Histoire des Météores/Chapitre 19


chapitre xix.
feu saint-elme, ou feu saint-nicolas.

On appelle feu Saint-Elme un météore lumineux produit par l’électricité, et qui se manifeste quelquefois en mer par un temps d’orage, surtout vers la fin d’une tempête. Il se présente sous forme de flamme ou de vapeur lumineuse, voltigeant sur les navires, aux extrémités des vergues et des mâts.

Tous ceux qui ont fait quelque long voyage en mer peuvent dire avec Camõens : « J’ai vu des feux brillants s’élever du sein des tempêtes, et d’un cercle de lumière environner nos mâts, heureux présage d’un calme prochain ; le matelot battu par l’orage les prend pour des génies secourables qui ramènent la paix sur la terre[1]. »

Les anciens nommaient ces feux Castor et Pollux :

Tel et de même éclate aux yeux des matelots
Ce feu qui leur est cher et qu’au fort des orages
Les mâts électrisés attirent des nuages ;
Qui roule ou se jouant, que son brillant essort
Fit appeler Hélène, et Pollux et Castor.

(Rosset, l’Agriculture.)

Ces feux, amis des matelots, eurent à leurs yeux dès la plus haute antiquité quelque chose de sacré.

Lorsque les Argonautes levèrent l’ancre du promontoire de Sigée, il s’éleva une violente tempête, durant laquelle des flammes légères parurent, dit-on, sur la tête de Castor et de Pollux ; et comme le calme suivit de près cette apparition, les deux héros furent regardés comme des divinités secourables. On les invoqua dans la suite sous le nom de Dioscures, c’est-à-dire fils de Jupiter, et toutes les fois que ces flammes brillaient sur les vaisseaux on croyait que c’était Castor et Pollux qui venaient au secours des navigateurs.

Si, au lieu de deux, il n’en paraissait qu’un, ce n’était plus une marque de beau temps ; on l’appelait Hélène ; alors on le regardait comme le présage infaillible d’une tempête prochaine.

À Castor et Pollux nos matelots ont substitué saint Nicolas et saint Elme.


  1. Les Lusiades, ch. V.