Histoire de la vie de Hiouen-Thsang et de ses voyages dans l’Inde/Documents géographiques

慧立 Hui Li, 彦悰 Yan Cong
Traduction par Stanislas Julien.
(p. 353-461).


A-CHITO-FA TI.

A-chi-to-fa-ti (Adjitavatî), en chinois Wou-ching « invincible ».

À l’époque de Hiouen-Thsang, c’était le nom vulgaire de la rivière Hi-laï-na-fa-ti (Hiraṇyavatî — la Gaṇḍakî des modernes). Klaproth se trompe lorsqu’il dit, dans le Fo-koue-ki, p. 236 : « Hi-lien, nom de rivière, est indubitablement Hiraṇya, qui signifie or. Les anciens ouvrages bouddhiques appellent cette rivière Chi-laï-na-fa-ti (Swarṇavati), qu’ils traduisent par qui a de l’or. »

Il y a ici plus d’une erreur. 1° Hi-lien (abrév. de Ni-lien-chen-na, Nâirañdjana) n’est pas la transcription d’Hiraṇya ; il vient de Nirañdjana, « qui n’a pas d’affection, non souillé (pur), » en chinois Wou-tcho. 2° La transcription chinoise qu’il rapporte répond à Hiraṇyavatî, et non à Swarṇavatî (faute pour Souvarṇavatî). 3° Il n’est pas permis, suivant le dictionnaire Fan-i-ming-i-tsi, livre VII, folio 18, de confondre la rivière Ni-lien-chen-na (Nâirañdjana) avec l’Hiraṇyavatî. En effet, cette dernière était fort large, et l’autre (Hi-lien) très-petite. Suivant quelques auteurs, la rivière Hi-lien était Iarge de quarante pieds, et selon d’autres de quatre-vingts pieds ; elle coulait au nord de la ville. L’Hiraṇyavatî, au contraire, coulait au sud de la ville, et était éloignée de cent li (dix lieues) de la rivière Nâirañdjana.

Ce fut au bord de la rivière Hiraṇyavatî, située, suivant Hiouen-thsang (Si-yu-ki, liv. VI, fol. 16), non au sud, mais trois ou quatre li au nord-ouest de la ville de Kouçinagara, que le Bouddha se rendit pour entrer dans le Nirvâṇa. Cet événement eut lieu à une petite distance de la rive occidentale, dans un petit bois d’arbres Sâlas (Shorea robusta).

A HI-TCHI-TA-LO.

A-hi-tchi-ta-lo (Ahikchêtra, de Ahi « serpent » et de kchêtra « champ » ). Dans le Si-yu-ki, livre IV, fol. 17, le premier mot est écrit ’o (vulgo ngo), signe qui, comme ’o sert à figurer l’a . Ce royaume, dit le même ouvrage, a trois cents li de tour, et la capitale, de dix-sept à dix-huit li. Il est fortement défendu par des obstacles naturels. Le pays abonde en grains et surtout en blé. Il y a beaucoup de forêts et de sources. Le climat est tempéré. Les habitants ont des mœurs simples et honnêtes ; ils se livrent à l’étude avec ardeur, et beaucoup d’entre eux se distinguent par leurs talents et leurs vastes connaissances. On y voit une dizaine de couvents, où habitent environ mille religieux qui étudient les principes de l’école Tching-liang-pou (ou des Sammitiyas), qui se rattache au petit Véhicule (Hinayâna) On voit en outre neuf temples des dieux (Dévâlayas). Il y a environ trois mille hérétiques qui adorent le dieu Tseu-ts’aï-t’ien (Îçvara dêva) ; ce sont tous des sectaires qui se frottent le corps de cendres (des Pâçoupatas).

En dehors de la ville, à côté dun étang de dragons (Nâgahrada), il y a un Stoûpa qui fut bâti jadis par le roi Wou-yeou (Açôka). Ce fut en cet endroit que Jou-laï (le Thatâgata), lorsqu’il était un roi des dragons (Nâgarâdjâ), prêcha la Loi pendant sept jours.

À côté il y a quatre petits Stoûpas. On y voit les sièges des quatre Bouddhas passés et les empreintes de leurs pas.

En sortant de ce pays, Hiouen-thsang fit de deux cent soixante à deux cent soixante-dix li au sud, traversa le Gange, et se dirigeant au sud-ouest, arriva au royaume de Pi-lo-chan-na (Viraçâṇa ? — Inde centrale).


A-KI-NI.

A-ki-ni (Akni ou Agni), nom de royaume, le même que le Yen-ki des Han, aujourd’hui Kharachar, suivant le Dictionnaire géographique Si-yu-t’ong-wen-tchi, liv. II, fol. 12. Sous les trois royaumes (dit cet ouvrage), sous les Tsin, les Weï, les Tcheou et les Souï, on conserva le nom de Yen-ki. Sous les Thang, on y établit la résidence d’un Tou-t’o, ou gouverneur chinois. Sous les Song, il fut habité par des Hoeï-hou (Oïgours) de Si-tcheou. Sous les Youen et les Ming, il fut nommé Pie-chi-pa-li (Bichbalik).

On lit dans les Annales des Thang (Hist. du Si-yu) : « De l’est à l’ouest, le royaume de Yen-ki a six cents li, et quatre cents li du nord au sud. À l’est, on trouve Kao-tch’ang (pays des Oïgours) ; à l’ouest, Koueï-tseu (Koutché) ; au sud, Weï-li (aujourd’hui Khalga aman), et au nord, les Ou-sun. »

Nous lisons dans les Annales des Ming (Hist. du Si-yu) les détails suivants sur Pie-chi-pa-li (Bichbalik — le Yen-ki des HanA-ki-ni de Hiouen-thsang) : « Au midi, il est limitrophe de lu-tien (Khotan) ; au nord, il touche à Wa-la[1] ; à l’ouest, il va jusqu’à San-mo-kien (Samarkand). et à l’est, jusqu’à Ho-tcheou (Tourfan). »

Pour suppléer au silence de notre auteur, nous empruntons au Si-ya-ki (liv. I, fol. 5) la description d’A-ki-ni : « Il a six cents li de l’est à l’ouest, et quatre cents du sud au nord. La capitale a de six à sept li. De quatre côtés, il s’appuie sur des montagnes. Les chemins, qui sont pleins de précipices, sont fort aisés à défendre. Une multitude de rivières, qui se joignent ensemble, lui forment une sorte de ceinture. On amène l’eau par des conduits, pour arroser les champs. Ce pays produit du riz, du millet et du blé, des jujubes odorantes, des raisins, des poires et des mangues. Le climat est doux et tempéré ; les mœurs sont simples et honnêtes. Les caractères de l’écriture sont ceux de l’Inde, auxquels on a fait quelques changements. Les habitants portent des vêtements de coton, coupent leurs cheveux et ne font point usage de bonnets. Dans le commerce, ils se servent de monnaies d’or, d’argent et de cuivre ; ces dernières sont fort petites. Le roi est originaire d’A-ki-ni ; il est courageux, mais il a peu d’habileté dans l’art de la guerre ; il aime à exalter lui-même son mérite. Dans ce royaume, il n’y a point de code de lois, de sorte que les règlements administratifs ne sont point observés avec l’exactitude et le respect convenables. Il y a une dizaine de couvents, où l’on compte environ deux mille religieux de l’école I-tsie-yeou-pou (ou des Sarvâstivâdas), qui se rattache au petit Véhicule. Comme ils suivent les usages de l’Inde pour ce qui regarde les instructions religieuses, la discipline et les cérémonies, ils les étudient dans les textes originaux. Ils montrent une pureté sévère dans leur conduite, et pratiquent avec un zèle ardent les règles de la discipline. Mais, en mangeant, ils mêlent quelquefois des mets ordinaires aux trois aliments purs, et s’attachent avec une sorte de partialité à la doctrine graduelle. »

En sortant de ce pays, Hiouen-thsang fit environ deux cents li au sud-ouest, franchit une petite montagne, traversa deux grands fleuves, et entra à l’ouest dans une vallée unie. De là, après avoir fait sept cents li, il arriva au royaume de Kio-tchi (aujourd’hui Koutché).


A-LI-NI.

A-li-ni, (AlniArni ?). Si-yu-ki, livre XII, fol. 4 : « A-li-ni est un ancien pays du royaume de Tou-ho-lo (Toukhâra). Il borde les deux rives de l’Oxus. Sa circonférence est d’environ trois cents li. La capitale a de quatorze à quinze li de tour. Sous le rapport des produits du sol et des mœurs des habitants, il ressemble, en grande partie, au royaume de Houo. En partant de l’est, on arrive[2] au royaume de Ko-lo-hoa[3] (Ro-hoa — Roh ?). »

A-LI PO-TI.

A-li-po-ti, faute pour A-chi-to-fa-ti (Adjitavatî), en chinois Wou-ching « invincible », nom d’une rivière. Son nom ancien était Hi-laï-na-fa-ti (Hiranyavatî) « qui roule de l’or », en chinois Yeou-kin-ho. Voy. A-chi-to-fa-ti.

A-NANT’O POU-LO.

A-nan-t’o-pou-lo (Anandapoûra), nom de royaume. Sry^, liv. XI : « Ce royaume a deux mille li de tour, et la capitale environ vingt li. La population est nombreuse ; toutes les familles sont riches et vivent dans l’abondance. Il n’y a point de roi ni de chefs. Ce pays dépend du royaume de Mo-la-p’o (Malva), auquel il ressemble sous le rapport des produits agricoles, du climat, de l’écriture et de l’administration. On y voit une dizaine de couvents où l’on compte presque mille religieux de l’école Tching-liang-pou (ou des Sammitîyas), qui se rattache au petit Véhicule. Il y a aussi une dizaine de temples des dieux (Dévâlayas). Les hérétiques des différentes sectes habitent pêle-mêle.

« En partant du royaume de Fa-la-pi (Vallahht), Hiouan-thsang lit environ cinq cents li à l’ouest, et arriva au royaume de Sou-la-fo (Sourâchira — Inde de l’ouest).

A PO KIEN.

A’po-kien. Le Si-ya-ki (liv. XII, fol. 6) l’appelle In-po-kien (Invakan ?). — Voy. In-po-kien.

ATCH’A-LI.

A’tch’a'li (Aiali), nom de royaume. Si-yu-ki, liv. XI. fol. iG : « Le royaume d’A-tch’a-li a trois mille li de tour ; la circonférence de ia capitale peut être d^une vingtaine de li. La population est très-pres6ée , et toutes les familles vivent dans Tabondance. Il n’y a point.de prince ni de chefs indigènes. Ce pays estsoumîs au royaume de Ma-lap’o [Malva), auquel il ressemble par les mœurs, les coutiunes et les pro- duits du sol. Il y a une dizaine de Kia-lan {Samghârâmas ) « couvents » qui renferment un millier de religieux et de no- vices : on y étudie en même temps le grand et le petit Véhi- cule. Il y a une dizaine de temples des dieux {Dévâlayas) que fréquentent un nombre considérable dlicrétiques. » En partant de ce pays , Hioaen-thsang fit environ mille li au nord et arriva à Fa-la-pi (VaUabhi) ^ partie septentrionale du royaume de Lo-lo {Lara — Lar — Inde du sud).

A TIENPO TCHILO.

A-tien-po-ichi’h (Adyarhvakila ?), nom de royaume. Si-ya-ki, liv. XI, fol. 21 : « Ce royaume a cinq mille li de tour ; la capitale s’appelle Khie’is€-chi’fa-lo (Khadjêçvara ?) ; sa circonférence est d’environ trente li. Ce royaume est reculé au loin sur les frontières de louest ; il est voisin du fleuve Sin-toa (Sindh — Indus), et se trouve voisin des rivages d’une grande mer. Les maisons sont d une architecture élégante et renferment beaucoup de choses précieuses. Dans ces derniers temps, on n’y voyait ni prince ni chefs indigènes ; il obéissait au roi du Sin-toa (Sindh). Le terrain est bas, humide et imprégné de sel. Il est couvert d’une multitude de mauvaises herbes, de sorte qu’il reste peu d’espace pour l’agriculture. Quoi- qu’on y cultive toute espèce de grains, cependant les plantes potagères y croissent avec une abondance remarquable. Le climat est un peu froid et le vent y souffle avec violence. Il est favorable à l’élève des bœufs, des moutons et des chameaux. Les habitants sont d’un caractère violent et emporté, et n’ont point de goût pour l’étude. La langue qu’on parle diffère sensiblement de celle de l’Inde centrale. Les mœurs sont simples et honnêtes, et l’on a beaucoup de respect pour les Trois précieux (le Bouddha, la Loi, l’Assemblée des religieux). Il y a quatre-vingts couvents où Ion compte environ cinq mille religieux et novices, la plupart de l’école Tcfcm^-Iioiij-poa (ou des Sammitîyas), qui se rattache au petit Véhicule. Il y a une dizaine de temples des dieux (Dêvâlayas) où habitent des hérétiques qui se frottent le corps de cendres (des Pâçoupatas). Au milieu de la ville s’élève le temple de Ta-tseu-ts’aï-tien (Mahêçvara déva). Cet édifice est orné de sculptures. Lu statue du dieu est douée d’une puissance merveilleuse. Les hérétiques qui se frottent de cendres (les Pâçoupatas) fréquentent ce temple et y habitent, etc. »

En sortant de ce pays, Hiouen-thsang marcha dans la direction de l’ouest, et, après avoir fait moins de mille li, il arriva au royaume de Lang-hie-lo (Langala — Indeocdden— talc).

A-YE-MOU-KIE.

A-ye’mou-kie (Hayamoukha — Inde centrale). Si-yu-ki, liv.V, fol. 1 2 : « Ce royaume a de deux mille quatre cents & deux mille cinq cents li de tour ; la capitale est voisine du fleuve Kinj’lda (Gangâ — Gange) ; sa circonférence est de vingt ii. Sous le rapport du climat et des propriétés du sol, ce pays ressemble au royaume d’A-ya-ïo (Ayôdhyâ — Aoude — Ouie). Les habitants ont un caractère droit et des mœurs honnêtes. Ils étudient avec zèle et aiment la vertu. Il y a cinq couvents où Ion compte environ mille religieux de l’école Tching-Liang-pou (l’école des Sammitîyas), qui se rattache au petit Véhicak. Il y a une dizaine de temples des dieux (Dévâlayas). Les hérétiques des différentes sectes habitent pêle-mêle. »

En partant de ce royaume, Hiouen-thsang fit environ sept cents li au sudest, passa au sud du Gange, puis au nord de la rivière Yen-meou-na (la Yamounâ — Djomnâ) et arriva au royaume de Prayâga (Inde centrale).

A-YU-T’O.

A-yu-t’o (Ayôdhyâ — Inde centrale). Si-ya-ki, liv. V, fol. 10 : « Ce royaume a cinq mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de vingt li. Ce pays produit des grains en abondance, et les jardins et les vergers offrent une immense quantité de fleurs et de fruits. Le climat est doux et tempéré ; les habitants sont d’un caractère doux et honnête ; ils aiment à pratiquer le bien et se livrent à l’étude avec ardeur. Il y a une centaine de couvents où Ion compte trois mille religieux. On y suit à la fois le grand et le petit Véhicule. Il y a dix temples des dieux (Dévâlayas). On ne voit qu’un très-petit nombre d’hérétiques. »

En partant de ce pays, Hiouen-thsang fit environ trois cents li à lest, passa au nord du Gange et arriva au royaume de A-ye-moa-kie [Hayamoukha — Inde centrale).

AN-TA-LO.

An-ta-lo (Andhra — Inde du sud). Si-yu-ki, liv. X, fol. 16 : « Ce royaume a trois mille li de tour ; la capitale peut avoir vingt li de circonférence ; on l’appelle Ping-ki-b (Vinkila — Vinkira ?). Le sol est bien arrosé et donne d’abondantes moissons. Une douce chaleur s’y fait sentir en toute saison. Les mœurs sont empreintes de violence et de férocité ; la langue parlée et la prononciation diffèrent beaucoup de celles de l’Inde centrale ; mais les caractères de l’écriture sont, en grande partie, les mêmes. Il y a une vingtaine de couvents où l’on compte environ trois mille religieux et novices, et une trentaine de temples des dieux (Dévâlayas) ; il y a aussi un grand nombre d’hérétiques. »

En partant de ce pays, Hiouen-thsang traversa des forêts et des plaines sauvages dans la direction du sud, et, après avoir fait environ mille li, il arriva au royaume de To-na-kie-tMC^ (D/ia/ioAato/ufAa ? appelé aussi le grand Andhra — Inde du sud).

’AN-TA-LO-PO.

’An-ta-lo-po (Antarava — Endérab — Inde du nord-ouest). Si-ya-ki, liv. XII, fol. 3 : u G est un ancien pays du royaume de Toa-ho’lo (Toukhâra). Il a environ trois mille il de tour ; la circonférence de la capitale est de quatorze à quinze li. Il n’y a ni prince ni chefs indigènes. Toute cette contrée est soumise au Tou-kioue. On y voit des chaînes continues de montagnes et de collines, de sorte que les vallées sont fort resserrées, et les terres labourables n’ont qu’une médiocre étendue. Le climat est d’un froid glacial, et (en hiver) on y est incommodé à la fois par la violence du vent et l’abondance de la neige. Cependant ce pays est assez riche en grains, et est favorable ci la culture des fleurs et des arbres à fruits. Les habitants sont d’un caractère violent et sauvage ; ils n’ont ni lois, ni règlements administratifs, et semblent ignorer la distinction du bien et du mal. Ils n’ont nulle estime pour la science, et ne fréquentent que les temples des dieux (Dêvâlayas) ; peu d’entre eux croient à la loi du Bouddha. Il y a trois couvents où l’on ne compte que quelques dizaines de religieux qui tous suivent la doctrine de l’école Ta-tchong-pou (ou des Makâsam̃ghikas). On y voit un Stoûpa bâti par le roi Açôka. »

En sortant de ce pays, au nord-ouest, Hiouen-thsang entra dans une vallée, franchit un passage de montagne, traversa plusieurs petites villes et, après avoir fait environ quatre cents 11, il arriva au royaume de Koathsi-to (Khoasta).

CHANG-MI.

Chang-mi [Çâmbki). Siya-ki, liv. XII, fol. 8 : « Ce royaume a deux mille cinq cents li de tour ; il offre une succession de montagnes et de vallées, et une multitude de tertres et de collines. Ce pays produit toutes sortes de grains ; les légumes et le froment y sont d’une abondance remarquable. On récolte beaucoup de raisins, et, en creusant les rochers à l’aide du ciseau, on en tire du Tse-hoang (sulfure d arsenic). Le climat est froid ; les habitants sont d’un naturel droit et honnête ; mais ils ne connaissent ni la justice ni les rites ; leur intelligence est fort bornée et ils montrent une aptitude très-médiocre dans les arts. Leur écriture est la même que celle du royaume de Toa-ho-lo (Toukhâra) ; mais leur langue est tout à fait différente. La plupart portent des vêtements de laine feutrée ; leur roi est de la race de Çâkya. Il a un grand respect pour la loi du Bouddha ; ses sujets suivent son exemple et montrent une foi sincère. Il y a deux Kia-lan (Sam̃ghârâmas) qui ne renferment qu’un petit nombre de religieux. »

Au nord-est des frontières de ce royaume, Hiouen-thsang franchit des montagnes, traversa des vallées, marcha à travers des précipices et, après avoir fait sept cents li, il arriva à la vallée de Po-mirlo [Pamir).

CHE-LAN T’O-LO.

Che-lan-t’o-lo (Djâlandhara — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. IV, fol. 1 6 : « Ce royaume a mille li de l’est à l’ouest ; il produit en abondance du riz, des fleurs et des fruits ; les arbres des forêts sont remarquables par la richesse de leur v^tation. La température est douce et tiède. Les habitants sont d*iin caractère dur et emporté ; les traits de leur figure sont gros- siers et ignobles. Toutes les familles vivent dans Tabondance. 11 y a une cinquantaine de couvents qui comptent environ deux mille religieux, divisés en deux classes, qui étudient spécialement f une le grand et l’autre le petit Véhicale. Il y a en outre trois temples des dieux [Dévâlayas) que firëquentent environ cinq cents hérétiques de la secte qui se frotte le corps avec de la cendre (la secte des Pâçoapatas). »

En partant de ce pays au nord-est, Hiouen-thsang franchit de hauts passages de montagnes, traversa des vallées pro- fondes et marcha à travers des chemins remplis de précipices. Après avoir fait ainsi sept cents li environ, il arriva au royaume de Kio-loa-to (Koulouta — Inde du nord).

CHE-TO-T’OU-LOU.

Che’to-t’ou-lou (Çatadrou — Inde du nord). Si-ya-ki, iiv. IV, fol. 7 : u Ce royaume a deux mille li de tour ; à Touest, il est voisin d*un grand fleuve (le Çatadrou) ; l’enceinte de la capi- tile peut avoir de dix-sept à dix-huit li. Les grains de toute sorte y vieiuient en abondance et Ion y récolte une grande quantité de fruits. On tire de ce pays beaucoup d’or, d’argent et de pierres précieuses. Les habitants portent des vêtements de soie fine, dont le haut est orné de riches broderies. Le climat est chaud , les mœurs sont douces et honnêtes. Les hommes sont d un caractère vertueux et docile ; les supérieurs et les inférieurs tiennent chacun leur rang. Tous croient sin- cèrement à la loi du Bouddha et l’observent avec un profond respect. Il y a, tant dans la ville royale qu’en dehors, une dizaine de couvents dont les vastes salles sont presque désertes et où Ton ne voit qu'un petit nombre de religieux.

« À trois ou quatre li au sud-est de la ville, il y a un Stoûpa haut d'environ deux cents pieds qui fut bâti par le roi Açôka. Â côté, on voit encore les endroits où se sont assis les quatre Bouddhas passés et où ils ont laissé des traces de leurs pas. »

En partant de ce pays, Hiouen-thsang se dirigea de nouveau au sud-ouest et, après avoir fait environ huit cents li, il arriva au royaume de Po-U-ye-to-h (Pâryâtra — Inde centrale).

CHI-KI-NI.

Chi-ki-ni (Sighnak). Si-yu-ki, liv. XII, fol. 8 : « Ce royaume a deux mille li de tour ; l'enceinte de la ville peut avoir de cinq à six li. Il oQre une succession de montagnes et de vallées, et des plaines désertes remplies de sables et de pierres. Ce pays produit beaucoup de légumes, mais fort peu de grains. Les arbres des forêts sont rares et très-espaces. On y voit peu de fleurs et de fruits. Le climat est froid et glacial, et les mœurs sont empreintes de violence et de cruauté. Les habitants se livrent au pillage et au vol, et ne reculent pas devant l'assassinat. Ils ne connaissent ni les rites, ni la justice, et ne savent pas mettre de différence entre le bien et le mal. Ils ignorent le bonheur et les peines de la vie future, et ne redoutent que les malheurs et les calamités de la vie présente. Les traits de leiu* figure sont grossiers et ignobles. Ils portent des vêtements de peaux et de laine. Les caractères de leur écriture sont semblables à ceux du royaume de Tooho'lo (Toukhâra)'j mais leur langue est différente. »

Après avoir franchi le royaume de Ta-mosi-t'ie-ti [Dhamasthiti ?), au sud d une grande montagne, on arrive au royaume de Chang-mi {Çâmbhi),

CHI-KOUE.

Chi’koue. Si-yu-ki, liv. I, fol. 10 : « Le royaume de Tche-chi (Tchadji — Tchadj des Mongols — Schasch des Arabes) a mille li de tour. À l’ouest, il est voisin du fleuve 5ï^e(raxortei — Sihoan). De l’est à l’ouest, il est fort étroit ; ii est au contraire très-allonge du nord au sud. Pour les productions du soi et du climat, il ressemble tout à fait au royaume de Noa-idd-Hai [Nouchidjan des Arabes) ; il y a une dizaine de viiles qui ont chacune un prince et des chefs particuliers. H n’a point de maître souverain et est soumis aux Toa-kioue (Turcs). »

À environ mille li au sud-est de ce pays, on arrive au royaume de Feï-han (le pays actuel de Bédélik, suivant le dictionnaire Si-yu-t’ong-wen-tchi, liv. I, fol. 37).

CHI-LO-FA-SI-TI.

Chi-lo-fa-si-ti (Çrâvasti — Inde centrale), nom de royaume. Si-ya-ki, liv. VI, fol. i : « Ce royaume a six mille li de tour ; la capitale est mince et presque déserte ; on ne possède nul témoignage historique pour en déterminer les limites. Les anciens fondements de cette ville ont vingt li de tour. Quoique la plupart des maisons soient en ruines, on y voit encore un certain nombre d’habitants.

« Ce pays abonde en grains ; le climat est doux et tempéré et les mœurs sont pures et honnêtes. Le peuple montre une grande ardeur pour l’étude et il aime à cultiver la vertu. Il y a une centaine de couvents dont le plus grand nombre est délabré ou en ruines, et l’on n’y voit qu’un petit nombre de religieux et de novices qui suivent les principes de l’école Tching-liang-pou (ou des Sammitîyas). Il y a une centaine de temples des dieux (Dêvâlayas). On voit un nombre considérable d’hérétiques.

« Lorsque Jou-laï (le Tathâgata) vivait dans le siècle, c’était la capitale du royaume que gouvernait le roi Po-lo-si-na-chi-to (Prasénadjit).

« Dans l’intérieur de la ville antique, il y a d’anciennes ruines. Ce sont les fondements qui restent du palais du roi Ching-kiun [Prasénadjit).

« Un peu plus loin, à l’est, il y a encore d*anciennes fondations sur lesquelles on a élevé un petit Stoûpa. Là était la Grande salle de la Loi que jadis le roi Ching-kiun (Prasénadjit) avait fait construire pour Jou-laï (le Tathâgata), etc. »

En partant de ce pays au sud-est, Hiouen-thsang fit environ cinq cents li et arriva au royaume de Kie-pi-lo-fa-sou-tou (Kapilavastou — Inde centrale).

CHING-LIN.

Ching-lin, nom d’un bois célèbre (en sanscrit Djêtavana — la forêt du vainqueur) où fut élevé l’un des plus célèbres couvents de l’Inde (Djêtavana vihâra). Le fils aîné de Prasênadjit, nommé Ki-t’o et plus exactement Chi-to (Djétâ — le vainqueur, le victorieux), possédait un jardin dont le terrain uni et régulier était couvert d’arbres magnifiques. Che-li-fo (Çâripouttra) ayant dit à Sia-ta [Soudatta), Tun des ministres du roi, appelé aussi Ki-hou-t’o, à cause de sa bienfaisance pour les pauvres et les orphelins [Anâthapindika et Anâtkapindada), qu’il fallait y construire un couvent, celui-ci alla trouver le prince royal (Koumârarâdjâ) et demanda à acheter son jardin. Djêtâ s y refusa, objectant qu’il n’avait pas besoin d’argent et qu’il se réservait ce jardin pour se promener et s’amuser. Soudatta étant venu le solliciter à plusieurs reprises, il doubla le prix chaque fois, et enfin il lui imposa pour condition d’en couvrir d’or tout le sol, sans laisser une seule place vide.

Soudatta y consentit. Il fit apporter par des hommes et des éléphants une immense quantité d’or qui couvrit quatre-vingts arpents ; mais, au milieu, il resta un petit espace vide qu’il ne put couvrir. Ce fut là qu’on éleva plus tard le célèbre couvent de Djêtavana. Mais six maîtres de magie (Mâyâkaras) allèrent trouver le roi Prasênadjit et lui racontèrent que le prince royal avait vendu son jardin à Soudatta, qui voulait le consacrer au Bouddha et à ses disciples. Ils prièrent le roi de n’accorder sa ratification que si le Çramana Çâripouttra, qui avait conseillé d’acheter ce jardin, voulait lutter avec eux dans l’art d’opérer des prodiges et sortait vainqueur de la lutte. Après bien des détails que nous omettons pour abréger cette légende, le combat commence. Un des disciples des six maîtres, nommé Lao-tou-tcha, qui était très-habile dans les sciences occultes, prononça des paroles magiques et fit paraître un arbre immense dont les branches touffues ombragèrent l’assemblée. Il était aussi remarquable par l’éclat de ses fleurs que par la beauté et l’abondance de ses fruits.

Çâripouttra produisit un tourbillon de vent qui déracina l’arbre, le renversa par terre et le réduisit en poussière.

Toute l’assemblée s’écria : « Çâripouttra est vainqueur ; Lao-tou-tcha ne saurait l’égaler. » Mais celui-ci prononça de nouveau des paroles magiques et fit paraître un étang dont les bords étaient enrichis de sept matières précieuses. Au centre de l’étang, s’élevaient toute sorte de fleurs d’une beauté sans pareille.

De son côté, Çâripouttra fit paraître un éléphant blanc armé de six défenses. Sur chacune de ces défenses, il y avait sept lotus, et sur chaque lotus, sept jeunes filles belles comme le jade. L’éléphant s’avança majestueusement au bord de l’étang et en but toute l’eau. L’étang s’étant tout à coup trouvé à sec, la multitude proclama la victoire de Çâripouttra.

Lao-tou-tcha fit paraître une montagne formée de sept matières précieuses, qui était embellie par des sources d’eau vive, des arbres, des fleurs et des fruits.

Çâripouttra fit paraître un guerrier armé d’une massue de diamant (vadjrapâni), qui, se bornant à montrer de loin la montagne avec sa massue, la brisa en un clin d’œil et la dispersa sans qu’il en restât un vestige.

Lao-tou-tcha et Çâripouttra continuent encore longtemps la lutte, mais, par la grandeur de ses prodiges, le dernier reste vainqueur. Il prêche la Loi à la multitude immense des spectateurs, qui, suivant leur conduite dans la vie antérieure, deviennent, les uns Çrôtâpannas, les autres Sacrĭdâgâmins ou Anâgâmins ; d’autres enfin obtiennent le rang d’Arhat. Les six maîtres de magie et tous leurs disciples embrassent la vie religieuse sous la direction de Çâripouttra. La lutte étant terminée, toutes les populations qui étaient accourues s’en retournèrent dans leur première demeure.

Alors Soudatta et Çâripouttra se rendirent dans le jardin et y tracèrent le plan du couvent.

Tous les détails qui précèdent sont extraits d’une légende de quarante-quatre pages in-folio, qui forme la vingt-quatrième section du recueil intitulée Chi-kia-pou.

FA-LA-PI.

Fa-la-pi (Vallabhî — Inde du sud). Si-yu-ki, liv. XI, f. 17 : « Le royaume de Fa-la-pi a six mille li (six cents lieues) de tour ; la capitale peut avoir trente li (trois lieues) de circonférence. Sous le rapport des produits du sol, de la température, des mœurs et du caractère des habitants, ce royaume ressemble au royaume de Ma-la-p’o (Malva). La population est nombreuse, et le peuple est riche et heureux. Il y a plus de cent familles dont la fortune s’élève à un million (d’onces d’argent). Dans ce royaume, on trouve des amas de marchandises précieuses des pays étrangers. On y compte une centaine de couvents qui contiennent plus de six mille religieux, dont le plus grand nombre suit l’école Tching-liang-pou (Sammiti nikâya), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna). Il y a une centaine de temples des dieux (Dévâlayas). Le nombre des hérétiques est très-considérable, etc.

« Lorsque Jou-laï (le Tathâgata) vivait dans le monde, il parcourut plusieurs fob ce royaume ; c’est pourquoi, dans tous les endroits où il s’arrêta, le roi Wou-yeou (Açôka) éleva des mâts en son honneur et construisit des Stoûpas. Dans les endroits où se sont assis les trois Bouddhas passa et où ils ont prêché la Loi, on voit çà et là les traces de leur passage. Les rois actuels sont de la race des Tsa-ti-li (des Kchattriyas). Tous sont les neveux de Chi-lo-’o-t’ie-to (Çilâditya), roi de Ma-la-p’o (Malva).

« Maintenant le fils de Chi-lo-’o-tie-to (Çiîlâditya), roi de Kie-jo-kio-che (Kanyâkoabdja), a un gendre nommé Thou-lou-po-po-tch’a (Dhroavapafoa). Celui-ci est d’un naturel vif et emporté, et il est doué d’une intelligence faible et bornée ; cependant il croit sincèrement aux trois Précieux. Chaque année il tient, pendant sept jours, une Grande assemblée, dans laquelle il distribue à la multitude des religieux des mets exquis, les trois vêtements, des médicaments, les sept choses précieuses et des joyaux de la plus grande valeur. Mais après avoir distribué toutes ces choses, il en donne deux fois le prix pour les racheter. Il estime la vertu et révère les sages, il honore la religion et fait le plus grand cas de la science. Les religieux des contrées lointaines reçoivent particulièrement ses respects et ses hommages.

« À une petite distance de la ville, il y a un grand Kia-lan [SaMgMrâma) qui fut bâti jadis par les soins de ïArhat Ateke-lo [Atchâra). C’est là que vécurent les Poa-sa [Bôdhisattvas) Te-hoei [Goanamati) et Kien-hoéi [Dndhamati), et y composèrent divers Traités {Çdstras) qui tous se sont répandus avec éclat. »

En partant de ce pays au nord-ouest, Hiouenrthsang fit environ sept cents li, et arriva au royaume d’A-nan-t’o-pou-lo (Ânandapoura — Inde de l’ouest).

FA-HING-TCH’ING.

Fa’hing-tch’ing (Tchâritra), nom d’une ville. Si-j’a-fci, iiv. X, fol. I o : « Sur les frontières sud-est du royaume (de Oada — Orissa), près des rivages d’une grande mer, on trouve la ville Tche-li’ta’lo’tch’ing [Tchâritra poara, — mot qui veut dire en chinois la ville da départ). Elle a environ vingt li de tour : c’est la route et le séjour ordinaire des marchands et des voyageurs des pays lointains qui veulent s’embarquer. Cette ville est solidement construite et possède une grande quantité de choses précieuses.

« En dehors de la ville, on voit cinq couvents bâtis près les uns des autres, aussi remarquables par leurs tours imposantes que par la beauté et l’élégance des statues de saints personnages.

« Au sud, elle est éloignée d’environ deux mille li (deux cents lieues) du royaume de Sing-kia-lo [Sinhala — Ceylan).

« Dans le silence de la nuit, en regardant dans le lointain, on aperçoit à Sinhala, au haut du Stoûpa de la dent du 24 Bouddha, l’éclat d’une énorme pierre précieuse qui resplendit comme un flambeau lumineux qui serait suspendu dans les airs [sic). »

En partant de ce pays au sud-ouest, Hiouen-ikiang marcha à travers une vaste forêt ; et, après avoir fait ainsi deux cents li (cent vingt lieues) environ, il arriva au royaume de Kongya-t’o [Konyôdha ? — Kongâ, suivant M. Lassen — Inde de l’est).

FA-TI-KOUE.

Fa-ti-koue, le royaume de Fa-ti [Vadi ?)^ qui est situé i quatre cents li à louest de Pou-k’o {Boukhara)^ a quatre cent li de tour. Sous le rapport des productions du sd et des mœurs et coutumes, il ressemble au royaume de Sorinokien [Samarkand).

À cinq cents li au sud-ouest de Fa-ti ( Vtidi ?), on arrive au royaume de Ilo-li-si-mi-kia [Kharismiga ?).

FAN-YEN-NA.

Fan-yen-na (Bamiyan), nom de royaume. Si-you-ki, liv. I, fol. 16 : « Hiouen-thsang partit de Kie-ichi [Gatchi) dans la direction du sud —est, et entra dans les grandes montagnes neigeuses ; il franchit des sommets élevés et traversa des vallées profondes. Après avoir fait six cents ii, ii sortit des frontières du royaume de Tou-ho-lo (Toukhâra), et arriva au royaume de Fanyen-na.

« Le royaume de Fan-yen-na a environ deux mille li de l’est à l’ouest, et trois cents li du sud au nord. Il est situé au centre de montagnes couvertes de neiges (Indoukouch). Les habitants ont bâti leurs demeures sur les flancs des montagnes et dans le creux des vallées. La capitale, appuyée sur des rochers escarpés, traverse une large vallée ; son étendue en longueur est de six à sept li. Au nord, elle est adossée une haute montagne. Ce pays produit du blé tardif ; mais on y voit peu de fleurs et de fruits. Il offre aux troupeaux de bons pâturages, et nourrit beaucoup de moutons et de chevaux. Le climat est froid, et les hommes sont d’un naturel dur et farouche ; la plupart d*entre eux portent des vêtements de peaux et de laine. L’écriture, les règlements administratifs et les marchandises ressemblent à ceux du royaume de Toa-ho-lo [Toukhâra) mais il y a quelque différence dans la langue parlée. Quant aux traits du visage, ils firent une grande ressemblance. Les habitants se distinguent des peuples voisins par leur droiture et leur fidélité. Ils témoignent un respect sincère, tant aux Trois précieux qu’aux nombreux esprits (du culte brahmanique). Les marchands qui fréquentent ce pays demandent le bonheur aux esprits du ciel, qui font apparaître tantôt d’heureux présages, tantôt des phénomènes terribles et des fléaux célestes. Il y a une dizaine de Kia-lan (Sam̃ghârâmas) qui renferment plusieurs milliers de religieux de l’école Choae-tch’oa-chi-pou (l’école des Lokôttaravâdinas), qui se rattache à la doctrine du petit véhicule (Hînayâna).

« Sur le flanc d’une montagne située au nord-est de la ville royale (de la capitale), il y a une statue en pierre du Bouddha debout ; elle est haute de cent quarante à cent cinquante pieds ; elle est toute resplendissante d’or et d’ornements précieux.

« À l’est (de la capitale), il y a un couvent qui fut fondé ur un des premiers rois de ce royaume.

« À l’est du couvent, on voit une statue en cuivre de Chia-fo {Çâhyaboaddha), debout, haute d’environ cent pieds. Les différentes parties de son corps ont été fondues à part, et assemblées de manière à former mie statue droite.

« À douze ou treize li à l’est de la ville, on voit, dans un couvent, une statue du Bouddha, qu’on a représenté couché comme au moment où il entra dans le Nirvana. Sa longueur est d’environ mille pieds (sic). Chaque roi de Fan-veiHut tient en cet endroit la grande assemblée de la Délivrance (Mékcha). Depuis les joyaux de la couronne jusqu’à sa femme et ses enfants, il donne tout à ce couvent ; puis, après avoir épuisé toutes les richesses du trésor public, il se donne lui-même. Alors les ministres et les magistrats se rendent en foule auprès des religieux, et leur offrent de riches présents pour racheter toutes les personnes de la famille royale. »

Après avoir fait deux cents li au sud-est du couvent de la statue couchée, Hiouen-thsang passa à l’est de grandes montagnes couvertes de neiges, et arriva à une petite vallée arrosée par des sources limpides, et baignée par un lac pur comme un miroir. Des bosquets touffus la paraient de leur vert feuillage. Là, dans un couvent, il y a une dent du Bouddha, ainsi qu’une dent d’un T’ou-k’io (d’un Pratyêka bouddha) qui vivait au commencement du kalpa (actuel). Cette dernière dent est longue d’environ cinq pouces et lai^ d’un peu moins de quatre pouces.

Il y a en outre : 1° une dent d’un roi à la roue d’or (Sonrarna tchakra râdjâ ?) ; elle est longue de trois pouces et large de deux pouces ;

2° Le vase en fer dont se servait le grand Arhat Chang-no-kia-po-cha (Çanakavasas) sa capacité est d’environ huit à neuf ching : ces objets, légués par ces trois saints hommes, sont renfermés et scellés dans un coffre d’or ;

3° Le Samghati (sorte de vêtement) de neuf pièces que portait Chang-no-kia-po-cha (Çanakavasas) sa couleur est d’un rouge foncé ; il a été tissu avec les filaments de la plante Che-ruhkia (Çanaka). Chang’no-kia’pihcha (Çanakavasas) était le frère cadet à’Anon {Ananda). Dans une de ses existences antérieures, le jour où Ion sortait de la retraite (d’été), il avait donné aux religieux des vêtements de Çanaka.

En récompense de cette conduite vertueuse, pendant cinq cents existences successives, il porta constamment le même vêtement. Dans sa dernière existence, il l’apporta avec lui en sortant du sein de sa mère. À mesure que son corps grandissait, son vêtement s’étendait en proportion. Quand A-nan (Ananda) l’eut ordonné et admis au nombre des religieux, son vêtement se changea en un vêtement religieux ; quand il eut reçu tous les préceptes, il se changea encore en un Samghati composé de neuf pièces. Quand il fut sur le point d’entrer dans le Nirvana, il se livra à l’extase finale (Antadhyâna) et fut doué à l’instant de toute la force de la connaissance et de toute l’énergie des vœux[4]. Il laissa ce Kia-cha (Kachâya — vêtement religieux), qui doit subsister jusqu’à l’extinction de la loi de Çâkya. Quand la loi sera éteinte, on le verra changer et périr ; maintenant il est déjà un peu endommagé.

En partant de ce pays du côté de l’est, Hioaen-thsang entra dans les grandes montagnes neigeuses, franchit les pics noirs (Indoukoach), et arriva au royamne de Kia-pi-che (Kapiça).

FEÏ-CHE LI.

Feï’che-li (Vâiçâli — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. VII, fol. Il : « Le royaume de Féi-che-li a environ cinq mille li de tour ; le sol est gras et fertile ; les fleurs et les fruits y viennent en abondance. Le Meou-tche (Môtcham[5], la banane) et l’An-mo-lo (Âmra, la mangue) y sont communs et fort estimés. Le climat est doux et tempéré ; les mœurs sont pures et honnêtes ; les habitants aiment la vertu et estiment la science. On trouve parmi eux des partisans de l’hérésie et de la vérité.

« On compte dans ce pays plusieurs centaines de couvents qui sont la plupart en ruine ; il n’en subsiste plus que trois ou quatre où vit un petit nombre de religieux. Il y a plusieurs dizaines de temples des dieux (DévâUyas) qui servent d’asile à une multitude confuse d’hérétiques, dont le plus grand nombre appartient à la secte des Nirgranthas (en chinois Lou-hing-tchi-tou).

« L’ancienne capitale de Feï-che-li (Vâiçâli) est ruinée depuis longtemps. Ses fondements antiques ont une circonférence de soixante à soixante-dix li. Ce qui reste de cette ville occupe un espace de quatre à cinq li : on n*y voit que fort peu d’habitants.

« À cinq ou six li au nord-ouest de la capitale, on arrive à un Kia-lan (un couvent) où habite un petit nombre de religieux de récole Tchinq’lianq-poa (des Sammitîyas), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna).

« Près de là il y a un Stoûpa. Ce fut en cet endroit que jadis Jou’laï (le Tathâgata) expliqua le livre de Pi-mo-lo-kie (Vimalakirtti soûtra). Là P’ao-tsi (Ratnâkara), fils d’un maître de maison, offrit au Bouddha un parasol précieux.

À l’est de cet endroit, Che-li-tseu (Çâripouttra) obtint le fruit (le rang) d’Arhat. »

En partant de ce pays au nord-est, Hiouen-thsang fit environ cinq cents li, et arriva au royaume de Fo-li-chi (Vridji, que les habitants du Nord appellent San-fa-chi — Samvadji ? — Inde du nord).

FO-KO.

Fo-ko et Fo-ko-lo. Si-ya-ki, liv. I, fol. 14 : « Ce royaume a environ huit cents li de lest à l’ouest, et quatre cents li du nord au sud. Au nord, il est voisin du fleuve Fo-tsoa (Oxus).

« La capitale du royaume a vingt li de tour ; tout le monde l’appelle Siao-wang-che-tch^ing, c’est-à-dire la petite ville royale. Quoique cette ville soit bien fortifiée, elle compte fort peu d’habitants. Les productions du sol sont extrêmement variées, et il serait difficile d’énumérer toutes les espèces de fleurs qu’on y apporte par eau et par terre. Il y a une centaine de couvents où vivent environ trois mille religieux et novices, qui tous étudient la doctrine du petit Véhicule (Hinayâna), etc.

« En partant au sud-ouest de la capitale, on entre dans les collines hautes et tortueuses des montagnes neigeuses, et l’on arrive ensuite au royaume de Jouï-mo-t’o (Djoumadha ?). »

FO-LI-CHI.

Fo-li-chi { Vrïdji). Si-ya-ki, liv. VII, fol. 1 7 : « Le royaume de Fo-li-chi a environ quatre cents li de tour ; il est allongé de l’est à l’ouest et resserré du sud au nord. Le sol est très fertile ; les fleurs et les fruits y viennent en abondance. Le climat est un peu froid. Les habitants sont d’un naturel vif et emporté ; beaucoup d’entre eux ont du respect pour les doctrines hérétiques (brahmaniques), et il y en a fort peu qui croient à la loi du Bouddha. Il y a une dizaine de Kia-lan (Sam̃ghârâmas) qui contiennent moins de mille religieux. Là on étudie à la fois la doctrine du grand et du petit Véhicule. Il y a plusieurs dizaines de temples que fréquentent un nombre énorme d’hérétiques. La capitale du royaume s’appelle Tchen-siu-na (Tchançouna ?) ; elle est ruinée en grande partie ; cependant, dans lenceinte des murs de f ancien palais, on compte encore environ’trois mille maisons : on dirait un village ou une petite ville.

« Au nord-est d’un grand fleuve, il y a un couvent dont les religieux, qui sont en petit nombre, étudient avec ardeur et se distinguent par leur conduite vertueuse, etc. » En partant de ce pays au nord-ouest, Hiouen-thsang fit de quatorze à quinze cents li, franchit des montagnes, traversa des vallées, et arriva au royaume de Ni-po-lo (Nipabi — Népal — Inde centrale).

FO-LI-CHI-SA-T’ANG-NA.

Fo-li-chi-sa-t’ang-na (Vrïdjisthâna). Si-yu-ki, liv. XII, fol. a : « Ce royaume a deux mille li de lest à l’ouest, et mille li du sud au nord. La capitale, qui s’appelle Hou-pi-na (Hoabhma ?), a vingt li de tour. Sous le rapport des produits du sol et des mœurs des habitants, ce pays ressemble au royaume de Tscuy-kiu’t'o (Tsâukoûial), mais la langue qu’on y parle est différente. Le climat est glacial, et les hommes sont d’un caractère cruel et sauvage. Le roi est de la race des Tou-kioue (Turcs). Il a une foi profonde dans les Trois précieux. Il estime la science et montre de la déférence pour les hommes vertueux.

« En partant du nord-est de ce royaume, on franchit des montagnes, on passe une grande rivière, on traverse plusieurs dizaines de petites villes sur les frontières de Kiapûche [Kapiça), et Ton arrive au grand passage de montagne nommé Po-lo-si-na (Varaséna ?), qui fait partie des grandes montagnes neigeuses. Ce sommet est extrêmement âevë ; ses flancs inclinés n'offrent que des précipices, des sentiers tortueux et des cavernes qui reviennent sur elles-mêmes. Tantôt on entre dans une vallée profonde ; tantôt on gravit les bords escarpés de la montagne, qui, même au cœur de l’été, semble ne former qu'un bloc de glace que Ton taille avec le fer pour pouvoir la gravir. Ce n'est qu'au bout de trois jours qu'on peut arriver au haut de ce passage. Là on est pénétré par un vent glacial ; des monceaux de neige remplissent les vallées ; les voyageurs qui les traversent ne peuvent y poser le pied (s'y arrêter). Les faucons eux-mêmes ne peuvent les franchir au vol ; à peine ont-ils touché la neige qu'ils reprennent leur essor. Ce passage de montagne est le plus élevé de tout le Djamboudvîpa. Aucun arbre ne surmonte son sommet ; on voit seulement une multitude de pics qui sont groupés ensemble et ont, de loin, l'apparence d'une forêt.

« Après avoir descendu pendant trois jours, on parvient au bas de ce passage de montagne, et l'on arrive au royaume d'An-ta-Uy-po (Antarava — Endérab). »

HI-MO-TA-LO-KOUE.

Hi-mo-ta-lo-koue (le royaume de Himatala[6]). Si-yu-ki, liv. XII, foi. 5 : « C’est un ancien pays du royaume de Tou-ho-lo (Toukhâra). Il a trois mille li de tour, et est entrecoupé par des montagnes et des vallées. Le sol est gras et fertile ; il est favorable à la culture des grains, et produit une grande quantité de blé tardif. Toutes les plantes y réussissent, et les différentes sortes de fruits viennent en abondance. Le climat est froid ; les habitants sont d’un caractère violent et emporté ; ils ne savent pas distinguer le bien du mal ; leur figure est laide et commune. Leurs manières, leurs usages, leurs vêtements de laine et de peaux, leu)r donnent une grande ressemblance avec les Tou-kioue (Turcs). Les femmes portent un bonnet surmonté d une corne en bois haute d’environ trois pieds ; devant, il a deux branches qui indiquent le père et la mère du mari : la branche d*en haut se rapporte au père, celle d’en bas à la mère. À mesure que l’un ou l’autre vient à mourir, elle enlève la branche respective ; quand son beau-père et sa belle-mère sont morts, elle renonce tout à fait au bonnet à cornes.

« Le premier roi de ce royaume, appelé Kiang-koue-wang (c’est-à-dire roi du royaume puissant), était de la race de Chi (Çâkya) ; beaucoup de peuples à l’ouest des monts Tsong-ling avaient été soumis par ses aimes. Comme ce pays était voisin des Tou-kioue (Turcs), il adopta bientôt leurs mœurs, et fut exposé à leurs attaques et à leurs brigandages. Il tâcha de défendre ses frontières ; c’est pourquoi les habitants de ce royaume se sont dispersés dans les pays étrangers.

« Il y a plusieurs dizaines de villes fortifiées, dont chacune a un chef particulier. Le peuple habite des tentes de feutre et mène une vie nomade.

« Du côté de l’ouest, ce pays touche au royaume de Ki-li-se-mo (Kharisme). »

Après avoir fait deux cents li dans la direction de l’ouest, Hiouen-thsang arriva au royaume de Po-to-tchoang-na (Pâtasthâna ?).

HO-LISI-MI-KIA.

Ho-li’Si-mi’kia (Khcurismiga ?), nom de pays. Ce royaume est situé sur les deux rives du fleuve Fo-thsou [Vatch — Oxus) il a de vingt à trente li de l’est à l’ouest et cinq cents li du nord au sud. Sous le rapport des productions du pays et des mœurs, il ressemble au royaume de Fa-ti (Vadî ?) mais la langue qu’on y parle est un peu différente.

En partant du sud-ouest du royaume de Sa-mo-kien (Samarkand), Hiouen-thsang fit environ trois cents li et arriva au royaume de Kie-choang-na [Kaçana).

HO-TAN.

Ho-tan (Khotan), nom de pays. Hiouen-thsang (Si-yu-ki, liv. XI, fol. 1 li) rappelle Kia-sa-tan-na, transcription du nom indien Koustana (mamelle de la terre — T’i-jeou). Ce royaume a quatre mille li de tour, mais des déserts de sables et de pierres en occupent plus de la moitié ; de sorte que les terres propres à la culture n’ont qu’une médiocre étendue. Ce pays produit beaucoup de grains et une grande abondance de fruits. On en tire des tapis et des étoffes de laine. Les habitants sont habiles à filer la soie et à en fabriquer de belles étoffes. Ce pays produit en outre du jade blanc et du jade noir. Le climat est tempéré. Souvent des tourbillons de vent font voler des nuages de poussière. Les mœurs sont empreintes d’urbanité et de justice. Les hommes sont doux et respectueux ; ils aiment à cultiver les lettres et les arts. On cite avec éloge leur adresse et leur habileté. Tout le peuple vit dans l’aisance et le contentement, et chacun se plait dans sa condition. Dans ce royaume, on estime beaucoup la musique et l’on aime à danser en chantant. Il y a peu de personnes qui portent des vêtements de laine ou de peaux ; le plus grand nombre se vêtit de soie et de coton. Leurs manières et leur extérieur annoncent la décence et l’urbanité. Ils possèdent des mémoires historiques ; leur écriture est presque calquée sur celle de l’Inde et n’offre que des changements fort légers ; mais la différence de la langue parlée distingue ce royaume des autres. La loi du Bouddha est en grand honneur dans ce pays. On y compte une centaine de Kia-lan (Samghârâmas) où habitent environ cinq mille religieux qui tous suivent avec zèle la doctrine du grand Véhicule.

Le roi est très-belliqueux et témoigne un profond respect pour la loi du Bouddha. Il se vante de descendre du dieu Pi-cha-men (Vâiçravaṇa — le dieu des richesses). Jadis, lorsque ce royaume n offrait qu’une vaste solitude, le dieu Pi-cha-men (Vâiçravaṇa) vint y fixer son séjour. À cette époque, le fils aîné du roi Wou-yeou (Açôka) se trouvait à Torlchorédh (Takchaçild) et venait d avoir les yeux arrachés. Le roi fVou-yeou (Açoka), enflammé de colère, y envoya un de ses ministres, qui transporta les grandes familles au nord des montagnes neigeuses et les fixa d*abord dans une vallée déserte. Ces hommes exilés, cherchant un meilleur asile, ar rivèrent aux frontières occidentales de Khotan. Là ils choisirent parmi eux un chef et lui donnèrent le titre de roi. À cette époque, le fils de l’empereur de l’Est (de la Chine ?), ayant été banni, habitait les frontières de ce même pays. Encouragé et désigné par le peuple, il se donna lui-même le titre de roi. Un temps considérable s’était déjà écoulé sans que les lois des deux princes eussent acquis de l’autorité. Comme ils chassaient chacun de leur côté, ils vinrent à se rencontrer au milieu d’une plaine marécageuse, s interrogèrent sur leur origine et voulurent se disputer l’avantage. Leur langage ayant trahi des sentiments de colère, ils furent sur le point de croiser la lance ; mais un des officiers leur adressa des observations. « Sur quoi se fonde votre querelle ? leur dit-il. Si vous voulez trancher la question en combattant, à l’occasion d’une partie de chasse, vous ne vous trouverez ni l’un ni l’autre suffisamment préparés. Retournez chacun dans votre royaume, équipez vos soldats et réunissez-vous ensuite à un jour convenu. »

Là-dessus, ils s*en revinrent chacun dans leur pays, équipèrent des chevaux et exercèrent leurs troupes. À l’époque convenue, les deux armées se réunirent, et, dès le grand matin, quand elles furent en présence, avec leurs drapeaux déployés, les tambours battirent la charge et rengagement eut lieu de part et d’autre. Le roi de la partie occidentale fut vaincu et s’enfuit ; mais il fut pris et décapité. Le prince de l’Est, profitant de sa victoire, traita avec bonté et rassembla sous ses ordres les habitants du pays de l’Ouest qui n’avaient plus de roi. Il transporta sa résidence dans les terres du milieu et construisit une enceinte de murailles ; mais, affligé de n’avoir point de territoire, il craignit de ne pouvoir réussir. Il publia au loin un édit où il disait : « Quel est celui qui connaît l’arpentage (T’i-li) ? »

Dans ce moment, il y avait un de ces hérétiques qui se couvrent de cendres [Pâçoupatas), qui portait sur son épaule une grande calebasse. Il la remplit d’eau et se présenta au roi en disant : « Je connais l’arpentage. » Aussitôt il répandit l’eau en commençant à décrire un cercle immense, qu’il continua jusqu à ce qu’il l’eut achevé. Cela fait, il disparut subitement.

Le roi, suivant les traces de cette eau, jeta les fondements d’une ville, et bientôt il eut exécuté son entreprise. Telle fut l’origine de la capitale de Khotan. C’est là même que le roi actuel a fixé sa résidence. Quoique les murs ne soient pas d’une grande hauteur, il serait difficile de la prendre d’assaut. Depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, personne n’a jamais pu s’en rendre maître.

Lorsque le roi eut établi sa résidence, fondé son royaume, construit des villes pour les habitants et accompli ses grands desseins, les vieillards se dirent : « Quoiqu’il approche du terme de la vie, le roi n’a pas encore d’héritier direct et il est à craindre que sa dynastie ne s’éteigne avec lui. » Ils se rendirent alors dans le temple du dieu Pi-cka-men [Vâiçrûvana) et le supplièrent de donner un héritier au roi. Tout à coup la tête de la statue du dieu s’ouvrit et, de la partie supérieure de son front, on vit sortir un jeune enfant. Ib le reçurent et l’apportèrent au roi. Tout le royaume en fut comblé de joie ; mais, comme il ne buvait point de lait, ib eurent peur qu’il ne pût vivre. Ils allèrent de nouveau dans le temple du dieu et le prièrent de pourvoir à la nourriture de l’enfant Tout à coup, la terre qui se trouvait devant le dieu offrit une saillie qui s’éleva peu à peu en forme de mamelle. L’enfant divin l’ayant sucée avidement, il ne tarda pas à acquérir la taille et la force d’un homme. Il se distingua par sa prudence et sa valeur, et ses lois s’étendirent au loin. Aussitôt il éleva un temple au dieu Pi-cha-men [Vâiçravana] afin d’honorer celui à qui il devait le jour.

Depuis cette époque, pendant une longue suite de générations, la succession des rois de Khotan s’est régulièrement continuée. C’est pour cela qu’aujourd’hui encore, le temple du dieu est rempli de choses précieuses et que les hommages, les offrandes et les sacrifices n’éprouvent aucune interruption. En souvenir de la mamelle de la terre (Ti-jeou) qui avait nourri un enfant miraculeux, le royaume reçut le nom de Koustana.

HOUO-KOUE.

Hoao-koue, le royaume de Houo {Khou, Kho ?). Si-yu-ki, liv. XII, fol. 3 : « Ancien pays de Tou-ho-h ( Toakhâra) ; il a trois mille li (trois cents lieues) de tour ; la capitale a environ vingt li ( deux lieues) de circonférence. Il n y a point de prince ni de chefs indigènes. Ce royaume est soumis aux Toa-kioue (Turcs). Le sol est uni ; les semailles ont lieu à des époques régulières. On y voit une grande abondance de plantes, d’arbres, de fleurs et de fruits. Le climat est tempéré ; les mœurs sont pures et honnêtes. Les habitants sont d’un naturel vif et ardent ; ils s’habillent d’étoffes de laine. Beaucoup d’entre eux croient aux trois Précieux et peu de personnes s’adonnent au culte des esprits (au culte brahmanique), n y a une dizaine de couvents où l’on compte plusieurs centaines de religieux. Le roi est de race turque ; il gouverne tous les petits royaumes situés au sud des Portes de Fer. Il est aussi inconstant que les oiseaux, et ne réside pas habituellement dans la même ville.

« En sortant de ce royaume du côté de l’est, on entre dans les monts Tsong-ling. »

I-LAN-NOU-KOUE.

I-lan-nou-koue, nom de royaume ; le même que I-lan-nou-po-fa-to-kooe (Hiranyaparvata — Inde centrale). Si-ya-ki, liv. X, fol. 1 : « Ce royaume a trois mille li de tour. La capitale, dont la partie nord est voisine du fleuve King-kia (Gañgâ — Gange), a environ vingt li de circonférence. Ce pays produit en abondance des grains, des fleurs et des fruits. Le climat est tempéré ; les mœurs sont simples et honnêtes. Il y a une dizaine de Kia-lan (Sam̃ghârâmas) où l’on compte environ quatre mille religieux, qui suivent la plupart les principes de l’école Tching-liang-pou (des Sammitîyas), qui se rattache à la doctrine du petit Véhicule (Hînayâna). Il y a en outre une vingtaine de temples des dieux (Dêvâlayas). Les hérétiques des différentes sectes habitent pêle-mêle.

« Dans ces derniers temps, il y eut un roi voisin qui détrôna le prince de ce royaume, donna sa capitale à la multitude des religieux et y construisit deux Kia-lan (couvents) qui contiennent chacun un peu moins de deux mille religieux, tous attachés à l’école Choue-i-tsie-yeou-pou (ou des Sarvâstivadas), qui suit la doctrine du petit Véhicule.

« À côté de la capitale et tout près du Gange, s’élève la montagne I-lan-nou-chan (Hiranyaparvata ou la montagne d’or) d’où sortent des masses de fumée et de vapeurs qui obscurcissent le soleil et la lune, etc. »

En sortant de ce royaume, Hiouen-thsang suivit le rivage méridional du Gange, fit environ trois cents li à l’est et a^ riva au royaume de Tchen-fo (Tchampû — Inde centrale).

IN-PO-KIEN KOUE.

In-po-kien-koue, le royaume d’Invakan ( ?). Si-yu-ki, l. XII, fol. 6 : « C’est un ancien pays du royaume de Tou-ho-lo (Toukhâra) ; sa circonférence est d’environ mille li ; la capitale a dix li (une lieue) de tour. Les montagnes sont extrêmement rapprochées, de sorte que les vallées et les terres arables sont fort resserrées. Pour les produits du sol, le climat et le caractère des habitants, il ressemble au pays de Po-tchtchoang-na (Pâtasthâna ?), seulement la langue parlée est un peu différente. Le roi est d’un naturel dur et violent, et ne sait pas distinguer le bien du mal. »

En sortant de ce pays dans la direction de l’ouest, Hiouen-thsang franchit des passages de montagnes et traversa des vallées. Après avoir fait trois cents li dans des sentiers étroits et remplis de précipices, il arriva au pays de Kialang-na (Koarana).

JOUÏ-MO-TO.

Jouï-mo-t’o (Djoumadha ?). Si-ya-ki, liv. I, fol. 16 : « Ce royaume a de cinquante à soixante li de Test à l’ouest, et six cents li du sud au nord. La capitale a dix li de tour. En partant du sud-est de ce pays, on arrive au royaume de Hou-chi-kien (Hoadjikan des Arabes). » Nous voyons dans l’article de Fo-ko (pour Fo-ko-lo — Bakra — Baktra — Balkh), qu’en sortant de la capitale au sud-ouest, on entre dans les montagnes neigeuses, et Ton arrive au royaume de Jooi-jno-^’o.

KEOU-CHI-NA-KIE-LO-KOUE.

Keou-chi-na-kie-lo-koue (le royaume de Kouçinagara — Inde centrale). Si-ya-ki, liv. VI, fol, 16 : « Les murs des villes sont en ruines, les bourgs et les villages n’offrent qu’une triste solitude. Les fondements en briques de l’ancienne capitale embrassent une circonférence de dix li, où l’on voit çà et là de rares habitants. Les rues sont obstruées par des herbes et des plantes sauvages. À l’angle nord-est de la porte de la ville, il y a un Stoûpa construit jadis par le roi Açôka. C'était là qu'on voyait le puits de l'antique demeure de Tchoanda. Avant de le construire, on fit des offrandes, et il se trouva aussitôt creuse. Quoique bien des années et des mois se soient écoulés depuis cette époque, l'eau du puits est toujours pure et excellente.

« À trois ou quatre li au nord-ouest de la ville, on traverse la rivière A-chi-io-fa-ii (Aàjitavati)^ anciennement appelée Chi-laUna-fa-ti (Hiranyavati). À une petite distance du rivage occidental, on arrive au bois des arbres iSb-fo (Salas — Shorea rohusta). Cet arbre ressemble à celui qu'on appelle Bo en chinois, mais son écorce est d'un blanc verdâtre et ses feuilles sont lisses et luisantes. Ce fut li qu'entre quatre arbres (Salas) d'une hauteur extraordinaire, Joa4aî(le 7athdgata) entra dans le Nirvana, etc. »

Après avoir fait environ deux cents li au sud-ouest da Stoûpa élevé à l'occasion du partage des reliques (du Bouddha), Hiouen-thsang arriva i une grande ville où habitaient de riches Brahmanes qui avaient approfondi les Traités des cinq sciences (Paiitcha vidyâ castras ?), et révéraient les trois Précieux. À côté de la ville, ils avaient établi, pour recevoir les religieux, un couvent magnifique, pourvu de toutes les choses nécessaires, etc.

Hiouen-thsang fit encore cinq cents li à travers des forêts, et arriva à Po-Io-ni-ssc (Vârânaçi — Bénarès — Inde centrale}.

KI-LI-SSE-MO.

Ki-li-sse-mo (Kharisma), Si-yu-ki, liv. XII, fol. 4 : ci Ancien pays du royaume de Tou-ho-lo ( Toakhâra). Il a mille li de fest à l'ouest, et trois cents li du nord au sud. La capitales de quinze à seize li de tour. Sous le rapport des productions du sol et des mœurs, il ressemble beaucoup au royaume de Mounq-kien (Mounkan, suivant Burnes) ; mais les habitants de ce dernier pays diffèrent beaucoup de ceux de Ki-li-sse-mo, en ce qu'ils sont méchants et emportés.

« En partant du nord-est, on arrive au royaume de Po-li-ho (Prîfca ?) »

Obs. On voit dans la notice de Ko-lo-hou (Ro-hoa — Roh ?), qu*en partant de l'est du royaume de Moang-hien (Moankan), Hwoen-thang franchit des passages de montagnes élevées, traversa des vallées profondes, parcourut plusieurs villes et districts, et qu'après avoir fait environ trois cents li, il arriva au royaume de Ki-li-sse-mo (Kharisma).

KIA-CHI-MI-LO-KOUE.

Kia-chi-mi-h-koue, le royaume de Kachemire (en sanskrit Kaçmîra — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. III, fol. i3 : a II a sept mille li (sept cents lieues) de tour, et ses quatre frontières sont adossées à des montagnes d'une hauteur prodigieuse ; on y arrive par des passages fort étroits. C'est pourquoi aucun des princes voisins avec qui il était en guerre n'a pu l'attaquer avec succès. Du côté de l'ouest, la capitale est voisine d'un grand fleuve ; elle a douze ou treize li du nord au sud et quatre à cinq li de l'ouest à l'est. Le pays est favorable à la culture des grains, et produit une grande abondance de fleurs et de fruits. On en tire des chevaux de l'espèce du dragon, du parfum Yo-kin^iang (Carcama), des perles Ho-tchou (lentilles de verre) et des plantes médicinales. Le climat est froid et glacial ; il tombe beaucoup de neige, mais il y a peu de vent. On porte des bonnets de laine et des vêtements de coton blanc. Les habitants sont légers, volages, mous et pusillanimes. Comme ce royaume était protégé par un dragon, il ne tarda pas à dompter les états voisins. Le peuple est généralement doué d’une belle figure, mais il est d’un naturel enclin à la ruse et à la fraude ; il aime l’étude et cherche avidement à acquérir des connaissances. Dans ce pays, l’erreur (le brahmanisme) et la vérité (le bouddhisme) ont de nombreux partisans. On y compte une centaine de Kia-lan (Samghârâmas — couvents) qui renferment environ cinq mille religieux et novices. Il y a trois Stoûpas construits jadis par le roi Açôka, et dont chacun possède environ un Ching (dixième partie du boisseau chinois) de reliques du Bouddha. Suivant les Annales de ce royaume, jadis tout lo territoire de Kia-chi-mi-lo (Kachemire) était occupé par un lac de dragons (Nâgharada), etc. »

En partant de ce pays au sud-ouest, Hiouen-thsang franchit des montagnes, traversa des lieux remplis de précipices ; (’t après avoir fait environ sept cents li, il arriva au royaume de Pan-noa-t’sie (Panoatcha — le Pountch des cartes, suivant Alex. Cunningham — Inde du nord).

KIA-MO-LIU-PO.

Kia-mO’lia-po (Kâmaroûpa — Inde orientale). Si-ya-kit liv. X, fol. 6 : « Ce royaume a dix mille li (mille lieues) de tour, et la capitale environ trente li. Le terrain est bas et humide ; les grains se sèment et se récoltent à des époques d( » tcrminocs. Quoique les arbres Pan-na-50 (Panasa — 1 arbre i pain) et Na-lo-k’i-lo (Nârikéla — cocotier) soient extrêmement nombreux, leurs fruits jouissent de la plus grande estime. Les villes sont entourées de rivières, de lacs et d’étangs. Le climat est tempéré ; les mœurs sont pures et honnêtes. Les hommes sont de petite taille, et leur visage est d’une teinte noire ; leur langage diffère peu de celui de l’Inde centrale, et ils sont d’un naturel violent et sauvage ; cependant ils ont une grande ardeur pour l’étude. Ils adorent avec respect les esprits du ciel, et ne croient point à la loi du Bouddha. C’est pourquoi, depuis sa naissance jusqu’à ce jour, on n’a pas encore élevé dans ce royaume un seul Kia-lan (couvent) pour y appeler des religieux. S’il se rencontre par hasard quelques vrais croyants, ils se bornent à penser secrètement au Bouddha. On y compte une centaine de temples des dieux, et environ dix mille hérétiques. Le roi actuel descend du dieu Na-lo-yen (Nâràyana dêva) ; il est de la race des Po-lomen (Brahmanes) ; son nom est Pan-saî-kie-lo-fa-mo (Bhâskaravarma, littéralement : cuirasse du soleil) ; il prend le titre de Reou-mo-lo (Koamâra). Depuis la fondation de ce royaume jusqu’à ce jour, la succession des princes qui y ont régné embrasse un espace de mille générations. Le roi est passionné pour l’étude, et le peuple imite son exemple. Les hommes de talent des pays éloignés y sont attirés par la renommée de sa justice et aiment à y voyager. Quoiqu’il ne croie pas à la loi du Bouddha, il montre un grand respect pour les Çramanas qui sont doués d’un profond savoir, etc. » En partant de ce pays, Hiouen’thsang fit de douze à treize cents li au sud, et arriva au royaume de San-mo-ta-fo (Samatata — Inde de l’est).

KIA-PI-CHE.

Kia-pi’che (Kapiça). Ce royaume a environ quatre mille li de tour : au nord, il est adossé aux montagnes neigeuses ; des trois autres côtés, il est borné par les monts He-Ung (Hindoakouch). La capitale a une dizaine de li de tour. Ce pays est favorable à la culture du froment et autres grains, et possède beaucoup d’arbres à fruits. H produit d’excellents chevaux et un parftmi appelé Yo-hin-hiang (Curcwna). On y trouve en abondance les marchandises les plus rares des autres pays. Le climat est froid et le vent y souffle avec violence. Les habitants sont d’un naturel farouche et cruel ; leur langage est bas et trivial, et les gens mariés se livrent à toute sorte de désordres. Les caractères de leur écriture ressemblent, on grande partie, à ceux du royaume de Toa-luhlo (7oakhdra) mais les mœurs, la langue parlée et les lois sont fort différentes. Ils portent des bonnets de poils et de coton, et s’habillent de peaux et d’étoffes de laine.

Dans le commerce, ils font usage de monnaies d’or et d’argent et de petites monnaies de cuivre, qui toutes, par leur dimension et leur forme, diffèrent de celles des autres royaumes. Le roi est de la race Tsa-li (des Kchattriyas) ; il est doué de prudence et d’habileté. Il est d’un naturel brave et impétueux, et sa puissance redoutable remplit d’effroi les pays voisins. Il commande à une dizaine de royaumes. Il aime le peuple et révère les trois Précieux. Chaque année, il £ût fabriquer en argent une statue du Bouddha haute de dix4iait pieds, et en même temps il convoque une grande assemblée dite ff’ou-tche’ta-hoel (Môkcha mahâparichad) ou de la Délivrance y dans laquelle il distribue des aumônes à tous les indigents, et accorde des bienfaits aux hommes et aux femmes qui sont dans le veuvage.

Il y a une centaine de couvents où l’on compte environ six mille religieux, qui, la plupart, étudient la doctrine du grand Véhicule {Mahâyâna), Les Stoûpas et les Samghàràmas sont élevés, spacieux, magnifiques, et inspirent la pureté et le respect. Il y a une dizaine de temples des dieux que fréquentent environ mille hérétiques, dont les uns vont nus (les Nirgranthas), et les autres se frottent de cendres (les Pàçoupatas) ; quelques-uns font des chapelets d’os de crânes humains et en enveloppent leurs têtes (les Kapâladhdri’nas)j etc.

À environ quarante Il de la capitale, on arrive à la ville de Si-pie-to-fa-la-sse [Svêtavaras).

À trente li environ au sud de la ville de Si-pie-to-fa-lasse {Svêtavaras), on arrive au mont A-lou-nao [Arouna giri ?).

À deux cents li au nord-ouest de la ville royale, on arrive à une grande montagne neigeuse sur laquelle il y a un lac.

Au sud-ouest de la ville, s’élève le mont Pi-h-so-lo [Pilousâra giri), sur lequel on a construit un couvent appelé Pilousâra sanighârâma.

Au bas du sommet boréal où est ce couvent, il y a une source de dragon.

En partant de cet endroit, Hiouen-thsang fit six cents li à l’est, à travers des pays coupés par des montagnes, des vallées continues, et des pics escarpés d’une hauteur prodigieuse.

Après être entré dans les passages des montagnes noires, {He-ling — Hindoukouch), il entra dans les frontières de Tlnde du nord, et arriva au royaume de Lan-po [Lampâ — Inde du nord).

KIA-PI-LO-FASOU-TOUKOUE.

Kia-piAo-fa-son-tou-koue (le royaume de Kapîlavastoa — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. VI, fol. 7 : « Il a quatre mille li de tour. Il y a une dizaine de villes désertes dont les rues sont obstruées par des plantes sauvages. La ville royale est tout en ruines, de sorte qu’il est impossible d’en connaître la circonférence. Les murs du palais qui s’élevaient dans l’intérieur de la capitale ont une circonférence de quatorze à quinze li ; ils sont formés de briques, et leurs fondements s’élèvent encore à une hauteur considérable. Comme ce pays est désert et inhabité depuis bien des siècles, on ne rencontre dans les villages que de rares habitants. Il n’y a ni prince, ni chef suprême ; dans chaque ville, on a établi un maître qui la gouverne. Le sol est fertile et bien arrosé ; les grains se sèment et se récoltent à des époques déterminées ; la température est toujours normale, et les saisons se succèdent régulièrement. Les habitants ont des mœurs douces et un caractère enjoué. On voit encore les ruines d’un millier de couvents. À côté du palais, il y a un Kia-lan (Samghdriuna) où habitent une trentaine de religieux adonnés à l’étude des principes de l’école Tching-liang^u (ou des Sammitîyas), qui se rattache à la doctrine du petit Véhicule (Bhnayâna). On voit aussi deux temples des dieux (Dévâktyas). Les hérétiques des différentes sectes habitent péle-mèle. » Après avoir fait cinquante li au sud de la capitale, Bùmatthsang arriva à une ancienne ville où naquit, dans la haute antiquité, Krakoutchhanda bouddha.

Quand il eut fait trente li au nord-est de la capitale, il arriva à une ville antique où naquit Kanaka moani bouddha. En partant d’un Stoûpa élevé à trente li au sud-est de la ville, en l’honneur du prince royal (Siddhârtha), Hiouen-thsang se dirigea, vers l’est, à travers des plaines et des forêts sauvages. Ayant fait ainsi environ deux cents li, il arriva au royaume de Lan-mo (Râmagrâma — Inde centrale).

KIAO-CHANG-MI-KOUE.

Kiao-chang-mi-koue (le royaume de Kâuçambhi — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. V, fol. 15 : « Il a six mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de trente li. Il est renommé pour la fertilité du sol, l’abondance du riz, des cannes à sucre et de toutes sortes de fruits. Le climat est brûlant, et les mœurs sont empreintes de dureté et de violence. Les habitants aiment à cultiver les lettres et les arts, et pratiquent les vertus qui peuvent procurer le bonheur. Il y a une dizaine de couvents, en partie ruinés et déserts, où Ion compte environ trois cents religieux qui étudient la doctrine du petit Véhicule. Les temples des dieux [Dêvâlayas) sont au nombre d’environ cinquante. On voit une multitude considérable d*hérétiques, etc. »

En partant du Stoûpa où Hoa-fa [Dharmapâla) avait vaincu les hérétiques, Hiouen-thsang se dirigea vers le nord, et, après avoir fait de cent soixante-dix à cent quatre-vingts li, il arriva au royaume de Pi-so-kia [Vâisaka — Inde centrale).

KIAO-SA-LO-KOUE.

Kiao-sa-h-kooe (le royaume de Kôsala). Si-yu-ki, liv. X, fol. 1 2 : (( Il a environ six mille li de tour, et une ceinture de montagnes protège ses frontières. Il offre une succession de bois et de prairies. La capitale a environ quarante li de circonférence. Le sol est gras et fertile et donne de riches produits. Les villes et les villages, qui se touchent, renferment une nombreuse population. Les habitants sont d’une taille élevée ; leur peau est noire ; leurs mœurs sont empreintes de dureté et de violence ; ils sont d’un naturel brave et emporté. On trouve parmi eux des partisans de l’hérésie (brahmanisme) et de la vérité (bouddbisme). Ils cultivent les arts et se distinguent par leur savoir et leurs lumières. Le roi est de la caste des Tsa-li (Kchattriyas) ; il est plein de respect pour la loi du Bouddha, et il a porté au loin la réputation de son humanité et de sa bienveillance.

« Il y a une centaine de Kia-lan (couvents) où l’on compte un peu moins de dix mille religieux et novices, qui tous suivent la doctrine du grand Véhicule. Les temples des dieux sont au nombre d’environ soixante-dix ; les hérétiques y habitent pêle-mêle, etc. »

KIE-CHA-KOUE.

Kie-cha-koae (le royaume de Khacha, aujourd’hui Khadigar). Si-yu-ki, liv. XII, fol. 13 : « Ce royaume a cinq mille li de tour ; il est occupé en grande partie par un désert de sables et de pierres, de sorte qu’il ne reste que peu de terrain propre à la culture. Ce pays produit une grande abondance de grains et une quantité immense de fleurs et de fruits. On en tire de belles étoffes de laine. Les habitants sont habiles s tisser différentes sortes de tapis fins et moelleux. Le climat est doux et tempéré ; les vents et les pluies arrivent en leur temps. Les habitants sont d’un naturel violent et farouche, et le caractère dominant de leurs mœurs est la ruse et la duplicité. Us font peu de cas des rites et de la justice, et sont aussi peu versés dans les lettres que dans les arts. Il existe chez eux une coutume étrange : quand un enfant est né, on lui aplatit la tête en la comprimant avec une planchette. Leur figure est commune et ignoble ; ils se tatouent le corps et ont des prunelles vertes. Ils ont emprunté leur écriture à l’Inde ; quoiqu’ils en aient élagué certains signes et admis plusieurs formes incorrectes, elle offre de la grâce et de l’élégance. Sous le rapport des mots et de la prononciation, la langue qu’ils parlent diffère de celles des autres royaumes. Ils ont une foi sincère dans la loi du Bouddha, et pratiquent avec zèle les vertus et les œuvres méritoires. On compte dans ce royaume plusieurs centaines de Kia-lan (couvents) qui renferment environ dix mille religieux. Tous suivent l’école Choue-i-tsie-yeou-pou (l’école des Sarvâstivâdas), qui se rattache à la doctrine du petit Véhicule (Hînayâna). Beaucoup d’entre eux en lisent les textes sans en approfondir les principes : c’est pourquoi on en voit un assez grand nombre qui lisent et comprennent les Trois Recueils (Tripiṭaka), ainsi que le Pi-po-cha (le Vibhâcha). »

En sortant de ce royaume au sud-est, Hiouen-thsang fit cinq cents li (cinquante lieues), traversa le fleuve Si-to (Sita — le Tarim gool), franchit de grands sommets sablonneux, et arriva au royaume de Tcho-kin-kia (Tchakouka — Yerkiang).

KIE-CHOANG-NA-KOUE.

Kie’choang-na-koae (le royaume de Kaçana). Si-ya-ki, liv. I, fol. 12 : « Ce royaume a de quatorze à quinze cents li de tour. Sous le rapport des productions du sol et des mœurs des habitants, il ressemble au royaume de So-mo-kien (Samarkand). »

En sortant de ce pays Hiouen-thsang fit deux cents li au sud-ouest, et entra dans des montagnes dont les chemins et les sentiers étaient escarpés et remplis de précipices. Il n’y avait ni villages ni habitants, et l’on rencontrait rarement de l’eau et des pâturages.

Puis, prenant la direction du sud-est, il fit environ trois cents li à travers les montagnes, et entra dans les Portes de fer. C’est un passage défendu à droite et à gauche par des montagnes taillées à pic ; quoiqu’il soit fort étroit, on a encore ajouté à ses obstacles naturels. Les rochers qui s’élèvent de chaque côté comme de vastes murs, sont de la couleur du fer. On y a établi une porte à deux battants, qu’on a consolidée avec des plaques de fer. De plus, on y a suspendu une multitude de clochettes du même métal. De là vient que cet endroit a ëté appelé les Portes de fer. Quand on a franchi ce passage, on arrive au royaume de Toa-ho-io (Toukhâra).

KIE-JO-KIOCHE.

Kie-jo-kio-che (Kanyâkoabdja — Canoge — Inde centrale). Si-yu’ki, livre V, fol. i : a Ce royaume a environ quatre mille li de tour. La capitale est voisine, à 1 ouest, du fleure King-kia (Gangâ — Gange) ; elle est longue de vingt li et large de quatre à cinq li. Elle a des murs fort élevés et des fossés solidement construits. On ne voit partout que tours et pavillons. On rencontre en maints endroits des bosquets fleuris, des étangs limpides et clairs comme un miroir. Dans ce pays, on trouve en quantité les marchandises les plus rares des autres contrées. Les habitants vivent dans la joie, et chaque famille jouit d une heureuse aisance. Les fleurs et les fruits viennent en abondance ; les grains se sèment et se récoltent à des époques régulières. Le climat est doux et tempéré ; les mœurs sont pures et honnêtes. La figure des hommes est belle et distinguée ; leurs vêtements sont riches et élégants ; ils étudient avec ardeur et cultivent les arts ; leur accent est pur, et leur conversation est souvent grave et profonde. Les partisans des doctrines hérétiques et de la vraie foi sont partagés par moitié. Il y a une centaine de Kia-lan (couvents) qui renferment environ dix mille relgieux, et où l’on cultive en même temps le grand et le petit Véhicule. Il y a deux cents temples des dieux (Dévâlayas). On compte plusieurs milliers d’hérétiques, etc. etc. »

En partant du Stoûpa où l’on conserve les cheveux et les ongles du Bouddha, Hiouen-thsang fit environ six cents li au sud-est, passa le Gange, et, se dirigeant au sud, arriva au royaume de A-yu-t’o (Ayôdhyâ — Oude — Inde centrale).

KIE-LING-KIA.

Kie-ling-kia (Kaliñga — Inde du midi). Si-ya-ki, iiv. X, foi. Il : uCe royaume a cinq mille li de tour ; la capitale a environ vingt li de circonférence. Dans ce pays, les grains se sèment et se récoltent à des époques régulières ; les fleurs et les fruits y viennent en abondance. Les bois et les prairies occupent plusieurs centaines de li. Ce royaume produit des éléphants sauvages d’im noir foncé, qu’estiment beaucoup les princes voisins. Le climat est d’une chaleur brûlante, et les mœurs sont empreintes d’emportement et de violence. La plupart des hommes sont d’un caractère brusque et sauvage ; cependant ils observent fidèlement la bonne foi et la justice. Leur parole est vive et légère, et leur accent pur et correct. Sous le rapport du langage et des coutumes, ils diffèrent beaucoup des peuples de l’Inde centrale. Peu d’entre eux ont foi dans la droite loi ; le plus grand nombre suit les doctrines des hérétiques. Il y a une dizaine de Kia-lan (couvents) où l’on compte environ cinq cents religieux de l’école Chang-tsO’poa (l’école des Âryasthaviras), qui se rattache au grand Véhicule (Mahâyâna). Il y a environ deux cents temples des dieux (Dêvâlâyas) que fréquente une multitude énorme d’hérétiques, la plupart de la secte des Ni-kien (Nirgranthas), etc. »

En partant d’un Stoûpa situé au haut d’un passage de montagne, sur les frontières nord du royaume, Hiouen-thsang prit la route du nord-ouest ; et, après avoir fait environ dix-huit cents li à travers des montagnes et des forêts, il arriva au royaume de Kiao-sa-lo {Kâsala — Inde centrale).

KIE-LO-NA-SOU-FA-LO-NA.

Kie-lo-na'Soa'fa'lO'na (Karnasoavarna — Inde orientale]. Si-yu'ki, liv. X, fol. 8 : uCe royaume a de quatre mille quatre cents à quatre mille cinq cents li de tour ; la circonférence de la capitale est d'environ vingt li (deux lieues). La population est très-nombreuse, et toutes les famflles vivent dans laisance. Le sol est bas et humide ; le grains se sèment et se récoltent à des époques régulières. Les fleurs les plus belles y viennent en abondance, ainsi que les fruits les phis rares et les plus estimés. Le climat est doux et tempéré. Les mœurs sont simples et paisibles. Les habitants aiment à cultiver les lettres et les arts, et Ton trouve parmi eux des partisans de Terreur (des brahmanes) et de la vérité (des bouddhistes). Il y a une dizaine de Kia-lan (couvents) où Ton compte environ deux mille religieux de Técole Tchbif' liang-poa (des Sammitiycts), qui se rattache au petit Véhiede [Ilînayâna). On compte une cinquantaine de temples des dieux. Il y a un nombre considérable dliérétiques. On voit, en outre, trois autres couvents dont les religieux, pour obéir aux instructions léguées par Ti^o-ta-to [Dévadatta)^ ne mangent ni beurre, ni lait, etc. »

En partant des Stoûpas élevés dans l'endroit où JwM (le Tathâgata) expliqua la Loi, Hiouen-thsang se dirigea au sud-ouest, et, après avoir fait environ sept cents li, il arriva au royaume de Oa-tcKa [Ouda — Odra — Orissa — Inde orientale).

KIE-PI-TO.

Kie-pi-to (Kapiiha — Inde centrale). Si-yurki, liv. IV, f. i8 : « Ce royaume a deux cents li de tour ; la circonférence de la capitale est de vingt li. Sous le rapport du climat et des produits du sol, il ressemble au royaume de Pi-h-chan-na (Viraçâna ?). Les mœurs des habitants sont douces et honnêtes, et beaucoup d’entre eux sont versés dans les lettres et les arts. Il y a quatre couvents où Ion compte un millier de religieux, tous dévoués aux principes de l’école Tching-liangpoa (ou des Sammitîyas), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna). Il y a une dizaine de temples des dieux (Dêvâlayas), où les hérétiques habitent pêle-mêle. Tous adorent le dieu Ta-tsen-tsaï-Hen (Mahéçvara déva).

« À vingt li à l’est de la ville (capitale), il y a un grand couvent d’une construction magnifique, où la sculpture a déployé toutes ses merveilles. La statue du dieu porte tous les caractères de la majesté et de la grandeur. Il y a plusieurs centaines de religieux qui étudient les principes de l’école Tching’liang-poa (ou des Sammitiyas).

« À côté demeurent plusieurs ouan (plusieurs dizaines de mille) d’hommes purs (c’est-à-dire de Brahmanes), etc. »

« Dans l’enceinte des grands murs du couvent, il y a trois escaliers précieux, etc. »

En partant d’un grand Stoûpa que protégeait le dragon d’un étang (Hradanâga), Hiouen-thsang se dirigea vers le nord-ouest, et, après avoir fait un peu moins de deux cents li, il arriva au royaume de Kie-jo-kio^he (Kanyàkoubdja — Inde centrale).

KIETCH’A.

Kie-tch’a (Kita ? — Inde méridionale). Si-ya-ki, liv. XI, fol. 16 : « Ce royaume a environ trois mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’une vingtaine de li. La population est agglomérée, et toutes les familles vivent dans l’aisance. Il n y a ni chef ni prince indigène. Ce pays est soumis au royaume de Ma-la-p’o (Malva), auquel il ressemble par le climat, les produits et les mœurs. Il y a une dizaine de Kia-lan (couvents) qui renferment un millier de religieux, et où l’on étudie en même temps le grand et le petit Véhicule, On remarque plusieurs dizaines de temples des dieux (Dêvâlayas). Il y a un nombre considérable d’hérétiques. »

En partant de ce pays dans la direction du nord, Hiouen-thsang fit environ mille li, et arriva au royaume de Fa-la-pi (Vallabhî — Inde du sud).

KIE-TCHI.

Kie-tchi (Gatchi). Si-ya-ki, liv. I, fol. 16 : « Ce royaume a cinq cents li de fouest à Test, et trois cents du nord au sud. La capitale a de quatre à cinq li de tour. Le sol est stérile. Les collines et les tertres se touchent et forment des chaînes continues. On y voit peu de fleurs et de fruits ; mais, d*un autre côté, le froment et les plantes légumineuses y viennent en abondance. Le climat est glacial, et les mœurs des habitants sont dures et féroces. Il y a une dizaine de monastères qui renferment environ trois cents religieux. Tous étudient les principes de l’école Choue-i-tsie-yeûa-pou (ou des Sarvâstivâdas), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna).

« Au sud-est, on entre dans les grandes montagnes neigeuses, qui sont fort élevées et ont des vallées profondes. Leurs pics escarpés sont remplis de précipices dangereux. Là, le vent et la neige se succèdent sans interruption, et Ion voit de la glace au plus fort de Tété. Les vallées sont encombrées de neiges, et il est presque impossible de s*y frayer un chemin. Les démons des montagnes y déchaînent toute sorte de malheurs, et souvent on rencontre des troupes de brigands qui ne cherchent que le meurtre et le pillage. »

Après avoir fait ainsi six cents li (soixante lieues), Hiouen-thsang sortit des frontières de Toa-ho-lo (Toukhâra) et arriva au royaume de Fan-yen-na (Bamian).

KIE-TCHOU-KI LO.

Kie-tchou-ki-lo (Kadjoûgira, vulgairement Kie-ching-kie-lo, Kadjiñgara — Inde centrale). Si-ya-ki, liv. X, fol. 4 : « Il a environ deux mille li de tour. Le sol est bas et humide, et les grains y viennent en abondance. Le climat est tempéré, et les mœurs sont pures et honnêtes. Les habitants témoignent une estime particulière pour les hommes de talent, et ils attachent un grand prix à la culture des lettres et des arts. Il y a six à sept couvents où l'on compte environ trois cents religieux. On voit dix temples des dieux (Dêvâlayas) ; les hérétiques habitent pêle-mêle. Depuis plusieurs centaines d'années, la famille royale est éteinte, et le pays est tombé au pouvoir d'un royaume voisin : de là vient que la ville est presque déserte. Le plus grand nombre des habitants s'est retiré dans les bourgs et les villages. Jadis le roi Kiai-ji (Citâditya râdjâ), voyageant dans l'Inde orientale, bâtît un palais dans ce pays, où il administrait les affaires des différents états soumis à sa puissance. Quand il arrivait, il se faisait construire une maison avec des roseaux ; à son départ, il la brûlait. Sur les frontières méridionales du royaume, il y a beaucoup d'éléphants sauvages.

« Sur les confins du nord, à une petite distance du fleuve King-kia (Gangâ — Gange), il y a une tour massive et fort élevée, construite avec des briques et des pierres ; ses fondements, qui occupent encore un vaste espace, offrent des sculptures exécutée avec art. Sur les quatre faces de la tour, on a taillé en relief, dans des compartiments séparés, les images des saints, des Bouddhas et des esprits du ciel. »

En sortant de ce pays du côté de l’est, Hiouen-thsang traversa la rivière King-kia (le Gange), et, après avoir fait six cents li, il arriva au royaume de Pun-na-fa-tan-na (peut-être Poundravarddhana, aujourd’hui Boardwan — Inde centrale).

KIENT’O-LO.

Kien-t’o-lo (Gandharâ — Inde du nord). Si-ya-ki^ liv. II, fol. 14 : « Ce royaume a mille li de l’est à l’ouest, et huit cents li (lu nord au sud. À l’est, il est voisin du fleuve Sin-toa (Sinik — Indus), La capitale, appelée Pott-foa-cfca-pon-Jo (Pofrouchapoura, aujourd’hui Peichaver), a quarante li de tour. La race royale s étant éteinte, ce pays est tombé au pouvoir (lu royaume de Kia-pi-che (Kapiça). Les villes et les villages sont presque vides et déserts, et l’on n’y voit que de rares habitants. Un angle de la ville royale renferme environ mille familles. Ce royaume abonde en grains, en fleurs et en fruits de toute espace. Il y a beaucoup de cannes à sucre avec lesquelles on fabrique du miel en pierre (du sucre cristallisé), le climat est doux et la chaleur tempérée ; on ne voit jamais ni gelée, ni neige. Les habitants sont d*un naturel mou et pusillanime, et ils aiment à cultiver les lettres et les arts. Un grand nombre d’entre eux est adonné aux doctrines dos hérétiques, et il y en a peu qui croient à la droite loi. Depuis l’antiquité, le royaume de Kien-fo-lo donna le jour à un grand nombre de docteurs indiens qui ont composé des Traités (Çâstras), savoir : à Na-lo-yen-t’ien (Nârâyana dêva), Wou-tcho-pou-sa (Asam̃gha bôdhisattva), Chi-ts’in-pou-sa ( Vasoubandhou bôdhisattva), Fa-k’ieou (Dharmatrâta), Joa-i (Manôraûia), Hie-ts’un {Aryaparçvika), etc. etc. Il y a un millier de Seng-kia-lan (Samghârâmas) qui sont ruines et déserts ; ils sont encombrés de plantes sauvages et n’offrent qu’une triste solitude. La plupart des Stoûpas sont également en ruines. Il y a une centaines de temples des dieux ; les hérétiques habitent pêle-mêle. »

En partant au nord de la ville de Oa-to-kia-han-tcha (Ouiakhanda — Attock), Hiouen-thsang franchit des montagnes, traversa des rivières, et, après avoir fait environ six cents li, il arriva au royaume de Oa-tchang-na (Oadyâna — Inde du nord).

KIO-TCHI.

Kio-tchi (aujourd’hui Koutché). Si-yu-ki, liv. I, fol. 6 : « Ce royaume a environ mille li de l’ouest à Test, et six cents du nord au sud. La capitale a de dix-sept à dix-huit li de tour. Le sol est favorable à la culture du blé et des différentes espèces de riz ; il produit beaucoup de raisins, de grenades, de poires, de pêches et d’abricots. Ce royaume possède des mines d’or, de cuivre, de plomb et d’étain. Le climat est tempéré, et les mœurs sont droites et honnêtes. Les habitants ont emprunté leur écriture à l’Inde, et n y ont fait que peu de changements. Ils se distinguent, parmi les autres royaumes, par leur habileté à jouer de la flûte et de la guitare ; ils portent des vêtements de laine ornés de soie brochée ; ils coupent leurs cheveux et se coiffent de turbans. Dans le commerce, ils font usage de pièces d’or et d’argent et de petites monnaies de cuivre. Le roi est originaire du pays de Kio-tchi. Il a peu de lumières et de capacité, et est, pour ainsi dire, l’esclave de quelques sujets puissants.

« Il existe dans ce pays une coutume étrange : dès qu’un enfant est né, on lui comprime la tête avec une planchette de bois, pour l’aplatir.

On compte une centaine de monastères où vivent environ cinq mille religieux attachés à l’école Choue-i-tsie-yeou, (ou des Sarvâstivâdas), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna). Ils ont emprunté à l’Inde la doctrine des livres sacrés, et les règles de la discipline, qu’ils étudient dans les textes originaux. Ils estiment particulièrement la doctrine appelée Ts’ien-kiao, ou doctrine graduelle. Ils se nourrissent d’aliments variés et des trois mets purs, et s’efforcent avec ardeur de se préserver de toute souillure. En général, tous les hommes s'évertuent à acquérir du mérite, etc. »

En sortant de ce royaume du côté de l’ouest, Hiouen-thsang fit environ six cents li, et arriva au royamne de Po-lourkia (Bâbukâ ?).

K’IU-CHOANG-NI-KIA.

K’iu-choang-ni-kia (Kouçannika). Si-yu-ki, liv. I, fol. ii : « Ce royaume a de quatorze à quinze cents li de tour ; il est étroit de l’ouest à l’est, et est allongé du nord au sud. Sous le rapport des produits du sol et des mœurs des habitants, il ressemble au royaume de So-mo-kien (Samarkand).

En sortant de ce royaume, après avoir fait deux cents li du côté de l’ouest, on arrive au royaume de Kho-han[7]. »

KIU-LANG-NA.

Kia-lang-na (Kouraṇa). Si-ya-ki, liv. XII, fol. 6 : « C’est un ancien pays du royaume de Tou-ho-lo (Toukhâra). Il a deux mille li (deux cents lieues) de tour. Sous le rapport du soi, des montagnes, des vallées, du climat et de la nature des saisons, il ressemble au royaume de In-po-kien (Invakan ?). Les habitants ne connaissent ni lois ni règlements ; ils sont d’un naturel vicieux et emporté, et ils ne font rien, la plupart, pour obtenir le bonheur[8] ; il n’y en a qu’un petit nombre qui ait foi dans la loi du Bouddha, Leur visage est laid et ignoble. Les étoffes de laine forment d’ordinaire leur habillement. Il y a des montagnes où Ion trouve des pépites d’or pur, entouré d’une gangue pierreuse que l’on enlève à coups de ciseau. On y voit peu de couvents et par conséquent peu de religieux. Le roi est d’un caractère pur et droit ; il est plein de respect pour les trois Précieux, »

En sortant de ce pays, dans la direction du nord-est, Hiouen-thsang gravit des montagnes et entra dans des vallées, rencontrant partout des chemins scabreux et hérissés de précipices.

Après avoir fait ainsi cinq cents li (cinquante lieues), il arriva au royaume de Ta-mo-si-t’ie-ti[9] (Dhamasthiti ?).

KIU LOUTO.

Kia-hu’io (Koulouta — Inde du nord). Si-ya-ki, liv. IV, fol. 6 : « Ce royaume a trois mille li de tour ; les quatre côtés de ses frontières sont entourés d’une ceinture de montagnes. La capitale a de quatorze à quinze li de circonférence. Le sol est gras et fertile ; les grains se sèment et se récoltent à des époques régulières ; les fleurs et les fruits y viennent en abondance ; les plantes et les arbres offrent une végétation florissante. Ce pays est voisin des montagnes neigeuses ; on y trouve

« Il existe dans ce pays une coutume étrange : dès qu’un enfant est né, on lui comprime la tête avec une planchette de bois, pour l’aplatir.

On compte une centaine de monastères où vivent environ cinq mille religieux attachés à l’école Choue-i-tsie-yeou, (ou des Sarvâstivâdas), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna). Ils ont emprunté à l’Inde la doctrine des livres sacrés, et les règles de la discipline, qu’ils étudient dans les textes originaux. Ils estiment particulièrement la doctrine appelée Ts’ien-kiao, ou doctrine graduelle. Ils se nourrissent d’aliments variés et des trois mets purs, et s’efforcent avec ardeur de se préserver de toute souillure. En général, tous les hommes s’évertuent à acquérir du mérite, etc. »

En sortant de ce royaume du côté de l’ouest, Hiouen-thsang fit environ six cents li, et arriva au royaume de Po-lou-kia (Bâloukâ ?).

K’IU-CHOANG-NI-KIA.

K’ia-choang-ni’kia (Koaçannika). Si-yu-ki, liv. I, fol. 11 : « Ce royaume a de quatorze à quinze cents li de tour ; il est étroit de l’ouest à l’est, et est allongé du nord au sud. Sous le rapport des produits du sol et des mœurs des habitants, il ressemble au royaume de So-mo-kien (Samarkand).

En sortant de ce royaume, après avoir fait deux cents li du côté de l’ouest, on arrive au royaume de Kho-An[10]. »

KIU-LANG-NA.

Kiu-lang-na (Kourana). Si-ya-ki, liv. XII, fol. 6 : « C’est un ancien pays du royaume de Toa-ho-lo (Toukhâra). Il a deux yu-ki, liv. XI, fol. 18 : « Ce royaume a cinq mille li de tour. La capitale, appelée Pi-lo-mo-lo (Viramâla ?), a trente li de circonférence. Sous le rapport des produits du sol et des mœurs, il ressemble au royaume de Sou-la-t’o [Sourâchira — Sourate), La population est agglomérée et toutes les familles vivent dans une heureuse aisance. La plupart des habitants sont adonnés à l’hérésie (au brahmanisme), et il n’y en a qu un petit nombre qui ait foi dans la loi du Bouddha. Il n’y a qu’un seul couvent où l’on compte une centaine de religieux attachés à l’école Choue-i-tsie-yeou-po (ou des Sarvâstivâdas), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna). Il y a une dizaine de temples des dieux. Les hérétiques habitent pêle-mêle.

« Le roi est de la caste des Kchattriyas. Il a maintenant vingt ans, et se distingue par sa prudence et sa valeur. Il a une foi profonde dans la loi du Bouddha et accorde une haute estime aux hommes d*un talent remarquable. »

En sortant de ce royaume, dans la direction du sud-est, Hiouen-thsang fit environ deux mille neuf cents li (deux cent quatre-vingt-dix lieues) et arriva au royaume de Ou-che-yen-na (Oudjdjayana — Oudjdjayanî — Odjein — Inde du midi).

KO-LO-CHE-POU-LO.

Ko’lo-che-pou-lo (Râdjapoura, le Râdjaour actuel — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. III, fol. 2 1 : « Ce royamne a quatre mille li de tour ; sa capitale a une circonférence de dix li. Il est fortement protégé par des obstacles naturels.

« Il y a beaucoup de montagnes et de tertres. Les vallées et les plaines sont extrêmement resserrées, et la terre ne donne que peu de produits. Sous le rapport des propriétés du sol et du climat, ce pays ressemble au royaume de Pa-nou-tcha[11]. Les mœurs sont empreintes de cruauté. Les hommes sont d’un caractère brave et impétueux. Ce royaume n’a ni prince ni chefs indigènes ; il est soumis au Kachemire. Il y a une dizaine de couvents qui ne renferment qu’un petit nombre de religieux. Il y a en outre un temple des dieux (DêvâIaya) que fréquentent une multitude énorme d’hérétiques.

« Depuis le royaume de Lan-po (Lampâ — Lamghan) jusqu’à ce pays, les hommes qu’on rencontre ont un extérieur commun et des traits ignobles. Leur naturel est violent et sauvage, leur langage est vulgaire et grossier, et ils ne font aucun cas de l’urbanité et de la justice. Ce pays n’appartient pas proprement à l’Inde et on peut le regarder comme ayant les usages grossiers des Mlêtch’as (barbares). »

En sortant de ce pays, au sud-est, Hiouen-thsang descendit une montagne, passa un fleuve et, après avoir fait environ sept cents li, il arriva au royaume de Tse-kia (Tchêka — Inde du nord).

KONG-KIEN-NA-POU-LO.

Kong-kien-na-pou-lo (Kôñkaṇapoura — le Konkan actuel — Inde méridionale). Si-ya-ki, liv. XI, fol. 11 : « Ce royaume a cinq mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de trente li. Le terrain est gras et fertile, et les grains viennent on abondance. Le climat est doux et tempéré. Les mœurs se ressentent du caractère bouillant et impétueux des habitants, qui se font remarquer par la noirceur de leur peau, la violence de leurs passions et la férocité de leur naturel. Ils sont passionnés pour l’étude, et montrent une grande estime pour les hommes vertueux et les savants. Il y a une centaine de couvents qui comptent environ dix mille religieux, et où l’on étudie en même temps le grand et le petit Véhicule. Il y a en outre plusieurs centaines de temples des dieux. Les hérétiques habitent pêle-mêle, etc. »

En sortant de ce pays au nord-ouest, Hiouen-thsang entra dans une grande forêt, et traversa des plaines sauvages infestées par des bêtes féroces et des troupes de brigands. Après avoir fait de deux mille quatre cents à deux mille cinq cents li, il arriva au royaume de Mo-ho-la-t’o (Mâhârâchṭra — Inde du sud).

KONG-YU-T’O.

Kong-yu-t’o (Kôṇyôdha ? — Kongâ[12] — Inde de l’est). Si-ya-ki, liv. X, fol. 11 : « Ce royaume a mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de vingt li. Il est voisin d’un golfe. Il y a beaucoup de montagnes et de collines hautes et escarpées. Le terrain est bas et humide ; les grains se sèment à des époques régulières. Le climat est doux et les saisons tempérées. Les habitants sont doués d*un courage bouillant ; ils sont d’une haute taille et ont la peau noire. Ils observent un peu les rites et la justice, et n’osent point user de fraude ni de tromperie. Quant aux caractères de leur écriture, ils ressemblent à ceux de l’Inde centrale ; mais leur langue et leur prononciation sont fort différentes. Ils montrent un grand respect pour les hérétiques (les Brahmanes) et ne croient point à la loi du Bouddha. Il y a une centaine de temples du ciel (Dêvâlayas) où habitent environ dix mille hérétiques.

« Les frontières de ce royaume embrassent plusieurs dizaines de petites villes, dont les unes sont adossées à des montagnes, et les autres sont situées près du confluent de deux mers. Leurs murs sont hauts et solidement construits, et elles sont gardées par des soldats remplis de bravoure et d’audace : aussi le roi est bientôt devenu la terreur des princes voisins et n’a trouvé aucun ennemi qui fût capable de lui résister. Ce royaume, étant baigné par la mer, abonde en objets rares et précieux. Dans les transactions du commerce, on fait usage de coquilles en spirale (de couru) et de perles. Ce pays produit des éléphants noirs qu’on attelle à des chars pour faire de longs voyages.

« En sortant de ce royaume au sud-ouest, on entre dans une grande plaine sauvage ; on rencontre des forêts profondes dont les arbres gigantesques s’élèvent jusqu’aux nues et dérobent la vue du soleil. »

Après avoir fait de quatorze à quinze cents li, Hiouen-thsang arriva au royaume de Kie-ling-kia (Kaliñga — Inde méridionale).

LAN PO.

Lan-po (Lampâ — Lamgham — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. II, fol. 1 : « Ce royaume a environ mille li de tour. Au nord, il est adossé aux montagnes neigeuses ; des trois autres côtés, il est borné par les monts Hĕ-ling (Hindoukouch), La circonférence de la capitale est de dix li. La race royale étant éteinte depuis plusieurs centaines d’années, les hommes des grandes familles se sont longtemps disputé le pouvoir. H n y a ni prince ni chefs indigènes. Dans ces derniers temps, Lan-po a commencé à s’associer au royaume de Kia-pi-chu (Kapiai), dont il dépend aujourd’hui. Le terrain est propre à la culture du riz, et produit une grande quantité de cannes à sucre. Les forêts sont vastes et pourvues de toutes sortes de bois ; mais les arbres à fruits sont fort rares. Le climat est assez doux ; il y a quelques gelées, mais jamais de neiges. Les habitants vivent dans l’aisance et la joie, et aiment beaucoup à chanter. Ils sont mous, pusillanimes et enclins à la fraude. Ils se traitent réciproquement avec arrogance et mépris, et jamais on n’en vit un seul céder le pas à un autre. Ils sont petits de taille, et ont des mouvements vifs et impétueux. La plupart d’entre eux s’habillent de coton blanc, et aiment à rehausser leur costume par des ornements d’une couleur brillante. Il y a une dizaine de couvents où Ion ne voit qu’un petit nombre de religieux qui tous étudient la doctrine du grand Véhicule (Mahâyâna). On voit plusieurs dizaines de temples des dieux (Dêvâlayas). Les hérétiques sont peu nombreux. »

En sortant de ce pays dans la direction du sud-est, Hiouen-thsang fit environ cent li, franchit un grand passage de montagne, traversa un large fleuve, et arriva au royaume de Na-kie-ho-lo (de Nagarahâra — Inde du nord).

MEOU-LO-SAN-POU-LOU.

Meou-lo-san-pou-lou (Moûlasambourou ? [13] — Moultân — Inde de l’ouest). Si-ya-ki, liv. XI, fol. 20 : « Ce royaume a quatre mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ trente li. La population est agglomérée, et toutes les familles vivent dans l’abondance. Il est soumis au royaume de Tsé-kia (Tchéka). Le sol est gras et fertile ; le climat est tempéré, et les saisons arrivent à des époques régulières. Les mœurs sont droites et honnêtes. Les habitants aiment l’étude et estiment la vertu. Beaucoup d’entre eux adorent les esprits du ciel (suivent le culte brahmanique), et il en est peu qui aient foi dans la loi du Bouddha. Il y a une dizaine de couvents qui sont la plupart en ruines. On n’y voit qu’un petit nombre de religieux dont pas un seul ne montre de l’ardeur pour l’étude. Il y a huit temples du ciel où les hérétiques habitent pêle-mêle. On admire le temple du dieu du soleil (Aditya), qui est d’une construction imposante et d’une grande magnificence. La statue du dieu est fondue en or pur et couverte des plus riches ornements. Sa vue divine pénètre les retraites les plus obscures, et il opère des miracles qui éclatent d’une manière mystérieuse. Là, sans interruption, des musiciens font entendre alternativement de joyeux concerts ; des flambeaux brillants succèdent à la clarté du jour, et l’on offre avec profusion des fleurs odorantes. Les rois et les grands personnages des cinq parties de l’Inde ne manquent jamais d’apporter dans ce temple des objets rares et précieux. Ils ont établi des maisons da bonheur (pouṇyaçâlâs) pourvues de breuvages, d’aliments et de plantes médicinales pour aider les pauvres et soulager les malades. En tout temps, il y a plusieurs milliers d’hommes des différents royaumes qui viennent dans ce temple pour demander l’accomplissement de leurs vœux. Tout autour des temples des dieux (ou brahmaniques), il y a des bassins, des étangs et des bosquets fleuris où l’on peut se promener avec charme. »

En sortant de ce royaume, dans la direction du nord-est, Hiouen-thsang fit environ sept cents li et arriva au royaume de Po-fa-to (Parvata — Inde du nord).

MO-HI-CHI-FA-LO-POU-LO.

Mo-hi-chi-fa-lo-pou-lo (Mahêçvarapoura — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. XI, fol. 19 : « Ce royaume a trois mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de trente li. Sous le rapport des propriétés du sol et des mœurs, il ressemble au royaume de Our-che-yen-na (Oudjdjayana — Odjein). Les habitants sont adonnés à l’hérésie (la doctrine brahmanique) et n’ont aucune foi dans la loi du Bouddha. Il y a plusieurs dizaines de temples des dieux. Les hérétiques les plus nombreux sont ceux qui se frottent de cendres (les Pâçoapatas), Le roi descend d’une famille de brahmanes et il ne montre pas beaucoup de respect ni de foi pour la loi du Bouddha. » En sortant de ce pays, Hiouen-thsang revint dans le royaume de Kiu’tche-lo (Gourdjara — Guzarate), puis il reprit de nouveau la route du nord, à travers des plaines sauvages et des déserts remplis de dangers. Après avoir fait ainsi mille neuf cents li (cent quatre-vingt-dix lieues), il passa un grand fleuve appelé Sin-tou (Sindh — Indus) et arriva dans le royaume de Sin-tou [Sindh).

MO-HO-LA-T’O.

Mo-ho-la-t’o (Mahârâchtra — le royaume des Mahrattes — Inde du sud). Si-yu-kif liv. XI, fol. 12 : « Ce royaume a six mille li de tour ; du côté de l’ouest, la capitale est voisine d’un grand fleuve ; elle a environ trente li de circonférence. Le sol est gras et fertile, et les grains viennent en abondance. Le climat est doux et d’une chaleur tempérée. Les mœurs sont simples et honnêtes. Les habitants ont une haute stature, et sont d’un caractère fier et emporté. Lorsqu’on leur a fait du bien ou du mal, ils ne manquent jamais de montrer leur reconnaissance ou de se venger avec éclat. Si on les a insultés, ils iront jusqu’à risquer leur vie pour laver cet affront ; mais si quelqu’un vient les implorer dans la détresse, ils oublieront le soin de leur personne pour le secourir. Quand ils ont une injure à venger, ils ont soin d’en donner avis à leur ennemi. Après quoi, chacun apprête ses armes et lutte la lance à la main. Dans un combat, lorsque l’année opposée a été mise en déroute, ils ne tuent point les vaincus. Si un général a été battu, on ne lui inflige point de peine corporelle ; on lui donne des vêtements de femme, et souvent le désespoir le pousse à se tuer lui-même.

« Dans ce royaume, on entretient un corps de braves champions, au nombre de plusieurs centaines. Chaque fois qu’ils se préparent à livrer bataille, ils boivent du vin et s’enivrent ; alors un seul de ces hommes, la lance au poing, défierait mille soldats. S’il tue un homme qui se trouve à sa rencontre, la loi ne le poursuit point. Chaque fois qu’ils vont en campagne, ils battent le tambour et marchent à l’avant-garde. Ils enivrent des éléphants d’un naturel sauvage, au nombre de plusieurs centaines. Avant de livrer bataille, ils boivent aussi des liqueurs fortes, puis s’élancent en masse avec une impétuosité aveugle, sans que l’ennemi puisse arrêter leur élan furieux. Le roi, fier de posséder de tels hommes, méprise et attaque impunément les royaumes voisins. Il est de la race des Kchattriyas ; on l’appelle Pou-lo-ki-che (Pourakéça ?). Il a des vues larges et profondes, et il étend au loin son humanité et ses bienfaits. Ses sujets le servent avec un dévouement absolu. Aujourd’hui le roi Kiaï-ji (Çilâditya) porte de l’est à l’ouest ses armes victorieuses, et fait obéir en tremblant les peuples voisins et éloignés ; mais les hommes de ce royaume sont les seuls qui n’aient point plié sous ses lois. Quoiqu’il se soit mis à la tête de toutes les troupes des cinq Indes, et ait appelé sous ses drapeaux les plus braves généraux de tous les états, qu’il mène lui-même au combat, il n’a pas encore réussi à triompher de leur résistance. On peut juger par là de leur caractère inflexible et de leur indomptable valeur. Les habitants de ce pays sont passionnés pour l’étude et, parmi eux, on trouve des partisans de l’erreur et de la vérité. Il y a une centaine de Kia-lan (Samghârâmas — couvents) qui renferment environ cinq mille religieux et où l’on cultive à la fois la doctrine du grand et du petit Véhicule. Il y a cent temples des dieux et l’on voit un nombre considérable d*hérétiques, etc. »

En partant de ce royaume du côté de l’est, Hiouen-thsang fit environ mille li, traversa la rivière Naî-ma-fo (la Narmadâ) et arriva au royaume de Pa-hu-kie’tclie’p'o (Baroukatch’éva — Barygaze — Baroche — Inde du sud).

MO-KIE-TO.

Mo-kie-to (Magadha), Si-yu-ki, liv. VIII, fol. i : « Ce royaume a cinq mille li de tour. Les villes ont peu d’habitants, mais les villages sont très-peuplés. Le sol est gras et fertile, et les grains viennent en abondance. On y récolte un riz d’une espèce extraordinaire, dont le grain est très-gros et le goût exquis (Mahâvrihi — gros riz) ; il est remarquable par l’éclat de sa couleur. On l’appelle communément le riz à l’usage des grands. Le terrain est bas et humide ; les villages sont situés sur des plateaux élevés. Après le premier mois d’été et avant le second mois d’automne, les plaines se trouvent inondées et l’on peut s’y promener en bateau. Les mœurs sont simples et honnêtes ; dans toutes les saisons, on éprouve une douce chaleur. Les habitants ont une haute estime pour l’étude et révèrent la loi du Bouddha. Il y a une cinquantaine de Kia-lan (Samghârâmas — couvents) où l’on compte environ dix mille religieux qui tous sont pleins de respect et d’ardeur pour la doctrine du grand Véhicule (Mahâyâna). On voit plusieurs dizaines de temples des dieux (Dêvâlayas). Il y a un grand nombre d’hérétiques.

« Au sud du fleuve King-kia (Gangâ — Gange), il y a une ville antique dont la circonférence est de soixante et dix li. Quoiqu’elle soit ruinée depuis bien des siècles, ses fondements subsistent encore. Dans les temps anciens, lorsque la vie des hommes avait une durée infinie, on l’appelait Keou-sou-mo-pou-lo (Kousoumapoura — en chinois Hiang-hoa-kong-tch’ing). On lui donna ce nom, parce que le palais du roi était orné d’une multitude de fleurs. Quand la vie des hommes fut ramenée à une durée de plusieurs milliers d’années, elle changea de nom et reçut celui de Po-l’o-li-tseortcliing (la ville du fils de l’arbre Pâtali[14] — Pâtalipoutra poura[15]), etc. »

En sortant de Magadha, du côté de l’est, Hioaen-thsang entra dans des montagnes couvertes de vastes forêts et, après avoir fait environ deux cents li, il arriva au royaume de Hi-lan-na-po-fa-to (Hiranyaparvata — Inde centrale).

MO-LA-P’O.

Mo-la-p’o (Malva — Inde du sud). Si-yu-ki, liv. XI, fol. 14 : « Ce royaume a six mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de trente li. Il est voisin de la partie sud-est de la rivière Mo-ho (Mahi). Le sol est gras et fertile, et les grains y viennent en abondance. Les plantes et les arbres ont une végétation florissante, et l’on voit une quantité prodigieuse de fleurs et de fruits. Le terrain est surtout favorable à la culture du blé tardif. Dans ce pays, on mange beaucoup de gâteaux de grains torréfiés. Les habitants sont d’un naturel vertueux et docile, et, en général, ils sont doués d’une intelligence remarquable ; leur langage est pur et leur prononciation nette et harmonieuse. Ils sont profondément versés dans les lettres et dans les arts. Dans les frontières des cinq Indes, il y a deux royaumes où Ton fait le plus grand cas de l’étude ; au sud-est, le royaume de Malva ; au nord-ouest, celui de Magadha. Dans tous les deux, on honore la vertu et Ton estime hautement la justice ; les hommes sont doués d’une rare pénétration, et se livrent à l’étude avec une ardeur infatigable ; mais dans les royaumes dont nous parions ici, on trouve mêlés ensemble les partisans de Terreur et de la vérité. Il y a plusieurs centaines de Kia-lan (couvents) où l’on compte environ vingt mille religieux de l’école Tching-liang-poa (ou des Sammitiyas) qui se rattache au petit Véhicule (Hinâyâna). Il y a aussi plusieurs centaines de temples des dieux. On voit un nombre prodigieux d*hérétiques, la plupart de la secte qui se frotte de cendres (les Pâçoupatas), etc. »

En partant de ce royaume, dans la direction du sud-ouest, Hiouen-thsang arriva au confluent de deux mers, fit de deux mille quatre cents à deux mille cinq cents li et arriva au royaume d’A-tch’a-li (Atali — Inde du sud).

MO-LO-KIU-T’O.

Mo-lo-kiu-to[16] (Mâlakoâta — Inde méridionale). Si-yu-ki, liv. X, fol. 21 : « Ce royaume a cinq mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de quarante li. Le sol est imprégné de sel et ne donne que de médiocres produits. Dans ce royaume, on trouve en quantité tous les objets précieux que fournissent les mers et les îles. Le climat est brûlant, et la plupart des habitants ont la peau noire ; ils ont un caractère dur et des passions bouillantes. Parmi eux, on compte en même temps des partisans de l’erreur et de la vérité. Ils n’estiment point la culture des arts et mettent toute leur habileté à poursuivre le lucre. On voit encore les fondements d’un grand nombre d’anciens couvents ; il n’en reste plus qu’un petit nombre qui renferme fort peu de religieux. Il y a plusieurs centaines de temples des dieux, que fréquente une multitude prodigieuse d’hérétiques, dont le plus grand nombre est de la secte des Loa-hing (ou Nirgranthas, c’est-à-dire ceux qui vont nus), etc.

À l’est des monts Malaya, s’élève le mont Pou-ta-lo-kin (Poutrakagiri).

En sortant du royaume de Mâlakoûta, au nord-est de cette montagne, on trouve sur le bord de la mer une ville (appelée Tcharitra poura) qui est le point de départ de ceux qui vont au royaume de Seng-kia-lo (Sinhala — Ceylan), situé dans la mer du midi.

J’ai interrogé, dit Hiouen-thsang, des habitants de la ville de Tcharitra, et ils m’ont répondu : En partant d’ici, on s’embarque et, après avoir fait environ trois mille li au sud-est, on arrive au royaume de Seng-kia-lo (Sinhala — Ceylan — qui ne fait point partie des pays renfermés dans les frontières de l’Inde). »

MO-TI-POU-LO.

Mo-ti-pou-lo (Matipoara — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. IV, fol. 12 : « Ce royaume a six mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ vingt li. Le sol est favorable au froment, et les fleurs et les fruits viennent en abondance. Le climat est doux et tempéré ; les mœurs sont simples et honnêtes. Les habitants montrent une grande estime pour les lettres et les arts, et ils sont profondément versés dans l’emploi des formules magiques. Les partisans de l’hérésie et de la vérité se partagent par moitié. Le roi est issu de la caste des Siu’t'o’lo (des Çoûdras) il n’a point foi dans la loi du Boaddha et adore avec respect les esprits du ciel. Il y a une dizaine de couvents où l’on compte environ huit cents religieux de l’école Choae-i-tsie-yeoa-poa (ou des Sarvâstivâdas), qui se rattache au petit Véhicule (Hinâyâna). Il y a environ cinquante temples des dieux (Dévâlayas). Les hérétiques habitent pêle-mêle, etc. »

En partant du sud-est de Matipoura, Hiouen-thsang fit environ quatre cents li et arriva au royaume de Kia-pi-choang-na (Gôviçana ? — Inde centrale).

MO-T’OU-LO.

Mo-tou-lo (Mathourâ — Inde centrale). Siya-ki, liv. IV, fol. 7 : « Ce royaume a cinq mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ vingt li. Le sol est gras et fertile, et Ion s’applique Surtout à la culture des grains. Les’An-mo-lo (Amras — manguiers), que chacun plante à l’envi, forment une espèce de forêt. Quoique tous ces arbres portent le même nom, on distingue cependant leurs fruits en deux espèces. Les plus petits sont verts quand ils commencent à croître ; dès qu’ils sont mûrs ils deviennent jaunes. Les plus gros, au contraire, restent constamment verts. On tire de ce pays du coton fin de diverses nuances. Le climat est brûlant ; les mœurs sont simples et honnêtes. Les habitants aiment à cultiver le bien pour obtenir le bonheur. Ils révèrent la vertu et estiment l’étude. Il y a une vingtaine de couvents où l’on compte environ deux mille religieux qui étudient à la fois le grand et le petit Véhicule. On voit cinq temples des dieux. Les hérétiques habitent pêle-mêle, etc. »

En partant de ce royaume, Hiouen-thsang fit environ cinq cents li au nord-est et arriva au royaume de Sa-t’a-ni-chi-fa-lo (Sthânêçvara — Tanessar — Inde centrale).

MOUNG-KIEN.

Moung-kien (Mounhan). Si-yu-ki, liv. XII, fol. 4 : « C’est un ancien pays du royaume de Tou-ho-lo (Toukhâra). Il a quatre mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ quinze à seize li. Sous le rapport des propriétés du sol et des mœurs, il ressemble beaucoup au royaume de Houo. Il n’y a ni prince ni chefs indigènes. Tout ce pays est soumis aux Tou-kioue (Turcs).

« En partant du nord, on arrive au royaume de A-li-ni (Alni ou Arni). »

NA-KIE-LO-HO.

Na-kie-lo-ho (Nâgarahâra — Inde du nord). Si-ya-ki, liv. II, fol. 11 : « Ce royaume a six cents li de l’est à l’ouest et de deux cent cinquante à deux cent soixante li du sud au nord. Ses quatre frontières sont entourées de montagnes escarpées qui en rendent l’accès difficile et dangereux. La capitale peut avoir une étendue de deux li. Il n y a ni prince ni chefs indigènes. Aujourd’hui ce pays est soumis au royaume de Kia-pi-che (Kapiça). Il est riche en grains, et les fleurs et les fruits y viennent en abondance. Le climat est doux et la chaleur tempérée. Les mœurs sont simples et honnêtes. Les habitants sont d’un caractère brave et impétueux. Ils méprisent les richesses et sont passionnés pour l’étude. Ils sont pleins de respect pour la loi du Bouddha et peu d’entre eux ont foi dans les doctrines des hérétiques. Quoiqu’il y ait un grand nombre de kia-lan (couvents), on ne voit qu’un petit nombre de religieux. Les Stoûpas sont en ruines et couverts de plantes sauvages. Il y a cinq temples des dieux que fréquentent une centaine d’hérétiques, etc. »

En sortant de ce royaume au sud-est, Hiouen-thsang fit environ cinq cents li au milieu des montagnes et des vallées, et arriva au royaume de Kien-t’o-lo (Gandhâra — Inde du nord).

NOU-TCH’I-KIEN.

Nou-tch’i-kien (Noutchikan — le Nouchidjan des Arabes, suivant M. Reinaud). Si-yu-ki, liv. I, fol. 10 : « Ce royaume a mille li de tour ; le sol est gras et fertile, et il produit toutes sortes de grains. Les plantes et les arbres ont une végétation vigoureuse, et les fleurs et les fruits viennent en abondance. On récolte une grande quantité de raisins qui sont fort estimés. Il y a une centaine de villes ; elles ont chacune des chefs particuliers qui, dans toutes leurs actions, sont indépendants les uns des autres. Quoique chaque pays ait une démarcation séparée et distincte, leur ensemble forme ce qu’on appelle le royaume de Nou-tch’i-kien. »

En sortant de ce pays, Hiouen-thsang fit deux cents li dans la direction de l’ouest et arriva au royaume de Tche-chi (Tchadji[17]).

OU-CHE-YEN-NA.

Ou-che-yen-na (Oudjdjayana — Odjein — Inde du midi). Si-yu-ki, liv. XI, fol. 18 : « Ce royaume a six mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ trente li. Sous le rapport des propriétés du sol et des mœurs, il ressemble au royaume de Sou-la-t’o (Sourûchtra). La population est agglomérée, et toutes les familles vivent dans une heureuse aisance. Il y avait plusieurs dizaines de couvents qui sont ia plupart en ruines. Il n'en subsiste plus que trois ou quatre où Ton compte environ trois cents religieux qui étudient en même temps le grand et le petit Véhicule. Il y a plusieurs dizaines de temples des dieux où les hérétiques habitent pêle-mêle. Le roi est de la race des brahmanes ; il est très-versé dans les livres des hérétiques et n'a point foi dans la droite loi. »

En sortant de ce pays, Hiouen-thsang fit environ mille li au nord-est et arriva au royaume de Tchi-ki-t'o[18] (Tchikdlia ? — aujourd'hui Tchitor — Inde du sud).

OU-LA-CHI.

Ou-la-chi (Ouraçî — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. III, f. 13 : « Ce royaume a deux mille li de tour ; les montagnes et les collines y forment des chaînes continues, de sorte que les terres propres à la culture sont fort resserrées. La circonférence de la capitale est de sept à huit li. Ce pays n'a ni prince ni chefs indigènes ; il est soumis au royaume de Kachemire. Le sol est propre à la culture des grains et produit peu de fleurs et de fruits. Le climat est doux et tempéré. Les habitants ne connaissent ni la justice ni les rites. Leur caractère est dur et cruel, et ils se livrent habituellement au vol et à la fraude. Ils n'ont point foi dans la loi du Bouddha.

« À quatre ou cinq li au sud-ouest de la capitale, il y a un Stoûpa haut de deux cents pieds, qui a été bâti par Açôka. À côté il y a un couvent où Ton compte un petit nombre de religieux qui tous étudient la doctrine du grand Véhicule. »

En sortant de ce pays, dans la direction du sud-est, Hiouen-thsang franchit des montagnes, traversa des lieux remplis de précipices, passa un pont en (chaînes de) fer et, après avoir fait mille li, il arriva au royaume de Kia-chi-mi-la (Kaçmira — Kachemire).

OU-TCH’A.

Ou-tch’a (Ouḍa — Oḍra — Orissa — Inde orientale). Si-yu-ki, liv. X, fol. 10 : « Ce royaume a sept mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de vingt li. Le sol est gras et fertile, et les grains viennent en abondance. En général, les fruits y sont plus gros que dans les autres royaumes ; il serait difficile d’énumérer les plantes rares et les fleurs renommées qui y croissent. On ressent en tout temps une douce chaleur ; les habitants ont des mœurs féroces, une stature élevée et le teint noir. Leur langue est pure et harmonieuse ; elle diffère de celle de l’Inde centrale. Ils se livrent à l’étude avec une ardeur infatigable et beaucoup d’entre eux suivent la loi du Bouddha. Il y a une centaine de couvents où Ton compte environ dix mille religieux qui tous étudient la doctrine du grand Véhicule (Mahâyâna). Il y a cinquante temples des dieux. Les hérétiques habitent pêle-mêle, etc. »

En partant de ce royaume, dans la direction du sud-ouest, Hiouen-thsang fit environ douze cents li à travers de vastes forêts et arriva au royaume de Kong-yu-io (Kônyôdha ? — Kongâ — Inde de l’est).

OUTCHANG-NA.

Ou’tchang-na (Oudyâna — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. III, fol. 1 : « Ce royaume a cinq mille li de tour. Il y a des montagnes et des vallées extrêmement rapprochées, et des rivières et des lacs qui succèdent aux plaines ; aussi, quoiqu’on sème les différentes sortes de grains, les produits agricoles sont loins d’être abondants. On voit beaucoup de raisins et peu de cannes à sucre. Ce pays produit de l’or, du fer et le parfum appelé Yo-kin (Curcuma). Les forêts ont une rotation vigoureuse, et il y a une exubérance de fleurs et de fruits. Le froid et le chaud y sont modérés ; les pluies et les vents viennent dans leur saison. Les habitants sont d’un caractère mou et pusillanime ; ils sont généralement enclins à la ruse et à la fourberie. Ils aiment l’instruction, mais n’y apportent aucune ardeur ; l’étude des sortiléges et des formules magiques est leur occupation favorite. Ils portent en général des vêtements de coton, et s’habillent rarement d’autre étoffe. Quoiqu’ils parient une langue particulière, elle ressemble cependant, en grande partie, à celle de l’Inde. Les caractères de leur écriture et les usages de la politesse offrent aussi beaucoup de ressemblance. Les habitants révèrent la loi du Bouddha ; ils suivent avec respect la doctrine du grand Véhicule. Sur les deux bords du fleuve Sou-p’o-fa-sou-tou (Soubhavastou), il y avait anciennement quatorze cents couvents qui sont la plupart en ruines. Jadis ils renfermaient dix-huit mille religieux ; mais aujourd’hui leur nombre est extrêmement réduit. Tous étudient le grand Véhicule (Mahâyâna) et se livrent surtout h la méditation (dhyâna). Ils aiment à lire les textes de cette doctrine ; mais ils ne cherchent point à en approfondir le sens et l’esprit. Leur conduite est pure et sévère ; l’étude des formules magiques est leur principale occupation. Les règles de la discipline et des cérémonies font l’objet d’un enseignement religieux. On compte dans ce royaume cinq écoles philosophiques. 1° Fa-mi-pou (l’école des Dharmagouptas) ; 2° Hoa-t’i-pou (l’école des Mahîçâsakas ; 3° In-kouang-pou (l'école des Kâçyapîyas) ; 4° Choue-i-tsie-yeou-pou (l'école des Sarvâstivâdas) ; 6° Ta-tchong-poa ( 1 école des Mahdsamghikas ). Il y a une dizaine de temples des dieux (Dévâlayas), Les hérétiques habitent pêle-mêle. Il y a quatre à cinq villes bien fortifiées ; la plupart des rois de ce pays avaient pris pour capitale la ville de Moung-kie-li [Moangali ?) qui a de seize à dix-sept li de tour et possède une nombreuse population.

« À quatre ou cinq li à l'est de la ville de Moung-kie-li (Moungali ?), il y a un grand Stoûpa où éclatent un grand nombre de prodiges. Ce fut en cet endroit que jadis le Bouddha, remplissant le rôle de Jin-jo-sien (Kchântirïchi), coupa (une partie de) ses membres en faveur du roi Kie-li (Kalirâdjâ)[19]. »

Après avoir fait de deux cent cinquante à deux cent soixante li au nord-est de la ville de Moang-kie-li [Moangali ?), Hiouenthsang entra dans une grande montagne et arriva à la fontaine du dragon A-po-lo-lo (Apalâla) ; c'est précisément le lieu d'où sort le fleuve Soa-p'o'farsoa-'tou (Soubhavastou), etc.

En partant à l'est du couvent de la vallée de Ta-li^o (aujourd'hui Tilil), Hiouen-thsang franchit des passages de montagnes et des vallées, et remonta le Sindh ; puis, sur des ponts volants et des passerelles élevées, il traversa des lieux remplis de précipices et, après avoir fait environ cinq cents li, il arriva au royaume de Po-loa-lo (Bolor — Inde du nord). PI-

LO CHAN-NA-KOUE.

Pi-lo-chan-na-koue (le royaume de Viraçâna ? — Inde centrale). Si-ya-ki, liv. IV, fol. 17 : « Ce royaume a deux mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d'environ dix li. Sous le rapport du climat et des propriétés du sol, il ressemble au royaume de’O-hi-tchi-ta-lo (Ahikchêtra). Les mœurs sont empreintes de violence et de férocité. Les habitants sont versés dans les lettres et dans les arts ; ils ont foi dans l’hérésie et peu d’entre eux respectent la loi du Bouddha. Il y a deux couvents où l’on compte trois cents religieux qui tous étudient la doctrine du grand Véhicule (Mahâyâna). Il y a cinq temples des dieux (Dêvâlayas) où les hérétiques habitent pêle-mêle, etc. »

En sortant de ce royaume, Hiouen-thsang fit environ deux cents li au sud-est et arriva au royaume de Kie-pi-t’o (Kapitha), anciennement Seng-kia-che (Sam̃kâçya)[20].

PI-SO-KIA.

Pi-so-kia (Vâisâka — Inde centrale). Si-yu-ki, lîv. V, f. 18 : « Ce royaume a quatre mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de seize li. Il produit une grande quantité de grains, et toutes sortes de fleurs et de fruits y viennent en profusion. Le climat est doux et tempéré ; les mœurs sont simples et honnêtes ; les habitants s’appliquent à l’étude avec une ardeur infatigable. Ils cherchent le bonheur, en pratiquant constamment la vertu.

« Il y a une vingtaine de couvents où l’on compte environ trois mille religieux, qui tous étudient les principes de l’école Tching-liang-pou (ou des Sammitîyas), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna) ; il y a une cinquantaine de temples des dieux (Dêvâlayas) que fréquentent un nombre considérable de religieux, etc. »

En sortant de ce royaume, Hiouen-thsang fit environ cinq cents li au nord-est et arriva au royaume de Chi-lo-fa-si-ti (Çrâvasti — Inde centrale).

PITO-CHI-LO.

Pi-to-chi-lo (Pitaçilâ ? — Inde occidentale). Si-yu-ki, liv. XI, fol. 23 : « Ce royaume a trois mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ vingt li. La population est agglomérée ; il n’y a ni prince ni chefs indigènes. Ce pays est soumis au royaume de Sin-toa (Sindh). Le sol est sablonneux et imprégné de sel ; on y éprouve un froid glacial et les vents soufflent avec violence. On récolte une grande quantité de graines légumineuses et de blé. Les mœurs sont farouches et cruelles ; la langue pariée est différente de celle de l’Inde centrale. Les habitants n’ont point de goût pour la culture des lettres et des arts ; cependant ils sont doués d’une foi sincère (dans la loi du Bouddha). Il y a une cinquantaine de couvents où habitent environ trois mille religieux de l’école Tching-liang-pou (ou des Sammitîyas), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna). Il y a en outre une vingtaine de temples des dieux [Dévaleras) où habitent des hérétiques, qui tous se frottent de cendres (des Pâçoupatas). »

En sortant de ce pays, Hiouen-thsang fit environ trois cents li au nord-est et arriva au royaume d’A-pan-tch’a (Avanda ? — Inde de l’ouest).

POLA-NA-SSE.

Po-la-na-sse[21] (Vârânaçi — Bénarès — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. VII, fol. 1 : « Ce royaume a quatre mille li de tour ; du côté de l’ouest, la capitale est voisine du fleuve Kingkia (Gangâ — Gange) ; elle s*étend sur un espace de dix-huit à dix-neuf li ; sa largeur est de cinq à six li. Les maisons sont extrêmement rapprochées et la population est très-pressée. Chaque famille possède des sommes énormes d’argent, et une grande quantité d’objets rares et précieux. Les habitants sont doux et polis, et montrent une haute estime pour la science. Beaucoup d’entre eux ont foi dans les doctrines hérétiques, et il en est peu qui aient du respect pour la loi du Bouddha. Le climat est tempéré ; les grains viennent en abondance ; les arbres à fruits végètent avec vigueur ; on ne voit partout que des plantes et des herbes d’une abondance prodigieuse.

« Il y a une trentaine de couvents où l’on compte environ trois mille religieux, tous dévoués aux principes de l’école Tching’liang-poa (ou des Sammitîyas) qui se rattache au petit Véhicule {Hinayâna). On compte une centaine de temples des dieux (Dévâlayas) où habitent environ dix mille hérétiques, qui, la plupart, adorent le dieu Ta-tsett-ts’aî-fien (Mahéçvara déva)’^ les uns se coupent les cheveux, les autres les réunissent en touffe sur le sommet de la tête. On en voit qui vont nus (des Nirgranthas) qui se frottent de cendres (des Pâçoapatas), ou qui se livrent avec ardeur à de cruelles macérations, pour obtenir d’échapper à la vie et à la mort (c’est-à-dire à la loi de la transmigration). Dans la capitale, on compte vingt temples des dieux (Dêvâlayas) ; chacun de ces édifices sacrés a plusieurs étages ; les pierres sont sculptées avec art, et les parties en bois brillent des plus riches couleurs. Ils sont ombragés par des bois touffus et entourés de bassins d’eau pure. La statue du dieu (Mahéçvara déva) est en cuivre ; elle a près de cent pieds de hauteur. Elle est pleine de grandeur et de majesté, et, en la voyant, on est saisi d’une crainte respectueuse, comme si Ion était en présence du dieu, etc. »

En sortant de ce pays, Hiouen-thsang suivit le cours du Gange et, après avoir fait environ trois cents li à l’est, il arriva au royaume Tchen-tchou-koue (littéralement : le royaume du maître des combats — Yôdhapatipowra ? — Inde centrale).

PO-LA-SSE.

Po-la-sse {Parsa — la Perse)[22] Si-yu-ki, liv. XI, fol. 22 : « Ce royaume a plusieurs ouan (un ouan vaut dix mille) de li. La capitale s’appelle Sou-la-sa-fang-na (Soarasthâna). Elle a quarante li de circonférence. Comme les vallées et les plaines ont une vaste étendue, le climat offre des différences de température ; mais en général il est très-doux. Les habitants amènent l’eau par des canaux pour arroser leurs champs. Ils jouissent tous d’une heureuse aisance. Ce pays produit de l’or, de l’argent, du laiton, du cristal, et mie multitude de choses rares et précieuses. Ils savent tisser de la soie brochée, de fines étoffes de laines et différentes espèces de tapis. Ils ont une multitude d’excellents chevaux et de chameaux. Dans le commerce, ils font usage de grandes monnaies d’argent. Leur caractère est violent et emporté, et ils ne connaissent ni les rites ni la justice. Leur écriture et leur langue diffèrent de celles des autres royaumes ; ils ne cultivent ni les lettres ni les arts, mais beaucoup d’entre eux excellent dans les professions qui demandent de l’adresse et de l’habileté. Tous les produits qu’ils fabriquent sont fort recherchés dans les pays voisins. Les mariages offrent de fréquents exemples de désordre. Quand un homme est mort, on jette souvent son cadavre à la voirie. Leur stature est élevée ; ils réunissent leurs cheveux et restent la tête découverte. Ils portent des vêtements de peau, de laine, de soie brochée et de coton. Chaque famille paye un impôt qui est de quatre pièces d'argent par personne.

« Il y a beaucoup de temples des dieux (Dévâlayas). Ti-na-po (Dînava ?) est le dieu qu'adorent les hérétiques. On voit deux ou trois couvents contenant plusieurs centaines de religieux de récole Choue-i-tsie-yeou-pou (l'école des Sarvâstivâdas) qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna). Le pot (patra) de Chi-kia-fo (Çâkyabouddha) se trouve dans le palais du roi de ce royamne, etc. »

PO-LI-HO.

Po-li-ho (Paliha — Priha ?). Si-ya-ki, livre XII, fol5 : (c C'est un ancien pays du royaume de Toa-ho-lo {Toukhâra) il a environ cent li de Test à l'ouest et trois cents li du sud au nord. La circonférence de la capitale est d'environ vingt li. Sous le rapport des propriétés du sol et des mœurs, il ressemble en grande partie à celui de Ki-li-sse-mo [Kharizma). »

À l’orient de ce royaume, Hiouen-thsang franchit une montagne, traversa une vallée et, après avoir Dut environ trois cents li, il arriva au royaume de Hi-mo-ta-lo (Himatala).

PO-LI-YE-TALO.

Po-li-ye-ta-lo (Pâryâtra — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. IV, fol. 7 : « Ce royaume a trois mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de quatorze à quinze li. Le sol convient i la culture des grains ; il produit en abondance du blé tardif. Il y a une espèce de riz extraordinaire que Ton récolte au bout de soixante jours ; on voit beaucoup de bœufs et de moutons, mais peu de fleurs et de fruits. Le climat est brûlant ; les mœurs sont dures et féroces. Les habitants n'estiment ni les lettres ni les arts ; ils sont fort adonnés aux doctrines hérétiques. Le roi est de la caste des Vâiçyas. Il est d'un caractère bouillant et son esprit est fécond en stratagèmes. Il y a huit couvents qui sont fort délabrés. On n'y voit que très-peu de religieux qui étudient le petit Véhicule [Hînayâna). On compte une dizaine de temples des dieux (Dévâlayas) que fréquentent environ mille hérétiques. »

En sortant de ce pays, du côté de l'est, Hiouen-thsang fit environ cinq cents li et arriva au royaume de Mo-t'ou-lo (Mathourâ — Inde centrale).

PO-LO-FATO.

Po-lo-fa-to[23] (Parvata — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. XI, fol. 21 : « Ce royaume a environ cinq mille li de tour, et la capitale vingt li. La population est fort nombreuse. Ce pays est soumis au royaume de Tse-kia [Tchéka) le terrain convient à la culture des graines légumineuses et du blé, et produit beaucoup de riz sec (c'est-à-dire qui vient sans irrigation). Le climat est tempéré ; les mœurs sont droites et pures. Les habitants sont d'im naturel vif et emporté ; leur langage est rempli d'expressions grossières. Ils sont très-versés dans les lettres et les arts, et Ton trouve parmi eux des partisans de l'hérésie et de la vérité. Il y a une dizaine de couvents où Ion compte un millier de religieux qui étudient à la fois le grand et le petit Véhicule. On voit quatre Stoûpas qui ont été construits par le roi Won-ycoa [Açôka]. Il y a vingt temples des dieux [Dévâhyas], Les hérétiques des différentes sectes habitent pêle-mêle.

« À côté de la capitale, il y avait un grand couvent où l’on comptait environ cent religieux, qui tous étudiaient la doctrine du grand Véhicule (Mahâyâna). Ce fut là que le maître des Çâstras, Tchin-na-fo-to-lo (Djinapoattra), composa le Yu-kia-sse-ti-chi-lun (Yôgâtchâryya bhoûmi çâstra kârikâ) ce fut aussi là que les maîtres des Çastras, Hien-’aï (Bhadraroutchi) et Te-kouang (Gounaprabha) embrassèrent la vie religieuse. Mais ce grand couvent, ayant été incendié par le feu du ciel, est maintenant démoli et miné. »

En sortant du royaume de Sin-tou (Sindh), dans la direction du sud-ouest, Hiouen-thsang fit de mille cinq cents à mille six cents li et arriva au royaume de’O-tien-p’o-tchi-lo (Adhyambâkila ? — Inde de l’ouest).

PO-LO-HI-MO-LO.

Po-lo-hi-mo-lo (Brahmapoura — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. IV, fol. 16 : « Ce royaume a environ quatre mille li de tour ; une ceinture de montagnes entoure ses quatre frontières. La circonférence de la capitale est de vingt li. La population est très-nombreuse et toutes les familles vivent dans l’aisance. Le sol est gras et fertile ; les grains se sèment à des époques régulières. Ce pays produit du cuivre et du cristal de roche. Le climat est un peu froid ; les mœurs sont dures et cruelles. On y cultive peu les lettres et les arts, et Ion na d’ardeur que pour rechercher le lucre. Les habitants sont d’un naturel violent et farouche ; l’on trouve parmi eux des partisans de l’hérésie et de la vérité. On compte cinquante couvents qui ne renferment qu un petit nombre de religieux ; il y a une dizaine de temples des dieux (Dévâlayas) où les hérétiques habitent pêle-mêle. »

En partant du sud-est de Mo-ti-pou-lo (Matipoura), Hiouen-thsang fit environ quatre cents li et arriva au royaume de kiu-pi-choang-na (Gôviçana ? — Inde du nord).

PO-LO-YE-KIA.

Po-lo-ye-kia[24] (Prayâga — Inde centrale). Si-ya-ki, liv. V, fol. 13. « Ce royaume a cinq mille li de tour ; la capitale, qui est située au confluent de deux fleuves, a une circonférence d’environ vingt li. Les grains viennent en abondance, et les arbres à fruits végètent avec vigueur. Le climat est doux et tempéré, et les mœurs sont pleines de bonté et de déférence. Les habitants ont du goût pour les lettres et les arts ; ils sont attachés, la plupart, aux doctrines des hérétiques. Il y a deux couvents où l’on ne compte qu’un petit nombre de religieux qui tous étudient les principes du petit Véhicule (Hînayâna). Il y a plusieurs centaines de temples des dieux (Dévâlayas) que fréquentent un nombre prodigieux d’hérétiques. »

En partant de ce pays au sud-ouest, Hiouen-thsang entra dans une grande forêt infestée par des troupes d’animaux féroces et d’éléphants sauvages ; à moins d’être protégé par une escorte nombreuse, il était difficile de la traverser.

Après avoir fait environ cinq cents li, il arriva au royaume de Kiao-chang-mi (Kânçâmbhi — Inde du nord).

PO-LOU-KIA-KOUE[25].

Po-lou’kia-koue (le royaume de Bâlouka ?). Si-yu-ki, liv. I, fol. 8 : « Ce royaume a environ six cents li de l’est à l’ouest et trois cents li du sud au nord. La circonférence de la capitale est de cinq à six li. Sous le rapport des propriétés du sol, du climat, du caractère des habitants, de l’écriture, et des lois et règlements, ce royaume ressemble à celui de Kioue-tchi (aujourdhui Koutché) ; seulement la langue parlée offre quelques différences. Ce pays produit de fines étoffes de coton et de laine, qui sont fort estimées dans les royaumes voisins. Il y a plusieurs dizaines de couvents où habitent environ mille religieux de l’école Chone-i-tsie’yeoa’foa (ou des Sarvâstivâdas), qui se rattache à la doctrine du petit Véhicule (Hînayâna), etc. »

En sortant de ce royaume, du côté du sud, Hiouen-thsang fit de quarante à cinquante li et arriva au royaume de Nou-tchi-kien (Noutchikan — Nouchidjan des Arabes).

PO-LOU-KIE-TCH’E-P’O.

Po-lou-kie-tche-po (le royaume de Baroukatch’éva — Barygaze — Baroche — Inde du sud). Si-yu-ki, liv. XI, fol. 14 : « Ce royaume a de deux mille quatre cents à deux mille cinq cents li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ vingt li. Le sol est imprégné de sel, de sorte que les arbres et les plantes y sont rares et clairsemés. Les habitants font bouillir l’eau de la mer pour en extraire du sel ; leur unique occupation consiste à tirer profit de la mer. Le climat est brûlant, et des tourbillons de vent s’y élèvent en toute saison. Les mœurs sont corrompues ; les habitants sont naturellement portés au dol et à la fourberie, et ils sont fort ignorants dans les lettres et les arts. On trouve parmi eux des partisans de l’hérésie et de la vérité. Il y a une dizaine de Kia-lan (Sam̃ghârâmas) où l’on compte environ trois cents religieux de l’école Chang-tso-pou (ou des Ârya Sthaviras), qui se rattache au grand Véhicule. Il y a une dizaine de temples des dieux (Dévâlayas) où les hérétiques habitent pêle-mêle. »

En partant de ce pays, au nord-ouest, Hiouen-thsang fit environ deux mille li et arriva au royaume de Ma-la-p’o (Malva — Inde du sud).

PO-MI-LO.

Po-mi-lo (la vallée de Pamir). Si-yu-ki, liv. XII, fol. 8 : « Cette vallée a environ mille li de l’est à l’ouest, et cent li du sud au nord ; dans les parties les plus resserrées, elle n’a pas plus de dix li. Elle est située entre deux montagnes neigeuses ; c’est pourquoi il y règne un froid glacial et des vents impétueux. Au printemps et en été, la neige vole en épais tourbillons, et des bourrasques de vent se font sentir jour et nuit. Le sol est imprégné de sel et rempli de petites pierres. Les grains et les fruits y viennent difficilement ; les plantes et les arbres sont rares et clairsemés. Aussi ne trouve-t-on que des lieux solitaires et sauvages, qui n’offrent nul vestige d’habitations.

« Au milieu de la vallée de Pamir, il y a un grand lac de dragons (Nâgahrada), qui a trois cents li de l’est à l’ouest, et cinq cents li du sud au nord. Il est situé au milieu des grands monts Tsong-ling, et occupe exactement le centre du Tchen-pou-tcheou (Djamboudvîpa), Le sol de cette région est extrêmement élevé ; les eaux du lac sont limpides et claires comme un miroir ; personne n’en a pu sonder la profondeur. Elles ont une apparence de noir bleuâtre ; leur saveur est douce et agréable. Au fond de ses eaux, habitent des chiens de mer, des serpents, des dragons, des tortues et des crocodiles ; à sa surface on voit nager des canards (de l’espèce appelée youen-yang), des oies sauvages, des grues, des paons et autres oiseaux qui déposent leurs œufs tantôt dans un désert sauvage, tantôt dans une plaine marécageuse, et quelquefois sur des îles formées de sable.

« De la partie occidentale du lac, sort un large courant qui, à l’ouest, s’étend jusqu’aux frontières orientales du royaume de Ta-mo-si-ti’e'ti (Dhamasthiti ?), se confond avec le Po-tsou (Vatch — l’Oxus) et coule vers l’occident. C’est pourquoi, sur la droite de ce lac, toutes les eaux se dirigent vers l’occident.

« De la partie orientale du lac, sort aussi un large courant, qui, du côté du nord-est, arrive aux frontières occidentales de Kia-cha (Kachghar), se joint au fleuve Si-to[26] (Sita), et coule vers l’orient. C’est pourquoi, sur la gauche de ce lac, toutes les eaux coulent vers l’est.

« Au sud de la vallée de Po-mi-lo (Pamir), après avoir franchi une montagne, on rencontre le royaume de Po-lo-lo (Bolor), qui produit en quantité de l’argent et de l’or qui est rouge comme le feu. »

En sortant du milieu de cette vallée par la route du sud-est, Hiouen-thsang ne rencontra ni villages ni habitants. Il gravit des montagnes, traversa des lieux remplis de précipices et encombrés de glaces et de neiges.

Après avoir fait ainsi cinq cents li, il arriva au royaume de K’o-pan-t’o (Khavandha ?)[27].

PO-TO-TCHOANG-NA-KOUE.

Po-to-tchoang-na-koue (le royaume de Pâtasthâna ?). Si-yu-ki, liv. XII, fol. 5 : « C’est un ancien pays du royaume de Tou-ho-lo (Toukhâra). Il a environ vingt li de tour ; la capitale, qui est située sur les flancs d’une montagne, a de six à sept li de tour. Ce royaume est traversé par des montagnes et des vallées où I’on voit s’étendre d’immenses plaines de sables et de pierres. Le sol est favorable à la culture des graines légumineuses et du blé ; il produit beaucoup de cannes à sucre, des noix et des poires de différentes espèces. Le climat est glacial ; les hommes ont un naturel dur et féroce ; ils n’observent ni les rites, ni la justice, et n’ont nulle connaissance dans les lettres et les arts. Leurs traits sont communs et grossiers ; ils s’habillent en général avec des étoffes de laine. Il y a trois ou quatre couvents où l’on ne compte qu’un petit nombre de religieux. Le roi est d’un caractère droit et sincère, et il a une foi profonde dans les trois Précieux. »

En sortant de ce royaume, au sud-est, Hiouen-thsang fit environ deux cents li au milieu des montagnes et des vallées et arriva au royaume de In-po-kien (Invakan ?).

POU-K’O.

Pou-k’o (Boukha — Boukhara). Si-yu-ki, liv. I, fol. 2 : « Ce royaume a de seize cents à dix-sept cents li de tour ; il est allongé de l’est à l’ouest et resserré du sud au nord. Sous le rapport des propriétés du sol et des mœurs, il ressemble au royaume de So-mo-kien (Samarkand). « Après avoir fait quatre cents li (quarante lieues) à l’ouest de Pou-k’o, on arrive au royaume de Fa-ti (Vadî ?). »

POUANNA-TSO.

Pouan-na-tso (Pounnatcha — le Pountch des cartes, suivant Al. Cunningham). Si-yu-ki, liv. III, fol. 21 : « Ce royaume a environ deux mille li de tour ; les terres propres à la culture sont fort resserrées ; il y a beaucoup de montagnes et de vallées ; les grains se sèment à des époques régulières ; on voit une grande quantité de fleurs et de fruits. Ce pays produit beaucoup de cannes à sucre, mais pas de raisins. Les ’An-mo-lo (Âmras — manguiers), Ou-tan-p’o-lo (Oudoumbaras — figuiers sauvages), Meou-tche (Moichâs — bananiers), etc. se voient dans tous les vergers, et y forment des bois touffus. Leurs fruits jouissent d’une grande estime. Le climat est chaud ; les mœurs respirent une ardeur belliqueuse ; la plupart des vêtements que 1 on porte sont faits de toile de coton. Les habitants sont d’un naturel droit et honnête, et ils ont une foi sincère dans les trois Précieux. Il y a cinq couvents qui sont tous délabrés et en ruines. Ce pays n’a ni prince, ni chefs indigènes ; il est soumis au royaume de Kia-chi-mi-lo (Kachemire). Au nord de la ville, on voit un couvent qui renferme un petit nombre de religieux. « Au nord de ce couvent, s’élève un Stoûpa où éclatent un grand nombre de prodiges. » En partant de ce pays, dans la direction du sud-est, Hiouen-thsang fit quatre cents li et arriva au royaume de Ko-lo-che-pou-lo (Râdjapoara — Inde du nord).

PUN-NA-FA-TAN-NA[28].

Pun-na-fa-tan-na (Poundravarddhana — Boardwan) — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. X, fol. 5 : « Ce royaume a environ quatre mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’une trentaine de li. La population est très-nombreuse ; on voit partout des hôtels entourés d’eau et des bois fleuris. Le sol est bas et humide, et les grains viennent en abondance. Quoiqu’on récolte une grande quantité de fruits du Pan-na-sa (Panasa — arbre à pain), ils sont extrêmement estimés. Ces fruits sont gros comme des courges ; quand ils sont mûrs, leur couleur est d’un rouge jaunâtre ; lorsqu’on les coupe en deux, on trouve au milieu plusieurs dizaines de petits fruits gros comme des œufs de grue (ce sont les amandes) ; si on les écrase, il en sort un jus d’un rouge jaunâtre et d’une saveur délicieuse. Tantôt les fruits tiennent aux branches de l’arbre, comme tous les autres, tantôt ils sont groupés autour de la racine de l’arbre (sic)^ comme ceux du Fo’ling (radix china), que l’on trouve en terre.

Le climat est tempéré, et les habitants ont du goût pour l’étude. Il y a une vingtaine de couvents où l’on compte environ trois mille religieux, qui étudient à la fois le grand et le petit Véhicule. Il y a cent temples des dieux (Dévaleras) où les hérétiques habitent pêle-mêle ; les plus nombreux sont les Nikien (Nirgranthas), qui vont nus. »

En partant de ce pays, du côté de l’est, Hiouen-thsang fit environ neuf cents li, passa un grand fleuve, et arriva au royaume de Kia-ma-lia-po (Kâmaroupa — Inde de l’est).

SA-MO-KIEN.

Sa-mo-kien (Samarkand). Si-yu-ki, liv. I, fol. 10 : « Ce royaume a de seize cents à dix-sept cents li de tour ; il est allongé de l’est à l’ouest et resserré du sud au nord. La capitale a vingt li de tour ; elle est fortement défendue par des obstacles naturels. Elle renferme une population nombreuse et possède une immense quantité de marchandises rares et précieuses. Le sol est gras et fertile ; toutes les espèces de grains y viennent en abondance ; les forêts offrent une magnifique végétation, et l’on voit une quantité prodigieuse de fleurs et do fruits. Ce pays produit beaucoup de chevaux excellents ; les habitants se distinguent, sur ceux des autres royaumes, dans les professions qui exigent de l’adresse et de l’invention. Le climat est tempéré ; les mœurs sont dures et cruelles. Ce pays est situé au centre de plusieurs royaumes barbares, qui, voisins ou éloignés, aiment à imiter ses cérémonies et ses usages. Le roi est doué d’un courage intrépide, et les princes voisins sont soumis à ses ordres ; il possède une armée puissante de fantassins et de cavaliers. La plupart de ses soldats sont des Tche-kie (Tchakas ?), hommes d’un naturel brave et ardent, qui affrontent la mort avec bonheur, et à qui nul ennemi n’ose tenir tête.

« En partant de ce pays, du côté de l’est, on arrive au royaume de Mimo-bo (Mimakha — Meimorg). »

SA-T’A-NI-CHI-FA-LO.

Sa-t’a-ni-chi-fa-lo (Sthânêçvara — Tanessar — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. IV fol. 9 : « Ce royaume a sept mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ vingt li. Le sol est gras et fertile, et les grains y viennent en abondance. Le climat est chaud et les mœurs sont fort corrompues. Toutes les familles sont riches et déploient à l’envi un luxe extraordinaire. Les habitants sont très-versés dans les sciences occultes et accordent la plus haute estime aux talents extraordinaires. Beaucoup d’entre eux recherchent le lucre avec ardeur, et il en est peu qui s’appliquent à l’agriculture. Dans ce royaume, on trouve en abondance les produits les plus rares des autres pays. Il y a trois couvents où l’on compte sept cents religieux, qui tous étudient les principes du grand Véhicule (Mahâyâna) ; on y voit en outre une centaine de temples des dieux (Dêvâlayas) que fréquentent un nombre prodigieux d’hérétiques, etc.

En partant de ce pays, du côté du nord-est, Hiouen-thsang fit environ quatre cents li et arriva au royaume de Sou-lou-kin-na {Sroughna — Inde centrale).

SAN-MO-TA-T’O.

San-mo-ta-t’o (Samatata — Inde de l’est). Si-yu-ki, liv. X, fol. 7 : (( Ce royaume a trois mille li de tour ; il touche au rivage d’une grande mer. Le sol est bas et humide. La circonférence de la capitale est d’environ vingt li. Les grains viennent en abondance, et Ton voit une quantité prodigieuse de fleurs et de fruits. Le climat est doux et tempéré ; les mœurs sont honnêtes ; mais les hommes sont d’un naturel dur et cruel ; leur taille est petite et leur peau noire ; ils étudient avec une ardeur infatigable, et Ion trouve parmi eux des partisans de l’hérésie et de la vérité. Il y a une trentaine de couvents où Ton compte environ deux mille religieux qui étudient les principes de l’école Chang-iso-pou (l’école des Ârya Sthaviras).

« Il y a cent temples des dieux (Dévâlayas), où les hérétiques habitent pêle-mêle ; les plus nombreux sont les Nikien (Nirgranthas), qui vont nus, etc. »

En partant de San-mo-ta-io (Samatata), du côté de l’ouest, Hiouen-thsang fit environ neuf cents li et arriva au royaume de Tan-mo-li-ti (Tâmralipti ou TâmraUpta).

SENG-KIA-LO.

Seng-kia-lo (Sinhala — Ceylan ; en chinois Sse-tseu-koue ou le royaume du Lion), Si-ya-ki, liv. X, fol. 1 : « Ce royaume a environ sept mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de quarante li (quatre lieues). Le sol est gras et fertile ; le climat est d’une douce chaleur ; les grains se sèment à des époques régulières, et l’on voit une quantité prodigieuse de fleurs et de fruits. La population est nombreuse et toutes les familles vivent dans l’aisance. Les habitants sont noirs et de petite taille ; leur caractère est violent et féroce. Ils ont du goût pour l’étude, estiment la vertu et s’appliquent à faire le bien pour obtenir le bonheur. Dans l’origine, ce royaume s’appelait P’ao-tchou ou file des choses précieuses (Ratnadvipa), parce qu’il en fournissait en abondance[29], etc. »

SIN-TOU.

Sin-tou (le Sindh — Inde occidentale). Si-yu-ki, Iiv. XI, fol. 19. « Ce royaume a sept mille li de tour. La capitale s’appelle Pi-tchen-p’o-pou-lo (Vidjanvapoura ?) sa circonférence est de trente li. Ce pays est favorable à la culture des grains ; le millet et le blé y viennent en abondance. D produit de for, de Taisent et du cuivre ; on en tire des bœufs, dos moutons, des mulets, et des chameaux qui sont de petite taille et n’ont qu’une bosse, du sel de différentes couleurs (blanc, noir, et rouge comme du cinabre). Les peuples lointains et les nations étrangères en font usage en médecine.

« Les habitants sont d’un naturel dur et cruel, mais ils sont droits et honnêtes. Souvent ils se disputent et se battent, et sont fort enclins à la médisance et à la calomnie. Ils se livrent à l’étude sans chercher à devenir savants ; ils ont une foi profonde dans la loi du Bouddha. Il y a plusieurs centaines de couvents où l’on compte environ dix mille religieux de l’école Tching-Uang-poa (ou des Sammitiyas), qui se rattache au petit Véhicule (Hînayâna). En général, ils sont paresseux et naturellement portés au vice et à la débauche, n y a des hommes sages et vertueux qui ont du zèle pour la science, vivent dans la solitude et la retraite ou vont s ensevelir au sein des montagnes et des forêts ; et là, jour et nuit, ils cultivent l’étude et la vertu avec une ardeur infatigable. Beaucoup d’entre eux ont obtenu le rang d’Arhat.

Il y a une trentaine de temples des dieux (Dévâlayas), où les hérétiques habitent pêle-mêle.

Le roi est de la caste des Siu-t’o-lo (Çoûdras) il est d’un naturel droit et sincère et montre un grand respect pour la loi du Bouddha.

À côté du fleuve Sin-tou {Sindh — Indus), sur une étendue de mille li, entrecoupés d’étangs et de marais, il y a plusieurs centaines de mille familles qui y ont fixé leur habitation. Ces hommes sont d’un naturel dur et cruel, et leur unique occupation est de se livrer au meurtre. Les bœufs qui errent dans les plaines n’ont ni pasteurs ni maîtres. Les hommes et les femmes, sans distinction de rang, coupent leur chevelure et portent le Kia-cha (Kachâya — vêtement religieux) ; ils ressemblent à des Pi-tsou (à des Bhikchous — moines mendiants), vivant dans le monde et en pratiquant les usages. Ils tiennent avec obstination à leurs vues étroites et ne connaissent point les principes sublimes du grand Véhicule (Mahâyâna), etc. »

En partant de ce pays, du côté de l’est, Hiouen-thsang fit environ neuf cents li, passa sur la rive orientale du fleuve Sin-tou (Sindh) et arriva au royaume de Meoa-lo-san-pou-lou (Moûlasambourou ? — Moultan — Inde occidentale).

SOU-LOU-K’IN-NA.

Sou-lou-kin-na (Sroughna — Inde centrale). Si-yu-ki, l. IV, fol. Il : « Ce royaume a six mille li de tour ; à l’est il est voisin du Gange ; au nord il est adossé à une grande montagne. La rivière Yen-me-ou-na (Yamounâ — Djomnâ) coule au milieu de ce royaume. La circonférence de la capitale est d’environ vingt li. Du côté de l’est, elle avoisine la rivière Yen-meou-na (Yamounâ — Djomnâ). Quoiqu’elle est déserte et on ruines, elle conserve encore de solides fondements. Sous le rapport dos produits du sol et du climat, ce pays ressemble au royaume de Sa-ia-ni-chi-fa-lo (Sthânêçvara — Tanessar). Les habitants sont d’un caractère droit et sincère ; ils sont adonnés à l’hérésie. Ils honorent les lettres et les arts, et accordent une grande estime aux hommes qui se distinguent par leur vertu et leur intelligence.

Il y a cinq couvents où l’on compte un millier de religieux, qui, la plupart, étudient le petit Véhicule (Hinayâna) ; bien peu d’entre eux s’appliquent aux principes des autres écoles. Ils aiment à traiter de matières subtiles et à discuter sur les points les plus profonds de la doctrine. Ils recherchent les docteurs éminents des autres pays pour raisonner avec eux et éclaircir leurs doutes.

Il y a cent temples des dieux (Dêvalayas) où habitent un nombre prodigieux d’hérétiques, etc. »

Après avoir passé sur la rive orientale du fleuve (du Gange), Hiouen-thsang arriva au royaume de Matipoura.

SOU-LA-T’O-KOUE.

Sou-la-t’o-koue (Sourâchtra — Sourate — Inde occidentale). Si-yu-ki, liv. XI, fol. 1 8 : « Ce royaume a environ quatre mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de trente li. Du côté de l’ouest, ce royaume touche à la rivière Mo-hi (Mahi). Sa population est très-nombreuse, et toutes les familles vivent dans l’abondance. Il est soumis au royaume de Fa-la-pi (Vallabhî). Le sol est imprégné de sel ; il produit peu de fleurs et de fruits. Quoique le froid et la chaleur soient également distribués, les tourbillons de vent ne cessent jamais. Les mœurs sont corrompues, et les hommes sont d’un naturel brusque et léger. Ils n’aiment ni les lettres, ni les arts, et l’on trouve parmi eux des partisans de l’hérésie et de la vérité. Il y a une cinquantaine de couvents où l’on compte environ trois mille religieux, la plupart de l’école Chang-tso-pou (ou des Ârya Sthaviras) qui se rattache au grand Véhicule (Mahâyâna). Il y a une centaine de temples des dieux (Dévâlayas) où les hérétiques habitent pêle-mêle.

Comme ce royaume se trouve sur le chemin de la mer occidentale, tous les habitants en retirent de grands avantages et font du commerce leur principale occupation.

À une petite distance de la ville, il y a une montagne appelée Yeou-chen-to (Oudjanta), sur le sommet de laquelle s’élève un couvent dont les bâtiments et les galeries circulaires sont construites la plupart sur les flancs entrouverts de cette montagne ; tout autour on voit des bois touffus et

C’est l’Oudjdjayanta, un des noms du Râivata (Note de M. Vivien de Saint-Martin). l’on entend le murmure des eaux jaillissantes. Beaucoup de sages viennent s’y promener ou y fixer leur séjour ; des Rĭchis, renommés par leurs vertus surnaturelles, vont le visiter en foule. »

En quittant le royaume de Fa-la-pi {VaUabhVjy Hiouen-thsang fit cent quatre-vingts li (dix-huit lieues) au nord et arriva au royaume de Kia-tche-lo (Crourdjara — Gazarate — Inde occidentale).

SOU-TOU-LI-SE-NA.

Soa-tou-li-se-na (Soutrisna — Osroachna). Su-yu-ki, liv. I, fol. 10 : « Ce royaume a de quatorze cents à quinze cents li de tour. Du côté de lest, il est voisin du fleuve Ye-ho (Yaxartes — Sihoun). Ce fleuve sort du plateau septentrional des monts Tsang-ling et coule au nord-ouest. Ses eaux limoneuses s’étendent au loin et roulent avec un bruit terrible.

« Sous le rapport des propriétés du sol et des mœurs des habitants, ce royaume ressemble à celui de Tche-chi (Tchadj — Schasch des Arabes). Depuis qu’il est gouverné par un roi, il s’est mis sous la protection des Ton-kioue.

En sortant de ce royaume, au nord-ouest, on entre dans un grand désert de sables et de pierres où Ion ne rencontre ni eaux ni herbages. La route s’étend à perte de vue et il est impossible d’en mesurer les limites.

Les voyageurs regardent dans le lointain une haute montagne et cherchent des amas d’ossements qui servent à diriger leur marche et marquer les sentiers qu’il faut suivre.

En partant de Tche-chi (Tchadj — Schasch des Arabes), Hiouen-thsang fit environ cinq cents li et arriva au royaume de So-mo-kien (Samarkand). »

TA-LO-PI-TCH’A.

Ta-lo-pi-tch’a (Draviḍa — Inde du midi}. Si-yu-ki, liv. X, fol. 20 : « Ce royaume a six mille li de tour ; la capitale, qui s’appelle Kien-tchi-pou-lo (Kântchîpoura), a une circonférence de trente li. Le sol est humide et fertile, et les grains viennent en abondance ; on voit une grande quantité de fleurs et de fruits. Ce pays fournit beaucoup de produits précieux. Le climat est chaud ; les habitants sont d’un caractère brave et ardent ; ils sont profondément attachés à la bonne foi et à la justice, et montrent la plus grande estime pour la science. Leur langue parlée et leur écriture diffèrent peu de celle de l’Inde centrale. Il y a une centaine de couvents où Ion compte environ dix mille religieux, qui tous suivent les principes de l’école Chang-ko-pou (l’école des Ârya Sthaviras). Il y a environ quatre-vingts temples des dieux où l’on voit beaucoup d’hérétiques qui vont nus (des Nirgranihas), etc. »

En partant de ce pays, Hiouen-thsang fit environ trois mille li au sud et arriva au royaume de Mo-lo-kia-tclia (Mâlakoûta — Inde du sud).

TATCHA-CHI-LO.

Ta-tcha-chi’lo (Takchaçilâ — le Taxila des Grecs — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. III, fol. 8 : « Ce royaume a deux mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ dix li. La race royale est éteinte, et les grands du royaume sont constamment en lutte. Jadis ce pays était soumis au royaume de Kia-pi-che (Kapiça) ; dans ces derniers temps il s’est mis sous la protection du royaume de Kia-chi-mi-lo (Kachemire). On vante beaucoup la fertilité du sol, qui produit une grande abondance de grains. Il y a une multitude de cours d’eau qui proviennent de sources ; on voit une quantité prodigieuse de fleurs et de fruits. Le climat est doux et tempéré ; les habitants sont d’un caractère fier et brave ; ils montrent un grand respect pour les trois Précieux. Il y a beaucoup de couvents ; mais ils sont fort délabrés, et l’on n’y compte qu’un petit nombre de religieux qui tous étudient la doctrine du grand Véhicule (Mahâyâna). » En sortant de ce pays, au sud-est, Hiouen-thsang franchit des montagnes et des vallées, fit environ sept cents li et arriva au royaume de Seng-ho-pou-lo (Siñhapoura — Inde du nord).

TAN-MO-LI TI.

Tan-mo-li’ti (Tâmralipti — Inde de l’est). Si-yu-ki, liv. X, fol. 8 : « Ce royaume a environ de quatorze à quinze cents li de tour ; la circonférence de la capitale est de dix li. Il est situé sur les bords de la mer. Le sol est bas et humide ; les grains se sèment à des époques régulières. Il y a une grande abondance de fleurs et de fruits. Le climat est chaud ; les habitants se font remarquer par un naturel ardent et un courage intrépide ; on voit parmi eux des partisans de l’hérésie et de la vérité. Il y a une dizaine de couvents où l’on compte un millier de religieux. Il y a en outre une cinquantaine de temples des dieux où les hérétiques habitent pêle-mêle.

Ce royaume est situé sur une baie, et l’on y va par eau et par terre. On y trouve en quantité des marchandises rares et précieuses. C’est pourquoi les habitants de ce royaume sont en général riches et opulents, etc. »

En partant de ce pays, au nord-ouest, Hiouen-thsang fit environ sept cents li et arriva au royaume de Kie-lo-na-sou-fa-la-na (Karṇasouvarṇa — Inde de l’est).

TAN-TAN-KOUE.

Tan-tan-koue. Youen-kien-louï-han liv. CCCXXXIII, f. 12 : « Le royaume de Tan-tan est situé au sud-est de l’arrondissement de Tchin-tcheou ; le roi est de la caste des Tsa-li (Kchattriyas) ; son nom est Chi-ling-kia (Çringa). Il donne ses audiences au palais le matin et le soir. Ses grands ministres, qui sont au nombre de huit, s’appellent Pa-tso (Achta Sthaviras) il les prend panni les Po-h-men [Brahmanes). Le roi se frotte le visage avec des poudres o4orantes, porte un bonnet conique et suspen4 à son cou un collier formé de diverses matières précieuses. À la cour, il porte un vêtement de couleur rose et des souliers de peau. Pour aller à une petite distance, il monte en palanquin ; sur un éléphant, s’il s’agit d’un voyage lointain. Dans les combats, ses soldats se servent de conques (au lieu de trompettes) et battent le tambour ; ils ont aussi des drapeaux et des étendards. Dans la seconde année de la période Ta-t’ong de la dynastie des Liang (Say), le roi de ce pays envoya xn ambassadeur pour présenter une lettre à l’empereur, et lui offrir des dents d’éléphant, deux petites tours (pagodes) peintes, des lentilles de cristal, de la toile de Kie-péi (Cârpâsa — coton), des parfums et des plantes médicinales. « Dans la deuxième année de la période Ta-t’ong (536), il envoya de nouveau un ambassadeur pour offrir de l’or, de l’argent, du verre, diverses choses précieuses, des parfums et des plantes médicinales, etc. »

TCHE-CHI KOUE.

Tche-chi-koue (le royaume de Tchadj — Schasch des Arabes). Voyez Chi-koue.

TCHEN-PO-KOUE.

Tchen-po-koue (Tchampâ — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. X, fol. 4 : « Ce royaume a quatre cents li de tour ; la capitale, dont la circonférence est de quarante li, a derrière elle, au nord, le fleuve King-kia [Gange). Le sol est bas et humide, et les grains viennent en abondance. Le climat est chaud ; {es mœurs sont pures et honnêtes. Il y a plusieurs dizaines de Kia-lan (couvents), la plupart délabrés, où l’on compte environ deux cents religieux qui étudient la doctrine du grand Véhicule (Mahdyâna). Il y a une vingtaine de temples des dieux (Dcrdlayas) où les hérétiques habitent pêle-mêle, etc. »

En partant de ce pays, du côté de l’est, Hiouen-thsang fit environ quatre cents li (quarante lieues) et arriva au royaume de KiC’tchi-oU’ki’lo (Kadjoûghira — vulgairement Kadjinghara — Inde centrale).

TCHEN-TCHOU-KOUE.

Tchen-tchou-kouc[30] (le royaume de Yôdhapatipoura ? — Inde centrale). Si-yu-ki, liv. VII, fol. 9 : « Ce royaume a deux mille li de tour ; la capitale, qui a dix li de circonférence, est voisine du fleuve King-kia [Gange). La population vit dans la joie et l’abondance ; les villes et les villages sont fort rapprochés. Le sol est gras et fertile ; les grains se sèment à des époques régulières ; le climat est doux et tempéré, les mœurs sont pures et honnêtes ; les habitants sont d’un naturel violent et cruel ; on trouve parmi eux des partisans de l’hérésie et de la vérité. Il y a une dizaine de couvents où l’on compte un peu moins de mille religieux qui tous suivent les principes du petit Véhicule (Hinayâna). Il y a vingt temples des dieux où habitent diverses sectes d’hérétiques, etc. »

En partant de ce pays, au nord-est, Hiouen-thsang traversa le Gange y fit de cent quarante à cent cinquante li et arriva au royaume de Fd-che-li ( Vâiçâli — Inde centrale).

TCHI-NA-PO-TI-KOUE.

Tchi-na-po-ti-koue (Tchînapati — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. IV, fol. 5 : « Ce royaume a environ deux mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de quatorze à quinze li ; on y récolte une grande quantité de grains, mais il n’y a qu’un petit nombre d’arbres à fruits. Le peuple est tranquille et heureux, le royaume possède d’abondantes ressources. Le climat est chaud ; les habitants sont mous et pusillanimes ; ils se livrent aux études sacrées et profanes, et l’on trouve parmi eux des partisans de l’erreur et de la vérité. Il y a dix couvents et huit temples des dieux (Dêvâlayas), etc. »

En partant de ce pays, du côté du nord-est, Hiouen-thsang fit de cent quarante à cent cinquante li et arriva au royaume de Che-lan-ta-lo (Djâlandhara — Inde du nord).

TCHOU LI YE.

Tchou-li-ye (Djourya — Djour — Tchola — Inde du sud). Si-yu-ki, liv. X, fol. 19 : « Ce royaume a de deux mille quatre cents à deux mille cinq cents li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ dix li On ne voit partout que des plaines désertes et des terrains marécageux d’un aspect sauvage, et l’on ne rencontre qu’un petit nombre d’habitations ; des bandes de brigands circulent en plein jour ; le climat est chaud ; les mœurs sont cruelles et dissolues. Les hommes sont d’un naturel violent et sauvage, et ils sont fort adonnés à l’hérésie. Les couvents sont en ruines et ne contiennent qu’un petit nombre de religieux. Il y a plusieurs dizaines de temples des dieux où Ton voit beaucoup de Sectaires nos (des Nirgranthas), etc. »

En sortant de ce pays, du côté du sud, Hiouen-thsang entra dans des forêts et des plaines sauvages et, après avoir fait quinze ou seize cents li, il arriva au royaume de Ta-lo-pi-tcha (Draviḍa — Inde du sud).

T’O-NA-KIE-TSE-KIA.

To-na-kie-tse-kia (Dhanakatchéka — appelé aussi le grand An-ta-lo — Mahândhra — Inde du sud). Ce royaume a six mille li de tour ; la circonférence de la capitale est de quarante li. Le sol est gras et fertile, et les grains viennent en abondance. Il a beaucoup de plaines désertes. La population des villes est clairsemée. Le climat est doux et tiède ; les hommes sont de couleur noire ; ils ont un caractère violent et cruel. Ils ont du goût pour les lettres et les arts. Il a un grand nombre de couvents très-rapprochés les uns des autres ; mais ils sont la plupart en ruines et il n’en reste plus qu’une vingtaine où l’on compte environ mille religieux qui tous étudient les principes des écoles qui se rattachent au grand Véhicule (Mahâyâna). Il y a une centaine de temples des dieux où habitent un grand nombre d’hérétiques, etc. »

En partant de ce pays, du côté du sud-ouest, Hiouen-thsang fit environ mille li et arriva au royaume de Tchou-li-ye (Djourya — Djour — Tchola — Inde du sud).

TOU-HO-LO.

Tou-ho-lo (Toukhâra — Tokharestan). Si-yu-ki, liv. I, f. 12 :

« Ce royaume a mille li du sud au nord et trois mille li de l’est à l’ouest. À l’est, il est défendu par les monts Tsonq-ling ; à l’ouest, il touche à la Perse. Au sud, il regarde les grandes montagnes neigeuses ; à l’ouest, il s’appuie sur les Portes de fer[31]. Le grand fleuve Po-tsou (Vatch — Oxas) traverse le territoire de Tou-ho-lo et coule vers l’ouest. Depuis plusieurs centaines d’années la race royale est éteinte et les grands du royaume se disputent le pouvoir. Chacun d’eux s’est emparé d’une partie du territoire, situé tantôt dans une vallée, tantôt dans des lieux défendus par des obstacles naturels, et on la divise en vingt-sept petits états. Quoique chacun de ces états ait des limites distinctes, dans leur ensemble ils sont soumis aux Tou-kioue. Comme le climat est chaud, il y règne beaucoup de maladies contagieuses. À la fin de l’été et au commencement du printemps, il tombe des pluies continuelles. C’est pourquoi au midi de ce pays et au nord de Lan-po [Lampâ), il règne souvent des épidémies. De là vient que les religieux, au seizième jour de la douzième lune, entrent en retraite (c’est-à-dire se retirent dans les couvents) et en sortent le quinzième jour de la troisième lune, et, comme il y a beaucoup de pluies, les instructions qu’on donne à ces religieux sont proportionnées à leur durée. Les habitants sont d’un naturel mou et pusillanime ; leurs traits sont laids et grossiers ; ils ont quelque idée de la bonne foi et de la justice, et ne se livrent que rarement au vol et à la fraude. Leur langue parlée diffère peu de celle des autres royaumes ; les caractères primitifs de leur écriture se composent de vingt-cinq signes qui se multiplient en se combinant ensemble et servent à*exprimer toutes choses. Ils écrivent horizontalement de gauche à droite. Les mots se sont augmentés peu à peu et leur langue est devenue extrêmement riche. Les habitants se revêtent d’étoffes de coton, et il en est peu qui portent des habillements de laine. Dans le commerce, ils se servent de monnaies d’or, d’argent, etc., qui, par la forme et l’empreinte, diffèrent de celles des autres royaumes. « En suivant le cours du fleuve Po-tsoa (Vatch — Oxus), on arrive au royaume de Tan-mi (Termed), etc. »

TSAO-KIU-T’O.

Tsao-kiu-t’o {Tsâakoûta). Si-yu-ki, liv. XI, fol. 1 : « Ce royaume a sept mille li de tour ; la capitale, qui s’appelle Ho-si-na (Kosna ?), a environ trente li de tour. Il y a une autre capitale appelée Ho-sa-h (Kosla ou Kosral) qui a environ trente li de tour. Toutes deux sont fortement défendues par des obstacles naturels. On voit des montagnes élevées, des vallées profondes et des plateaux propres à la culture. Les grains se sèment à des époques régulières et Ton récolte une grande quantité de blé tardif. Les plantes et les arbres offrent une magnifique végétation, et la quantité des fruits est prodigieuse. Le terrain est favorable à la plante odorante Yo-kin ( Carcama) ; il produit aussi la plante Hing-kiu (Hingoa — Assafociida) qui croît dans la vallée de Lo-mo-in-tou (Râmêndou ?).

« Au milieu de la ville de Ho-sa-lo (Kosla ou Kosra ?) jaillit une source dont l’eau se divise en plusieurs bras et que les habitants emploient à l’irrigation des champs. Le climat est froid ; il y a de fréquentes gelées et de grandes neiges. Les habitants sont brusques, légers et enclins au vol et à la fraude. Ils ont du goût pour les lettres et les arts ; ils excellent dans les professions qui exigent de l’adresse et de l’habileté, mais ils ne sont pas doués d’une intelligence remarquable. Chaque jour, ils lisent plusieurs dizaines de mille mots ; leur écriture et leur langue diffèrent de celles des autres royaumes. Leur langage est vide et spécieux ; il est rarement conforme à la vérité. Les uns (brahmanes) adorent une multitude de dieux ;. les autres (bouddhistes) révèrent les trois Précieux. Il y a plusieurs centaines de couvents où Ton compte environ dix mille religieux qui tous étudient les principes du grand Véhicule. Le roi actuel est rempli d*ime foi sincère ; le pouvoir qu’il possède s est succédé dans sa famille pendant une longue suite de générations ; il s’applique avec zèle à la vertu ; il est intelligent et ami de l’étude. Il y a plusieurs dizaines de Stoûpas bâtis par Açôka, et autant de temples des dieux. Les hommes des diverses croyances habitent pêle-mêle. Seulement les partisans de l’hérésie sont les plus nombreux. Ils adorent le dieu Tseou-na [Kchouna dêva ?). Jadis ce dieu quitta le mont A-loa-neou (Arouna giri ?) du royaume de Kia-pi-che (Kapiça), et vint se fixer sur les frontières de Tsao-kia-t’o. Sur le mont Hi-lo [Hilagiri — Hiragiril), Tseou-na fait éclater tantôt sa bonté affectueuse, tantôt sa redoutable colère. Ceux qui l’implorent avec une foi sincère obtiennent aussitôt l’objet de leurs vœux ; mais ceux qui lui montrent du mépris, s’attirent immédiatement de terribles malheurs. C’est pourquoi, de près comme de loin, tous lui témoignent le plus profond respect ; les supérieurs aussi bien que les inférieurs tremblent devant lui. Les princes, les ministres, et les magistrats des royaumes voisins et des nations étrangères se réunissent chaque année à un jour heureux, mais à des époques indéterminées. Les uns offrent de l’or, de l’argent, et des objets rares et précieux ; les autres présentent à l’envi des moutons, des chevaux ou des animaux apprivoisés. Tous font preuve d’une foi et d’un zèle sincères. C’est pourquoi, quand la terre serait couverte d’or et d’argent, quand des chevaux rempliraient les vallées, nul n’oserait les convoiter. Leur soin principal est de faire des offrandes. Ils suivent avec respect les doctrines hérétiques, domptent leurs passions et se soumettent aux plus dures austérités. Le dieu Tseoa-na leur a communiqué la science des invocations magiques. Les hérétiques la pratiquent suivant ses instructions, et souvent ils en obtiennent d’heureux effets. Par ce moyen, ils traitent les malades et leur procurent en général une guérison complète. »

En partant de ce pays, du côté du nord, Hiouen-thsang fit environ cinq cents li et arriva au royaume de Fo-li-cki-5atang-na (Vrïdjisthâna ?).

TSE-KIA.

TsC’kia [Tchéka — Inde du nord). Si-yu-ki, liv. IV, fol. 1 : « Ce royaume a environ dix mille li. À Test, il s^appuiesur la rivière Pi-po-che (Vipâçâ) à l’ouest, il est voisin du fleuve Siii’toa [Sindh — Indiis). La circonférence de la capitale est d’environ vingt li. Le sol convient au riz et produit beaucoup de blé tardif. On en tire de l’or, de l’argent, du laiton, du cuivre et du fer. Le climat est très-chaud et l’on éprouve souvent des bourrasques de vent. Les mœurs sont violentes et emportées. Le langage des habitants est commun et grossier ; ils s’habillent d’étoffes d’un blanc éclatant qu on appelle Kiao’chc-yc [Kâuçéya — soie), de vêtements rouges comme le soleil levant, etc. Peu d’entre eux ont foi dans la loi du Bouddha ; le plus grand nombre adore las Dêvas. Il y a plusieurs dizaines de couvents et quelques centaines de temples des dieux.

Anciennement, dans ce royaume, il y avait un grand nombre de maisons du bonheur (Pounyaçâlâs) où l’on secourait les pauvres et les malheureux ; tantôt on leur donnait médicaments, tantôt des aliments de toute sorte ; de cette manière, les voyageurs n’éprouvaient aucun embarras.

À quatorze ou quinze li au sud-ouest de la capitale, on arrive à l’ancienne ville de Che-kie-lo [Çâkala). Quoique les murs soient détruits, leurs fondements sont encore solides. Cette ville avait environ vingt li. Au centre, on a construit une petite ville dont la circonférence est de six à sept li. Les habitants vivent dans l’abondance. Ce fut l’ancienne capitale de ce royaume. À une distance de plusieurs centaines d’années, il y eut un roi nommé Mthhi-MduAo (Mahirakoala) qui établit sa résidence dans cette ville. Il devint le souverain des cinq Indes. Il était doué de talent et de prudence, et se distinguait par un naturel bouillant et un courage intrépide. Parmi les rois voisins, il n’y en avait pas un seul qui ne lui obéit en tremblant. Dans les moments de loisirs que lui laissaient les affaires publiques, il voulut étudier la loi du Bouddha, etc. »

En partant de ce royaume, dans la direction de l’est, Hiouen-thsang fit environ cinq cents li et arriva au royaume de Tchi-na-po-ti (Tchinapati — Inde du nord).

TSIE-MO-KOUE.

Tsie-mo-koue. Youen-kien-loai-han, liv. CCCXXXVI, fol. 15 : « Ce royaume est entré en relation avec la Chine du temps des’Han. La capitale, qui est la résidence du roi, est éloignée de Tchang-an de six mille huit cents li ; elle renferme deux cent trente familles. Au nord-ouest, ce royaume se trouve à deux mille deux cents li de la résidence du gouverneur chinois. Au nord, il touche aux pays des WeïAi et des Ting-Ung ; à l’est, il est limitrophe des Pe-ti ; à l’ouest, il touche à la Perse et au royaume de Ts’ing-ts’ioue ; au sud, il s’approche jusqu’à trois jours de marche de Siao-ouan. Ce pays abonde en raisins et en fruits de toute sorte ; au nord, on voit des sables mouvants qui ont une étendue de plusieurs centaines de li.

En été, il y a des vents brûlants qui incommodent beaucoup les voyageurs. Quand ces vents sont sur le point de souffler, les vieux chameaux le prévoient et poussent des cris. Ils se réunissent les uns auprès des autres, et, tout en restant debout, ils enfoncent leur nez et leur bouche dans le sable. Tout le monde sachant que c’est un présage de vent, on leur enveloppe le nez et la bouche avec une étoffe de laine. La bourrasque s’arrête presque aussitôt qu’elle est arrivée. Les chameaux seraient exposés à une mort certaine si l’on ne prenait point cette précaution. »

TSIU-KIU.

Tsiu-kiu (anciennement Tche-kiu-kia — Tchakouka — aujourd’hui Yerkiang). Si-yu-ki, liv. XII, fol. 13 : « Le royaume de Tche-kiu’kia [Tchakouka) a mille li de tour ; la circonférence de la capitale est d’environ dix li. Elle est fortement défendue par des obstacles naturels. Les maisons du peuple sont très-rapprochées ; les montagnes et les collines forment des chaînes continues, et Ton voit des vallées pierreuses d’une immense étendue. Ce royaume est voisin de deux fleuves qui lui forment une sorte de ceinture, et favorisent beaucoup la culture des grains, des raisins, des poires de différentes espèces dont on recueille une abondance prodigieuse. Le vent est froid et souffle à des époques régulières ; les habitants sont violents, emportés, et enclins à la ruse et à la fraude. lisse livrent ouvertement au vol et au brigandage. Leur écriture ressemble à celle de Kia-sa-tan-na (Koustana — Khotan), mais la langue parlée est différente. Ils font peu de cas des rites et de la justice, et n’ont que des connaissances superficielles dans les lettres et dans les arts. Ils ont une foi sincère dans les trois Précieux, et ils aiment à pratiquer les bonnes œuvres qui peuvent procurer le bonheur. Il y a plusieurs dizaines de couvents, la plupart délabrés, où Ton compte une centaine de religieux qui étudient la doctrine du grand Véhicule (Mahâyâna). »

En partant de ce pays, du côté de l’est, Hiouen-thsang franchit un passage de montagne, traversa une vallée et, après avoir fait environ huit cents li, il arriva au royaume de Kia-sa-tan-na (Koustana — Khotan).

  1. Ancien nom du pays des Oïrats, Thaï-thsing-i-tong-tchi, liv. CDXV, fol. i.
  2. Il importe de remarquer ici que l'expression on arrive (tchi ) est employée lorsqu’il s'agit des pays que le voyageur n’a point visités lui-même et qu’il n’a connus que par la tradition ou les chroniques locales. Les mots hing…li 行...里 « faire un certain nombre de li » (voyez, par exemple, p. 358, ligne 20), au contraire, se rapportent aux pays où est arrivé Hiouen-thsang et qu'il a personnellement visités. Cette précieuse distinction nous est fournie par l'épilogue du Si-yu-ki, liv. XII, fol. 29.
  3. Je prononce Ro-hou, Roh, parce que le signe Ko () figure l’ a (voyez le T'ong-wen-yun-tong, liv. V, fol. 21), et ne se prononce pas devant les mots dont la première articulation est ro, rou, ra. Ainsi, Hioaun-thsang écrit (Fo-koue-ki, p. 381, n° 46) Ko-lo-che-pou-lo, Arâdjapoura, au lieu de Râdjapoura. On trouve dans le dictionnaire Fan-i-ming-i-tsi, liv. VIII, fol. 10 : A-lou-pa pour roûpya (argent).
  4. Cette phrase veut dire, suivant les idées indiennes, que dans l’extase finale où il s’était plongé, il découvrit tout ce que renferment les trois mondes, et fit les vœux les plus ardents pour la conversion de toutes les créatures.
  5. Wilson, Sanskrit Dictionary.
  6. Dans notre ouvrage, ce royaume est appelé Sioue-chan-hia (littér. « au bas des montagnes neigeuses »), expression qui est la traduction chinoise de Himatala (hima « neige » — tala « au-dessous »).
  7. Sous les Weï du nord, c’était l’Aratchoul actuel, dépendant de Khachgar (Dict. Si-yu-t’ong-wen-tchi).
  8. C’est-à-dire : ne pratiquent point la vertu.
  9. On rappelle aussi Tckin-k’an. Les indigènes le nomment Hou-mi.
  10. Sous les Wei du nord, c’était l’Aratchoul actuel, dépendant de Khachgar (Dict. Si-yu-t’ong-wen-tchi).
  11. Suivant Al. Cunningham, Panoutch — le Pountch des cartes.
  12. Lassen, Ind. Altertkumskunde, II, p. 26.
  13. M. Reinaud conseille de lire Moûlasambapoura.
  14. Bignonia suave olens.
  15. Le Palibothra des auteurs grecs.
  16. On l’appelle aussi Tchi-mo-lo (Tchimor — Djimour ou Simour — le Σίμυλλα de Ptolémée).
  17. Tchadj, suivant le Dictionnaire mongol de la nouvelle édition impériale des Annales des Youen — Schasck des Arabes.
  18. Le second signe se prononce ordinairement tchi. Je le trouve pour ki dans Avalôhitêçvara.
  19. L'éditeur du Si-yu-ki fait observer qu'il y a ici une lacune.
  20. Le Samkassa des livres pâli, d’après Eug. Burnouf.
  21. Hiouen-thsang écrit Pouan-lo-niesse. La première syllabe se prend quelquefois pour p’o (Basil, 1946) qui, dans notre alphabet, répond à va.
  22. Hiouen-thsang n’a point pénétré dans ce pays, ainsi que le montre la dernière phrase de l’article Lang-kie-lo (Langala) : « En partant de ce royaume au nord-ouest, on arrive au royaume de Po-lu-sse. » Voy. plus haut, p. 357, note 1.
  23. Le Si-yu-ki donne moins correctement Po-fa-to.
  24. C’est ainsi qu’il faut lire d’après le Si-yu-ki, liv. V, fol. 1, au lieu de Po-to-na-kia que donne le Pien-i-tien (conf. Fo-koue-ki, p. 384, n° 65). Notre édition impériale (liv. V, fol. 13) donne aussi la même faute qui vient de ce que le copiste a confondu na avec ye .
  25. Aujourd’hui Khara yourgoun, d’après le Dictionnaire Si-yu-t’ong-wen-tchi, liv. III, fol. 1 et liv. I, fol. 19. Suivant la Géographie universelle de la Chine (Taï-ts’ing-i-tong-tchi), liv. CDXVIII, art. Aksou, c’est la partie sud-ouest de Yakha arik.
  26. Suivant le Si-yu-chouï-tao, liv. I, fol. 13 , c’est aujourd’hui la rivière Oulan ousou. Klaproth, dans sa Notice sur Hiouen-thsang, identifie le Sîta avec l’Ergouo gool ou Tarim gool.
  27. Suivant la géographie Thaï-thsing-i-tong-tchi, ce pays répondait, sous les Thang, au Badakchan actuel ; mais le dictionnaire Si-yu-thong-wen-tchi (liv. III, fol. 18) l’identifie avec l’Aratchoul.
  28. En partant de l’est de Kadjoûghira (vulgairement Kadjiñgkara), Hiouen-thsang passa le Gange et, après avoir fait six cents li, il arriva à ce royaume.
  29. À la suite de ces détails, le Si-yu-ki rapporte la légende qu’on a déjà lue plus haut, p. 194-198. Ce royaume est un de ceux que le voyageur n’a pas visités et dont il ne parle que d’après les chroniques ou la tradition orale.
  30. Cette expression signifie le royaume du maître des combats : on trouve aussi Tchen-wang-kour « le royaume du roi des combats (Yôdharâdjapoura ?). Ce nom de royaume est le seul que Hiouen-thsang ait donné en chinois.
  31. Voyez leur description, p. 397.