Histoire des Vampires/II/Chapitre VI

CHAPITRE VI.

Des Vampires de Russie et de Pologne, et de la manière dont on procédait contre eux.

Les journaux publics de la France et de la Hollande parlent en 1693, et 1694 des Vampires qui se montraient en Pologne et surtout en Russie. On voit dans le Mercure galant de ces deux années que c’était alors une opinion très-répandue chez ces peuples que les Vampires apparaissaient depuis midi jusqu’à minuit ; qu’ils suçaient le sang des hommes et des animaux vivans avec tant d’avidité, que souvent ce sang leur sortait par la bouche, par les narines, par les oreilles ; et que quelquefois leurs cadavres nageaient dans le sang répandu dans leurs cercueils.

On disait que ces Vampires, ayant continuellement grand appétit, mangeaient aussi les linges qui se trouvaient autour d’eux : on ajoutait que, sortant de leurs tombeaux, ils allaient la nuit embrasser violemment leurs parens ou leurs amis, à qui ils suçaient le sang, en leur pressant la gorge pour les empêcher de crier.

Ceux qui étaient sucés s’affaiblissaient tellement qu’ils mouraient presque aussitôt. Ces persécutions ne s’arrêtaient pas à une personne seulement ; elles s’étendaient jusqu’au dernier de la famille ou du village (car le Vampirisme ne s’est guère exercé dans les villes), à moins qu’on n’en interrompît le cours en coupant la tête ou en perçant le cœur du Vampire, dont on trouvait le cadavre mou, flexible, mais frais, quoique mort depuis très-long-temps.

Comme il sortait de ces corps une grande quantité de sang, quelques-uns le mêlaient avec de la farine pour en faire du pain : ils prétendaient qu’en mangeant ce pain ils se garantissaient des atteintes du Vampire.