent sa faveur par Icui- infidélilé. Leur ruine est un exemple manifeste de la justice du Ciel, du Sublime Ciel, de Lui qui observe sans que sa présence soit perçue ni par l’ouïe ni par l’odorat. — Le Souverain d’en haut l’ayant ordonné, les Yinn furent vaincus par les Tcheou. Maintenant c’est l’empereur Ou qui fait, au temps marqué, la tournée d’inspection des fiefs ; c’est lui qui, maintenant le Splendide Ciel traite comme son fils. ».. Enfin l’empereur Ou dit lui-même : « Craignant jour et nuit les jugements du Ciel, je me conduis en conséquence. J’amène en offrande un bœuf et un mouton. Daigne le Ciel les mettre à sa droite, c’est-à-dire les agréer.


C.   En 1050, donnant l'investiture du fief de == Wei à son frère cadet == Fong, l’empereur Ou lui dit : « Pour bien gouverner, imite nos ancêtres ; apprends toi aussi du Ciel, qui les instruisit eux. Sans doute le Ciel est redoutable, mais quiconque est droit, peut compter sur sa bonté. Applique la loi. de peur que les bonnes mœurs, données jadis par le Ciel à notre peuple, ne se perdent. Applique la loi, de peur que le peuple ayant commis des fautes, le Ciel ne l’apprenne et ne nous tienne pour responsables. En appliquant la loi, ce n’est pas toi Fong qui châtieras, qui tueras ; c’est le Ciel, de qui la loi émane, qui châtiera, qui tuera, par toi. » (Annales, K’ang-kao).

Vers 1048, invectivant contre l’ivrognerie, l’empereur Ou dit : « Mon père l’empereur Wenn ne se lassait pas de répéter, que le vin doit servir uniquement à faire des libations. Le Ciel l’a donné à notre peuple, pour qu’il servît dans les offrandes seulement. Le tyran Kie ne fit pas monter vers le ciel le parfum des vertus. Sous son régne, les plaintes du peuple et les fumées du vin montèrent en puanteur vers le ciel. Aussi le Ciel fit-il périr les Yinn. Ce ne fut pas cruauté de sa part, ce fut justice. Les Yinn méritèrent leur perte par leurs excès. » (Annales, Tsiou-kao.)


D.   En l'an 1042, l'empereur Ou étant tombé gravement malade, son frère Tan duc de Tcheou évoque leur père, leur aïeul et leur bisaïeul, et leur dit : « Si le Ciel entend punir par cette maladie une faute que l’empereur aurait commise contre le peuple, je m’offre à porter sa peine, à mourir à sa place, afin qu’il ait le temp5 d’exécuter le mandat issu de la cour du Souverain», c’est-à-dire de conso- lider la dynastie encore mal assise, — Après la mort de l’empereur Ou, son fils le jeune empereur ^ TcIVeng s’étant laissé influencer par des calomniateurs, se brouilla avec Tan duc de Tcheou son oncle. En 10i2, le Ciel manifesta son indi- gnation de cette conduite, par un violent ouragan. Le jeune empereur trouva dans une cassette l’acte par lequel le duc s’était offert à mourir à la place de son père, sept ans auparavant. Touché, le neveu se réconcilia avec l’oncle. Aussitôt le Ciel manifesta sa satisfaction, en faisant souffler le vent en sens inverse, et en accor- dant une année d’une fertilité extraordinaire. (Annales, Kinn-t’eng.) Encore eu l’an 1042, les partisans de l’ancienne dynastie Yinn se révoltèrent. Avant de se mettre en campagne contre eux, l’empereur Tch’eng déclara dans un manifeste, que le Ciel avait sévi contre les Yinn par les mains de feu son père, que lui allait derechef sévir contre eux comme ministre du Ciel; qu’il y était tenu, sous peine d’encourir la disgrâce du Souverain d’en haut; que le Ciel qui s’était déjà prononcé si visiblement pour la nouvelle dynastie, la ferait certainement sor- tir victorieuse de cette épreuve passagère; que le Ciel avait permis cette révolte, pour légitimer l’extermination des partisans restants des Yinn; etc. (Annales, Ta-kao.) Après la suppression de la révolte, en l’an 1U3S, la nouvelle dynastie s’organi- sa. Il nous reste, de cette année, d’importants discours des deux ducs de J^ Tcheou et de Q Chao, les principaux soutiens de l’empire. D’un long discours du duc de Chao au jeune empereur Tch’eng, j’extrais les passages suivants: «Si l’auguste Ciel, Souverain d’en haut, a destitué Kie (le dernier des Hia), lequel avait été son fils aîné, c’est que les innocents que ce tyran persécutait, fuyant avec leai’s femcues et leurs enfants, poassaient des cris de détresse vers le Ciel. Le Ciel eut pitié d’eux et fit périr les persécuteurs. Comme jadis le Ciel éleva U le Grand (le fondateur de la première dynastie) parce qu’il s’étudiait à suivre en tout les intentions du Ciel ; comme jadis le Ciel exalta T’ang le Victorieux (le fondateur de la seconde dynastie ) parce qu’il s’appliquait à satisfaire en tout le Ciel ; ainsi l’empereur Ou votre père, fut choisi par le Ciel pour fonder les Tcheou (la troisième dynastie). Vous, son jeune fils, ayez soin d’écouter vos vieux conseillers, afin de ne pas vous exposer à perdre, par quelque maladresse, le mandat du Ciel. Ils vous dirigeront d’après les desseins du Ciel… Quoique bien jeune encore, c’est vous qui êtes maintenant le fils aîné du Ciel. Venez, prolongement du Souverain d’en haut sur la terre, venez le servir dans la nouvelle capitale centrale. Avant de la bâtir, le duc de Tcheou a fait cette proclamation : Je bâtis cette grande ville, afin que d’ici l’empereur influe sur tout l’empire, comme lieutenant de l’auguste Ciel, et sacrifie ici au haut et au bas (c’est-à-dire aux Génies du ciel et de la terre). Les deux dynasties précédentes ont perdu le mandat céleste par leur faute. C’est nous qui le possédons maintenant. Faisons notre possible pour le conserver. Nous ne faisons que commencer. Prospérerons-nous ? Verrons-nous de longs jours ?.. Prince, obtenez du Ciel la perpétuité de votre mandat, par l’exercice de toutes les vertus, par un dévouement entier au bien du peuple. » (Annales, Chao-kao.)

Le duc de Tcheou dit au jeune empereur Tch’eng son neveu : « Jadis l’empereur 太戊 Tai-ou des Chang (1475) examinait et jugeait sa conduite d’après le mandat du Ciel. Faites comme lui. Ne dites jamais, je me relâche, c’est vrai, mais ce ne sera que pour cette fois. Vous relâcher un seul jour durant, suffirait pour mal édifier le peuple et pour indisposer le Ciel. Écoutez vos conseillers. Jadis, alors qu’il était au comble de la prospérité, U le Grand appelait encore à lui les Sages, pour apprendre d’eux à mieux servir le Souverain d’en haut. » (Annales, Ou-i, Li-tcheng.)

Exhortant son collègue le duc de Chao, le duc de Tcheou lui dit : « Nous les Tcheou, nous venons de succéder aux Yinn. Notre avenir sera-t-il long, sera-t-il prospère ? rien de plus incertain. Mais le Ciel étant bon pour ceux qui sont droits, j’espère que notre bonheur durera. Tâchons de contenter le Ciel. — Avoir reçu le mandat du Ciel, est une grande faveur, mais aussi une lourde charge. Le fait qu’on l’a reçu, ne garantit pas qu’on le conservera. Le Ciel est difficile à contenter. Car il n’est content, que de qui contente le peuple, ce qui n’est pas aisé. Aussi le fait que le Souverain d’en haut nous a donné le mandat, ne m’inspire-t-il aucune sécurité ; je médite plutôt sur la sévérité des jugements du Ciel. — Grâce aux bons ministres qui les conseillèrent bien. plusieurs empereurs de la dernière dynastie eurent l’honneur d’être associés au Ciel, lors de l’offrande au tertre. Ces ministres furent associés à leur empereur, lors des offrandes du temple, selon le rituel des Yinn, et jouirent de cette distinction durant de longues années. Le Ciel n’accorde la durée qu’à ceux qui le contentent. À cause de leurs excellents ministres, il fit durer les Yinn. Le Souverain d’en haut ne les supprima, que quand ils furent irrémédiablement pervertis. — Grâce à ses excellents ministres, l’empereur Wenn fut aussi remarqué et choisi par le Souverain d’en haut. Nous les ministres de son petit-fils, dévouons-nous pour lui, afin de lui obtenir la conservation de son mandat. » (Annales, Kiunn-cheu.)

Encore en l’an 1038, le duc de Tcheou adressa aux partisans de la dynastie précédente, vaincus mais non soumis, deux importants discours dont j’extrais les passages suivants : « Jadis le Ciel irrité châtia le tyran Kie. Celui-ci ne se soumit pas au Souverain. Le Ciel le réprouva donc, éleva les Yinn et les employa à renverser les Hia. Fidèles au Souverain, les Yinn s’appliquèrent, de concert avec le Ciel, à faire du bien au peuple. — Quand à leur tour les Yinn furent tombés en décadence, le tyran Sinn prévariqua contre le Ciel et contre le peuple. Alors le Souverain d’en haut cessa de le protéger. Le Ciel ne lui voulut plus de bien, parce qu’il s’était mal conduit. Le Ciel sévère réprouva les Yinn. Il nous éleva, nous les Tcheou. Il nous chargea d’exécuter son arrêt, d’appliquer la peine. Nous avons rempli la mission à nous confiée par le Souverain. Nous avons enlevé aux Yinn leur mandat. — Maintenant ce n’est pas par ma propre volonté, mais par l’ordre du Ciel, que je vous déporte, remuants rebelles. Ne vous plaignez pas de moi. Je n’ai rien contre vous. Je vous applique l’arrêt du Ciel. Je vous enlève de la ville où le Ciel avait jadis fixé le siège de votre dynastie. Si vous vous décidez enfin à vous soumettre, le Ciel vous pardonnera avec bonté. Sinon, après vous avoir privé de vos biens, j’appliquerai encore à vos corps l’arrêt du Ciel, c’est-à-dire la peine de mort. (Annales, Touo-cheu.)


E.   En l’an 1038, alors qu’il fonda la cité de [f^ f^j] Lao-yang qui fut si souvent et si longtemps la capitale de la Chine, le duc de Tcheou commença par élever, dans la banlieue du sud, le tertre du Ciel pivot de tout le culte, et offrit le sacrifice dit de la banlieue, le sacrifice au Ciel. Il éleva ensuite, dans l’intérieur de la ville, le tertre du Patron du sol de l’empire, et y fit des offrandes. — Nous voici en pleins faits cultuels de première importance. — Depuis l’origine, les sacrifices chinois au Ciel, furent toujours offerts en plein air, sous la voûte céleste, après minuit, avant l’aube, devant un monticule en terre élevé dans la banlieue, au sud de la capitale. Le caractère qui désigne ce tertre et les sacrifices au Ciel, est [%l] Kiao, composé des deux éléments [^C] transaction et [[5] ville, le premier étant devant et le second derrière. Le sens est, transaction devant la ville, dans la banlieue. C’est là que se tiennent, encore maintenant, la plupart des marchés, et toutes les grandes foires. C’est là que les Anciens installèrent le tertre pour les transactions de l’empereur avec le Ciel. Et le tertre, et le sacrifice, furent appelés kiao banlieue. — Nous avons vu (page 44) que, dès la seconde dynastie, des empereurs éminents furent associés au Ciel lors des sacrifices au tertre, des ministres méritants furent associés à leur empereur lors des offrandes au temple des ancêtres. C’est-à-dire que les tablettes de ces empereurs, placées près du tertre lors du sacrifice au Ciel, recevaient des offrandes accessoires. Nous savons qu’on croyait (page 42) que leurs âmes étaient au ciel, à droite et à gauche du Souverain. Donc rien d’étonnant que, lors du sacrifice au Souverain, on mît leurs tablettes à droite et à gauche du tertre, et qu’on leur offrit aussi quelque chose ; l’usage chinois ayant toujours voulu et voulant encore, que, lorsqu’on reçoit et traite un personnage, on traite accessoirement ses assistants et sa suite. Pour la même raison, les ministres recevaient quelque chose, quand les empereurs qu’ils avaient servis étaient traités dans le temple des Ancêtres. Pour eux il n’y eut jamais rien, dans l’antiquité, au tertre du Ciel. Seuls les Fils du Ciel trouvaient place au tertre, dans l’entourage du Souverain. (Annales, Chao-kao.)

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F.   Dans les odes rituelles qui se chantaient durant les offrandes, au temps de l’empereur Tch’eng, entre 1014 et 1008, je cueille les passages suivants. — L’empereur chante : « Oh ! prenons garde, prenons garde ! Le Ciel observe et juge. Son mandat n’est pas facile à conserver. Ne dites pas, il est tout en haut, il est bien loin. Non, il monte et descend sans cesse, il est présent à nos actions. Tout le jour il est là, examinant toutes choses. L’action du Ciel sur tous les êtres, est imperceptible, mais incessante. Je brûle de la graisse pétrie avec de l’armoise, pour obtenir une heureuse année. L’odeur de cette offrande s’élève, et le Souverain d’en haut en est réjoui. Glorieux et resplendissant Souverain d’en haut, j’attends de toi une moisson abondante. » — Au nom des Ancêtres, le Cérémoniaire dit à l’empereur après l'offrande : « Le Ciel vous a comblé de biens, vous a protégé, vous a donné le mandat. De par le Ciel, toutes ces faveurs sont confirmées, sont augmentées. » Les hôtes de l’empereur qui ont assisté à l’offrande, concluent : Que le Ciel vous protège et vous conforte, vous comble de biens et de prospérité ! Puissiez-vous jouir de ses bienfaits sans cesse ! » (Odes, King-tcheu, Wei Tien-tcheu ming, Cheng-minn, Tch’enn-koung, Kia-lao, Tien-pao.)

En 1008, se sentant mortellement atteint, l’empereur [^] Tch’eng dit : « C’est le Ciel qui m’a envoyé cette maladie. » — Dans son discours d’avènement, le nouvel empereur []^] K’ang reconnaît qu’il tient sou mandat du Souverain d’en haut, de l’Auguste Ciel. Plus tard on chantera dans le temple des Ancêtres des Tcheou : « Les trois empereurs Ou, Tch'eng et K’ang, ont été glorifiés par le Souverain d’en haut. Puissions-nous jouir de la faveur du Ciel, durant des myriades d’années. » (Annales, Kou-ming, K’ang-wang-tcheu kao. — Odes, Tcheu-king, Hia-ou.)


G.   Quoiqu’il doive interrompre pour un moment la série de mes textes, je crois utile de donner ici le récit de la mort de l’empereur [^] Tch’eng, et de l’intronisation de son fils l’empereur [)^.] K'ong, tel que les scribes du temps le fixèrent, et que les Annales nous l’ont conservé. Mieux qu’aucune autre, cette page fait revivre la Chine antique, et aide à comprendre ses idées et ses mœurs. Nous sommes en 1008 avant J.-C… « Au quatrième mois de l’année, alors que la lune commençait à décroître, l’empereur se trouva plus mal. Le premier jour du cycle, il se lava les mains et le visage. On l’aida à revêtir le costume impérial. Il s’assit sur son trône. Puis, les princes du sang et les grands officiers ayant été introduits, l’empereur leur parla ainsi. . Hélas ! mon mal s’aggrave. J’ai tenu à vous donner mes dernières instructions, avant qu’il ne soit trop tard. Mes prédécesseurs les empereurs Wenn et Ou, ont régné glorieusement et se sont fait obéir. Moi, homme sans valeur, leur ayant succédé, j’ai lâché de satisfaire le redoutable Ciel et mes augustes Ancêtres. Voici que le Ciel a fait descendre sur moi la maladie. Bientôt je ne pourrai plus ni remuer ni entendre. Écoutez l’expression dernière de ma volonté. Protégez respectueusement mon fils aîné [^ij] Tchao, aidez-le efficacement dans les difficultés de sa charge, préservez-le de toute imprudence. — L’empereur ayant fini de parler, les princes et les officiers se retirèrent. Le lendemain, deuxième jour du cycle, l’empereur mourut. Le troisième jour du cycle, le prince Tchao fut installé dans l’appartement qu’il habiterait durant le deuil. Le quatrième jour du cycle, les dernières volontés de l’empereur Tch’eng furent transcrites au net par les Annalistes, sur des lattes de bambou. Le dixième jour du cycle, les apprêts des funérailles commencèrent. Tout fut disposé comme pour les audiences impériales. Le trésor de l’empereur fut étalé. Des gardes furent postés à toutes les avenues. Le prince Tchao et les officiers, tous en grand deuil, montèrent par l’escalier latéral, à la salle haute où se trouvait le cercueil contenant le corps de l’empereur Tch’eng, et se rangèrent des deux côtés. Alors le Grand Tuteur maire du palais durant la période du deuil, le Grand Annaliste et le Grand Cérémoniaire, montèrent par l’escalier principal. Le Grand Tuteur portait le sceptre impérial, le Grand Annaliste portait ses tablettes, le Grand Cérémoniaire portait la forme de contrôle des sceptres d’investiture et la coupe pour les libations… Devant le cercueil, le Grand Annaliste lut d’abord au prince T'chao ce qui était écrit sur les tablettes. Assis sur son trône, l'auguste empereur a déclaré ses dernières volontés. C’est vous qu’il a chargé de régner sur l'empire des Tcheou ; de continuer le gouvernement des empereurs Wenn, Ou, et le sien ; de donner la paix au peuple en appliquant les lois. — Le prince Tchao qui avait écouté cette lecture agenouillé à côté du cercueil, se prosterna deux fois, puis dit : Moi le plus faible des enfants, serai-je capable de gouverner comme mes pères les quatre régions, et de m’acquitter comme eux du redoutable mandat du Ciel ?.. Puis, s’étant relevé, il toucha le sceptre impérial et la forme des sceptres d’investiture, signe de la collation du pouvoir suprême. Prenant ensuite la coupe pleine, il fit trois libations devant le cercueil de son père. Après la troisième, le Grand Cérémoniaire lui dit : Votre offrande a été agréée. — Ensuite le Grand Tuteur prenant une autre coupe, fit aussi trois libations au nom des officiers, puis salua à genoux le cercueil du défunt. Prés du cercueil, le nouvel empereur lui rendit son salut, au nom de son père. Alors la grande salle, devenue temple provisoire, fut évacuée par tous. — Cependant le nouvel empereur ayant revêtu le costume impérial, reçut dans la cour entre la quatrième et la cinquième porte, l’hommage des feudataires accourus à la capitale durant ces dix jours. Ils étaient rangés en deux lignes se faisant face, des deux côtés de la cour, chacun tenant son sceptre d’investiture. Quand le nouvel empereur parut, ils levèrent tous leurs sceptres, tendirent des présents et dirent : Nous vos sujets et les défenseurs de l’empire, nous prenons la liberté de vous offrir ces produits de nos régions… Ensuite, s’étant mis à genoux, ils se prosternèrent deux fois. — L’empereur leur rendit leur salut, puis parla ainsi : Mes ancêtres les empereurs Wenn et Ou, ont créé les fiefs, pour qu’ils fussent les boulevards de l’empire. En ce faisant, ils ont travaillé pour moi leur successeur. Vous aurez tous soin, j’espère, de m’obéir et de me servir, comme vos pères ont servi mes prédécesseurs. Présents de corps dans vos fiefs, soyez toujours présents de cœur à la cour de l’empereur. Partagez ma sollicitude, secondez mes efforts, ne vous attirez aucun déshonneur qui rejaillirait sur moi. — Après avoir entendu ce discours de l’empereur, tous les feudataires se saluèrent les uns les autres par une inclinalion profonde, signe d’acquiescement général. Puis ils se retirèrent en toute hâte, pour ne pas troubler plus longtemps le grand silence du deuil. — L’empereur déposa alors le costume impérial, et revêtit la robe de chanvre, dans laquelle il allait pleurer son père durant trois ans. » C’est-à-dire, pratiquement, durant le reste de Tannée du décès, une seconde année complète, enfin le commencement de la troisième année, (Annales, Kou-ming et K’ang-wang-tcheu kao).

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H.   Après cette digression non inutile, reprenons la série chronologique des textes de la troisième dynastie, relatifs au Souverain d’en haut, au Ciel. — En 912, à l’occasion de la promulgation d’un nouveau Code, il est dit des juges, qu’ils sont les délégués du Ciel sur la terre ; il est dit des gouverneurs, qu’ils sont pasteurs du peuple pour le compte du Ciel. — En 831, l’empereur [J^]] Li gouvernant mal, les plaintes au Ciel, les adjurations au nom du Ciel, se multiplient. Je relève les expressions, le Ciel est irrité, le Ciel s’agite, le Ciel sévit, le Ciel nous afflige, le Ciel surveille, le Ciel voit tout, craignons la colère du Ciel, etc. A l’empereur qui traite le peuple brutalement, il est conseillé d’imiter l’influence douce du Ciel sur le peuple. Grâce à la douceur de cette influence, dit le texte, l’obéissance répond au commandement, comme, dans les symphonies, le son de la flûte répond à celui de l’ocarine. Volonté du Ciel et volonté du peuple s’adaptent l’une à l’autre, comme un sceptre d’investiture et sa forme de contrôle. Gagner le peuple est chose facile. Il cède toujours à une douce influence. (Annales, Lu-hing. — Odes, Pan.)

En 822, la sécheresse et la famine désolant l’empire, l’empereur Suan gémit : Le Ciel ne nous envoie plus que deuils et malheurs. Le Souverain d’en haut ne nous vient plus en aide. Le Splendide Ciel Souverain d’en haut semble ne pas vouloir nous laisser vivre. » — En 820, un ministre de l’empereur Suan dit que, par considération pour l’empereur, le Ciel s’est incliné vers la terre, et a donné au Fils du Ciel l’habile ministre [] Tchoung-chan-fou. Ce texte contient la phrase suivante, qui est importante : « Le Ciel qui produit les hommes, leur donne, avec l’être, une loi, qui les porte à se bien conduire. » (Odes, Yunn-han, Tcheng-minn.)

En 773, l’empereur [^] You se conduisant et gouvernant fort mal, un officier gémit : « Le Ciel jadis miséricordieux, est devenu inexorable. Le Ciel jettera bientôt son filet sur les coupables. » — Un autre officier calomnié, se lamente ainsi : « O lointain Splendide Ciel qu’on appelle Père et Mère, vois à quelle misère je suis réduit, moi innocent ! » — Un autre dit : « Le miséricordieux Ciel est devenu impitoyable. Qu’il sévisse contre les coupables, c’est justice ; mais pourquoi enveloppe-t-il les innocents dans leur châtiment ? Le peuple étonné lève les yeux vers le Ciel, se demandant si le Ciel aussi est devenu injuste. Non, l’auguste Souverain d’en haut ne fait de mal à personne injustement." (Odes. Chao-minn, K’iaoyen, U-ou-tcheng, Tcheng-ue.)

I.   Nous avons vu (page 42) que, au onzième siècle, l’épouse de l’empereur ["^] Wenn est qualifiée de « belle comme la petite sœur du Ciel ». — Vers l’an 700, il est dit de la belle [^ |^] Suan-kiang, qu’elle est « majestueuse comme le Ciel, comme le Souverain ». On se figure donc, de plus en plus, le Souverain et le Ciel comme une personne, et sous figure anthropomorphe. Le bronze de la troisième dynastie reproduit ci-contre, en dit d’ailleurs plus long sur ce sujet que n’importe quel discours. Le premier caractère des deux premières colonnes (en comptant de droite à gauche), est [ » ^] ti le Souverain. Le cinquième caractère de la première colonne, est 5c ^’^^’^’6 Cifil. (Odes, Kiunntzeu hie lao.)

Notes. — G. Un cycle de 60 signes sert à compter les années et les jours.

Sources. — Annales ^ ^ Chou-kinq, chapitres ^ t^ Kang-kao, j^ f§ Tsiou-kao, ^ ^ Kinn-Veng, ^ fg Ta-kao, ^ f§ Chao-kao, % ^ Ou-i,

^ ï^ Li-tcheng, ^ ^iff Kiunn-cheu, % ± Touo-cheu, M ^ Kou-ming,

j^ 3Π; J; |§ K’ang-wang-tcheu kao, ^ jft] Lu-hing.

Odes l $f Cheu-king, odes ^ ^ Cheng-minn, f^ ^ Pi-koung, ^ ^ Hoang-i, ^ i ^ ^ Wenn-wang you-cheng, f ^ Hia-ou, ^ 3E Wenn-wang, -X Hj ? Ta-ming, —^ ^ ^ k ^ Hao-t'ien you tch'eng ming, ^^ M Cheu-mai, ^’^ Neue-tsiang, ^^ ^ King-tckeu, ^ Ji é. <^ Wei-t’ien tcheu ming, ^’x Tch’enn-koung, jj^ ^ Kia-lao, ^ {^s : Tien-pao, ft || Tcheu-king, |^ Pan, g [^ Yunn-han, ^ ^ Tcheng-minn, ^ —^ Chao-minn, ^ ^ K’iao-yen, i^^ ^ ]£ U-ou-tcheng, jE M Tcheng-ue, : g • ? fê ^ Kiunn-tzeu kie-lao.

Ouvrages. — Traductions J. Legge, S. Couvreur, A. Zottoli, des Annales et des Odes. Voyez Leçon 1, ouvrages utiles.