Traduction par Théodore Pavie.
Duprat (1p. 285-341).


NOTES.

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LIVRE PREMIER.


Téou-Wou était le père de l’impératrice Téou-Tchy, mère du jeune empereur Hiao-Ling-Ty. Tchin-Fan, président du tribunal des censeurs, avait été en butte aux persécutions des eunuques dans les dernières années du règne de Hiao-Hiouan-Ty ; rappelé à la cour par l’impératrice Téou-Tchy qu’il avait aidée à élever son fils sur le trône, il s’associa Hou-Kwang. Ce dernier prit le titre de Ssé-Tou, commandant de l’infanterie, qui correspondait à celui de ministre d’état. (Morrison, Diction. ch., partie anglaise.) Voici, en peu de mots, les détails de la conjuration dont ces trois grands dignitaires périrent victimes ; nous l’empruntons à l’Histoire générale de la Chine du père Mailla.

Tchin-Fan et Téou-Wou étaient liés d’une étroite amitié : tout leur désir était de rétablir l’ancien gouvernement, altéré par les désordres qui s’y étaient introduits, et pour y parvenir, ils firent donner les places les plus importantes aux académiciens les plus éclairés. Pendant qu’on s’occupait à prendre ces mesures pour rendre au gouvernement son premier lustre et sa première vigueur, Tchao-Yao, nourrice de l’empereur, et toutes les filles du palais, se joignirent aux eunuques Tsao-Tsié, Ouang-Fou et autres, pour captiver les bonnes grâces de l’impératrice et s’insinuer dans sa confiance ; ils y réussirent… Tchin-Fan et Téou-Wou virent avec peine l’ascendant que les favoris prenaient sur l’esprit de la régente. Résolus à arrêter les progrès du mal, ils voulurent procéder dans les formes et présentèrent à l’impératrice le placet suivant :

« D’après les lois de la dynastie régnante et d’après l’usage ancien, les eunuques ne doivent être employés qu’au service intérieur du palais… Les élever, de même que leurs parents, à des postes qui leur donnent de l’autorité dans le gouvernement, c’est exposer l’état à des troubles, c’est les exposer eux-mêmes, avec leurs familles, à se perdre. N’avons-nous pas des exemples récents des murmures qu’ils ont excités et du désordre qui en est résulté ? Pour prévenir ces maux avant qu’il soit impossible d’y remédier, il est absolument nécessaire de les exterminer tous. C’est le moyen de procurer la paix au peuple, qui sera toujours dans l’inquiétude de retomber sous leur tyrannie et dans la volonté de se révolter pour s’y soustraire. »

L’impératrice répondit que de tout temps il y avait eu des eunuques dans le palais, et s’étonna qu’on voulût changer une si ancienne coutume. Elle ajouta que s’il y avait des eunuques coupables il fallait les punir, mais qu’il n’était pas juste de confondre avec eux ceux qui étaient innocents.

Téou-Wou jugea par cette réponse que l’impératrice ne le seconderait pas ; cependant, comme elle avait dit qu’il fallait faire mourir les coupables, il fit arrêter l’eunuque Kouan-Pa, qui était l’âme de leur cabale, comme ayant le plus de souplesse et de ressource dans l’esprit. Il fit aussi mettre en prison Kou-Kan ; le tribunal des crimes, chargé d’instruire leur procès à tous les deux, les ayant condamnés à mort, la sentence fut exécutée. Téou-Wou voulut faire subir le même sort à l’eunuque Tsao-Tsié, mais l’impératrice refusa d’y consentir. Tchin-Fan lui présenta à cette occasion un placet dans lequel il accusait les eunuques et la nourrice de l’empereur de s’être ligués ensemble pour bouleverser le gouvernement. Il avertissait cette princesse qu’elle avait tout à craindre de leur part, et que, si elle voulait avoir une certitude de ce dont il la prévenait, elle n’avait qu’à rendre public son placet, et qu’il ne doutait pas que tout le monde, même ceux qui approchaient de sa personne, ne lui rendissent témoignage que le seul zèle pour le bien de l’état l’animait, en cherchant à écarter du gouvernement ceux dont une expérience funeste n’avait que trop fait connaître les mauvaises intentions. Liéou-Yu (autre académicien de la famille impériale) présenta aussi un placet dans lequel il exposait les mêmes griefs contre les eunuques et demandait, comme Tchin-Fan, qu’on en fît un exemple. La régente ne voulut jamais abandonner ses favoris aux rigueurs de la justice ni entrer dans le plan de les détruire entièrement. Cependant, peu de temps après, Tchin-Fan et Téou-Wou firent arrêter l’eunuque Tching-Ly, accusé de concussion… Celui-ci, dans ses réponses, chargea ses collègues Tsao-Tsié et Ouang-Wou, que les juges décrétèrent de prise de corps, et ils en donnèrent avis à l’impératrice… De son côté, Téou-Wou lui présenta un nouveau placet par lequel il la sollicitait de prévenir les troubles que les eunuques étaient sur le point d’exciter.

Un des gardes de la porte, ayant découvert qu’il se tramait quelque chose contre eux, en donna avis à Tchu-Yu qui était de ses amis. Cet eunuque ayant été sur-le-champ dans l’appartement de l’impératrice, y vit le placet de Téou-Wou qu’il saisit adroitement, et, après l’avoir lu, il le remit à sa place sans que cette princesse s’en aperçût. Tchu-Yu, furieux contre Tchin-Fan et Téou-Wou, jura leur perte, et dans le trouble où la lecture de ce placet l’avait jeté, il disait… que ces grands dignitaires avaient formé avec l’impératrice le complot de détrôner l’empereur. Kong-Pou, un de ses amis, lui fit sentir l’imprudence de ces propos, et lui dit qu’il fallait prendre des mesures pour parer le coup terrible qu’on voulait leur porter. Dès la même nuit, ils s’assemblèrent, au nombre de dix-sept, dans un endroit écarté du palais. Là, après s’être juré de se soutenir mutuellement, ils en firent le serment le plus solennel en buvant du sang, suivant l’ancienne coutume. Ils déterminèrent encore, dans cette assemblée nocturne, de supposer un ordre de l’empereur qui déclarerait Tchin-Fan, Téou-Wou et leurs adhérents coupables de trahison et qui les condamnerait à mourir. Pour l’exécution de ce complot, ils devaient avoir des troupes prêtes à les secourir en cas de besoin.

Dès le lendemain matin, Tsao-Tsié proposa à l’empereur de venir dans la salle du trône pour lui voir faire l’exercice du sabre dans lequel il excellait. Ce jeune prince, qui aimait beaucoup ces sortes de divertissements, s’y rendit avec sa nourrice et les autres femmes du palais. Les eunuques avaient eu soin de fermer toutes les portes et de faire entrer dans l’intérieur des gens armés. Après avoir fait asseoir l’empereur sur son trône, ils firent écrire sur une tablette un ordre supposé qui donnait le commandement de la garde du palais à Ouang-Fou… et portait qu’il irait au tribunal des crimes arrêter les académiciens inculpés pour les mettre à mort sur-le-champ.

Les eunuques coururent en tumulte à l’appartement de l’impératrice et lui enlevèrent le sceau de la régence ; ils conduisirent ensuite cette princesse au palais du midi, où ils l’enfermèrent. Ce complot fut exécuté avec tant de promptitude, que tous ceux à qui on en voulait furent arrêtés, à l’exception de Tchin-Fan et de Téou-Wou qui firent quelque résistance. Cette scène se passa, tandis que Tsao-Tsié amusait le petit empereur en jouant du sabre… Téou-Wou, se voyant presque abandonné des siens, se donna lui-même la mort pour ne pas tomber entre les mains de ses ennemis.

L’eunuque Tsao-Tsié et Tchao-Yao, nourrice de l’empereur, firent entendre à ce prince que Tchin-Fan et Téou-Wou, Téou-Yu et Fong-Sou (qu’on venait d’immoler avec toute leur famille) avaient comploté avec l’impératrice de le détrôner, et que, si on n’y eût apporté la plus grande diligence, il était à craindre qu’ils n’eussent réussi. L’empereur, encore trop jeune pour avoir de l’expérience, ajouta foi à ce récit : il fut si irrité, qu’il donna les ordres les plus rigoureux contre les auteurs de cette prétendue conspiration et contre leurs complices. Une infinité de gens vertueux et irréprochables furent enveloppés dans cette proscription. — Histoire générale de la Chine, tome III, pages 483 et suiv.

Tel est, en abrégé, le drame sanglant auquel les premières phrases du San-Koué-Tchy font allusion.


Il faudrait traduire plus littéralement : « Ils périrent sous les coups des deux eunuques Tsao-Tsié et Wang-Fou. » La lutte n’existait cette fois qu’entre les trois ministres et les deux principaux officiers du palais.


L’Histoire générale de la Chine mentionne aussi ces présages surnaturels qui ne sont point une fiction du romancier. De plus, elle parle d’une éclipse de soleil qui eut lieu le trentième jour de la dixième lune de l’an 168. À la douzième lune de cette même année, les historiens placent une invasion des Sien-Pi (peuple de la famille coréenne, d’après Klaproth : Tableau ethnographique de l’Asie intérieure et moyenne). Ils ravagèrent les départements de Yeou-Tchéou et de Ping-Tchéou et se retirèrent chargés de butin ; tant que dura l’anarchie, ils continuèrent leurs brigandages. Deux autres éclipses de soleil eurent lieu vers ce même temps ; l’une l’an 171, l’autre 178 de notre ère.

Ces pronostics étranges, placés au commencement du San-Koué-Tchy, peuvent déplaire au lecteur et le mal disposer à l’égard d’un livre qui n’est pas une chronique, mais où l’histoire suivie en tous points passe avant les fantaisies du romancier. On nous permettra de rappeler ici que tous les peuples anciens, sans exception, ont cru aux présages. « Quand une nation ou une ville doit éprouver quelque grand malheur, dit Hérodote, ce malheur est ordinairement précédé de quelques signes. » Nous ajouterons même que quand les nations plus éclairées ont cessé de croire en masse à ces prodiges, les hommes en particulier et parfois les plus grands n’ont pu se défendre tout à fait de ces faiblesses.


On sait que les requêtes, les discours remplis d’allusions historiques ou d’expressions empruntées au style ancien sont toujours plus difficiles que le reste du texte dans les ouvrages chinois. C’est donc avec une extrême timidité, un embarras réel que nous avons abordé ces passages, dans lesquels la version mandchou nous a été d’un grand secours. Au lieu de « ces flatteurs qui achètent ainsi leur protection par de riches présents », nous croyons qu’il faut dire, en coupant la phrase : « Ils élèvent bien haut ceux qui leur font des présents, et se les recommandent les uns aux autres. »


Au lieu de « Hy-Kien, Liang-Ko, tous ces grands personnages, recommandables par leurs talents et les dignités dont ils étaient revêtus, n’ont plus part aux faveurs », il faut lire : « Un Hy-Kien, un Liang-Ko, et tant d’autres sont appelés aux charges, élevés aux dignités ; cet avancement, ils le doivent à la faveur et non au mérite. » On voit qu’il s’agit ici de rectifier un véritable contre-sens.


Ou plus littéralement : « Ont été rejetés avec mépris et laissés sans emploi ».


Cette manière de mesurer le temps (les cycles) est très-ancienne à la Chine. Quelques-uns en attribuent l’invention à Fou-Hy ; d’autres, en plus grand nombre, en font honneur à Hwang-Ty. Le cycle de soixante se forme par la combinaison de deux autres cycles, l’un de dix, l’autre de douze. Les deux caractères du premier s’appellent kan ou troncs ; les douze caractères du second sont nommés tché ou branches. Si l’on joint successivement un des caractères du cycle de dix avec un des caractères du cycle de douze, il se trouve que les mêmes caractères ne reviennent ensemble qu’après que le nombre de soixante est accompli. Ainsi, dans cette période, les dix kan sont chacun réunis six fois à quelqu’un des tché, et chaque tché est réuni cinq fois à quelqu’un des kan. Le cycle s’applique aux jours, aux mois et aux années. On se sert aussi des douze tché pour compter les heures. Afin d’aider la mémoire à retenir l’arrangement de ces derniers caractères, on a donné à chacun d’eux le nom d’un animal — Description de la Chine, livre XIII. — Hérodote, en parlant de la division du jour en douze parties, usitée chez les Grecs, dit qu’il la tenait des Babyloniens. — Euterpe, § 109. Les Hindous employaient aussi un cycle formé par la révolution de la planète Jupiter dans l’espace de soixante ans. Cette planète se nomme, en sanscrit, Vrihaspati ; voilà pourquoi ils ont donné le nom de Vrihaspati Tchakra, révolution de vrihaspati, à ce cycle de soixante années. Dans ce cycle, chacune des soixante années porte un nom particulier, afin d’être plus facilement distingué. (Voir les Tables de Prinsep, et pour de plus amples explications, les Fragments arabes et persans inédits, relatifs à l’Inde, recueillis et publiés par M. Reinaud, page 140, à la note.)


Ou plutôt : « Ce n’était qu’un simple bachelier ».


Le texte mandchou dit simplement : « Il tenait à la main un bâton ». Le dictionnaire de Kang-Hy dit que cette plante, semblable à celle que l’on nomme pong (Bas. 9127), sert à faire des bâtons. Il cite cet exemple tiré du livre intitulé : Tsin-Chou-Chan-Tao-Fou. « Wen-Ty fit présent à Tao-Mou-Lao d’un bâton fait d’une tige de la plante appelée Ly. » Il est à croire que le personnage dont le dictionnaire donne le nom dans cet exemple était un Tao-Ssé. L’empereur Wen-Ty des Han eut un certain penchant pour les Tao-Ssé ; il alla (163 avant notre ère) visiter dans sa retraite un docteur de la secte, Lo-Tchin-Kong, qui lui présenta son commentaire sur le Tao-Té-King. Peut-être même s’agit-il de ce même commentateur qui est connu dans l’histoire littéraire sous divers noms et surnoms. (Voir la traduction du Tao-Té-King, de M. Stanislas Julien.)


Les Tao-Ssé, ou disciples du philosophe Lao-Tseu, jouent un grand rôle dans le San-Koué-Tchy. Le Tao-Té-King, dont on doit la traduction à M. le professeur Stanislas Julien, contient tout l’exposé de la doctrine du maître ; c’est à ce précieux ouvrage qu’il convient de renvoyer le lecteur désireux de connaître à fond le système philosophique du saint docteur qui vint au monde six siècles avant notre ère. Quant aux pratiques de ses disciples, voici ce qu’en dit l’abbé Grosier dans sa description de la Chine :

« Les disciples de Lao-Tseu altérèrent dans la suite la doctrine qu’il leur avait laissée. Comme l’état passif, le calme parfait de l’âme auquel ils voulaient parvenir était sans cesse troublé par la crainte de la mort, ils publièrent qu’il était possible de trouver la composition d’un breuvage qui rendît l’homme immortel. Cette idée folle les conduisit d’abord à l’étude de la chimie, ensuite à la recherche de la pierre philosophale, et bientôt ils se livrèrent à toutes les extravagances de la magie. Le désir et l’espérance d’éviter la mort par la découverte de ce précieux breuvage attirèrent une foule de partisans à la nouvelle secte ; les grands, les particuliers riches, les femmes surtout, naturellement plus curieuses et plus attachées à la vie, furent les plus empressées à s’instruire de la doctrine des disciples de Lao-Tseu. La pratique des sortiléges, l’invocation des esprits, l’art de prédire l’avenir en consultant les sorts firent des progrès rapides dans toutes les provinces. Les empereurs eux-mêmes accréditèrent l’erreur par leur crédulité, et bientôt la cour fut remplie d’une foule innombrable de ces faux docteurs auxquels on avait décerné le titre honorable de tien-ssé, docteurs célestes.

« Les Tao-Ssé actuels sacrifient à l’esprit qu’ils invoquent trois sortes de victimes ; un cochon, une volaille et un poisson. Les cérémonies dont ils font usage dans leurs sortiléges varient selon l’imagination et l’adresse de l’imposteur qui les opère. Ceux-ci enfoncent un pieu en terre, ceux-là tracent sur le papier des caractères bizarres… Un grand nombre de ces Tao-Ssé font le métier de devins. Quoiqu’ils n’aient jamais vu celui qui vient les consulter, ils l’appellent d’abord par son nom, lui font le détail de toute sa famille, lui disent comment sa maison est située, combien il a d’enfants, leur nom, leur âge, et d’autres particularités qu’ils ont l’adresse de savoir d’ailleurs. Quelques-uns de ces devins, maîtres dans l’art des prestiges et des tours de subtilités, font apparaître en l’air, au milieu de leurs invocations, la figure du chef de leur secte ou celles de leurs divinités. D’autres ordonnent à leur pinceau d’écrire de lui-même, et ce pinceau, sans qu’on y touche, trace aussitôt sur le papier la réponse aux demandes et aux consultations qui ont été faites. Tantôt ils font paraître successivement, sur la surface d’un bassin rempli d’eau, toutes les personnes d’une maison ; ils y font remarquer, comme dans un tableau magique, les dignités futures auxquelles seront élevés ceux qui embrasseront leur secte.

« Le chef des Tao-Ssé est toujours décoré par le gouvernement de la dignité de grand mandarin, et réside dans un bourg de la province de Kian-Sy, où il habite un riche palais. La confiance superstitieuse des peuples y entretient un grand concours ; on s’y rend de toutes les provinces. Les uns y viennent pour solliciter des remèdes à leurs maux, les autres pour pénétrer dans l’avenir et faire consulter les sorts sur leurs futures destinées. Le docteur céleste distribue à tous des billets remplis de caractères magiques, et ils s’en retournent satisfaits, sans regretter ni la fatigue ni les dépenses qui sont la suite de ce pieux pèlerinage. »

Dans ces prestiges des Tsao-Ssé, on retrouve en grande partie ceux qui sont en usage chez les Samoyèdes, en Laponie, au Japon ; on y reconnaît aussi les évocations auxquelles se livrent les harvis de l’Égypte, et les jongleries célèbres des sorciers de l’Inde.

La véritable doctrine de Lao-Tseu est clairement exposée dans la traduction savante du Tao-Té-King, de M. Stanislas Julien, et dans le livre des Récompenses et des Peines, dont on doit la version française à cet habile professeur.


Les mages se vantaient aussi de calmer les tempêtes et d’apaiser les orages en offrant à la mer et aux vents des sacrifices accompagnés de cérémonies magiques. Dans ce passage, le texte mandchou, plus explicite que le texte chinois, dit : « S’il parlait aux vents et à la pluie, les vents et la pluie lui obéissaient aussitôt en soufflant et en tombant. »


Le texte mandchou développe encore cette phrase et dit : « Tchang-Kio n’avait qu’à coller (le long des maisons) des papiers sur lesquels il avait écrit des paroles magiques, faire boire de l’eau (consacrée), lire les formules tracées sur les papiers, la maladie cédait aussitôt. »


L’éditeur de L’Histoire générale de la Chine fait, à propos de ces trois pouvoirs, la remarque suivante :

« Le ciel, la terre et l’homme sont ce que les Chinois appellent San-Tsay, ou les trois bases de l’univers, qui ont un rapport direct avec les trois puissances, Tien-Hoang, Ti-Hoang et Gin-Hoang, ou les trois monarques du ciel, de la terre et de l’homme, dont plusieurs historiens très-postérieurs ont voulu faire trois monarques qui auraient gouverné la Chine pendant quatre cent trente-deux mille ans. Ce sont des idées mystagogiques des Tao-Ssé qui n’ont aucun fondement. Mais comme, tout extravagantes qu’elles soient, ces idées doivent leur origine à un certain Po-Chy qui fleurissait sous la dynastie des Tsin dans le IIIe siècle avant l’ère chrétienne, il est tout probable que Tchang-Kio et ses deux frères avaient en vue ces trois puissances imaginaires lorsqu’ils en prirent les dénominations, et qu’ils se regardaient déjà comme les maîtres de toute la Chine. » — Tome III, page 540.

Voir pour plus de détails la préface du père Mailla, au même ouvrage, page 21 à 25, et aussi Mémoires sur les Chinois, tome II, pages 12 et suiv.


Au lieu de « avait pénétré, » il faut lire « allait pénétrer… » Et plus loin, rectifier la phrase ainsi : « Le commandant militaire du district de Yen, nommé Tséou-Ting, alla trouver le gouverneur de la province, nommé Liéou-Yen. »


Il faut ajouter qu’après avoir perdu son titre de prince (Heou), Liéou-Ching se retira à Tcho-Tchéou. Ce vin du sacrifice s’appelait, comme nous l’apprend en note l’éditeur chinois, Tchéou-Tsieou ; on le versait dans le sacrifice qui se célébrait au grand temple des ancêtres. Les vassaux l’achetaient de leurs deniers.


Pour bien exprimer ce que les Chinois entendent par la piété filiale, il faut reproduire ici les premières lignes du Mémoire des missionnaires (tome IV) sur cette vertu si honorée à la Chine. « La piété filiale est à la Chine, depuis trente-cinq siècles, ce que fut à Lacédémone l’amour de la liberté, à Rome l’amour de la patrie. Il faudrait écrire l’histoire entière de ce grand empire pour faire voir jusqu’où la piété filiale y a perpétué de génération en génération ce respect universel pour l’antiquité, cette beauté de morale, cet ascendant irrésistible de l’autorité légitime, cette noblesse d’administration, ce zèle pour la chose publique, enfin ces vertus sociales et patriotiques qui l’ont conservé au milieu des ruines de tous les autres empires, et l’ont conduit à ce haut degré de grandeur, de puissance et de richesse où nous le voyons aujourd’hui. » D’où il faut conclure que, par le mot piété filiale, les Chinois entendent l’ensemble des vertus privées et publiques qui reposent toutes sur le respect de la tradition, dans l’état et dans la famille.


Il vaut mieux traduire : « Comme la couverture d’un char. » Et plus bas, au lieu de « si j’étais empereur, » on peut entendre, pour plus de précision « quand je serai empereur. »


Il faut lire : « Qui poussait devant lui une charrette à bras ; » arrivé devant la porte, il y laisse sa petite charrette, entre dans la taverne, s’assied sur un banc fait de bois de mûrier, et dit : « Garçon, à boire… de bon vin ! J’arrive tout exprès pour aller dans la ville me joindre aux troupes du district ; versez, je n’ai pas de temps à perdre ! »


Les missionnaires qui discutent si savamment sur la religion des Chinois, sur l’esprit de leurs sectes diverses, donnent très-peu de détails sur les sacrifices. On trouve incidemment, tome I, page 261 des mémoires, que Chun, ainsi qu’il est dit dans le Chou-King, offrait un sacrifice toutes les fois qu’il sortait pour faire la visite de l’Empire, et à son retour il immolait dans le temple de Y-Tsou un taureau.


Après « ils déposèrent les morceaux des victimes sur la terre », il faut sous-entendre « par ordre, par rang d’âge ».


Les armes des deux amis de Liéou-Hiuen-Té sont décrites dans le texte avec des détails que nous avons cru devoir omettre dans la traduction ; nous les plaçons ici : « Le sabre recourbé de Kouan-Mo, pesant quatre-vingt-deux livres, s’appelait Ling-Yen-Kin, la scie froide et brillante, ou bien la faux du pur dragon. La pique de Tchang-Fey avait un large tranchant d’acier de la longueur de près d’un pied. »


Ces provocations, ces combats singuliers étaient défendus dans l’article 7 de Sun-Tsé. « Si quelque brave veut sortir des rangs pour aller provoquer l’ennemi, ne le permettez pas ; il arrive rarement qu’un tel homme puisse réussir. Il périt d’ordinaire ou par trahison ou accablé par le grand nombre. » Mémoires sur les Chinois, vol. VII, page 97. Mais le traducteur ajoute cette note qui peut convenir parfaitement au San-Koué-Tchy. « Il était permis, autrefois, dans les armées chinoises, à quiconque voulait se faire un nom, de sortir du camp, armé de pied en cap, et d’aller se présenter devant l’armée ennemie. Lorsqu’il était à portée de se faire entendre, il défiait à un combat corps à corps. Les deux champions se battaient en présence des deux armées qui restaient spectatrices. » Il fallait, dans ces luttes particulières, que le rang fût à peu près égal entre les deux héros.


Pour les Kouas, nous renvoyons le lecteur à l’explication donnée par les missionnaires, vol. I des Mémoires sur les Chinois.


Il faut lire plutôt en prenant le discours direct : « Je viens d’apprendre que le commandant Lou-Tchy est aux prises à Kwang-Tsong avec le chef de l’insurrection, avec Tchang-Kio lui-même. Autrefois, Kong-Sun-Tsan et moi nous honorions ce commandant comme un maître : allons vite, courons l’aider à battre les brigands ! » Et plus loin, ligne dernière, il y a un contre-sens à rectifier. Tséou-Tsing répondit : « Envoyons-lui des vivres et des provisions, voilà le secours que je peux lui fournir ; quant à faire marcher mes soldats sans ordre, sans utilité pressante, je n’ose ! »


À propos de cette ruse de guerre, l’éditeur de L’Histoire générale de la Chine fait, en note, l’observation suivante : « Ce stratagème a souvent été employé par les Tartares, qui, prenant l’avantage du vent, allumaient des tourbes et des herbages, dont la fumée épaisse, couvrant l’armée ennemie, leur donnait la liberté de manœuvrer sans être aperçus. Ils s’en servirent dans leurs expéditions en Europe et se firent passer pour des sorciers qui avaient le pouvoir d’élever des brouillards. » Tome III, page 512.


Sun-Tsé a écrit sur l’art militaire un ouvrage en quatre-vingt-deux chapitres ; il n’en reste que treize. L’empereur Wou-Ty, de la dynastie des Wey, qui vivait l’an 424 de J.-C., en a fait un commentaire très-estimé.

Ou-Tsé, appelé aussi Ou-Ky, vécut vers l’an 425 avant J.-C. Il a laissé un traité en six articles, traduit, ainsi que le précédent, au vol. VII des Mémoires sur les Chinois.

Les ouvrages intitulés : San-Lio et Lou-Tao (c’est par erreur que nous avons dit les ouvrages de Lou-Tao et de San-Lio) sont le sixième et le dernier des sept ouvrages fondamentaux sur l’art militaire des Chinois. Le premier a été composé par Hwang-Ché-Kong, qui vivait sous les Tsin, avant notre ère ; le second est attribué à Liu-Wang, le même qu’on nomme aussi Tay-Kong, et qui vivait 1122 ans avant notre ère, au commencement de la dynastie des Tchéou. Le Lou-Tao est traduit également au vol. VII des Mémoires sur les Chinois.


Nous voyons dans la suite que les Hia-Heou sont alliés de Tsao-Tsao, et qu’ils gardent leurs noms, ce qui prouve que nous nous sommes trompé ici ; il faut lire : « Un fils adoptif de Tsao-Teng, qui portait d’abord le nom de Hia-Heou, et c’était celui de sa famille, le changea en celui de Tsao-Tsong, lorsqu’il passa dans la maison de son second père. Ce fut là Tsao-Tsong lui-même, père de Tsao-Tsao. » Plus bas , ligne 23, pour plus de précision, il faudrait dire : « Il aimait le chant, la danse, la flûte et la guitare ». Les mots tchong et tan du texte signifiant musicis instrumentis canere et instrumenta musica pulsare, représentent les deux espèces d’instruments.


Il y a deux espèces de tambour ; le lo, ou tambour de métal, est un grand bassin d’airain d’environ trois pieds de diamètre sur six pouces de profondeur. On le frappe avec un bâton de bois. Le bruit de cet instrument s’entend de très-loin ; on l’emploie à battre les veilles qui divisent la nuit en cinq parties. La première veille se bat au coucher du soleil, la dernière à l’aurore. Le tambour de peau, kou, est assez semblable aux nôtres.


Les mots que nous avons traduits par « litière fermée » semblent exprimer plutôt une cage roulante, un char fermé par des barreaux à travers lesquels on peut reconnaître la personne qui y est assise.


Le ly chinois est une mesure de distance qui équivaut à peu près à un dixième de lieue. Peut-être sera-t-on étonné que nous ayons traduit ce mot tantôt par lieue, tantôt par mille ; nous l’avons fait ainsi, selon qu’il nous a paru vraisemblable de prendre au propre ou au figuré l’expression chinoise. Les Orientaux, sujets à l’exagération, ne savent guère compter ; ainsi, plus bas, il est question d’un cheval qui fait mille lys en un jour, ce qui donnerait cent lieues ; cent milles est déjà une distance raisonnable.


Il s’agit ici des Tartares Kiang-Hou qui parurent à l’est de la Chine vers l’an 450 avant notre ère. Voici ce qu’en dit Klaproth, Tableaux historiques de l’Asie, page 131. « Les descendants des San-Miao reçurent plus tard le nom de Kiang, qui devint chez les Chinois la dénomination générale de toutes les peuplades tibétaines. Ils menaient la vie nomade et avaient des troupeaux nombreux ; ils cultivaient aussi quelques champs. Leurs mœurs et leurs usages étaient les mêmes que ceux des Barbares du nord. Leur pays portait également chez les anciens Chinois le nom de Sy-Jong, Barbares occidentaux, et celui de Koue-Fang, région des démons. » Les Tartares Mongols ne furent connus sous cette dénomination qu’au XIe siècle de notre ère ; en traduisant ainsi, nous avions suivi la version mandchou qui donne mongou. Ce mot paraît désigner en général les Tartares ou Barbares occidentaux, et se rapproche assez par le sens du Sy-Fang des Chinois.


Au lieu de « s’appuie sur son sabre, » il faut lire, en suivant la version tartare : « Il agite, il fait voltiger son glaive. » Le mandarin dit : Loho elkimé, ayant fait les évolutions, l’exercice du sabre. Le Chinois donne simplement : Tchang-Kien, expression qui ne semble pas impliquer l’idée d’un maniement d’arme.


Remarquons en passant que le mot chinois jin-ma, hommes et chevaux, est toujours rendu en mandchou par l’expression simple tchouoha, troupes, c’est-à-dire troupes à cheval ; ces Tartares ne connaissaient que la cavalerie, ainsi que les autres hordes ennemies de la Chine qui désolèrent si souvent ce pays par leurs incursions.


Les Chinois ont encore recours au sang des animaux pour rompre le charme magique dont ils redoutent l’influence, et cela, dans des circonstances qui intéressent l’Europe à un assez haut degré. Quand un missionnaire catholique, déjà brisé par la torture, est amené devant le juge pour subir un interrogatoire, celui-ci, ne pouvant attribuer le courage du confesseur qu’à la magie, craint sur son tribunal les effets de la puissance occulte de la victime gisante à ses pieds. Dans ces cas-là, il fait avaler au patient le sang chaud d’un chien qui vient d’être mis à mort. Ceci s’est passé dans les plus récentes persécutions dont les lettres écrites de Chine nous aient donné les détails.


Voir plus bas, la note de la page 114 sur l’usage du canon.


Il faut lire : « Il attendait Tchu-Tsuen avec des soldats d’élite rangés en bon ordre à l’ouest et au sud de la ville. »


Littéralement : « Les instants du ciel ne se ressemblent pas ; les événements que fait naître le ciel ne se présentent pas deux fois sous un même aspect, » ou plus simplement : « La circonstance actuelle n’est pas semblable à celle à laquelle vous faites allusion. » Il est souvent très-difficile en chinois de savoir si certaines phrases doivent être regardées comme des sentences absolues ou si elles se rattachent à ce qui précède et à ce qui suit.


Il faut lire : « Il gravit le rivage en poussant des cris, en faisant signe à droite et à gauche, comme s’il eût appelé des soldats à sa suite. »


Il faut, pour comprendre ce siége, se figurer une place forte chinoise sous la forme d’un carré de murailles dont les côtés correspondent aux quatre points cardinaux. Au milieu de chacune de ces faces est une porte surmontée d’un pavillon, d’une galerie propre à contenir des combattants, chaque porte ouvre intérieurement sur une grande rue qui se prolonge jusqu’à la porte opposée en traversant une place où elle coupe à angle droit une rue pareille qui partage la ville dans l’autre sens.


Littéralement : « Tchu-Tsuen mit sous les yeux de l’empereur, dans un rapport, les belles actions de Sun-Kien et de Liéou-Hiuen-Té. Sun-Kien, qui avait des antécédents (et non des amis à la cour), qui s’était déjà fait connaître, avait occupé des grades, fut promu à celui de chef de la cavalerie d’un district autre que celui qu’il habitait. » Hiuen-Té n’avait encore aucun rang dans l’armée ; il servait en qualité de volontaire, ainsi que ses deux frères adoptifs ; aussi le voit-on aller où il lui plaît, combattre ou se retirer, selon qu’il lui convient de se mettre aux ordres d’un général ou de l’abandonner.


Le mandchou dit : « En dehors de la porte du sud ; » le texte chinois met « à Nan-Kiao. » Nan-Kiao est, d’après le dictionnaire de Kang-Hy, le lieu où l’on offrait en hiver des sacrifices au ciel ; en été, on sacrifiait à la terre, à Pé-Kiao. De là l’expression Kiao (Bazile, 11214) sacrifier au ciel et à la terre.


Au lieu de « faites l’appel des familles, » il vaut mieux lire : « Refaites à l’instant même une enquête et passez en revue tous les noms ; voyez quels sont les titres de ceux à qui vous avez accordé des récompenses, et si, parmi ceux qui les méritent, il n’y en a pas eu d’oubliés. »


L’expression chu-tay, en chinois, veut dire littéralement : laver le sable pour en retirer les parcelles d’argent qu’il renferme ; par suite, épurer, élaguer, enlever ce qui est de trop ; enfin, effacer, retrancher de la liste, comme le comprend le mandchou, qui traduit par : Nakaboumbi, casser quelqu’un de son emploi, lui enlever sa place.


Au lieu de « lui fit signe avec son fouet de retourner là d’où il était venu, » il faut lire : « Se contenta de lui faire avec son fouet un léger salut. »


Avec la différence qu’ils sont dans les villes, ces hôtels des postes rappellent les stathmes, ou maisons royales des rois de Perse qui servaient à loger les envoyés du souverain.


Après « quelle est votre famille », il faut lire : « Quels sont vos titres ? »


Littéralement : « Je n’ai pas fait tort au peuple de l’épaisseur d’un cheveu, » comme l’explique le texte mandchou ; le chinois dit : « Je n’ai pas fait le plus léger tort au peuple à l’époque des moissons ; je ne lui ai rien extorqué. » Il s’agirait donc plutôt ici d’un mandarin qui commet des exactions que d’un administrateur infidèle.


Au lieu de « je vous fais grâce, » on pourrait entendre en coupant la phrase : « Je n’y tiens plus, » le mot chinois pou-jin voulant dire, d’après les dictionnaires : Suarum calamitatum impatiens, etiam aliorum et sic misericors ; on peut l’appliquer à la personne qui parle.


On pourrait ajouter après « par égard pour un descendant des Han, » à la famille desquels il appartenait lui-même. Le texte dit : « Voyant que Hiuen-Té était aussi allié à la famille des Han. »


Il est assez difficile de déterminer au juste le sens des diverses dignités qui se trouvent mentionnées dans le San-Koué-Tchy ; les mandchoux, au lieu de les traduire, se contentent de les reproduire par la transcription phonétique. Ces charges, d’ailleurs, ont changé de noms, et les noms mêmes ont changé d’acceptions selon les dignités. Ici, le chef des gardes et le général de l’infanterie sont des ministres d’état. Les trois grandes dignités dont il est question, et que le texte désigne par le mot san-kong, étaient sous les Tchéou : Le Tay-Ssé, premier ministre ; le Tay-Fou, intendant général ; le Tay-Pao, le conservateur en chef. Sous les premiers Han, ce furent : Le général de l’infanterie, le général de la cavalerie et le directeur des travaux publics. Sous les Han orientaux on leur donna les titres qui se trouvent ici ; à savoir les mêmes, sauf celui de Ssé-Ma, général de la cavalerie, remplacé par celui de Tay-Oey, commandant des gardes. (Voir le Dictionnaire chinois de Kang-Hy, au caractère Kong.) Au tome Ier de l’Histoire générale de Chine, page 181, on lit en note : « Ssé-Pao était le nom d’une dignité qui ne s’accordait qu’à l’un des trois grands de la première classe, dont l’office était de veiller à ce que l’empereur ne commît aucune faute dans le gouvernement ; ce mot signifie au propre maître gardien ou protecteur ; magister custos. Tay-Ssé, signifie grand maître, et Tay-Fou, grand précepteur. Dans le chapitre Tchéou-Kouan (des dignités sous les Tchéou), du Chou-King, ces trois grands officiers sont encore appelés les trois kong, et on dit : « ils traitent de la loi, gèrent les affaires du royaume, et établissent un parfait accord entre les deux principes ; ce n’est qu’à ceux qui ont de grands talents qu’on doit accorder des postes si élevés. »


L’an 153 de notre ère, c’est-à-dire trente et un ans auparavant, ce même mandarin, Liéou-Tao, s’était rendu à la cour, suivi de plusieurs mille habitants, près de l’empereur Hiouan-Ty, pour obtenir de ce faible monarque la mise en liberté du ministre Tchu-Mou ; voici à quelle occasion : Le père de l’eunuque Tché-Tchang était au nombre des mandarins prévaricateurs qui se donnèrent la mort pour échapper au châtiment qui les menaçait par suite de leur mauvaise gestion. L’eunuque célébra ses funérailles avec un luxe inouï, au point qu’il se servit de boîtes en pierres précieuses qu’il n’était permis d’employer qu’aux obsèques des princes du premier ordre. Le ministre Tchu-Mou avait lui-même dénoncé les prévaricateurs ; indigné de voir Tché-Tchang insulter par ce faste à la misère publique, il fit ouvrir le tombeau du père de l’eunuque et en tira les richesses que celui-ci y avait enfermées, pour les employer à soulager le peuple. Tché-Tchang en porta plainte à l’empereur, qui donna ordre d’arrêter Tchu-Mou et de le conduire en prison. Ce fut alors que Liéou-Tao vint intercéder en faveur du ministre intègre, et il présenta un placet si digne, si noblement écrit, que l’empereur non seulement fit mettre Tchu-Mou en liberté, mais encore le rétablit dans tous ses emplois. C’était le même service que Tchin-Tan cherchait à rendre à Liéou-Tao.


Cet usage de mener les soldats à coups de fouet ou de bâton, dont on trouve tant de traces dans le San-Koué-Tchy, n’était pas inconnu au reste de l’Asie. Hérodote et Xénophon parlent de ce moyen de discipline militaire employé chez les Perses ; c’est de là sans doute qu’il s’est introduit dans les pays les plus septentrionaux de l’Europe. Il est à remarquer cependant que les Chinois blâment cet usage barbare.


L’auteur de la description de la Chine s’étend beaucoup sur la construction des greniers publics dans le Céleste Empire, au chapitre XV de son ouvrage si habilement compilé. Sous les trois premières dynasties, l’état percevait le dixième du produit des terres, et, selon le père Cibot, ces grains étaient déposés dans des greniers publics ; on en comptait de cinq espèces : 1o Les greniers de l’empereur, destinés à l’entretien de sa famille et des officiers de sa maison ; 2o les greniers des princes feudataires, qui régnaient dans leurs principautés à la charge de rendre hommage au souverain et de lui payer le tribut ; 3o les greniers du gouvernement pour fournir aux dépenses ordinaires et extraordinaires de l’empire ; 4o les greniers de piété en faveur des vieillards, des malades, des pauvres et des orphelins ; 5o les greniers économiques réservés pour les années de stérilité et de famine.

Les greniers de la cinquième espèce s’alimentaient de la manière suivante. Les mandarins qui présidaient à la culture des terres tenaient un registre exact de l’état des moissons. Selon que l’année était abondante, bonne, médiocre ou mauvaise, ils obligeaient les colons de leurs districts à mettre en dépôt dans les greniers publics une partie plus ou moins considérable de leurs récoltes. Ces grains restaient en réserve. Lorsque les moissons avaient manqué, on dressait un état des besoins des familles, et on leur assignait sur le grenier économique un supplément en grains proportionné au nombre de personnes qu’elles avaient à nourrir et à la quantité de terres qu’elles devaient ensemencer. Quand les greniers d’un district ne suffisaient pas, on recourait à ceux des districts voisins.

Voici ce que dit l’ancien ouvrage canonique Ly-Ky (livre des rites), sur l’usage de mettre en réserve une partie des récoltes : « Un champ de cent arpents suffit pour la subsistance et l’entretien d’une famille de neuf personnes quand la terre est bonne et fertile. Lorsqu’elle est médiocre, elle ne suffit que pour sept à huit, et pour cinq à six lorsqu’elle est maigre et appauvrie. Un état qui n’a de blé en réserve que pour neuf ans est mal fourni ; s’il n’en a pas pour six ans, il est pauvre et en péril ; il est comme ruiné et à la veille de s’écrouler quand ses provisions ne suffisent pas pour trois ans. Dans trois années de bonne récolte, il doit y en avoir une de réserve. On ne doit jamais souffrir qu’aucune terre demeure inculte ni aucune famille oisive. Les mandarins préposés à l’agriculture doivent rester à la campagne pour diriger les labours et les semailles, déterminer les grains qui conviennent à chaque canton, présider aux façons des terres, ordonner les arrosements, fixer les limites des champs, et instruire les colons de tout ce qu’ils doivent faire. Le ministre doit régler les dépenses de l’état d’après la récolte de l’année et les provisions actuelles des greniers publics. » On reconnaît là le code d’un peuple agriculteur ; si l’on veut voir jusqu’où les Chinois ont porté l’art de cultiver les terres, on trouvera les plus intéressants détails sur cette matière dans le voyage de lord Macartney.


Nous avons fondu deux phrases en une seule et commencé le chapitre un peu plus tôt que le texte chinois. Il faudrait dire : « Les gardes arrêtent ce mandarin, mais c’était le ministre d’état Tchin-Tan ; il entre aussitôt et demande au prince… »


« L’impératrice, épouse de l’empereur, ne doit pas être vue et ne paraît dans aucune cérémonie publique. Son couronnement consiste : 1o dans l’enregistrement et la promulgation solennelle de l’édit (Tchy-Y) qui la déclare impératrice et lui en confère tous les droits ; 2o dans la cérémonie de lui présenter les sceaux d’or et de jade (yu) dont elle doit se servir pour rendre authentiques et exécutoires le peu d’ordres juridiques qu’elle est dans le cas de donner ; 3o dans les hommages solennels que viennent lui rendre les princesses du sang et les princesses étrangères, les femmes de la cour, et toutes celles qui résident dans l’intérieur du palais. L’impératrice est la première femme de l’Empire, la première et légitime épouse, celle dont les enfants sont, avant tous les autres, désignés par les lois pour succéder au trône. Elle ne doit son respect qu’à l’impératrice-mère. » Description de la Chine, livre X. Si l’impératrice ne donne pas d’enfant mâle au souverain, celui-ci choisit pour héritier présomptif (Tay-Tseu), de son vivant, un fils aîné d’une de ses femmes de second rang (Fou-Jin), qu’il ne faut pas confondre avec les concubines d’un rang inférieur rangées en trois classes d’après le Ly-Ky. On les nomme Pin, Chy-Fou et Yu-Tsy ; les premières peuvent être au nombre de neuf, les secondes au nombre de trente-sept, et les troisièmes au nombre de quatre-vingt-une. Ce qui, avec les trois Fou-Jin et l’impératrice, fait un total de cent trente-trois femmes que l’ancien livre des rites accorde à l’empereur.

Ho-Heou et Tong-Heou avaient le titre et le rang de Fou-Jin ; par conséquent, leurs enfants étaient légitimes et aptes à régner, dans le cas où l’impératrice n’en eût pas elle-même. Wang-Mey-Jin (Wang, la belle femme), désignée dans le texte mandchou par le mot de héhé, femme en général, peut être considérée comme une simple concubine de Ling-Ty. Nous donnons cette explication ici, parce que ces nuances n’ont pas été rendues dans le passage cité.


L’empereur Tchong-Ty, qui monta sur le trône à l’âge de deux ans, mourut dès le premier mois de son règne. Son successeur, Tchy-Ty, commença à régner à l’âge de neuf ans ; il mourut la même année, empoisonné par Leang-Ky, frère de l’impératrice (145-146 de notre ère). Ce Leang-Ky donna une grande autorité aux eunuques et prépara ainsi la chute de la dynastie des Han.


Ou plutôt : « Aux exhortations amicales que je vous adresse… »


Il faut rectifier la phrase de la manière suivante : « Vous avez sous vos ordres, sous les ordres de votre jeune frère, des héros, des officiers de renom ; qu’ils fassent un effort, qu’ils prodiguent leur vie, et cette grande entreprise n’offre aucune difficulté… »


Tout ce passage est fort difficile ; nous essaierons de le traduire plus exactement : « Aujourd’hui, général, vous résumez en vous l’autorité impériale, vous avez en main l’autorité militaire. Le dragon qui vole dans les airs, le tigre qui court sur la terre, tout ce qu’il y a d’élevé et d’inférieur est attentif à vos actions. Si vous voulez exterminer les eunuques, vous donnerez le signal d’un incendie qui vous consumera vous-même. Au lieu de châtier les eunuques, montrez seulement la puissance foudroyante dont vous êtes revêtu ; par le seul emploi de l’autorité, coupez court à ces embarras, alors le ciel secondera vos desseins, les hommes vous obéiront… »


Au lieu de « blessent les rites, » il faut sans doute entendre : « Intervertissent l’ordre des temps, dérangent les calculs du ciel en hâtant la ruine de la dynastie. »


Il faut lire : « Ils se font payer mille pièces d’or la recommandation écrite qu’ils accordent à leurs clients ; tous les fiefs, etc… »


Lisez : « Sin-Ngan, c’est-à-dire la nouvelle capitale, Lo-Yang. »


C’est-à-dire « abandonnèrent leurs emplois et se retirèrent du conseil. »


Mot à mot, il se mit à crier « Peut-on à ce point méconnaître les rites, les devoirs, les lois ? »


Il faut lire : « Lou-Tchy, président des six grands tribunaux, avait donné sa démission, mais n’était pas encore sorti du palais ; ce fut alors qu’il… »


Les eunuques adoptaient des enfants et se faisaient ainsi des familles puissantes ; ils avaient de nombreux clients à la cour, dans la capitale, dans les provinces. « Les Annales de la Chine (histoire générale, tome l, page 81) font mention de ces officiers du palais de l’empereur Yao, qui mourut l’an 2258 avant J.-C., et elles nous apprennent que l’état de ces hommes dégradés fut d’abord la peine du crime. Ce genre de mutilation était le quatrième des supplices qu’on établit alors, et cette peine était celle dont on punissait le calomniateur, le traître et l’impudique. Ces coupables, devenus inutiles à la société, en furent séparés, relégués dans les domaines des empereurs ou renfermés dans l’intérieur des palais pour y exercer les emplois les plus vils et les plus pénibles. On en fit ensuite les portiers de l’appartement des femmes.

« Cet état d’humiliation dans lequel vivaient les eunuques subsista pendant plusieurs siècles. L’intrigue les en fit sortir sous le règne de l’empereur Youen-Ouan, qui monta sur le trône l’an 781 avant l’ère chrétienne. Une de ses concubines, la fameuse Pao-Ssé, que les annales chinoises appellent la peste de l’empire, se servit des artifices d’un eunuque pour déterminer ce prince à répudier l’impératrice et à l’élever elle-même sur le trône. Parvenue au faîte du pouvoir, elle récompensa l’eunuque par la première charge du palais et confia aux autres les principaux emplois. Depuis ce moment leur faveur s’est toujours accrue.

« L’état d’eunuque cessa d’être un supplice vers le commencement de l’ère chrétienne, sous la dynastie des Han. Leur crédit et leur autorité avaient alors tellement prévalu, que la mutilation ne fut plus considérée que comme un moyen favorable à l’ambition. Plusieurs prenaient cette voie pour arriver plus promptement à la fortune. Des pères mêmes, dans les familles distinguées, dévouaient quelques-uns de leurs enfants à cet état pour s’en faire des protecteurs à la cour. Les eunuques acquirent des richesses immenses… Sous des princes inhabiles, faibles et voluptueux, les eunuques eurent en main toute la puissance ; du fond du palais ils gouvernaient l’empire. Tous les ordres émanaient d’eux ; ils étaient les arbitres de toutes les grâces, et il fallait que les grands fussent ou leurs créatures ou leurs victimes. L’injustice, la violence, les exactions, les abus d’autorité soulevèrent les peuples et provoquèrent ces révolutions terribles qui causèrent la ruine d’un grand nombre de familles impériales.

« Ces exemples apprirent à la dynastie régnante des Tartares à craindre les eunuques. Lorsque Kang-Hy (mort en 1723) monta sur le trône encore enfant, la régence, après avoir fait faire le procès pour ses malversations au chef des eunuques, en expulsa du palais plusieurs milliers qui eurent ordre de retourner dans leurs familles. Elle fit graver sur une plaque de fer du poids de plus de mille livres, qui subsiste encore aujourd’hui, une loi par laquelle la nation mandchou s’engage à ne plus élever d’eunuques aux charges et aux dignités. Lorsque Kang-Hy gouverna par lui-même, il ratifia cette loi, diminua encore le nombre des eunuques, réduisit ceux qui furent conservés à balayer les cours du palais, et recommanda à ses enfants de ne jamais les tirer de l’état d’abaissement où il les avait mis. » Description de la Chine, livre X. Le massacre des eunuques, raconté par le San-Koué-Tchy, ne fit cesser le mal que pour un temps ; on les détruisit une seconde fois à la fin de la dynastie des Tchang, dont ils avaient hâté la ruine dans les premières années du xe siècle de notre ère. Cette page sanglante de l’histoire de la Chine rappelle assez bien, dans tous ses détails, la conjuration de Darius et de Gobryas, qui fut suivie de la destruction des mages. — Hérodote, Thalie, § 71 et suiv.

On sait que c’est un crime de lèse-majesté, à la Chine, et par conséquent un crime digne de mort, d’aborder l’empereur en face, de marcher droit à lui, de ne pas mettre pied à terre en sa présence sur une route, de ne pas s’agenouiller devant sa personne sacrée. C’est un crime digne de mort d’entrer en armes dans la salle d’audience, comme le faisait toujours le premier ministre Tong-Tcho.


Ce sceau précieux dont il sera question plus loin est d’environ huit doigts carrés et d’un jaspe fin, sorte de pierre précieuse fort estimée à la Chine. Aucun acte n’a force de loi ni de jugement sans l’apposition du sceau de l’empereur ; c’était donc pour le jeune prince une perte presque irréparable. Outre ce cachet de jaspe fin, qui est l’attribut particulier et exclusif du souverain, il en est accordé aux grands personnages de l’empire. Ceux des princes sont d’or ; ceux des vice-rois et des grands mandarins sont d’argent ; ceux des mandarins ou magistrats d’un ordre inférieur ne peuvent être que de cuivre ou de plomb. La forme en est plus ou moins grande, selon le rang qu’ils tiennent dans l’ordre des mandarins et dans les tribunaux. Lorsque le sceau d’un de ces officiers est usé, il doit en avertir le tribunal supérieur ; alors on lui en fait parvenir un neuf, et l’on exige qu’il remette l’ancien. — Description de la Chine, livre X.


Il vaut mieux lire : « Il venait d’apercevoir debout, derrière Ting-Youen… » Les chefs militaires du San-Koué-Tchy ont toujours avec eux un ou deux officiers qui les accompagnent même dans le conseil et les suivent partout, comme l’écuyer du moyen âge le chevalier qu’il avait adopté pour maître.


L’eunuque cité dans ce passage est Tchao-Kao. Il joua un grand rôle sous le règne de Tsin-Chy-Hwang-Ty, dont il s’acquit les bonnes grâces, et sut à propos seconder les vues de ce grand empereur si abhorré en Chine à cause de ses édits de proscription contre les livres et les lettrés. L’eunuque rusé fut premier ministre sous le successeur de Chy-Hwang-Ty, sous le faible Eul-Chy-Hwang-Ty, le dernier des Tsin. Une fois maître du pouvoir absolu, il s’en servit contre les princes mêmes de la famille régnante qu’il trouva bientôt le prétexte de faire périr, ainsi que la plupart des grands de la cour. Plus tard, il osa élever ses regards jusqu’au trône et forma le projet de sacrifier l’empereur à son ambition. Ce fut à cette époque qu’eut lieu cet incident raconté dans le San-Koué-Tchy ; Tong-Tcho se préparait à marcher sur les traces de l’eunuque, et son conseiller Ly-Jou l’y poussait par ses conseils.

Tchao-Kao fit enfin assassiner son prince ou plutôt il le força à se poignarder lui-même. Le successeur désigné de Eul-Chy, Tsé-Yng, que l’eunuque voulait abaisser au simple rang de prince, attira celui-ci dans un piége et le tua. La mort de ce ministre sanguinaire causa une joie universelle et fut célébrée par tout le peuple.


Un des anciens empereurs déposés ayant conservé le titre de roi de Hang-Nong, petite principauté fondée par Wou-Ty des premiers Han (l’an 112 ou 4e année Youen-Ting du règne de ce souverain). Le mot Hong-Nong-Wang prit à peu près la signification d’empereur honoraire, empereur déchu.


Cette lance se nomme dans le texte : Fan-Tien-Hoa-Ky ; nous ferons comme le traducteur mandchou qui a répété ces caractères sous la forme phonétique sans chercher à les interpréter.


Tay-Kia, de la dynastie des Chang, monta sur le trône l’an 1757 avant notre ère ; son ministre Y-Yn entreprit de le corriger des vices qui le rendaient odieux aux gens de bien. Voici comment ce fait est rapporté dans l’Histoire générale de la Chine, tome l, page 180. « Le vice avait jeté de trop profondes racines dans le cœur de Tay-Kia ; Y-Yng vit bien que ses exhortations étaient insuffisantes et qu’il fallait un remède plus efficace pour l’engager à changer de conduite. Pour éloigner le prince des sociétés qui l’entretenaient dans le mal, il fit bâtir un petit palais près du tombeau de Tching-Tang (grand-père de Tay-Kia et fondateur de la dynastie), et résolut d’y tenir le jeune souverain afin de l’obliger à écouter ses instructions. Voici comment Y-Yn s’y prit : il annonça au jeune empereur qu’il fallait aller au tombeau de son aïeul faire des cérémonies funèbres ; Tay-Kia ne fit aucune difficulté de s’y rendre, persuadé qu’il reviendrait bientôt. Mais les premières cérémonies achevées, Y-Yn lui fit entendre que, suivant la coutume des anciens, le deuil devait durer trois ans, et qu’il ne pouvait se dispenser de suivre cette loi. Tay-Kia y consentit. Y-Yn commença par interdire tout commerce entre Tay-Kia et les sociétés qui le perdaient. Alors il lui donna des leçons sur les obligations d’un prince à l’égard de son peuple et à l’égard de lui-même. Le ministre continua ses instructions, chaque jour, pendant trois années ; il réussit à changer entièrement le jeune empereur et à le rappeler à la vertu. » — Voir la biographie de Y-Yn au vol. III des Mémoires sur les Chinois.

L’empereur, nommé ici Tchang-Y-Wang (le roi de la ville de Tchang, du nom de l’endroit où il se retira), est Liéou-Ho, le huitième des Han, qui monta sur le trône l’an 74 avant notre ère. Son ministre Ho-Hwang s’appuya, pour le déposer, sur l’exemple de Y-Yn.


Le texte dit : « Mais un cavalier, brandissant sa lance, se mit à caracoler à l’entrée du jardin, hors de la porte. »


Cette cuirasse paraît être celle qui est représentée en regard de la page 373 du vol. VIII des Mémoires sur les Chinois, sous le no 133. L’explication la désigne ainsi : Cuirasse à l’imitation de la peau de l’animal appelé ny (et qui ressemble, dit-on, au lion). Suit un grand détail des procédés qui servent à la fabrication de ce genre de cuirasse fort légère et à l’épreuve du trait. L’époque des Tang étant très-postérieure à celle des faits rapportés dans le San-Koué-Tchy, peut-être faut-il traduire Tang-Ny comme un nom propre de deux caractères.


Une province du dehors doit s’entendre ici d’une province située au delà du territoire que l’on considérait comme le domaine de l’empereur. Ce domaine impérial était censé de mille lys carrés, environ cent lieues. — Voir la figure qu’en a donnée M. Pauthier dans la Chine, page 52.


Il semble que les camps des Chinois étaient, sous certains rapports, organisés comme ceux des Grecs. On peut s’en convaincre par le passage suivant d’Hérodote, Calliope, § 43. « Après que Mardonius eut interrogé les officiers de son armée sur les oracles… la nuit vint et l’on posa des sentinelles. Elle était déjà bien avancée, un profond silence régnait dans les deux camps, lorsque Alexandre, fils d’Amyntas, général et roi des Macédoniens, se rendit à cheval vers la garde avancée des Athéniens et demanda à parler à leurs généraux. Les sentinelles coururent avertir ceux-ci qu’il venait d’arriver au camp des Perses un homme à cheval… »


Le dragon, adopté comme emblème par les empereurs de la Chine, est un animal fabuleux dont le Dictionnaire de l’Académie, rédigé sous le règne de Kang-Hy, donne la description suivante : Il est le plus grand des reptiles à pieds et à écailles ; il peut se rendre obscur ou lumineux, subtil et mince ou lourd et gros ; se raccourcir, s’allonger, comme il lui plaît. Au printemps, il s’élève vers les cieux ; à l’automne, il se plonge dans les eaux. Il y a le dragon à écailles, le dragon ailé, le dragon cornu, le dragon sans cornes ; enfin le dragon roulé sur lui-même, qui n’a point encore pris son vol dans les régions supérieures. — Kang-Hy, au caractère Long ; et aussi le tome I des Mémoires sur les Chinois.


Le sens précis de ce passage, suivant la version mandchou, est celui-ci : « C’est à cause de Ting-Youen que je suis resserré dans une position sans issue. »


Une armée chinoise se compose ou de trois corps, celui de droite, celui de gauche et celui du centre, ou de cinq corps, c’est-à-dire des trois que nous venons de désigner auxquels s’ajoutent l’avant-garde et l’arrière-garde. Dans les deux cas, le général en chef commande la division du centre, appelée souvent la grande division, et c’est là que se trouve sa tente.


Il faut ajouter : » Ting-Tcho avait rassemblé ses troupes pour attendre le résultat de la mission de Ly-Sou. »


Tchéou-Kong était frère de Wou-Wang, fondateur de la dynastie des Tchéou (1122 avant notre ère) ; nommé par celui-ci gouverneur de l’Empire pendant la minorité de son neveu Tching-Wang, il mit toute son ambition à préparer pour la Chine un règne glorieux. Après les obsèques de Wou-Wang, il fit prendre le bonnet à Tching, alors âgé de quatorze ans, le conduisit dans la salle des ancêtres, l’invita à monter sur le trône et lui adressa les conseils que voici : « Un souverain doit, autant qu’il peut, donner un libre accès au peuple auprès de sa personne, et en éloigner tous les flatteurs. Souvenez-vous, prince, de bien employer votre temps, de mépriser les richesses, de n’avoir près de vous que des gens vertueux et sages, de n’accorder des emplois qu’aux gens de talent et de mérite. »

Tching-Wang régna trente-sept ans et fut un grand prince ; les auteurs chinois aiment à citer son nom à côté de celui de Tchéou-Kong.


Le texte mandchou dit avec plus de justesse : « Élever le second fils de Ling-Ty aux dépens de l’ainé, » qui était véritablement l’héritier présomptif.


Il faut lire : « Ceux qui manqueraient à l’appel auraient la tête tranchée. »


Tong-Tcho ayant fait descendre le jeune prince de dessus l’estrade, le fit se retourner vers celui qui s’y était assis à sa place et le força de s’agenouiller comme un sujet, le contraignant ainsi à rendre hommage le premier au nouveau souverain.


Il faut joindre les deux membres de phrase : « Ceux qui voudraient enfreindre cet ordre sévère seraient punis de mort, etc… »


Comme nous l’avons fait observer plus haut, il faut lire femme de second rang, au lieu de concubine. Ces femmes de second rang, en chinois Fou-Jin, avaient le titre de Héou, princesses.


Ces vers du jeune empereur captif sont rapportés par les annalistes ; on les trouve cités dans l’Histoire générale de la Chine, qui reproduit aussi toute cette scène tragique à laquelle l’auteur du San-Koué-Tchy n’a pas eu beaucoup à ajouter. Quant à l’épouse du prince (ligne 29), il nous aurait paru plus logique d’en faire une suivante de l’impératrice déposée, comme les traducteurs de L’Histoire générale (tome III, page 536). Le jeune souverain avait à peine quinze ans, âge légal pour le mariage des princes. Mais le texte chinois désigna cette femme par le caractère fey (bas. 1853), dont le sens est : Principis hœredis regni legitima uxor, et aussi : Secondariæ uxores seu concubinæ imperatoris. La version mandchou confirme cette dernière interprétation, en traduisant par le mot chinois Fou-Jin. D’ailleurs, la suite du récit ne laisse guère de doute sur le véritable caractère de ce personnage qu’on ne peut pas admettre comme historique.


Au lieu de « des femmes du harem », il faut lire, « des officiers du palais et des femmes du harem. »


Le mot anniversaire peut s’entendre ici, comme en français d’ailleurs, du jour qui correspond à la mort aussi bien que du jour qui correspond à la naissance ; aussi, dans l’Histoire générale de la Chine (tome III, page 536), ce passage a été traduit dans ce dernier sens : « Tong-Tcho… m’envoie vous annoncer que, dans un an, à pareil jour, sera votre anniversaire. » Bien que les deux textes chinois et mandchou ne semblent pas autoriser cette interprétation (et sans doute les missionnaires ont puisé à une source différente), nous serions tentés de la préférer et de nous soumettre très-humblement à l’avis de ces savants sinologues.


Ces petits vers sont assez difficiles ; le texte mandchou conduirait à traduire plus littéralement : « Quittant le royaume de dix mille chars, j’étais retourné veiller à la garde des frontières. Menacé par un de mes sujets, hélas ! je vois ma vie prête à finir… » Cette interprétation aurait l’avantage de faire sentir la position d’un prince qui, déjà détrôné, exilé, se voit condamné à mourir par un ministre ambitieux.


On doit traduire plus fidèlement : « Vous qui secourez les projets barbares de Tchéou-Sin ( ledernier souverain de la dynastie des Yn), vous qui vous associez servilement à ses crimes... » L’éditeur chinois fait même une note à ce sujet et on doit lui en savoir gré, car c’est une complaisance bien rare chez les éditeurs et chez les copistes orientaux ; il dit : « Le mot Tchéou est pris pour exemple et signifie cruel comme ee prince abhorré. La princesse emploie cette comparaison pour injurier l’assassin. »


Au lieu de quatre générations, il faut lire quatre siècles. Il y avait quatre siècles, comme on l’a vu plus haut, que les Han occupaient le trône. Les Chinois expriment les deux idées de siècle et de génération par le même caractère.


Il y a dans le texte : « Son Excellence s’est retirée dans sa bibliothèque depuis longtemps. Alors Tsao entra et vit le premier ministre assis sur son lit. » La bibliothèque est la chambre à coucher des Chinois ; les lettrés aiment à dormir au milieu de leurs livres.


On doit lire plus exactement : « Tong-Tcho, baissant son visage, a regardé dans le miroir qui lui sert à s’habiller, et il a vu le glaive sortir du fourreau... »


Ce passage ayant été un peu abrégé, la traduction que nous en avons faite pourrait ne pas satisfaire ceux qui liraient le texte ; nous la reprenons sous la forme du discours direct : « Le chef du district dit : Lorsque je suis allé à la capitale solliciter un emploi, j’ai appris à vous reconnaître, car je vous y ai vu. — Puis il lui fit enlever le cheval (que Tsao avait volé), et il reprit d’un ton plus rude : Pourquoi cherchez-vous à me tromper ?... »


Il vaut mieux traduire comme le mandchou : « Pourquoi vous êtes-vous mis volontairement, de gaieté de cœur, dans ce mauvais pas ? »


Les illustres personnages que l’auteur présente ici comme des héros doués de courage, de désintéressement, de toutes les vertus publiques et privées, nous les voyons plus loin reparaître sous des couleurs beaucoup moins favorables, et presque tous ils finissent par se montrer d’ambitieux partisans, plus préoccupés de se déclarer indépendants et libres dans des principautés et des royaumes isolés, que de veiller au salut de l’empire.


Liéou-Hiuen-Té était allié à la famille impériale, voilà pourquoi il arborait la bannière jaune. Il ne faut pas oublier que le nom propre des Han est Liéou ; ils le tiennent de leur aïeul Liéou-Pang.


Cette scène assez solennelle de la nomination d’un chef des confédérés et de la prestation du serment se trouve dans l’histoire de la Chine à des époques antérieures et dans des circonstances analogues. L’an 23 de l’ère chrétienne, quand de fidèles sujets se levèrent en masse contre l’usurpateur Wang-Mang, on éleva un théâtre sur lequel on fit monter Liéou-Hiuen ( de la famille des Han ) comme sur un trône ; là, tous les officiers généraux saluèrent leur chef. Plus tard , quand un autre parti dévoué aussi à la légitimité fut assez considérable, les chefs (Wey-Tsouy, Wey-Y et Wey-Ngao) élevèrent un vaste pavillon dans lequel on sacrifia en l’honneur du fondateur de la dynastie des Han et des plus célèbres empereurs de cette famille. Ensuite les généraux assemblés tuèrent un cheval dont ils burent le sang suivant l’ancienne coutume, et firent le serment de sacrifier leur vie pour punir le perfide Wang-Mang et rendre aux Han le trône usurpé par celui-ci.


Les cinq bannières (appelées en chinois Ky, en mandchu To), doivent être regardées ici comme des étendards sur lesquels étaient représentés deux dragons enlacés. La grande bannière blanche (en chinois Pé-Mao, en mandchou Changguian-Mâo), est un étendard orné de la queue d’un bœuf sauvage. Quant à la hache, voici l’explication qu’on en donne au vol. VII des Mémoires sur les Chinois, article 1er du Lou-Tao :

« Le roi, prenant entre ses mains la petite hache, en séparera le fer d’avec le manche, et remettra le manche au général, en lui disant : D’ici-bas jusqu’au ciel, donnez des ordres et faites-les exécuter. Il prendra alors la grande hache, en séparera également le manche d’avec le fer, et remettra le fer entre les mains du général, en lui disant : Du lieu que vous foulez aux pieds jusqu’au centre de la terre, donnez des ordres et faites-les exécuter... » Ici il n’est question que de la grande hache ; les dictionnaires expliquent ainsi le caractère Youe (3169 et 11431 ) : « Hache militaire dont le fer est large et le manche long... »

Nous avons parlé plus haut des sceaux remis aux officiers civils et militaires ; nous y ajouterons ces lignes empruntées aussi au vol. VIII des Mémoires sur les Chinois : « Les généraux avaient entre les mains la moitié d’un des sceaux de l’empire, dont l’autre moitié restait entre les mains du souverain ou de ses ministres. Quand ils recevaient des ordres, ces ordres n’étaient scellés que d’une moitié du sceau, laquelle ils joignaient avec la leur pour s’assurer qu’ils n’étaient pas trompés ; mais quand une fois cette moitié du sceau était déchirée ou rompue, ils n’avaient plus d’ordre à recevoir. » Or, une fois hors des frontières, le général n’ayant plus d’ordres à recevoir de la capitale trop éloignée du théâtre de l’expédition, devait déchirer la partie du sceau restée entre ses mains, se déclarant ainsi maître d’agir à son gré.

Ce que nous avons traduit par « le sceau de la confédération, » en chinois Ping-Fou, le sceau militaire, en mandchou Hontoho-Toron, le sceau dont on a une moitié, doit s’entendre par le sceau de Youen-Chao lui-même, chef suprême de ligue ; les mots Tsiang-Yn, cachet du général , exprimeraient le sceau que le généralissime était censé recevoir de l’empereur.


Littéralement : « On brûla le papier. » On affirme que le papier a été connu en Chine sous Wey-Ty (qui régna de 180 à 157 avant notre ère) ; il nous a paru plus naturel de mettre « des tablettes de bambou » entre les mains de ces guerriers réunis en rase campagne. On doit entendre qu’ils brûlèrent cette formule écrite sur des planchettes ou sur du papier, afin de l’envoyer ainsi vers ciel pris à témoin de leur serment.


Ces passages, dont il est souvent question, étaient des défilés défendus par un mur, par une porte solide, surmontée, comme celles des villes, d’une galerie propre à renfermer des combattants, garnie de plates-formes du haut desquelles les archers et les arbalétriers faisaient pleuvoir sur les assaillants les flèches et les pierres. Au reste, on trouve la mention de pareils passages dans l’Histoire de la Grèce ; à l’ouest des Thermopyles, près de l’autel consacré à Hercule, le défilé était fermé d’une muraille dans laquelle on avait anciennement pratiqué des portes. Au sortir de la Phrygie et pour entrer en Cappadoce, on rencontrait l’Halys, sur lequel il y avait des portes qu’il fallait nécessairement passer pour traverser ce fleuve et un fort considérable pour la sûreté du passage. Sur la frontière de la Cilicie se trouvaient encore deux défilés et deux forts qui les défendaient.


Cette arme, fort ancienne à la Chine, a aussi été en usage par toute l’Europe au moyen âge chez les Sarrasins, dans l’Inde même ; elle a joué un grand rôle dans les guerres des croisades. Les Chinois s’en servaient également à la chasse, comme on peut le voir dans la planche 2, Chasse en été, de la Chine, par M. Pauthier.


Il faut traduire plus littéralement : « Tsao-Tsao ayant fait préparer une tasse de vin chaud, la donne à Kouan-Mo, en lui disant : Buvez et montez à cheval ! Le héros répond : Versez, je cours à l’ennemi... » C’est-à-dire qu’il ne boit pas cette coupe ; et il a si vite triomphé de son adversaire, qu’il est de retour avant que le vin ne soit refroidi. Nous insistons sur le sens de cette phrase, parce que le texte est assez obscur ; à moins qu’on ne traduise : « Il fait préparer le vin, afin qu’après avoir bu il monte à cheval ; mais celui-ci... »


C’est-à-dire : « Voyez comme avec arrogance ils se permettent de faire des exploits ; comme, sans ordre, chacun sort des lignes et court au combat. »


L’expression « les huit grands vassaux » n’est peut-être pas exacte ; alors il faudrait entendre huit généraux, chefs de division : Wang-Kwang, Kiao-Mao, Pao-Sin, Youen-Y, Kong-Yong, Tchang-Yang, Tao-Kien, Kong-Sun-Tsan, tous commandants de provinces. L’armée des confédérés se composait de huit divisions en tout.


Nous redonnons ici, pour ceux qui n’aiment pas les traductions abrégées, ce passage un peu long et qui nous semblait ralentir le récit : « Cependant les huit commandants supérieurs rassemblent leurs troupes et délibèrent. Liu-Pou est un héros à qui personne ne peut tenir tête… Et déjà on vient annoncer que ce général victorieux redemande le combat. A la tête d’un groupe de cavaliers, la bannière au vent, il se précipite sur les lignes. Un officier aux ordres de Tchang-Yang s’élance au galop pour le combattre ; à la première attaque, Liu-Pou le renverse mort à bas de son cheval.

« Les huit généraux sont frappés de terreur ; un officier aux ordres de Kong-Yong s’avance et dit : Voilà dix ans que je suis comblé des bienfaits de mon maître, pourquoi ne risquerais-je pas ma vie pour acquitter la dette de la reconnaissance ? Kong regarde et reconnaît un de ses clients, un héros de sa division, nommé Wou-Ngan-Koué. Armé d’une masse de fer du poids de cinquante livres, ce guerrier vole au-devant de l’ennemi. Dix fois il croise le fer avec Liu-Pou, qui lui coupe l'avant-bras d’un coup de son cimeterre. Ngan-Koue laisse tomber sa masse et s’enfuit… Les huit grands chefs s’ébranlent à la fois et marchent au secours du héros blessé. Liu-Pou tourne bride et abandonne le champ de bataille.

« Tant de combats inutiles et même funestes livrés par les huit grands généraux sont enfin annoncés à Youen-Chao. Tsao-Tsao vient le trouver et lui dit : Liu-Pou est un brave, un guerrier sans rival dans l’empire. Réunissons les dix-huit corps d’armée et attaquons-le en masse. Avisons au moyen de nous débarrasser de cet adversaire trop dangereux ; une fois qu’il sera anéanti, nous aurons bon marché de Tong-Tcho.

« Ils parlaient encore quand on les vint avertir que Liu-Pou revenait à la charge. En avant les huit divisions, crie Youen-Chao… Déjà Liu-Pou a attaqué vigoureusement Kong-Sun-Tsan qui s’élance hors des rangs, en personne, et le menace de sa massue de fer. — Prends ta pique, lui crie Liu-Pou, viens, je t’attends… Ils luttent, et bientôt Sun-Tsan, tournant bride, revient précipitamment sur ses pas. Monté sur son cheval rouge qui semble avoir des ailes, sur son coursier rapide comme le vent, capable de parcourir cent milles dans un jour, Liu-Pou le poursuit, le presse de plus en plus… Déjà il va lui enfoncer sa pique dans le dos ; mais à côté de Sun-Tsan parait un chef aux yeux ronds, aux prunelles ardentes, à la barbe hérissée comme le tigre ; la lance en arrêt, il se précipite et crie d’une voix méprisante : Vil esclave, trois fois traître, ne fuis pas ainsi ! Je suis Tchang-Fey, du pays de Yen.

« Liu-Pou le voit, et, cessant de poursuivre Kong-Sun-Tsan, il s’attache à ce nouvel adversaire. Tchang-Fey brille de tout son courage surnaturel en se préparant à cette lutte terrible ; les grands généraux l’admirent et restent immobiles. D’un cité, Tchang-Fey en manœuvrant sa pique déploie une vigueur incroyable, une force désordonnée ; de l’autre, LiuPou s’anime peu à peu.

« Enfin, transporté de colère, le bouillant Tchang-Fey pousse un cri, Kouan-Mo lance son cheval en avant, brandit son lourd cimeterre recourbé comme une faux ; Liu-Pou est assailli de deux côtés : les trois chevaux se heurtent, les trois cavaliers s’attaquent trente fois. À cette vue, Hiuen-Té éprouve une secrète joie. — Si je ne frappe pas maintenant, se dit-il, quelle meilleure occasion puis-je attendre ? Armé de son cimeterre à deux tranchants, il fouette son cheval aux crins jaunes et se jette sur Liu-Pou. Les trois amis, les trois frères adoptifs, entourent le terrible guerrier, qui résiste sur tous les points comme un phare tournant.

« Les huit chefs confédérés sont éblouis de tant d’audace ; Liu-Pou, cependant, ne peut tenir tête à cette triple attaque. Visant droit à la face de Hiuen-Té, il lui porte un coup de lance que celui-ci évite, et tandis que son ennemi a fait un mouvement pour parer le fer, il profite du moment pour s’esquiver ; la lance inclinée, il fouette son cheval rapide et se sauve. Les trois guerriers le poursuivent sans relâche ; alors aussi, avec de grandes clameurs, marchent les huit divisions. Les troupes de Liu-Pou fuient précipitamment vers les passages ; serré de près par ses trois redoutables adversaires, le héros arrive au pied du rempart ; là, Tchang-Fey lève la tête et voit… »


LIVRE II.


Bien que le texte parle de deux cavaliers envoyés près de Sun-Kien, il n’en nomme qu’un, Ly-Kio. L’autre doit être Tchao-Tsin, qui livra aux confédérés le passage de Ky-Chong, comme il est dit plus bas, page 99, ligne 29.


Courir le cerf signifie, dans les anciens auteurs, obtenir le pouvoir ; par les mots : « Le cerf s’est enfui dans Tchang-Ngan, » on peut entendre : L’autorité, la puissance impériale s’est retirée dans Tchan-Ngan...


La capitale des Han était d’abord Sy-Ngan-Fou (appelé aussi Tchang-Ngan, le repos durable, dans le Chen-Sy). L’an 25 de notre ère, l’empereur Kwang-Wou-Hwang-Ty alla s’établir à Ho-Nan-Fou (autrement Lo-Yang) dans le Ho-Nan.


Il est fait allusion, dans ce passage, à l’usurpation de Wang-Mang et aux guerres civiles qui désolèrent la Chine à cette époque. Lorsque Wang-Mang se fut rendu maître du pouvoir, le mécontentement du peuple et la misère à laquelle on n’apportait aucun soulagement, réunirent un grand nombre de sujets fidèles autour d’un chef partisan nommé Fan-Tchong. Wang-Mang fit marcher contre lui des forces considérables ; Fan-Tchong, averti que les troupes impériales venaient l’attaquer, ordonna à tous ses soldats de se peindre en rouge les sourcils, voulant faire entendre par là qu’ils étaient prêts à se défendre jusqu’à la dernière goutte de leur sang. Ce sont là les fameux Sourcils Rouges, en chinois Ky-Mey, qui prirent parti d’abord simplement contre l’usurpateur Wang-Mang, puis bientôt aussi pour les princes légitimes de la famille Liéou, des Han. Lorsque Liéou-Hiuen monta sur le trône, le corps puissant des Sourcils Rouges, qu’il songeait à désarmer, lui causa bien des inquiétudes.

Les Sourcils Rouges, sous Kwang-Wou-Ty, l’an 26 de notre ère « abandonnèrent la ville de Tchang-Ngan, après en avoir dévasté les environs. Le jour marqué pour leur départ, ils chargèrent sur des chariots tout l’or et l’argent avec les meubles précieux qu’ils avaient pillés, et firent main basse sur ceux dont ils avaient à se plaindre. Après avoir mis le feu à plusieurs endroits de cette capitale et au palais des empereurs, ils sortirent... » Histoire générale de la Chine, vol. III, page 284, on voit que Tong-Tcho imita en tous points ces bandes indisciplinées.

Quant aux Keng-Chy du texte, nous croyons que c’est le célèbre corps de cavalerie aux ordres du rebelle Ouan-Lang, qui se fit un parti assez considérable l’année suivante sous Liéou-Hiuen. Ces Keng-Ky décidèrent plusieurs fois du sort des batailles.


Les passages de Hiao et de Han sont des défilés qui commandent l’entrée des vallées. Hiao est aussi le nom d’une rivière. Au lieu de « on est près du mont Long-Yeou , etc., » il faudrait entendre : « On est près du lieu appelé Long-Yeou » (dans les montagnes), pour se conformer au sens du texte mandchou. Cependant il semblerait plus naturel, sinon plus correct, de traduire : « On a à sa portée le versant méridional des monts Long, où l’on trouve tout ce qui peut servir à bâtir une ville. »


C’est-à-dire que, dans cette émigration violente, on faisait escorter une troupe de gens du peuple, désarmés, traînant leurs vivres et leurs bagages, par un détachement de soldats ; et toute la population sortit ainsi, régulièrement entremêlée de soldats.


Déjà les tombeaux des empereurs avaient été violés, l’an 206 avant notre ère, par Hiang-Yu, qui disputait l’empire à Liéou-Pang, aïeul des Han : « Hiang-Yu prit le chemin de Hien-Yang dans le dessein de détruire cette capitale, afin que Liéou-Pang ne pût profiter des richesses qui y étaient accumulées. Ce général cruel et vindicatif donna ordre de passer au fil de l’épée tous les habitants, sans distinction d’âge ni de sexe : le prince Tsé-Yng, le dernier des Tsin, y périt avec toute sa famille. Peu satisfait de ce massacre horrible, Hiang-Yu livra la ville au pillage, et après avoir enlevé les richesses du magnifique palais bâti par Tsin-Chy-Hwang-Ty, il y fit mettre le feu, qui fut trois mois entiers à consumer cet édifice immense. La vengeance de Hiang-Yu se porta jusque sur les morts ; il profana les tombeaux des Tsin. Il en fit tirer les cadavres des princes de cette famille pour les réduire en cendres qui furent jetées au vent. »


Cette phrase présente quelque difficulté ; le mandchou traduit : « Je ne sortirai pas du plan qu’a tracé Ly-You. » Si ce n’était la particule mandchou tchy, ex, de, on pourrait entendre : « Je n’exécuterai pas, je ne mettrai pas en action, en lumière, le plan proposé par un autre… »


Mot à mot n tu abandonnes furtivement la partie, tu fuis du lieu où tu devais nous attendre. »


Au vol. VIII des Mémoires sur les Chinois, à la planche XXVI, on voit le dessin de quatre sortes de flèches ainsi nommées : flèche en sourcils, flèche en ciseaux, flèche à percer la cuirasse, flèche à diviser les épaules. Cette dernière est longue, tranchante, effilée ; rien n’empêche de supposer que le trait qui s’enfonça dans l’épaule de Tsao-Tsao appartenait à cette quatrième espèce.


Au lieu de traduire : « Les yeux tournés vers le firmament, il regarde, » on rentrerait mieux dans l’idée de l’écrivain, en disant : « Il examine l’aspect du ciel, il cherche à lire dans l’avenir en observant les astres… »


Il y a littéralement : « Il dit au soldat de prendre un flambeau, de descendre dans le puits et d’en retirer ce qu’il y trouvera. »


La légende inscrite sur le sceau se composait de huit caractères, dont le sens doit être rectifié ainsi : « La mission de gouverner la terre qui m’a été confiée par le ciel durera éternellement, c’est-à-dire je jouirai éternellement de cette délégation du pouvoir... »


Il vaut mieux entendre dans un sens plus général : « Sont sous nos ordres... »


La traduction littérale de ce passage serait : « Au commencement, nous avons levé une armée fidèle pour détruire les rebelles dans l’intérêt de la dynastie ; les grands vassaux sont accourus pleins de zèle pour la cause des empereurs... »


Les trois districts du nom de Fou (en chinois San-Fou), sont trois divisions de la province actuelle du Chen-Sy.


Liéou-Tay, vice-roi de Yen-Tchéou, avait envoyé demander des vivres à Kiao-Mao, commandant militaire de Tong-Kiun ; celui-ci refusa de lui en prêter ; de là la querelle. Il s’agissait donc de vivres refusés et non de vivres empruntés que Kiao-Mao n’aurait pas voulu rendre, comme nous l’avons dit par erreur.


On lit au vol. III de l’Histoire générale de la Chine, page 492 : « Les académiciens avaient donné lieu de suspecter leur fidélité, surtout à des esprits malintentionnés et prévenus contre eux. Tchin-Fan, Teou-Wou (voir page 1 du San-Koué-Tchy) et Liéou-Chou se faisaient appeler les trois sages (San-Kiun) ; on les nommait encore les trois chefs ou les trois maîtres. Ly-Yng, Siun-Y, Tou-My, Wang-Tchang, Liéou-Yu, Oey-Lang, Tchao-Tien et Tchu-Yu, se nommaient les huit hommes d’un mérite extraordinaire et supérieur aux autres (Pa-Tsiun). Kouo-Tay, Fan-Pong, Yn-Hiun, Pa-Sou, Tsong-Tsé, Hia-Fou, Tsay-Yen et Yang-Tsy avaient le nom de Pa-Kou, les huit attentifs aspirant au plus haut degré de sagesse. » Enfin, les huit autres dont les noms sont mis en note de la page 108 (ainsi que leurs surnoms ; nous avons jugé inutile d’y joindre ceux des pays où ils sont nés) avaient pris le titre de Pa-Ky, « voulant faire entendre par là qu’ils étaient capables tous les huit de devenir un jour les chefs de l’académie. »


Pour détruire ce qu’il y a de confus dans cette phrase, il faudrait lire : « Han-Fou lui-même vous cédera volontiers, général, la direction, le gouvernement de sa province... »


Ces Barbares, que nous avons désignés par les mots de « peuples pasteurs du nord-ouest de la Chine, » sont les Kiang-Hou. Ils s’étaient révoltés l’an 160 de notre ère, sous le règne de Hiouan-Ty ; à plusieurs reprises, ils désolèrent par leurs dévastations l’empire des Han, menacé à l’est par les Sien-Py de race coréenne ; à l’ouest par les Ou-Sun, que Klaproth range parmi les peuples Alano-Goths de l’Asie centrale. Les Kiang, de race tibetaine, s’allièrent, l’an 155 de notre ère, avec les Hiong-Nou du midi, tribus de race turque, pour envahir quelques provinces de la Chine désolées par la famine et par des pluies continuelles.


Cette mention d’un canon doit surprendre le lecteur, et nous n’hésiterions pas à y voir un anachronisme de l’écrivain chinois, s’il ne se présentait une manière plausible de l’interpréter. Le texte chinois donne bien Pao Hiang, le son du canon, traduit en mandchou par le même mot Pao ; Pao-Sintefi, il tira le canon. Pour ne pas répéter ce que nous disons plus bas à la note de la page 205, nous nous bornerons à faire remarquer que le père Amiot, dans son Mémoire sur l’art militaire des Chinois, avoue que Kong-Ming, qui joue un si grand rôle dans la seconde partie du San-Koué-Tchy, entendait déjà parfaitement l’usage des armes à feu et les employait avec succès. Il est vrai que ce Tao-Tsé, personnage fort extraordinaire, passait pour magicien. Nous renvoyons le lecteur à la Description de la Chine, livre XV, pour plus amples détails sur l’invention de la poudre par les Chinois. La planche XIX de la Chine, par M. Pauthier, intitulée Yeou-Wang donnant une fausse alarme, représente très-bien ce que nous nous figurons par ce canon à faire des signaux.


Au lieu de « princes de second rang, » il vaut mieux lire « grands vassaux, seigneurs des provinces » ; en mandchou holo-i-peise.


Tchéou cité ici est le même Tchéou-Kong dont il a été question à la note de la page 65. Tchao est Tchao-Kong, roi de Lou, qui régnait sur ce petit état au temps où Confucius vivait. « L’an 517 avant notre ère, ce prince étant allé dans le royaume de Tsy, où il demeura quelques mois, apprit que les troubles qui commençaient à s’élever dans sa principauté de Lou avaient obligé Confucius de passer dans celle de Tsy ; il fut plus affligé de la retraite de ce grand philosophe que du désordre qui arrivait dans son royaume. » Histoire générale de la Chine.


Kia-Fou et Kiéou-Sun sont deux généraux célèbres du temps de Kwang-Wou-Ty, régénérateur de la dynastie des Han, le même qui transporta la cour dans le Ho-Nan. Le premier rendit d’importants services à ce grand empereur en réduisant les rebelles du Hien-Tchéou ; le second s’offrit d’apaiser, près de Lo-Yang, la nouvelle capitale, une révolte assez menaçante ; des rebelles avaient pris les armes pendant l’absence du souverain. La victoire fut due en grande partie à la présence de l’empereur qui, marchant sur les traces de son général, intimida les mécontents ; ceux-ci se soumirent aussitôt et vinrent implorer la clémence de Kwang-Wou-Ty.


Liéou-Piéou était parent des empereurs, les Han ayant le même nom de famille. Voir plus haut la note de la page 82.


Il faut plutôt traduire : « Ne laissons pas les troupes du Kiang-Tong, de la province à l’est du fleuve Kiang, retourner dans leur pays ; tâchons de les détruire et commençons par décapiter l’envoyé que voici, ensuite nous emploierons un moyen que je vais proposer... »


Ce Tsay-Yong avait, comme on l’a vu au commencement du San-Koué-Tchy, dénoncé courageusement à l’empereur les crimes des eunuques. Plus haut (page 62), il a reparu ; intimidé par les menaces de Tong-Tcho, hésitant entre son devoir et la crainte de la mort, il finit par suivre le parti du ministre tout-puissant et se dévoue à sa cause. Cette lâcheté de l’historien Tsay-Yong indisposa contre lui les mandarins fidèles, surtout Wang-Yun qui le fit périr, comme on le verra par la suite. Il jouissait d’une grande réputation comme lettré ; en voici une preuve :

« L’empereur (Han-Ling-Ty), ne voulant pas être regardé comme ennemi des sciences, auxquelles la perte de tant d’habiles gens (les académiciens décimés par les proscriptions) devait nécessairement être fatale, ordonna à Tsay-Yong de faire graver sur quarante-six pierres les soixante King en cinq sortes de caractères, connus sous les noms de Ta-Tchuen, de Siao-Tchuen, de Ly-Chu, de Kiay-Chu et de Ko-Téou-Wen, en choisissant parmi ces derniers ceux qui avaient été en usage sous les trois premières dynasties des Hia, des Chang et des Tchéou ; ce choix était fait sur les soixante-dix sortes de caractères dont on se servait dans ces premiers temps et dont on n’avait presque plus de connaissance... » Histoire générale de la Chine, tome III, page 498.


Tong-Tcho avait en réalité usurpé la place de l’empereur ; le heurter au passage devenait ainsi un crime de lèse-majesté et punissable de la peine de mort ; voilà ce que signifie l’exclamation réitérée de Ly-Fou.


Tchwang-Wang, roi de Tsou, monta sur le trône l’an 613 avant notre ère.


Tching-Ping était un officier du roi de Goey ; dès que le roi de Han, l’aïeul des empereurs de la dynastie de ce nom, eut transféré la cour à Ly-Yang (l’an 205 avant notre ère), il vint se ranger sous ses drapeaux. Le roi des Han, qui lui reconnut de la capacité, lui donna un emploi assez considérable dans ses armées. Les anciens officiers murmuraient de ce qu’on leur préférait un étranger, un nouveau venu. Le roi les écouta avec bonté ; il fit venir Tching-Ping et lui dit : « Vous avez servi le roi de Goey et vous l’avez quitté pour vous donner à Pa-Wang, roi de Tsou ; à peine ètes-vous resté quelques mois sous ses drapeaux, que vous venez vous ranger sous les miens. Une pareille inconstance doitelle me donner de la confiance en vous ?

« Le roi de Goey, répondit Tching-Ping, ne récompense pas le mérite, parce qu’il n’a pas le talent de le discerner. Les liens du sang sont la seule recommandation auprès de Pa-Wang, à qui d’ailleurs on ne peut se fier. Vous seul, prince, savez employer chacun selon sa capacité

Je n’aurais pas accepté vos largesses, si j’eusse cru ne pas vous être utile ; je les ai mises sous le sceau pour être rendues à qui vous l’ordonnerez. Je ne veux pas accepter vos bienfaits si je ne les paie de ma personne… » Histoire générale de la Chine, tome II, page 461.


Ce Han-Sin, auquel il est fait allusion plus loin, fut nommé par Kao-Tsou, le premier des Han, général en chef des armées, l’an 206 avant notre ère.


L’usage de sceller le serment avec du sang a été connu chez beaucoup de peuples de l’antiquité, et il l’est encore d’un grand nombre de peuplades sauvages. En Europe même, dans les derniers siècles, on en retrouve quelques exemples ; le plus remarquable sera sans doute le suivant : Lorsque Henri III entra en Pologne pour prendre possession de ce royaume, il trouva à son arrivée trente mille chevaux rangés en bataille. Le général, s’approchant de lui, tire son sabre, s’en pique le bras, et, recueillant dans sa main le sang qui coulait de sa blessure, il le but, en lui disant : « Seigneur, malheur à celui de nous qui n’est pas prêt à verser pour votre service tout ce qu’il a dans les veines ; c’est pour cela que je ne veux rien perdre du mien. »


Le Ly-Sou est celui même qui a engagé Liu-Pou à égorger son premier père adoptif, Ting-Youen (page 58). Ce dernier est le même qu’on trouve quelques lignes plus bas désigné par les deux noms réunis, Ting-Kien-Yang.


Nous avons multiplié par dix le nombre des mesures de grain, parce qu’il y a en chinois une expression qui signifie dix petits boisseaux ; chy, en mandchou houle.


L’Histoire générale de la Chine confirme ces odieux détails de la mort de Tong-Tcho et les rapporte presque dans les mêmes termes.


L’histoire de l’écrivain Ssé-Ma-Tsien se trouve dans les Mélanges asiatiques de M. Abel Rémusat, et dans les Portraits des Chinois célèbres, vol. III des Mémoires, page 17.


Ces quatre lieutenants de Tong-Tcho étaient venus avec lui du Sy-Liang. Voir page 42.


Littéralement : « Reparaîtront en dedans des passages. » On se rappelle que les mécontents s’étaient retirés hors de la capitale et de son territoire, dans les provinces, pour s’y rassembler et y organiser la résistance aux tyrannies de Tong-Tcho.


Ce passage présente quelque difficulté ; nous le traduisons mot à mot : « Ayant écrit les dignités qu’ils réclamaient, ils vinrent présenter (leur requête) à l’empereur. Comme par la violence ils avaient déjà un rang égal (à celui qu’ils exigeaient), le prince consentit aussitôt à les leur accorder. »


Nous avons expliqué plus haut (à la note de la page 84) ce que signifient la hache et le sceau.


Les deux chefs de second rang cités ici sont Ly-Mong et Wang-Fan, qui jouèrent plus tard un rôle assez important.


Le texte chinois dit même : « Un peu de peau et d’ossements. » Ce sont là des détails qu’on peut retrancher sans inconvénient dans une traduction. Ainsi, plus bas, le narrateur exprime avec la même énergie que « les restes de Tong-Tcho furent réduits en bouillie, en boue. »


L’empereur donna aux deux généraux qui venaient le secourir des titres qui leur accordaient une pleine et entière autorité sur les provinces d’où ils étaient venus ; on pourrait traduire : « Il nomma l’un général chargé de soumettre les pays de l’ouest, l’autre général chargé de maintenir dans l’ordre ces mêmes pays. »


Liéou-Tay avait fait partie de la confédération dont Youen-Chao était le général en chef. Voir page 107.


Pao-Sin, de l’ancienne confédération, a déjà paru dans cette histoire (voir page 86) ; ce fut lui qui le premier attaqua l’avant-garde de Tong-Tcho ; il combattit sans avoir reçu d’ordre, et essuya une défaite dans laquelle périt son frère Pao-Tchong.


Nous avons omis la désignation des districts et des provinces dans lesquels sont nés tous ces personnages ; c’est déjà assez d’avoir accumulé tant de noms propres peu harmonieux. Les Chinois aiment beaucoup ces scènes de roman ou plutôt d’histoire, où les hommes de talent, successivement désignés, se recommandent les uns aux autres. Il eût peut-être mieux valu citer ces généraux et ces conseillers militaires en note, comme nous l’avons fait plus bas, sans retracer ces détails biographiques qui n’ont guère d’intérêt dans une introduction ?


Il y a dans le texte : « En le voyant, Tsao dit : Il sera pour moi un autre Tseu-Fang. » Allusion historique à Tchang-Léang, nommé aussi Tseu-Fang ; il fut ministre sous Liéou-Fang, plus connu sous le nom de Han-Kao-Tsou, qui fonda la dynastie des Han. Voir la biographie de ces deux personnages, Mémoires sur les Chinois, vol. III, et leur vie tout entière dans le vol. III de l’Histoire générale de la Chine.


Le texte dit : « Faisons semblant d’être des voleurs, etc., » ce qui semblerait assez naïf, puisqu’on effet ils se comportent comme des brigands. Le sens est donc : « Commettons un crime qu’on attribuera à des voleurs et dont on ne pensera pas à nous accuser. »


Il y a dans le texte : « Sur l’autre il avait fait peindre ou écrire les mânes de son oncle Tsao-Té, » ce qui ne présente pas un sens plausible ; nous avons cru devoir traduire les mots chinois Ling-Hoen (apud christianos anima rationalis, selon Basyle de Glemona), et les mots tartares Souré-Fayanga (les mânes, les parties subtiles de l’homme après sa mort, selon Amiot), par « image d’un homme qui n’est plus », comme on dirait qu’on a vu apparaître en songe l’esprit d’un mort.


LIVRE III.


Le texte chinois semble dire : « Je suis le régent de la planète Mars, je préside au feu dans la partie méridionale du ciel. » Le tartare-mandchou donne l’interprétation que nous avons suivie. Pour bien comprendre l’esprit de ce petit conte, il faut lire le livre des Récompenses et des Peines, traduit en français par M. Stanislas Julien.


Il est évident que tous les rebelles qui dans ces temps d’anarchie se soulevèrent pour des raisons quelconques furent appelés par les populations effrayées du nom de Bonnets-Jaunes, en souvenir de la grande révolte que plusieurs années auparavant avait suscitée le sorcier Tchang-Kio.


Il s’agit encore ici, comme plus haut (page 153), du grand boisseau qui contient dix mesures plus petites désignées en français par le même mot.


Cet usage de porter deux arcs au combat semble particulier aux Chinois ; ils étaient enfermés dans un étui et pendus au côté du cavalier.


Par ces mots : « Êtes-vous au service de Kong-Yong ? » il faut entendre, comme le fait pressentir la réponse : « Êtes-vous au nombre des soldats du district de Kong-Yong, au nombre de ceux qui se trouvent naturellement sous les ordres du gouverneur ? »



Voir page 112 l’arrivée de Tseu-Long près de Kong-Sun-Tsan, alors en guerre avec le généralissime de la confédération des grands, Youen-Chao.


Il s’agit ici de la partie de son armée que Tsao-Tsao commandait en personne ; le reste de ses troupes (voir page 174) avait été confié aux généraux et aux conseillers militaires qui gardaient la province en son absence.



L’éditeur chinois dit en marge : « Oh ! le traître artifice que Tsao-Tsao emploie là ! »


On se rappelle que Tchao-Yun (son surnom Tseu-Long) appartenait à Kong-Sun-Tsan qui l’avait, pour ainsi dire, prêté à Hiuen-Té avec un corps auxiliaire de deux mille hommes. L’écrivain chinois insiste à dessein sur le lien d’affection qui unit le jeune héros au grand homme descendant des Han ; dans la suite, Tseu-Long joue un rôle de plus en plus brillant.


Tsao-Jin, chassé d’une partie du Yen-Tchéou, se retirait vers Tsao-Tsao. Voir plus haut, page 192.


Cet épisode des guerres du temps de Liéou-Pang (année 204 avant notre ère) est raconté d’une façon plus concise et plus claire au tome II de l’Histoire générale de la Chine, page 465. Nous avons dû traduire le passage tel qu’il est dans le texte.


Dans le texte mandchou, il y a une nuance que le chinois ne fait pas sentir ; en suivant la première de ces deux versions, on traduirait mieux : « Mangez ce soir du pain, des vivres secs, soupez ; demain matin vous mangerez votre riz, vous déjeunerez après avoir enlevé la ville ennemie. »


Le texte dit littéralement : « Les soldats de Tsao venus de loin sont las et harassés ; ils ont intérêt à combattre au plus vite. Ne les laissez pas prendre haleine, se refaire par le repos ; car, après cela, il serait difficile de les faire reculer. » Notre traduction, bien que renfermant la même pensée, pourrait présenter un contre-sens au premier aperçu.


Le mot que nous avons traduit par « tambour de nuit » est expliqué au mot Pang du dictionnaire chinois de Basyle de Glemona (1261), par « Bois creux dont ceux qui veillent pendant la nuit se servent pour faire du bruit. » Morrison ajoute qu’on s’en sert dans les bureaux publics et à l’armée. Le dictionnaire d’Amiot interprète différemment ce même objet qui se dit Pan en mandchou ; il l’appelle « une plaque de fer coulé dont on se sert en guise de cloche. »


Il s’agit ici des deux grandes rues qui traversent la ville chinoise en se croisant à angle droit ; les quatre extrémités de ces deux rues correspondaient aux quatre points cardinaux et conduisaient aux portes. Un peu plus loin (page 206, ligne 19), il est fait allusion aux galeries, aux pavillons élevés sur les portes et dans lesquels on plaçait des troupes pour défendre l’entrée.


Nous revenons encore sur ce passage qui a fourni une note placée au bas de la page. Le texte dit : « Du haut des murs un canon, une machine à feu (ho-pao) éclata en bas ; » peut-être faut-il supposer qu’il s’agit d’un pot de feu lancé par les soldats placés dans le pavillon au-dessus des portes ?


Cette ruse de Tsao peint parfaitement le caractère de ce grand homme que les historiographes chinois représentent comme impassible dans le péril et conservant toujours son sang-froid. Quelques lignes plus bas, on le voit rire le premier du malheur au-devant duquel il a couru lui-même un peu légèrement. On reconnaît aussi la folle bravoure de Liu-Pou, incapable de réflexion ; guerrier sans vertus, sans moralité, agissant d’instinct en toute occasion.


A propos de cette famine, L’Histoire de la Chine, vol. III, page 569, dit seulement : « La récolte ayant été mauvaise, il régna une espèce de famine dans la province qui était le théâtre de la guerre. » Cette disette ne fut donc que partielle. Il s’agit ici du grand boisseau, égal au chy, contenant dix petites mesures dites téou et pesant 120 livres chinoises. Sur le système monétaire des Chinois, voir les Mémoires publiés par M. Ed. Biot, vol. III et IV du Journal asiatique, troisième série.


Il y a littéralement : « L’ainé Tao-Chang et le cadet Tao-Yng ne sont point hommes à gérer des emplois ; ils n’ont qu’à s’occuper de travaux agricoles, retourner à la vie privée... »


Il y a littéralement : « Qui n’avait pas eu le mérite de décocher la moitié d’une flèche, et sans aucun effort se trouvait possesseur du Su-Tchéou. »


Le texte dit littéralement : « L’empereur sera dans le repos et la joie ; le peuple dans l’allégresse, et vous aurez obéi aux volontés du ciel. » On reconnaît là les trois choses qui font la base du droit public en Chine ; l’obéissance aux volontés du ciel qui donne le pouvoir, le maintien de la dynastie et la conservation du peuple désigné par l’ancienne dénomination, les cent familles.


Ces crocs de fer étaient de plusieurs espèces ; ils sont représentés à ta planche XXVIII du vol. VIII des Mémoires sur les Chinois, et l’usage en est expliqué dans le texte placé en regard.


Cette phrase, traduite mot à mot, aurait besoin d’un commentaire ; est-ce un signal que faisait Hu-Tchu aux brigands en leur montrant ces queues de bœuf, ou bien prit-il deux de ces animaux par la queue pour les arracher de l’étable et les rendre à leurs nouveaux maîtres ?


Il n’est pas rare de trouver une réponse analogue à celle-ci dans la bouche des personnages du San-Koué-Tchy ; c’est par politesse sans doute qu’ils répondent, comme Tsao, en parlant à un inconnu dont jamais ils n’ont entendu parler : « Il y a longtemps que votre réputation est arrivée jusqu’à moi... »


Le mot que nous avons traduit par « ruisseau à sec » signifie plutôt une digue, une écluse, comme le texte dit qu’on cacha les soldats dedans, et qu’un crayon facile à reconnaître a ajouté les mots : Wou-Chouy, sans eau, en façon d’épithète, au caractère chinois ; nous avons adopté le mot ruisseau à sec, parce qu’il donne un sens plausible.


Ces enfants des deux sexes enlevés par les soldats chinois et gardés dans les camps sont une mention assez curieuse. S’agirait-il seulement d’enfants ramassés à travers la campagne pour les employer dans la circonstance présente ?


Il faut considérer les titres de général en chef de la cavalerie et commandant des gardes comme équivalant à ceux de ministre.


Le remède que désigne ici l’auteur du texte chinois est bizarre et à peu près intraduisible. Il semble parler d’une chose quelconque, nauséabonde par son odeur, qui, délayée dans l’eau, provoque les vomissements.


Dans un de ces deux passages, le texte mandchou ajoute le mot viande : « Il accorde des os et de la viande... »


Voir plus haut la note de la page 113, Où il est parlé des Barbares Kiang que le texte mandchou appelle toujours mongoux. Dans toute cette partie du récit, le romancier raconte les événements d’une façon moins claire et moins suivie que le compilateur de L’Histoire générale de la Chine.


Le tartare mandchou n’est pas tout à fait d’accord ici avec la version chinoise ; il dit d’une manière plus abrégée : « Cette année ici, il y eut une famine ; faute de vivres, tous les mandarins, depuis le président des six cours jusqu’aux conseillers du palais, sortaient de la ville pour enlever l’écorce des arbres et couper la tige des herbes ; c’était là leur nourriture. Ils fauchaient l’herbe pour faire du feu… »


Wen-Kong, roi de Tsin, monta sur le trône l’an 636 avant notre ère, au temps où régnait Siang-Wang des Tchéou. (Ne pas le confondre avec Wen-Kong de Tsin, contemporain de Ping-Wang des Tchéou dont il fut le rival en puissance et en autorité). Cet autre Wen-Kong, au contraire, donna l’exemple de la soumission. « Revêtu de ses habits de cérémonie, il reçut à genoux l’ordre de l’empereur, le plaça respectueusement sur une table et n’omit aucun des rites anciennement établis. » Histoire générale de la Chine, tome II, page 133.

Kao-Tsou, l’aïeul des Han, le fondateur de la dynastie, fut un des plus grands hommes de la Chine ; il donna cette marque de respect à la mémoire de Y-Ty, roi de Tchou, nommé empereur après le partage du royaume entre Pa-Ouang son compétiteur et lui. Pa-Wang fit assassiner le maître qu’il avait choisi. Aussitôt Kao-Tsou (qui se nommait encore Liéou-Pang) écrivit aux princes : « Dans le partage de l’empire, qui est l’ouvrage de Pa-Wang et que vous avez accepté, Y-Ty, roi de Tchou, a été, de votre consentement, élevé au trône. Vous lui avez promis soumission et fidélité ; cependant Pa-Wang l’a fait assassiner en trahison. Mon devoir me prescrit de porter le deuil et de venger sa mort… » Histoire générale, tome II, page 463.


Ces bienfaits auxquels Tsao fait allusion sont tout simplement les messages que l’empereur lui avait adressés quand il avait le plus besoin de ses secours. Dans le style des cours orientales, tout ce qui émane du souverain est un bienfait, un honneur. Au reste, ici la forme l’emporte sur le fond ; Tsao reproduit l’exemple si fréquent en Asie d’un ministre qui usurpe toute l’autorité, en déclarant toujours que le monarque est l’ombre d’Allah, le roi des rois ou le fils du ciel.


Le texte dit littéralement : » Vous avez acquis des mérites qui vous rendent égal aux cinq grands vassaux. » Les cinq grands vassaux sous la dynastie des Tchéou étaient : Hiouan-Kong de Tsy, Wen-Kong de Tsin, Mou-Kong de Thsin, Siang-Kong de Song, Tchouang-Kong de Tsou.


Nous avons traduit littéralement ce passage, qui a rapport à l’astrologie, sans avoir la prétention de le comprendre et de le rendre intelligible. Le Chou-King dit que Fou-Hy régna par la vertu du bois, Chin-Nong par celle du feu, Hoang-Ty par celle de la terre, Chao-Hao par celle des métaux, Tchuen-Hio par celle de l’eau ; on doit consulter sur le sens de ces traditions la note placée au bas de la page 172 du vol. I de L’Histoire générale de la Chine.


Il y a beaucoup d’analogie entre ce passage et l’épisode de la trahison de Liu-Pou, page 59. Si l’écrivain chinois s’est répété, au moins a-t-il eu le bon goût de rendre le dénouement moins odieux cette fois. Tchong abandonne son maître qui avait trahi, mais sans commettre un assassinat, presque un parricide, comme l’a fait Liu-Pou.


Sun-Tsé, dans son traité de l’art militaire (traduit dans le vol. VII des Mémoires sur les Chinois), s’étend assez au long sur les ruses de guerre ; il recommande aux généraux d’employer des moyens si odieux que le traducteur se sent obligé de dire « qu’il désapprouve tout ce que dit l’écrivain chinois à l’occasion des artifices et des ruses. » Rien ne peint mieux le caractère d’un peuple que les ressources auxquelles il a recours pour triompher de ses ennemis. Nous verrons par la suite les héros du San-Koué-Tchy mettre en action tous les préceptes d’une politique et d’une tactique aussi astucieuses que misérables. Mieux que les Grecs anciens et aussi bien que les Perses, ils emploient les fausses lettres, les faux avis donnés à l’ennemi ; ils sèment la division dans le camp opposé ; on trouve parmi eux plus d’un Zopyre qui consent à se faire mutiler afin d’être mieux pris pour un transfuge. Par la manière dont ces ruses sont présentées ici, on voit qu’elles forment un véritable code à l’usage des conseillers militaires et des généraux.


Il est à remarquer que tous les chefs de parti, dans ce roman, ont un ou plusieurs conseillers qui les dirigent et leur impriment le mouvement ; Liéou-Hiuen-Té seul se conduit par lui-même. Supérieur aux hommes qui l’entourent, aux guerriers énergiques dont il tempère à chaque instant la fougue et la violence, on le voit s’élever au-dessus de tous les personnages que l’écrivain met en scène alternativement. Ses qualités, on peut dire ses vertus, semblent appartenir à un ordre d’idées et de croyances tout à fait à part ; c’est en quelque sorte un héros chrétien du moyen âge.


Mot à mot : « Il faut rappeler Hiuen-Té à Siao-Pey et y faire repousser nos ailes, attendre que les plumes nous soient revenues. » Le mot chinois Yu-Y, ailes, signifie par figure partisans ; ce qui fait la force d’un chef de parti.


Si on veut remonter au chapitre I du livre II, page 99, et comparer le caractère de Sun-Kien avec celui de Sun-Ssé, son fils, on sera frappé de la ressemblance qui existe entre ces deux personnages. Sun-Kien, rempli d’ambition, se sépare de la ligue, rêve la fondation d’un royaume indépendant, et meurt victime de sa témérité ; Sun-Tsé reprend les desseins de son père, expose sa vie avec la même imprudence, triomphe de tous les obstacles, et finit par rétablir l’ancien état de Ou.


Mot à mot : « Je veux faire tous mes efforts à votre service, comme le cheval et le chien. » Cette phrase, qui se rencontre fréquemment, n’est point expliquée dans les dictionnaires, où l’on ne trouve guère la solution de ces genres de difficulté. Le mandchou rend le sens plus clair en mettant le mot comme, kesé, que le chinois supprime.


L’orthographe du’nom serait Tay-Tsé ; nous avons écrit Ssé pour ne pas faire de confusion avec Sun-Tsé qui figure dans ce chapitre.


Cette note de l’éditeur chinois prouverait, ce dont on doute trop généralement, que le San-Koué-Tchy s’écarte rarement de la vérité quant aux faits et suit le plus souvent la tradition reçue, même dans les récits invraisemblables et fabuleux. Vrai ou non, cet épisode animé jette quelque intérêt sur ces deux héros, qui sont aux yeux des Chinois des personnages épiques.


Le texte dit que les soldats des deux armées en voyant Sun-Tsé accomplir ce double exploit l’appelèrent « un petit Pa-Wang… » Pa-Wang (son vrai nom Hiang-Yu) « avait une taille gigantesque et une force de corps prodigieuse ; ses bras étaient inflexibles ; l’on eût plutôt ébranlé une montagne que de les lui faire plier malgré lui ; il avait huit pieds de hauteur (c’est-à-dire environ six de nos pieds modernes) ; il pouvait lever, sans s’incommoder, jusqu’à mille livres pesant. Il avait le son de voix terrible ; par sa force et par sa valeur, il eût pu résister à une armée entière. ». Mémoires sur les Chinois, vol. III, page 56.


Sun-Tsé rappelle au guerrier vaincu que son chef n’avait pas consenti à le laisser conduire l’avant-garde, parce qu’il n’était pas général de première classe. Voir page 267.


Ce Han-Sin est le personnage déjà cité page 196. Il fut un grand général et le principal appui du premier empereur des Han qui lui dut de l’emporter sur son compétiteur Hiang-Yu. Kwang-Wou doit être le général Ly-Sou-Tché, vaincu par Han-Sin dans la bataille fameuse à laquelle il est fait allusion dans le passage mentionné ci-dessus ; ce qui nous le fait croire, ce sont les phrases de L’Histoire générale de la Chine, tome II, page 467. « Il prévint l’affront de se laisser prendre et vint de lui-même présenter la corde au cou à Han-Sin. Ce général, après la lui avoir ôtée, lui rendit toutes sortes d’honneurs et le fit asseoir à la première place. Il voulut le consulter sur le projet qu’il avait de soumettre à son maître les royaumes de Tsy et de Yen ; mais Ly-Sou-Tché s’excusa de lui en dire son sentiment, parce qu’il était prisonnier… »


Il est dit à l’article 2 du traité de Sun-Tsé : « Traitez bien les prisonniers, nourrissez-les comme vos propres soldats ; faites en sorte, s’il se peut, qu’ils se trouvent mieux chez vous qu’ils ne le seraient dans leur propre camp ou dans le sein même de leur patrie… Conduisez-vous comme s’ils étaient des troupes qui se fussent enrôlées librement sous vos étendards… » Mémoires sur les Chinois, vol. VII, page 67. Dans une note, le traducteur ajoute : « Il était facile au vainqueur d’employer ses prisonniers aux mêmes usages que ses propres soldats, parce que ceux contre lesquels on était en guerre ou plutôt parce que les parties belligérantes parlaient un même langage et ne formaient qu’une seule nation ; je parle ici des guerres les plus ordinaires. » On doit considérer comme prisonniers les vaincus qui se soumettaient, et que le vainqueur pouvait, d’après l’usage, faire décapiter.


Ce Tchéou-Tay, lieutenant de Yen-Pé-Hou, ne doit pas être confondu avec le général du même nom qui est au service de Sun-Tsé. Peut-être y a-t-il une faute dans le texte.


Le texte mandchou traduit les deux caractères chinois qui nous ont semblé signifier « bouclier » par une expression que le dictionnaire traduit « paravent ». Il s’agit sans doute d’une espèce particulière de bouclier, de celle désignée au vol. VIII. page 369 des Mémoires sur les Chinois, et représentée à la planche XXIV, sous le no 185. Sous ce bouclier, on se met à l’abri des traits de l’ennemi, mais on ne s’en sert point pour combattre ; ce qui rendrait assez bien les deux mots chinois Hou-Liang, planche qui abrite et défend.


Le trait d’adresse rapporté quelques lignes plus haut rappelle la flèche lancée par un Olynthien « qui s’appelloit Aster, et y avoit ce vers en escrit dessus la flesche :

» Philippe, Aster ce traict mortel t’envoye. »

(Plutarque, traduction d’Amyot). Le coup de sabre si vigoureusement appliqué par Sun-Tsé offre quelque rapport aussi avec la prouesse de Richard brisant avec son sabre, en présence de Saladin, une barre d’acier qui roula sur le sol en deux morceaux « comme un bûcheron eût tranché avec sa serpe la pousse d’un jeune arbre. » Walter Scott, le Talisman, chapitre XXVII.



fin des notes.