Histoire des Trois Royaumes/IV, II

Traduction par Théodore Pavie.
Duprat (2p. 14-30).


CHAPITRE II.


Révolte de Tchang-Siéou.


[Règne de Hiao-Hien-Ti. Année 197 de J.-C.] Singulièrement troublé par cette attaque imprévue, Hiuen-Té marcha au-devant de l’ennemi à la tête de ses troupes, et quand les deux armées furent en présence, poussant son cheval hors des rangs, il s’écria : « Mon frère aîné, quel motif vous excite a venir vers nous d’une façon si menaçante ? — Eh ! reprit Liu-Pou avec un geste et un accent injurieux, en perçant d’une flèche la lance fixée à la porte de mon camp, je vous ai sauvé d’un grand péril, et voila que vous me volez mes chevaux ! — J’en manquais moi-même, répondit Hiuen-Té, et j’ai ordonné à mes gens d’en prendre de force dans la campagne ; en quoi me suis-je permis de vous dérober les vôtres ? — C’est votre Tchang-Fey qui a fait ce coup, répliqua Liu-Pou, et m’en a volé cent cinquante ; il vous sied bien de vous excuser ainsi ! »

La lance au poing, Tchang-Fey s’élança en tête des lignes : « Ces cent cinquante chevaux que j’ai volés, s’écria-t-il, savais-je qu’ils t’appartissent ? — Bandit aux yeux ronds, reprit Liu-Pou avec rage, oses-tu bien reparaître effrontément devant moi ? — Parce que j’ai volé quelques chevaux, voilà que tu te lâches, répliqua Tchang-Fey ; n’as-tu pas enlevé le Su-Tchéou à notre frère aîné[1], et tu comptes cela pour rien ! »

À ces mots, Liu-Pou se précipite au galop en dressant sa lance, et se jette sur Tchang-Fey ; cent fois ils s’attaquent avec acharnement sans que la victoire se décide pour l’un ou pour l’autre. Mais Hiuen-Té, voyant que les troupes du chef ennemi s’avançaient peu à peu de tous côtés, craignit quelque malheur ; il se hâta de faire battre la retraite sur les tambours d’airain, et rentra dans la ville avec son armée. Liu-Pou, partageant la sienne en quatre divisions, investit les quatre faces du rempart. Aussitôt Hiuen-Té appela Tchang-Fey et lui reprocha avec sévérité d’avoir attiré cette fâcheuse affaire en volant les chevaux de ce dangereux allié ; dès que celui-ci eut avoué que ces animaux étaient tous renfermés dans un couvent de Tao-Ssé, il s’empressa de charger quelques-uns des siens de les reconduire au camp de Liu-Pou. Ce dernier paraissait satisfait de cette restitution, mais Tchin-Kong lui dit encore : « Si vous ne tuez pas aujourd’hui Hiuen-Té, c’est lui un jour qui vous tuera ! Ne retirez pas vos troupes. »

Liu-Pou suivit ce perfide conseil et serra la ville de plus près. Se voyant réduit à la dernière extrémité, Hiuen-Té consulta ses plus fidèles officiers, My-Tcho[2] et Sun-Kien. « Seigneur, dit ce dernier, ce n’est pas à nous, c’est à Liu-Pou que Tsao en veut. Abandonner cette ville, courir droit à Hu-Tou, résidence de l’empereur, et nous jeter entre les bras du premier ministre Tsao-Tsao, puis lui emprunter des troupes pour battre et détruire Liu-Pou : voila ce que nous avons de mieux à faire. — Bien, reprit Hiuen-Té ; qui marchera à l’avant-garde pour nous ouvrir une route à travers cette masse d’ennemis ? — Moi, votre jeune frère, s’écria Tchang-Fey ; je suis prêt à combattre jusqu’à la mort ! »

Fey obtint le commandement du premier corps d’armée ; Kouan-Kong[3], celui du troisième, et Hiuen-Té se plaça au centre pour mieux protéger sa famille. Cette même nuit, à la troisième veille, profitant du clair de lune, ils simulèrent une sortie du côté de la porte de l’ouest, pour attirer les assiégeants de ce côté, et s’échappèrent par celle du nord. Deux divisions ennemies[4], qui se présentaient pour arrêter leur marche, furent culbutées par Tchang-Fey, chef d’avant-garde ; Kouan-Kong en repoussa une troisième qui menaçait l’arrière-garde, et la petite armée gagna la campagne. Sur dix mille soldats qui défendaient les murs de Siao-Pey, il n’en sortit que la moitié. Liu-Pou, voyant Hiuen-Té hors des murs, ne s’occupa point de le poursuivre ; il revint à sa principale ville de Su-Tchéou, laissant à son général Kao-Chun le soin d’occuper et de garder la place abandonnée.

Arrivé dans sa course rapide auprès de la capitale, Hiuen-Té campa hors des murs. De la il dépêcha vers le premier ministre son lieutenant Sun-Kien, pour l’informer des événements qui l’avaient chassé de sa retraite. « Hiuen-Té est pour moi comme un frère[5], répondit Tsao-Tsao ; qu’il entre dans la capitale et je saurai lui procurer une position (égale à celle qu’il a perdue). » Le lendemain, laissant hors des remparts ses deux frères d’armes (Kouan-Kong et Tchang-Fey), mais accompagné de ses deux conseillers les plus intimes (Sun-Kien et My-Tcho), Hiuen-Té alla se prosterner devant le puissant ministre, qui le fit relever, le pria de s’asseoir et le traita avec les plus grands égards.

Quand Hiuen-Té lui eut appris ce que venait de faire Liu-Pou : « Sage frère cadet, répondit Tsao, c’est un homme sans foi ; je m’entendrai avec vous pour le châtier sévèrement ! » Plein de joie, Hiuen se confondit en remerciements ; le premier ministre, après lui avoir donné un repas d’apparat, le reconduisit comme un hôte de distinction, et rentra dans son hôtel. « Seigneur, lui dit alors le conseiller Sun-Yo, ce Hiuen-Té est un des premiers hommes de nos temps par sa capacité et sa valeur personnelle ; si vous ne vous débarrassez pas de lui maintenant, un jour vous aurez lieu de vous en repentir ! »

Tsao ne répondit rien et le mandarin se retira ; survint un autre conseiller, Kouo-Hia : « Sun-Yo m’exhortait tout à l’heure à faire périr Hiuen-Té, lui dit le ministre, qu’en pensez-vous ? — Qu’il ne faut pas suivre cet avis, répliqua Kouo ; vous avez levé des troupes au nom de la loyauté et de la fidélité, seigneur, vous avez chassé les tyrans pour sauver les cent familles ; c’est seulement en prenant pour base de votre conduite la stricte justice et la fidélité aux lois, que vous rallierez autour de vous les gens honnêtes et vertueux ; vous[6] devez tenir à les attirer tous. Désormais, ce Hiuen-Té jouit d’une grande réputation ; aujourd’hui qu’un malheur le force à se jeter entre vos bras, si vous lui ôtez la vie, on dira que vous êtes le fléau des gens de bien. Des lors, les hommes recommandables par leur prudence dans le conseil et par leurs talents militaires, s’éloignant de vous, se choisiront un autre maître. De qui vous servirez-vous, seigneur, pour affermir et pacifier l’Empire ? Au désir de vous débarrasser d’un seul homme qui vous fait ombrage, vous sacrifiriez ainsi l’espérance d’être le premier dans le monde ! Non, sachez distinguer avec précision les circonstances qui peuvent affermir ou mettre en péril votre puissance ! »

« Sage conseiller, répondit Tsao avec empressement, vos vues sont d’accord avec les miennes ! » Dès le lendemain, il demanda à l’empereur d’accorder à Hiuen-Té le grade de gouverneur de Yu-Tchéou : mais un troisième conseiller, Tching-Yo, vint présenter aussi ses observations : « J’ai vu, dit-il à son tour, que ce Hiuen-Té a des talents extraordinaires ; il fait de grands progrès dans l’esprit du peuple ; à la fin, il ne se laissera plus commander. Le mieux serait de se débarrasser au plus vite de ce dangereux personnage. — Non, reprit Tsao, le temps est venu d’employer les hommes supérieurs ; par le meurtre d’un seul, je m’aliénerais l’esprit de tous. L’avis de Kouo-Hia est bien mieux d’accord avec mes propres sentiments. — Seigneur, répliqua le mandarin, vous êtes capable de gouverner l’Empire, et mes pensées ne s’élèvent point à la hauteur des vôtres ! »

Aussitôt Tsao fit entrer Hiuen-Té dans la capitale ; il lui donna trois mille soldats et dix mille grandes mesures de grains, en le chargeant de commander la province de Yu-Tchéou, de réunir des forces à Siao-Pey (où il se tenait auparavant), de rassembler et de rallier autour de lui ceux de ses anciens soldats qui s’étaient dispersés, et enfin de châtier Liu-Pou. A peine arrivé au lieu de sa destination, Hiuen-Té expédia des courriers à Tsao pour se concerter avec lui ; celui-ci, désireux d’en finir avec Liu-Pou, tenait ses troupes prêtes, et allait partir, quand arriva la nouvelle suivante. Tchang-Tsy, à la tête des soldats du Kouan-Tchong[7], étant allé attaquer la ville de Nan-Yang, avait été tué d’un coup de flèche. Le fils de son frère aîné, Tchang-Siéou, venait de rassembler ces soldats sans chef ; Kia-Hu l’accompagnait en qualité de conseiller militaire ; il s’était même réuni à Liéou-Piao[8], et concentrait ses forces dans la ville de Ouan-Tching, dans le but avoué de marcher sur la capitale, de s’en emparer et d’enlever l’Empereur.

Fort alarmé de cette révolte, Tsao voulait aller la comprimer en personne ; d’autre part, il prévoyait avec inquiétude que Liu-Pou, après avoir battu Hiuen-Té (abandonné à ses propres forces), ne manquerait pas de tenter un coup de main sur la capitale. « La chose est facile à arranger, lui dit Sun-Yo ; Liu-Pou n’a pas de ligne de conduite bien tracée et il ne consultera que l’appât du gain. Envoyez lui promettre des titres et de riches récompenses ; vous pouvez compter que son ambition se calmera ; il fera même encore la paix avec Hiuen-Té, si vous le voulez, et satisfait de sa position, il ne formera plus de projets qui vous inquiètent. » Le conseil plut beaucoup à Tsao ; il se hâta d’envoyer à Su-Tchéou, résidence de Lin-Pou, l’édit impérial qui nommait celui-ci inspecteur de l’armée, en y joignant l’ordre de se réconcilier avec Hiuen-Té. Cela fait, le ministre marcha contre le rebelle Tchang-Siéou, à la tête de cinq cents mille hommes partagés en trois corps d’armée. La première division, commandée par Hia-Héou-Tun, prit les devants ; on était alors au cinquième mois de la deuxième année Kien-Ngan (198 de J.-C.)

Les troupes de Tsao-Tsao campèrent près de la rivière de Yu[9] ; Kia-Hu, le conseiller de Tchang-Siéou, dit à celui-ci : « Le premier ministre a ici des forces bien imposantes ; croyez-moi ; allez lui faire votre soumission avec tous vos officiers. Vouloir résister à une pareille armée, ce serait tenter l’impossible et attirer de grandes calamités sur le peuple et sur vos soldats ! » Le chef rebelle, agréant cet avis, envoya celui qui le lui avait donné près de Tsao. Enchanté de la facilité de son élocution, Tsao[10] voulut à l’instant même en faire son propre conseiller. « Autrefois, répondit Kia-Hu, en m’attachant à Ly-Kio[11] je me suis rendu coupable envers l’Empereur et envers l’Empire ; aujourd’hui, me voila partisan de Tchang-Siéou qui écoute mes paroles et accepte les plans que je lui propose ; je ne dois pas l’abandonner ! » Tsao applaudit à cette détermination ; dès le lendemain, Kia-Hu lui ayant présenté son maître, il le traita avec de grands égards ; puis il entra avec sa propre division dans la ville de Ouan, qui lui ouvrait ses portes. Le reste de l’armée campé hors des murs couvrait l’espace d’une lieue ; Tchang-Siéou traitait jour et nuit le premier ministre dans de somptueux banquets.

Un soir, au retour d’un de ces brillants festins, Tsao-Tsao se penchant vers les gens de sa suite, leur demanda s’il n’y avait point dans cette ville quelques danseuses. Son neveu (Tsao-Ngan-Min, fils de son frère aîné) qui raccompagnait dans cette campagne en qualité d’intendant de sa maison[12], devinant sa pensée, lui répondit : « Hier soir, auprès du palais, j’ai aperçu une jeune femme de la plus rare beauté, que l’on m’a dit être la veuve de Tchang-Tsy lui-même. « A ces mots, Tsao lui donna ordre de prendre avec lui cinquante hommes armés de cuirasses et d’aller l’enlever ; elle ne tarda pas à lui être amenée ; c’était en effet une personne extraordinairement belle. Comme elle se prosternait à ses pieds, le premier ministre lui demanda son nom. — « Je me nomme Tséou-Chy, répondit-elle ; je suis veuve de Tchang-Tsy. — Et moi, savez-vous qui je suis ? — Depuis longtemps, seigneur, le bruit de vos exploits est arrivé jusqu’à moi ; et ce soir je me sens heureuse de m’agenouiller devant vous. »

Tsao continua : « C’est par considération pour vous que j’ai accepté la soumission de votre neveu ; sans cela, je le faisais périr avec toute sa famille. — En vérité, seigneur, vous nous rendez la vie », s’écria la jeune femme en se prosternant de nouveau.

« Aujourd’hui, reprit Tsao, je remercie le ciel qui vous amène près de moi. Cette nuit, restez sous ma tente, vous m’accompagnerez à la capitale, et je ferai de vous la première de mes femmes ; je vous le promets. »

Tséou-Chy répondit à ses offres par des démonstrations de reconnaissance, et ne sortit point du pavillon[13]. « Seigneur, dit-elle à Tsao, j’habite cette ville depuis longtemps ; Tchang-Siéou se doutera certainement de quelque chose. Si on sait que je suis ici, cela fera naître des bruits désagréables. — Demain, répondit le ministre, vous me suivrez à mon camp. »

En effet, le lendemain matin il l’établit sous sa tente, et pour éviter tous les discours compromettants que cette conduite pouvait provoquer de la part de ses officiers, il chargea Tien-Wei[14] de se tenir près de l’entrée de sa tente. Il donna pour consigne aux deux cents soldats de sa garde, de ne laisser pénétrer personne sous peine de mort, à moins d’un ordre spécial. De cette façon, le pavillon du général en chef resta à l’abri de toute visite importune.

Tsao s’oubliait en joyeux festins avec la veuve de Tchang-Tsy, et ne songeait plus à retourner dans la capitale. Les gens de sa maison avertirent Tchang-Siéou de ce qui se passait. « Quoi ! s’écria celui-ci avec indignation, ce Tsao que je regardais comme un modèle d’humanité et de vertus, le voilà maintenant qui se plaît à me couvrir d’infamie ! » Et il consulta son conseiller Kia-Hu. « N’ébruitez point cette affaire, répondit le mandarin ; si vous faites voir que vous savez tout, nous sommes perdus ! Demain, j’attendrai que Tsao sorte de sa tente, et puis….., vous verrez. »

Le lendemain, Tsao étant assis devant son pavillon, Tchang-Siéou (averti par Kia-Hu de ce qu’il devait faire), s’approcha, et lui demanda la permission de conduire au camp ses propres soldats nouvellement soumis, lesquels désertaient en très grand nombre. « Bien volontiers », répondit Tsao ; Tchang les divisa en quatre groupes et les répartit parmi ceux du premier corps d’armée (au nombre duquel se trouvait la tente de Tsao), qui occupait un lieu nommé Tao-Ty. Ces espions recueillirent des nouvelles ; par eux il sut que près de la personne du général en chef veillait ce Tien-Wei, héros athlétique, toujours armé de deux piques de fer, du poids énorme de quatre-vingts livres ; il était donc fort difficile d’approcher de Tsao.

Cependant un des officiers de Tchang, nommé Hou-Tché, capable de porter cinq cents livres, de parcourir à pied soixante-dix milles en un jour, homme extraordinaire par sa vigueur, remarquant l’inquiétude de son maître, lui en demanda la cause. Quand il la connut : « Général, lui dit-il, invitez ce Tien-Wei à boire ; vous l'enivrerez complètement, et quand il vous quittera pour retourner à son poste, je pénétrerai avec lui jusque sous la tente, en me mêlant aux gardes dont il est le chef. Mon premier soin sera de lui enlever ses deux lances, et de la sorte il ne pourra plus se défendre. »

On juge de la joie de Tchang à cette proposition ; il commença par faire préparer des arcs et des flèches, des cuirasses, des armes de toutes sortes, et donna le mot à ses soldats répartis sur tous les points du camp. Envoyé par lui, le conseiller Kia-Hu alla inviter Tien-Wei à un souper, dans lequel on le traita magnifiquement. On mit tant d’empressement à le faire boire, qu’en effet il s’enivra. Quand il franchit la porte du camp de Tchang, la nuit était à peu près venue, et Hou-Tché, se mêlant aux gens de la garde, pénétra sur ses traces dans le camp principal où se trouvait le pavillon de Tsao. Cette même nuit, le premier ministre la passait à boire et à festoyer avec la femme qu’il aimait. Tout à coup, entendant des voix d’hommes, un bruit de chevaux qui le surprennent, il envoie des gens de sa suite s’informer de la cause de ce mouvement. « Seigneur, lui répondent-ils, ce sont les soldats de Tchang-Siéou qui font des patrouilles de nuit. » Ces paroles le rassurèrent complètement.

Vers la deuxième veille, on vint l’avertir que de grands cris se faisaient entendre derrière le camp, et que les chariots à fourrages étaient en flammes. « Ce feu provient sans doute de la négligence des soldats, répondit Tsao-Tsao ; il n’y a pas là de quoi se troubler beaucoup ! »

Tout à coup cependant, les flammes se manifestent aux quatre coins du camp ; Tsao appelle Tien-Wei. Celui-ci, vaincu par l’ivresse, dormait près de son maître ; à travers le sommeil que lui causent les vapeurs du vin, il entend le bruit des tambours et les cris des combattants. Vite il se lève et cherche ses deux lances auprès de sa couche, mais sans les trouver. On lui dit que les soldats rebelles sont déjà aux portes du camp ; le héros s’arme d’un simple glaive de l’espèce de ceux qui pendent à la ceinture des fantassins ; des cavaliers ennemis en très grand nombre étaient là, en face de lui, devant la porte des retranchements, tous armés de longues piques et cherchant à franchir ce passage. Tien-Wei frappe brusquement devant lui avec son sabre ; vingt de ces rebelles tombent morts à ses pieds. Les cavaliers reculent ; les fantassins s’élancent à leur tour, et le héros est environné de piques qui l’entourent comme un faisceau de bambous.

Tien-Wei n’avait pas de cuirasse ; percé de dix pointes acérées, il résiste seul en poussant des cris, en luttant jusqu’au dernier soupir. Son sabre, tout ébréché, n’est plus pour lui qu’une arme inutile ; il le jette, saisit de ses robustes mains les deux premiers ennemis qui se présentent, et reprend l’offensive. Une dizaine de soldats tombent morts[15] ; parmi ces rebelles, il n’en est plus un seul qui ose s’approcher de la porte du camp ; de loin, ils font pleuvoir sur Tien-Wei une nuée de flèches qui l’enveloppent ; mais le héros, tant qu’il lui reste un souffle de vie, défend le poste confié à sa garde.

Cependant, des deux côtés à la fois, les bandits se précipitent par derrière les retranchements ; leurs longues lances atteignent le dos de Tien-Wei, qui rugit de colère, inonde la terre de son sang et expire. Bien qu’il eût cessé de vivre, aucun des rebelles n’osa franchir la porte.

Tandis que Tien-Wei arrêtait ainsi les traîtres à l’entrée du camp, Tsao-Tsao avait eu le temps de se jeter sur un cheval rapide[16] et de franchir, en le lançant au plein galop, les limites du terrain envahi par les gens de Tchang-Siéou. Son neveu, Tsao-Min, le suivait seul et à pied ; avant qu’il eût atteint le bord de la rivière Yu, une flèche lui perça l’épaule droite ; trois autres traits blessèrent son cheval qui galopait toujours. Les brigands, acharnés à sa poursuite, le joignirent sur la rive même ; et Tsao-Min, serré de près, tomba, mis en pièces par mille coups de sabre. Tout épouvanté, Tsao-Tsao précipite son coursier dans la rivière ; au moment où il gravit le bord opposé, l’animal reçoit dans l’œil une flèche qui le renverse et le tue. Tsao-Ngan (fils aîné du premier ministre) sauve la vie à son père en lui donnant une autre monture ; mais il périt lui-même sous une grêle de traits. Le jeune héros et le cheval frappés à mort furent engloutis dans les flots de la rivière.

Cependant Tsao-Tsao échappe à l’ennemi ; des généraux qu’il rejoint en fuyant lui apprennent qu’il doit son salut au dévouement de Tien-Wei. Tchang-Siéou le harcelait toujours à la tête des siens, et un nouvel incident vint ajouter aux inquiétudes que lui causait cette poursuite[17]. Les soldats du Tsiog-Tchêou, incorporés dans la division commandée par Hia-Héou-Tun (l’un des meilleurs officiers de Tsao), ayant pillé et maltraité la population, un chef militaire de district, Yu-Kin, résolut de leur barrer le chemin, pour faire cesser les malheurs qui affligeaient les habitants. Aussitôt ces pillards revinrent vers Tsao-Tsao, et se jetant à ses pieds avec des larmes, lui dirent que Yu-Kin s’était aussi révolté, et qu’il les décimait en les poursuivant. Par bonheur, le premier ministre se vit bientôt entouré de ses principaux lieutenants, et il leur annonça cette fâcheuse nouvelle. Héou-Tun se mit en devoir de résister à Yu-Kin ; mais celui-ci, voyant Tsao en personne devant lui, arrêta ses troupes ; puis se contentant de les ranger en lignes et de faire lancer quelques flèches, il creusa un fossé pour se fortifier, et dressa son camp. Un de ses officiers l’avertit que les soldats châtiés par lui l’avaient accusé de s’être révolté ; puisque le premier ministre était là tout près, que n’allait-il se disculper, au lieu de commencer par établir son camp ? Cette dénonciation, faite par les pillards du Tsing-Tchéou, pouvait attirer sur lui la colère de Tsao ! « Pour l’instant, répliqua Yu-Kin, les brigands suivent nos traces ; tout à l’heure même ils seront sur notre dos. Si mon premier soin n’est pas de me mettre en état de les recevoir, comment résisterai-je à leurs attaques ? Me disculper est bien moins important que de repousser l’ennemi. »

A peine avait-il achevé de fortifier son camp, que le rebelle Tchang-Siéou l’assaillit des deux côtés à la fois ; il sortit en personne à la tête des siens pour lui résister, et le força à se retirer précipitamment. Quand ils virent leur chef s’exposer le premier, tous les officiers de Yu-Kin s’élancèrent au combat avec leurs divisions ; Tchang-Siéou, complètement battu, rejeté à dix milles en arrière, perdit toute son autorité ; ramassant les débris de son armée, il alla chercher un refuge auprès de Liéou-Piao. Au lieu de le poursuivre à son tour, Tsao se contenta de rallier ses troupes.

Alors Yu-Kin alla lui faire l’apologie de sa conduite, et expliquer à quel propos il avait châtié les soldats du Tsing-Tchéou, qui pillaient les habitants et les poussaient au désespoir. « Pourquoi campiez-vous avant de venir vous disculper », demanda Tsao ? Et comme Yu-Kin s’excusait par les faits mêmes, il ajouta : « Au passage difficile de la rivière Yu, j’ai failli périr. Vous, général, vous avez su au milieu du désordre rétablir la discipline parmi les soldats, châtier ceux qui commettaient des violences ; voila l’exemple d’une fermeté que rien ne peut ébranler. Combien de généraux célèbres dans l’antiquité ont à peine atteint cette perfection ! » Cela dit, il fit présent à Yu-Kin d’un vase d’or, et lui décerna le titre de prince de Chéou-Ting ; quant à Héou-Tun, il lui reprocha la faute qu’il avait commise en ne contenant pas ses troupes dans les bornes de l’obéissance.

Tsao-Tsao se disposant à retourner dans la capitale, dit devant tous ses officiers assemblés : « Ce n’est pas mon fils aîné ; ce n’est pas mon neveu que je pleure avec désespoir, non ! c’est Tien-Wei ! — Seigneur, répondirent les courtisans, votre affection envers les gens probes et dévoués s’élèvent au-dessus des sentiments d’un père pour son fils ! » De retour à la résidence impériale, il distribua des récompenses à toute son armée.

Cependant l’émissaire, chargé d’aller dans la ville de Su-Tchéou remettre à Liu-Pou le décret impérial, étant arrivé à sa destination, ce général vint au-devant de lui et le fit entrer dans son palais ; là, il ouvrit la lettre écrite au nom du souverain, par laquelle un haut grade militaire lui était accordé, prodigua à cette missive les honneurs habituels, et reçut le sceau de sa nouvelle fonction. Ivre de joie, le guerrier lut un billet particulier écrit par Tsao lui-même, et qui disait :

« L’Empereur n’a pas de bon or ; c’est avec de l’or pris dans ma propre cassette, que j’ai fait fondre le sceau ci-joint. L’Empereur n’a pas de belle soie ; celle que je vous envoie est le cordon avec lequel je suspends mon propre sceau[18]. Je veux par là montrer quels sont mes sentiments à votre égard ! Général, faites la paix avec Liéou-Hiuen-Té, entendez-vous avec lui pour abattre Youen-Chu, donnant ainsi un grand exemple de fidélité à la dynastie.

« Dans une lettre on ne peut pas tout dire, général ; mais je m’en rapporte à votre sagacité ! »

Dans sa conversation avec l’envoyé de la cour, Liu-Pou put se convaincre que le premier ministre (du moins en apparence) attachait un très grand prix à son alliance, et il combla d’égards le mandarin. Tout à coup cependant, la nouvelle arriva que Youen-Chu venait de dépêcher un nouvel émissaire. — « Eh bien, que veut-il ? demanda Liu-Pou en riant. — Seigneur, il est chargé de vous dire que Youen-Wang (l’empereur Youen), étant tout prêt à monter sur le trône impérial, désire décorer son fils du titre d’héritier présomptif[19] ; l’officier qu’on annonce vent emmener, dans la capitale du nouveau souverain (à Hoay-Nan), la jeune épouse promise à son fils. — Ah ! le brigand ! s’écria Liu-Pou transporté de colère, il ose agir avec tant d’insolence ! »

A l’instant même, il fit décapiter l’émissaire et tirer de prison, pour lui mettre la cangue, le précédent négociateur Han-Yn ; puis il écrivit à Tsao une lettre de remerciement, qui fut confiée à Tchin-Teng[20]. Ce mandarin, chargé en même temps de livrer au premier ministre le malheureux Han-Yn en personne, partit pour la capitale avec celui qui avait apporté l’édit impérial, et se présenta devant Tsao-Tsao ; charmé d’apprendre que Liu-Pou soumis à ses ordres venait de rompre l’alliance projetée, celui-ci ouvrit la lettre de réponse et y lut ce qui suit :

« Moi, Liu-Pou, depuis le jour où j’ai tué le tyran Tong-Tcho, je n’ai cessé d’éprouver toutes sortes d’infortunes. Réfugié dans le Chan-Tong[21], je désirais me rapprocher de l’Empereur ; je savais que le seigneur Tsao-Tsao avait fait preuve de fidélité et de dévouement à son prince, et qu’il avait même ramené le souverain dans sa capitale. Mais auparavant, ennemi du seigneur Tsao, j’ai combattu contre lui : aujourd’hui il est le ministre de Sa Majesté ; moi, général d’une province située hors des limites du domaine impérial[22], si je me présentais devant lui accompagné de quelques troupes, je craindrais d’éveiller dans son esprit des soupçons et des inquiétudes. Je suis à Su-Tchéou, attendant vos ordres[23], n’osant prendre sur moi la responsabilité d’aucune démarche ; la grande faveur dont Sa Majesté vient de m’honorer, me rend à la fois joyeux et confus. Si le seigneur Tsao-Tsao a besoin de mes services pour dompter quelque rebelle, il peut compter que j’y emploierai tous mes efforts, dussé-je affronter la mort dix mille fois. — Requête respectueuse. »

Tsao-Tsao fut enchanté de voir en quels termes respectueux ce bouillant soldat avait répondu à sa lettre ; il se hâta de faire décapiter publiquement Han-Yn[24], et Tchin-Teng lui dit secrètement : « Seigneur, Liu-Pou est un loup, une bête féroce ! Il a de la bravoure, mais ni réflexion ni prudence ; il ne tient aucun compte des leçons du passé, et ne sait pas prévoir l’avenir ; que ne vous débarrassez-vous de lui ? — Je le connais bien, répondit le premier ministre ; je sais qu’il est sauvage et féroce comme un loup, qu’on ne peut pas le tenir longtemps apprivoisé. Sans votre père et sans vous, je n’aurais aucun moyen de l’influencer dans sa conduite Voulez-vous seconder mes projets ? — Oui », répondit le mandarin. Aussitôt Tsao le nomma gouverneur de Kwang-Ling, et assigna à son père un revenu de deux mille boisseaux de grains ; puis le voyant prêt à prendre congé avec les politesses d’usage, il lui serra la main en ajoutant : « Je vous charge de diriger et de surveiller toutes les provinces de l’est ! — Seigneur, répliqua Tchin-Teng, levez des troupes et j’agirai de concert avec vous. »

De retour à Su-Tchéou, le rusé mandarin se présenta devant Liu-Pou, et lui annonça les faveurs que le premier ministre lui avait accordées, ainsi qu’à son père : « Au lieu de demander à la cour que je sois confirmé dans la possession de cette province, s’écria Liu-Pou furieux, en tirant son glaive, voilà tout ce que vous rapportez de la capitale, des récompenses pour vous ! Votre père et vous m’avez fait rompre l’alliance que j’allais conclure avec Youen-Chu, sans me procurer aucun avantage en compensation. Vous m’avez trahi, sacrifié tous les deux pour acquérir des places et des revenus ! » Et il voulait décapiter Tchin-Teng ; mais celui-ci reprit en riant : « Général, à quel propos fermez-vous ainsi les yeux à la lumière ? — En quoi suis-je donc si peu clairvoyant ? — Écoutez ; comme je causais avec Tsao dans une entrevue, la conversation tomba sur vous, général ; je vous comparais à un tigre apprivoisé, auquel il faut donner de la chair à manger, pour l’empêcher de dévorer la main qui le nourrit. — Non, reprit gaiement Tsao, votre comparaison n’est pas juste ; je tiens à bien traiter le prince de Ouan[25], comme on ferait d’un faucon dressé pour la chasse. Tant que le gibier, lièvres et renards[26], n’est pas entre les mains du chasseur, il ne doit pas donner à manger à ce noble oiseau de proie ; car quand il a faim, il chasse ; quand il est repu, il vole haut et s’enfuit. — Ces renards, ces lièvres auxquels vous faites allusion, lui demandai-je, quels sont-ils ? — Les chefs qui se sont déclarés indépendants : à l’est du Kiang, Sun-Tsé, dans le Ky-Tchéou, Youen-Chao ; dans le Hing-Siang, LiéouPiao ; dans le Y-Tchéou, Liéou-Tchang ; dans le Han-Tchong, Tchang-Lou[27] ! — Ah ! répondit Liu-Pou apaisé, en remettant son glaive dans le fourreau, comme ce Tsao me connaît bien ! » Il fut interrompu par les courriers qui lui annonçaient que Youen-Chu marchait contre lui avec une armée ! Cette nouvelle le jeta dans une grande agitation.


  1. Voir vol. Ier, page 257.
  2. Voir vol. Ier, page 179 et suiv., l’histoire de My-Tcho.
  3. Il est souvent désigné dans le texte par son surnom de Yun-Tchang.
  4. Les deux premières divisions étaient commandées par Song-Hien et Oey-So ; la troisième, par Tchang-Léao. Les noms propres ont été supprimés pour ne pas embarrasser le récit.
  5. Littéralement : un frère cadet, ce qui implique l’idée de protection et d’accueil hospitalier, et aussi parce que Tsao occupait un poste plus élevé dans l’Empire.
  6. La phrase chinoise dit, sous une forme négative : seulement craignez qu’ils ne soient pas encore venus.
  7. Kouan-Tchong, signifie en dedans des passages ; le siège de la révolte était donc asses rapproché de la capitale.
  8. Voir vol. Ier, livre II, chapitre II.
  9. Le mot Yu ne se trouve pas dans le dictionnaire de Basile de Glemona. Celui de Kang-Hy l’explique par : rivière qui sort du sud-est du mont Lou-Tchy dans le district de Hang-Nong, et se jette dans le fleuve Mien (Bas. 4, 884). Le texte tartare dit : dans le lieu nommé Yu-Chouy, sans interpréter les deux caractères chinois.
  10. Littéralement : voyant qu’il répondait à ses questions comme l’eau qui coule.
  11. Voir vol. Ier, page 156.
  12. Littéralement : qui gouvernait les affaires de ses vêtements et de sa nourriture.
  13. Il semblerait que Tsao-Tsao habitait la ville dans laquelle il avait placé une partie de ses troupes ; cependant les deux textes disent expressément sous la tente ; on doit donc supposer que le premier ministre campait dans les murs où il ne devait passer que quelques jours.
  14. Voir vol. Ier, page 171.
  15. L’éditeur chinois d’une édition in-18 du San-Koué-Tchy, met en note : Et s’arma de deux hommes en guise de lance ; on peut dire qu’il repoussa les ennemis avec ces mêmes ennemis (qui lui servaient d’armes).
  16. Il y a dans le texte chinois : Ta-Youen ma, mots que l’interprète tartare a omis de reproduire et d’expliquer : ils signifient ; un cheval du Ta-Youen, pays situé à l’ouest de la Chine, à 1, 250 milles (12, 500 lys) de la capitale des premiers Han, selon le dictionnaire de Kang-Hy et celui de Basile (qui tous les deux prononcent Youen et non Wan). Au vol. Ier, page 200, des Mélanges asiatiques, M. Abel Remusat appelle ce royaume Fergana, et parle des chevaux merveilleux qu’on y élevait. Sans doute, ici ce mot n’a plus que la valeur d’une épithète.
  17. La phrase chinoise a été retournée pour établir une transition qui manque dans l’original. Le nom du district est Ping-Lou ; les lieutenants sont Hia-Héou-Tun, Hu-Tchu, Ly-Tien, Yo-Tsin (voir vol. Ier, page 204, et passim). Cet incident, qui déjà embarrasse un peu le récit, est trop rempli de noms propres ; il a fallu en rejeter quelques-uns dans les notes.
  18. Sur le sceau des mandarins et des généraux, voir la note de la page 84, vol. Ier, page 316.
  19. Le premier soin du souverain qui monte sur le trône, est de déclarer celui de ses fils qui doit lui succéder, et de choisir une épouse à ce prince qui devient Tay-Tseu, c’est-à-dire maximus filius ; on le désigne aussi en chinois par les mots de Tong-Kong, littéralement palais de l’est, que notre texte emploie ici, et que les dictionnaires ne donnent pas. Le texte tartare traduit ces mots par Tay-Tseu.
  20. Voir plus haut, page 13.
  21. Voir vol. Ier, page 191, le détail des aventures de Liu-Pou, depuis la mort de Tong-Tcho jusqu’à son arrivée près de Hiuen-Té.
  22. Voir vol. Ier, page 810, la note de la page 58.
  23. Littéralement : j’attends le châtiment de ma faute.
  24. Cette barbare coutume de mettre à mort l’envoyé d’un prince ou d’un seigneur révolté avec lequel on n’est pas encore en hostilité, équivalait sans doute à une déclaration de guerre formelle.
  25. Titre honorifique de Liu-Pou.
  26. Le renard est un assez gros gibier pour un faucon ; peut-être s’agit-il d’un oiseau plus grand, tel que le gerfaut. Les Tartares aiment beaucoup cette chasse à vol ; ici l’interprète mandchou rend le mot chinois Yang, s’envoler comme emporté au gré du vent, par Kalimbi, s’élever bien haut ; ce qui se dit des oiseaux qui se sauvent et prennent leur vol bien haut pour éviter d’être pris. La langue tartare est plus riche en termes de grande et de petite chasse, qu’en expressions abstraites et philosophiques. Remarquons aussi que cette phrase de notre texte est citée tout au long dans le dictionnaire de Kang-Hy, au mot Yang (Basile, 12, 391), pour en bien expliquer le sens. Le passage est emprunté au livre intitulé Oey-Tchy-Liu-Pou-Tchouen. — Dans l’expression chinoise oue-sy, le mot sy (Basile 2, 846) doit peut-être se lire avec la clef du feu (Basile 5, 500 ; Morrrison, seih) pour mieux exprimer le sens du mandchou ouatchira.
  27. Ces personnages ont déjà figuré dans le vol. Ier, et ils doivent jouer un rôle dans la suite de l’ouvrage ; on ne pouvait donc supprimer cette énumération, d’autant plus que de la part de l’auteur, c’est un moyen d’appeler l’attention sur les événements qui se préparent.