Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, traduction Guizot, tome 2/VIII

CHAPITRE VIII.

De l’état de la Perse après le rétablissement de cette monarchie par Artaxercès.

Barbares de l’Orient et du Nord.

Toutes les fois que Tacite abandonne son sujet pour faire paraître sur la scène les Germains ou les Parthes, il semble que ce grand écrivain se propose de détourner l’attention de ses lecteurs d’une scène monotone de vices et de misères. Depuis le règne d’Auguste jusqu’au temps d’Alexandre-Sévère, Rome n’avait eu à redouter que les tyrans et les soldats, ennemis cruels qui déchiraient son sein. Sa prospérité n’était que bien faiblement intéressée dans les révolutions qui se passaient au-delà du Rhin et de l’Euphrate ; mais lorsque l’anarchie eut confondu tous les ordres de l’état, lorsque la puissance militaire eut anéanti l’autorité du prince, les lois du sénat, et même la discipline des camps, les Barbares de l’Orient et du Nord, qui avaient si long-temps menacé les frontières, attaquèrent ouvertement les provinces d’une monarchie qui s’écroulait. Leurs incursions, d’abord incommodes, devinrent bientôt des invasions formidables : enfin, après une longue suite de calamités réciproques, les conquérans s’établirent dans le centre de l’empire. Pour développer avec plus de clarté la chaîne de ces grands événemens, nous commencerons par nous former une idée du caractère, des forces et des projets de ces nations, qui vengèrent la cause d’Annibal et de Mithridate.

Révolution d’Asie.

Dans les premiers siècles dont l’histoire fasse mention, tandis que les forêts qui couvraient le sein de l’Europe, servaient d’asile à quelques hordes de sauvages errans, l’Asie comptait un grand nombre de villes florissantes, renfermées dans de vastes empires, où régnaient le luxe, les arts et le despotisme. Les Assyriens donnèrent des lois à l’Orient[1], jusqu’à ce que le sceptre de Ninus et de Sémiramis s’échappât des mains de leurs successeurs amollis. Les Mèdes et les Babyloniens se partagèrent leurs états, et furent eux-mêmes engloutis dans la monarchie des Perses, dont les conquêtes s’étendirent au-delà des limites de l’Asie. Un descendant de Cyrus, Xerxès, suivi, dit-on, de deux millions d’hommes, fondit sur la Grèce ; trente mille soldats, sous le commandement d’Alexandre, fils de Philippe, à qui les Grecs avaient remis le soin de leur vengeance et de leur gloire, suffirent pour subjuguer la Perse. Les Séleucus s’emparèrent des conquêtes des Macédoniens en Orient. Le règne de ces princes dura peu. Environ dans le temps qu’un traité ignominieux avec Rome les forçait de céder le pays situé en deçà du mont Taurus, ils furent chassés des provinces de la Haute-Asie par les Parthes, peuplade obscure, venue originairement de la Scythie. Ces nouveaux conquérans avaient formé un empire qui s’étendait de l’Inde aux frontières de la Syrie. Leur puissance formidable fut renversée par Ardshir ou Artaxercès, fondateur d’une nouvelle dynastie, qui, sous le nom des Sassanides, gouverna la Perse jusqu’à l’invasion des Arabes[2]. Cette grande révolution, dont les Romains éprouvèrent bientôt la fatale influence, arriva la quatrième année du règne d’Alexandre Sévère, deux cent vingt-six ans après la naissance de Jésus-Christ[3].

Monarchie des Perses rétablie par Artaxercès.

Artaxercès avait acquis une grande réputation dans les armées d’Artaban, dernier roi des Parthes. Il paraît que ses services ne furent payés que d’ingratitude, récompense ordinaire d’un mérite supérieur, et que, banni d’abord de la cour d’Artaban, il fut ensuite forcé de lever l’étendard de la révolte. Son origine est à peine connue, et l’obscurité de sa naissance a donné lieu également à la malignité de ses ennemis et à la flatterie de ses partisans. Les uns prétendent qu’il était le fruit illégitime du commerce d’un soldat[4] avec la femme d’un tanneur. Selon le rapport des autres, il descendait des anciens rois de Perse, quoique le temps et la fortune eussent insensiblement réduit ses ancêtres au rang de simples citoyens[5]. Artaxercès s’empressa d’adopter cette dernière opinion. Comme héritier légitime de la monarchie, il résolut de faire valoir les droits qui l’appelaient au trône ; et, rempli d’une noble ardeur, il forma le projet de délivrer les Perses de l’oppression sous laquelle ils avaient gémi plus de cinq siècles depuis la mort de Darius. Les Parthes furent vaincus ; trois grandes batailles décidèrent de leur sort. Dans la dernière, le roi Artaban perdit la vie, et le courage de la nation fut pour jamais anéanti[6]. Après une victoire si décisive, Artaxercès fit reconnaître solennellement son autorité dans une assemblée tenue à Balk, ville du Khorasan. Deux jeunes princes de la maison des Arsacides restèrent confondus parmi les satrapes prosternés autour du vainqueur. Un troisième, plus animé par le sentiment de son ancienne grandeur, que par celui d’une nécessité présente, voulut se réfugier, avec une suite nombreuse, à la cour de son parent le roi d’Arménie. Cette troupe de fuyards fut surprise et arrêtée par la vigilance des Perses. Ainsi le vainqueur[7] ceignit fièrement le double diadème, et prit, à l’exemple de son prédécesseur, le surnom de roi des rois. Loin de se laisser éblouir par l’éclat du trône, le nouveau monarque s’occupa des moyens de justifier le choix de sa nation. Tous les titres pompeux qu’il avait rassemblés sur sa tête ne servirent qu’à lui inspirer la noble ambition de rétablir la religion et l’empire de Cyrus, et de rendre à sa patrie son ancienne splendeur.

Réformation du culte des mages.

Durant le long esclavage de la Perse sous le joug des Macédoniens et des Parthes, les nations de l’Europe et de l’Asie avaient réciproquement adopté et corrompu les idées que la superstition avait créées dans ces deux parties du monde. À la vérité, les Arsacides avaient embrassé la religion des mages ; mais ils en avaient altéré la pureté par un mélange de diverses idolâtries étrangères. Quoique sous leur règne on révérât dans tout l’Orient la mémoire de Zoroastre, l’ancien prophète et le premier philosophe des Perses[8], le langage mystérieux et vieilli dans lequel était écrit le Zend-Avesta[9], devenait une source perpétuelle de discussions. On vit s’élever soixante-dix sectes : toutes expliquaient différemment les dogmes fondamentaux de leur religion, et toutes étaient en butte aux traits satiriques des infidèles, qui rejetaient la mission et les miracles du prophète. Plein de respect pour le culte de ses ancêtres, Artaxercès entreprit d’abattre l’idolâtrie, de terminer les schismes, de confondre l’incrédulité, par la décision infaillible d’un conseil général. Dans cette vue, il convoqua les mages de toutes les parties de sa domination. Ces prêtres, qui avaient langui si long-temps dans le mépris et dans l’obscurité, obéirent avec transport. À la voix du souverain, ils accoururent au nombre de quatre-vingt mille environ. Comme une assemblée si tumultueuse ne pouvait être guidée par la raison, ni donner prise à l’influence de la politique, elle fut successivement réduite à quarante mille, à quatre mille, à quatre cents, à quarante, enfin aux sept mages les plus renommés pour leur piété et pour l’étendue de leurs connaissances. Un d’entre eux, Erdaviraph, jeune, mais saint pontife, reçut des mains de ses collègues trois coupes remplies d’un vin soporifique. Il les but, et tomba tout à coup dans un profond sommeil. À son réveil, il instruisit le monarque et la multitude pleine de foi, de son voyage au ciel, et des conférences particulières qu’il avait eues avec la divinité. Le témoignage surnaturel détruisit tous les doutes ; les articles de la foi de Zoroastre furent fixés avec précision, et d’une manière irrévocable[10]. Essayons de tracer une légère esquisse du culte des Perses ; elle servira non-seulement à développer leur caractère, mais encore à répandre un nouveau jour sur les rapports soit d’alliance, soit d’inimitié, qui ont eu lieu entre cette nation et le peuple romain[11].

Théologie des Perses : deux principes.

Le grand article de la religion de Zoroastre, l’article qui sert de base à tout le système, est la fameuse doctrine des deux principes : effort hardi et mal conçu de la philosophie orientale, pour concilier l’existence du mal moral et physique avec les attributs d’un créateur bienfaisant qui gouverne le monde. L’origine de toutes choses, le premier être, dans lequel ou par lequel l’univers existe, est appelé chez les Perses le temps sans bornes. Cependant, il faut l’avouer, cette substance infinie semble plutôt un être métaphysique, une abstraction de l’esprit, qu’un objet réel, animé par le sentiment intime de sa propre existence, et doué de perfections morales. Par l’opération aveugle ou par la volonté intelligente de ce temps infini, qui ne ressemble que trop au chaos des Grecs, Ormuzd et Ahriman sont engendrés de toute éternité : principes secondaires, mais les seuls actifs de l’univers, possédant tous les deux le pouvoir de créer, et chacun forcé, par sa nature invariable, à exercer ce pouvoir selon des vues différentes[12]. Le principe du bien est éternellement absorbé dans la lumière ; le principe du mal éternellement enseveli dans les ténèbres. Ormuzd tira l’homme du néant, le forma capable de vertu, et remplit son superbe séjour d’une foule de matériaux, sur lesquels devait s’élever l’édifice de son bonheur. Les soins vigilans de ce sage génie ramènent l’ordre constant des saisons, font mouvoir les planètes dans leurs orbites, et entretiennent l’harmonie des élémens. Mais il y a long-temps que la méchanceté d’Ahriman a percé l’œuf d’Ormuzd, ou, pour nous servir d’une expression plus simple, a violé l’harmonie de ses ouvrages. Depuis cette fatale interruption, tout est bouleversé ; les particules les plus déliées du bien et du mal sont intimement mêlées entre elles, et fermentent perpétuellement. Auprès des plantes les plus salubres croissent de funestes poisons. Les déluges, les embrasemens, les tremblemens de terre attestent les combats de la nature ; et l’homme, dans sa petite sphère, est sans cesse tourmenté par les assauts du vice et du malheur : que les mortels se traînent en esclaves à la suite du barbare Ahriman ; le fidèle Persan seul adore son ami, son protecteur, le grand Ormuzd. Il combat sous sa bannière éclatante ; il marche auprès de lui, dans la ferme conviction qu’au dernier jour il partagera la gloire de son triomphe. À cette époque décisive, la sagesse lumineuse de la souveraine bonté rendra la puissance d’Ormuzd supérieure à la méchanceté de son rival. Désarmés et soumis, Ahriman[13] et ceux qu’il enchaîne à son char seront précipités dans les ténèbres ; et la vertu maintiendra à jamais la paix et l’harmonie de l’univers[14].

Culte religieux.

La théologie de Zoroastre parut toujours obscure aux étrangers, et même au plus grand nombre de ses disciples. Cependant les observateurs les moins pénétrans ont été frappés de la simplicité vraiment philosophique qui caractérise la religion des Perses. « Ce peuple, dit Hérodote[15], rejette l’usage des temples, des autels et des statues. Il sourit des folles idées de ces nations qui s’imaginent que les dieux peuvent être issus des hommes, ou participer à leur nature. C’est sur la cime des plus hautes montagnes que les Perses offrent des sacrifices. Leur culte consiste principalement dans des prières et dans des hymnes sacrés. L’objet qu’ils invoquent est cet être suprême dont l’immensité remplit la vaste étendue des cieux. » Mais on reconnaît dans l’historien grec les idées du polythéisme, lorsqu’il attribue en même temps aux disciples de Zoroastre la coutume d’adorer la terre, l’eau, le feu, les vents, le soleil et la lune. De tout temps les Perses ont entrepris d’éloigner cette imputation, en expliquant les motifs d’une conduite un peu équivoque : s’ils révéraient les élémens, et surtout le feu, la lumière et le soleil, en leur langue Mithra[16], c’est qu’ils les regardaient comme les symboles les plus purs, les productions les plus nobles, et les agens les plus actifs de la nature et de la puissance divine[17].

Cérémonies et préceptes moraux.

Pour faire une impression profonde et durable sur l’esprit humain, toute religion doit exercer notre obéissance, en nous prescrivant des pratiques de dévotion dont il nous soit impossible d’assigner le motif. Elle doit encore gagner notre estime, en inculquant dans notre âme des devoirs de morale analogues aux mouvemens de notre propre cœur. Zoroastre avait employé avec profusion le premier de ces moyens, et suffisamment le second. Dès que le fidèle Persan avait atteint l’âge de puberté, on lui donnait une ceinture mystérieuse, gage de la protection divine ; et depuis ce moment, toutes les actions de sa vie, les plus nécessaires comme les plus indifférentes, étaient également sanctifiées par des prières, des éjaculations ou des génuflexions. Aucune circonstance particulière ne devait le dispenser de ces cérémonies ; la plus légère omission l’aurait rendu aussi coupable que s’il eût manqué à la justice, à la compassion, à la libéralité et à tous les devoirs de la morale[18]. D’un autre côté, ces devoirs essentiels étaient indispensablement prescrits au disciple de Zoroastre, qui voulait échapper aux persécutions d’Ahriman, et qui aspirait à vivre avec Ormuzd dans une éternité bienheureuse, où le degré de félicité est exactement proportionné au degré de piété et de vertu dont on a donné l’exemple sur la terre[19].

Encouragement de l’agriculture.

Zoroastre ne s’exprime pas toujours en prophète ; quelquefois il prend le ton de législateur. C’est alors qu’il paraît s’occuper du bonheur des peuples, et laisse voir, sur ces différens sujets, une élévation d’esprit que l’on découvre rarement dans les méprisables ou extravagans systèmes de la superstition. Le jeûne et le célibat lui semblent odieux ; il condamne ces moyens si ordinaires d’acheter la faveur divine : selon lui, il n’est point de plus grand crime que de dédaigner ainsi les dons précieux d’une providence bienfaisante. La religion des mages ordonne à l’homme pieux d’engendrer des enfans, de planter des arbres utiles, de détruire les animaux nuisibles, d’arroser le sol aride de la Perse, et de travailler à l’œuvre de son salut en cultivant la terre. On trouve dans le Zend-Avesta une maxime dont la sagesse doit faire oublier un grand nombre d’absurdités que ce livre renferme. « Celui qui sème des grains avec soin et avec activité, amasse plus de mérites que s’il avait répété dix mille prières[20]. »

Tous les ans on célébrait au printemps une fête destinée à rappeler l’égalité primitive, et à représenter la dépendance réciproque du genre humain. Les superbes monarques de la Perse se dépouillaient de leur vaine pompe, et, environnés d’une grandeur plus véritable, ils paraissaient confondus dans la classe la plus humble, mais la plus utile de leurs sujets. Les laboureurs étaient alors admis sans distinction à la table du roi et des satrapes : le souverain recevait leurs demandes, écoutait leurs plaintes, et conversait familièrement avec eux. « C’est à vos travaux, leur disait-il (et s’il ne s’exprimait pas sincèrement, il parlait au moins le langage de la vérité), c’est à vos travaux que nous devons notre subsistance. Nos soins paternels assurent votre tranquillité ; ainsi, puisque nous nous sommes également nécessaires, vivons ensemble ; aimons-nous comme frères, et que la concorde règne toujours parmi nous[21]. » Dans un état puissant et soumis au despotisme, une pareille fête dut, à la vérité, perdre insensiblement de son importance et de sa dignité. Mais, en admettant qu’elle fût devenue une représentation de théâtre, cette scène méritait bien d’avoir pour spectateur un souverain ; et quelquefois elle pouvait imprimer une grande leçon dans l’âme d’un jeune prince.

Pouvoir des mages.

Si toutes les institutions de Zoroastre eussent porté l’empreinte de ce caractère élevé, son nom eût été digne d’être prononcé avec ceux de Numa et de Confucius ; et ce serait à juste titre que l’on donnerait à son système tous les éloges qui lui ont été prodigués par quelques-uns de nos théologiens, et même de nos philosophes. Mais, dans ses productions bizarres, fruit d’une passion aveugle et d’une raison éclairée, on reconnaît le langage de l’enthousiasme et de l’intérêt personnel. Les vérités importantes et sublimes qu’il annonce sont dégradées par un mélange de superstition méprisable et dangereuse. Les mages formaient une classe très-considérable de l’état. Nous les avons déjà vu paraître, dans une assemblée, au nombre de quatre-vingt mille. La discipline multipliait leurs forces ; ils composaient une hiérarchie régulière répandue dans toutes les provinces de la Perse. Le principal d’entre eux résidait à Balk, où il recevait les hommages de toute la nation, comme chef visible de la religion, et comme successeur légitime de Zoroastre[22]. Ces prêtres avaient des biens immenses : outre les terres les plus fertiles de la Médie[23], dont les Perses les voyaient jouir paisiblement, leurs revenus consistaient en une taxe générale sur les fortunes et sur l’industrie des citoyens[24]. « Il ne suffit pas, s’écrie l’avide prophète, que vos bonnes œuvres surpassent en nombre les feuilles des arbres, les gouttes de la pluie, les sables de la mer ou les étoiles du firmament ; il faut encore, pour qu’elles vous soient profitables, que le destour, ou le prêtre, daigne les approuver. Vous ne pouvez obtenir une pareille faveur qu’en payant fidèlement à ce guide du salut la dîme de vos biens, de vos terres, de votre argent, de tout ce que vous possédez. Si le destour est satisfait, votre âme évitera les tourmens de l’enfer ; vous serez comblés d’éloges dans ce monde-ci, et vous goûterez dans l’autre un bonheur éternel : car les destours sont les oracles de la divinité ; rien ne leur est caché, et ce sont eux qui délivrent tous les hommes[25]. »

Ces maximes importantes de respect et d’une foi implicite étaient sans doute gravées avec le plus grand soin dans l’âme tendre des jeunes Perses, puisque l’éducation appartenait aux mages, et que l’on remettait entre leurs mains les enfans même de la famille royale[26]. Les prêtres, doués d’un génie spéculatif, étudiaient et dérobaient aux yeux de la multitude les secrets de la philosophie orientale. Ils acquéraient, par des connaissances profondes ou par une grande habileté, la réputation d’être très-versés dans quelques sciences occultes, qui, par la suite, ont tiré des mages leur dénomination[27]. Ceux qui avaient reçu de la nature des dispositions plus actives que les autres, passaient leur vie dans le monde, au milieu des intrigues des cours et du tumulte des villes ; et tant qu’Artaxercès tint les rênes du gouvernement, la politique ou la superstition l’engagea à se laisser diriger par les avis de l’ordre sacerdotal, dont il rétablit la dignité dans tout son éclat[28].

Esprit de persécution.

Le premier conseil que les mages donnèrent à ce prince était conforme au génie intolérant de leur religion[29], à la pratique des anciens rois[30], et même à l’exemple de leur législateur qui, victime du fanatisme, avait perdu la vie dans une guerre allumée par son zèle opiniâtre[31]. Artaxercès proscrivit, par un arrêt rigoureux, l’exercice de tout culte, excepté celui de Zoroastre. Les temples des Parthes, et les statues de leurs monarques qui avaient reçu les honneurs de l’apothéose, furent renversés avec ignominie[32]. On brisa facilement l’épée d’Aristote[33], nom que les Orientaux avaient imaginé pour désigner le polythéisme et la philosophie des Grecs. Les flammes de la persécution enveloppèrent les Juifs et les chrétiens[34] les plus attachés à leurs dogmes : elles n’épargnèrent pas même les hérétiques de la nation ; la majesté d’Ormuzd, qui ne pouvait reconnaître de rival, fut secondée par le despotisme d’Artaxercès, qui ne pouvait souffrir de rebelles, et les schismatiques furent bientôt réduits au nombre de quatre-vingt mille, nombre peu considérable pour un si vaste empire[35]. Cet esprit de persécution déshonore le culte de Zoroastre ; mais comme il ne produisit aucune dissension civile, il servit à resserrer les liens de la nouvelle monarchie, en rassemblant tous les habitans de la Perse sous les bannières d’une même religion.

Établissement de l’autorité royale dans les provinces.

Artaxercès, par sa valeur et par sa conduite, avait arraché le sceptre de l’Orient à la dynastie des Parthes. Lorsqu’il n’eut plus d’ennemis à combattre, il lui resta la tâche plus difficile, d’établir, dans toute l’étendue de la Perse, une administration uniforme et vigoureuse. Les faibles Arsacides avaient cédé à leurs fils et à leurs frères les principales provinces et les grandes charges de la couronne, à titre de possession héréditaire. On avait permis aux Vitaxes, dix-huit des plus puissans satrapes, de prendre le titre de roi. Une autorité idéale sur tant de rois vassaux flattait l’orgueil puéril du monarque. À peine même les Barbares, au milieu de leurs montagnes, et les Grecs de la Haute-Asie[36], dans le sein de leurs villes, reconnaissaient-ils l’autorité d’un maître aux ordres duquel ils obéissaient rarement. L’empire des Parthes présentait, sous d’autres noms, une vive image du gouvernement féodal[37], si connu depuis en Europe. L’activité du vainqueur ne lui permit pas de prendre de repos, qu’il n’eût tout soumis. Il parcourut en personne les provinces de la Perse, à la tête d’une armée nombreuse et disciplinée. La défaite des plus fiers rebelles, et la réduction des places les plus fortes[38], répandirent la terreur de ses armes, et contribuèrent à faire recevoir paisiblement son autorité. Les chefs tombèrent victimes d’une résistance opiniâtre ; mais leurs partisans furent traités avec douceur[39]. Une soumission volontaire était récompensée par des richesses et par des honneurs. Trop prudent pour laisser aucun sujet se parer des ornemens de la royauté, Artaxercès abolit tout pouvoir intermédiaire entre le trône et le peuple. [Étendue et population de la Perse.]Son royaume, à peu près aussi étendu que la Perse moderne, se trouvait borné de tous côtés par la mer et de grands fleuves. Il avait pour limites l’Euphrate, l’Oxus, l’Araxe, le Tigre, l’Indus, la mer Caspienne et le golfe Persique[40].

Dans le dernier siècle, ce pays pouvait contenir cinq cent cinquante-quatre villes, soixante mille villages, et environ quarante millions d’âmes[41]. Si l’on compare l’administration des Sassanides avec le gouvernement de la maison de Sefî, l’influence politique des mages avec celle de la religion mahométane, on supposera facilement que les états d’Artaxercès renfermaient au moins un aussi grand nombre de villes, de villages et d’habitans. Mais le défaut de ports sur les côtes, et dans l’intérieur la rareté de l’eau, ont toujours beaucoup nui au commerce et à l’agriculture des Perses qui semblent, en parlant de leur population, s’être laissé aller à l’une des prétentions les moins relevées, mais les plus ordinaires de la vanité nationale.

Récapitulation des guerres entre les Parthes et les Romains.

Dès qu’Artaxercès eut triomphé de ses rivaux, son ambition se porta vers les états voisins, qui, durant le sommeil léthargique de ses prédécesseurs, avaient insulté avec impunité un royaume affaibli. Il remporta quelques victoires faciles sur les Scythes indisciplinés, et sur les Indiens amollis ; mais il trouva dans les Romains des ennemis formidables, dont les outrages réitérés l’excitaient à la vengeance, et avec lesquels il ne pouvait se mesurer sans employer les plus grands efforts.

Quarante ans de tranquillité, fruit de la valeur et de la modération, avaient succédé aux conquêtes de Trajan. L’empire, depuis l’avènement de Marc-Aurèle, jusqu’au règne d’Alexandre-Sévère, avait été deux fois en guerre avec les Parthes ; et quoique les Arsacides eussent alors développé toutes leurs forces contre une partie seulement des troupes romaines, les Césars furent presque toujours victorieux. À la vérité, le timide Macrin, enchaîné par une situation précaire, acheta la paix au prix de deux millions sterl.[42]. Mais les généraux de Marc-Aurèle, l’empereur Sévère, son fils même, avaient érigé en Arménie, dans la Mésopotamie et en Assyrie, plusieurs trophées. Une relation imparfaite de leurs exploits aurait interrompu le récit intéressant des révolutions qui, dans cette période, agitèrent l’intérieur de l’empire. Comme ces événemens particuliers sont peu importans par eux-mêmes, nous ne parlerons ici que des calamités auxquelles furent souvent exposées deux des principales villes de l’Orient, Séleucie et Ctésiphon.

Séleucie et Ctésiphon.

Séleucie, bâtie sur la rive occidentale du Tigre, à quinze lieues environ au nord de l’ancienne Babylone, était la capitale des Macédoniens, dans la Haute-Asie[43]. Plusieurs siècles après la chute de leur empire, cette ville avait conservé le véritable caractère de ses fondateurs : on y retrouvait encore les arts, le courage militaire et l’amour de la liberté qui distinguaient les colonies grecques. Un sénat, composé de trois cents nobles, gouvernait cette république indépendante. Six cent mille citoyens y vivaient tranquillement à l’abri de leurs remparts fortifiés ; et tant que les différens ordres de l’état demeurèrent unis, ils n’eurent que du mépris pour la puissance des Parthes. Mais quelquefois d’insensés factieux implorèrent le secours dangereux de l’ennemi commun, qu’ils voyaient posté presque aux portes de la ville[44]. Les souverains des Parthes se plaisaient, comme les monarques de l’Indoustan, à mener la vie pastorale des Scythes leurs ancêtres. Ils campaient souvent dans la plaine de Ctésiphon, sur la rive orientale du Tigre, à la distance seulement de trois milles de Séleucie[45]. Le luxe et le despotisme attiraient autour du prince une foule innombrable ; et le petit village de Ctésiphon devint insensiblement une grande ville[46]. Les Romains, sous le règne de Marc-Aurèle, pénétrèrent jusque dans ces contrées. [A. D. 165.]Reçus en amis par la colonie grecque, ils attaquèrent, les armes à la main, le siége de la grandeur des Parthes. Les deux villes éprouvèrent cependant le même traitement. Les Romains flétrirent leurs lauriers[47] par le pillage de Séleucie et par le massacre de trois cent mille habitans. Cette superbe cité, qu’avait déjà épuisée le voisinage d’un rival trop puissant, succomba sous le coup fatal. [Ann. 198.]Ctésiphon seule sortit de ses ruines, et dans un espace de trente-trois ans, elle avait repris assez de force pour soutenir un siége opiniâtre contre l’empereur Sévère. Elle fut néanmoins emportée d’assaut, et le roi, qui la défendait en personne, se sauva précipitamment. Cent mille captifs et de riches dépouilles récompensèrent les travaux des soldats romains[48]. Babylone, Séleucie n’existaient plus : ainsi, malgré tant de malheurs, Ctésiphon conserva le rang d’une des plus grandes capitales de l’Asie. En été, les vents rafraîchissans qui sortent des montagnes de la Médie, rendaient le séjour d’Ecbatane plus agréable aux monarques persans ; mais pendant l’hiver ils venaient jouir à Ctésiphon des douceurs d’un climat plus tempéré.

Conquête de l’Osrhoène par les Romains.

Les Romains, quoique victorieux, ne tirèrent aucun avantage réel ni durable de leurs expéditions, et jamais ils ne songèrent à conserver des conquêtes si éloignées, séparées de leur empire par des vastes déserts. L’acquisition de l’Osrhoène, moins brillante à la vérité, leur devint bien plus importante. Ce petit état renfermait la partie septentrionale et la plus fertile de la Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate. Edesse, sa capitale, avait été bâtie à vingt milles environ au-delà du premier de ces fleuves ; et les habitans, depuis Alexandre, étaient un mélange de Grecs, d’Arabes, de Syriens et d’Arméniens[49]. Les faibles monarques de ce royaume, placés entre les frontières de deux empires rivaux, paraissaient intérieurement disposés en faveur des Parthes ; cependant la puissance formidable de Rome leur arracha un hommage qu’ils ne rendirent qu’à regret, mais qu’attestent encore leurs médailles. Les Romains crurent devoir s’assurer de leur fidélité par des gages plus certains ; après la guerre des Parthes, sous Marc-Aurèle, ils construisirent des forteresses au milieu de leur pays ; et ils mirent une garnison dans l’importante place de Nisibis. Durant les troubles qui suivirent la mort de Commode, les princes de l’Osrhoène entreprirent en vain de secouer le joug. La politique ferme de Sévère sut les contenir[50], et la conduite perfide de Caracalla termina une conquête facile. Abgare, dernier roi d’Édesse, fut envoyé à Rome chargé de fers ; son royaume fut réduit en province, et sa capitale honorée du rang de colonie. Ainsi, dix ans avant la chute des Parthes, les Romains avaient obtenu au-delà de l’Euphrate un établissement fixe et permanent[51].

Artaxercès réclame les provinces de l’Asie, et déclare la guerre aux Romains. A. D. 230.

Lorsque Artaxercès prit les armes, la gloire et la prudence auraient pu le justifier, s’il eût borné ses vues à l’acquisition ou à la défense d’une frontière utile. Mais l’ambition lui avait tracé un plan de conquête bien plus vaste ; et il se persuada qu’il pouvait employer la raison, aussi-bien que la force, pour soutenir ses prétentions excessives. Cyrus était le modèle qu’il se proposait d’imiter. Ce héros, disait-il dans son message à l’empereur Alexandre-Sévère, subjugua le premier toute l’Asie, et ses successeurs en restèrent long-temps les maîtres. Leurs domaines touchaient à la Propontide et à la mer Égée. Des satrapes gouvernaient en leur nom la Carie et l’Ionie ; enfin toute l’Égypte, jusqu’aux confins de l’Éthiopie, reconnaissait leur souveraineté[52]. Leurs droits, ajoutait Artaxercès, avaient été suspendus par une longue usurpation ; mais ils n’étaient pas détruits, et du moment où la naissance et le courage avaient placé la couronne sur sa tête, son premier devoir était de rétablir la gloire et les limites de la monarchie persane. Le grand roi (tel était le titre pompeux sous lequel il s’annonçait à l’empereur), le grand roi ordonnait donc aux Romains de se retirer immédiatement des provinces où régnaient autrefois ses ancêtres ; et, satisfait de rester paisiblement en possession de l’Europe, de céder aux Perses l’empire de l’Asie.

Quatre cents Perses, d’une beauté et d’une taille remarquables, furent chargés de ce fier message. Ils s’efforcèrent, par de superbes chevaux, par des armes magnifiques et par une suite brillante, de déployer l’orgueil et la grandeur de leur maître[53]. Une pareille ambassade était moins une offre de négociation, qu’une déclaration de guerre. Les deux monarques rassemblèrent aussitôt toutes leurs forces, et prirent le parti de conduire leurs armées en personne.

Prétendue victoire d’Alexandre-Sévère. A. D. 233.

Il existe encore un discours de l’empereur lui-même, qui fut prononcé à cette occasion dans le sénat. Si nous en croyons ce monument, qui semblerait devoir être authentique, la victoire d’Alexandre-Sévère égala toutes celles que le fils de Philippe avait autrefois remportées sur les Perses. L’armée du grand roi était composée de cent vingt mille chevaux tout enharnachés en airain, de dix-huit cents chariots armés de faux, et de sept cents éléphans qui portaient des tours remplies d’archers. Les annales de l’Asie n’ont jamais présenté de description si pompeuse : à peine même les Orientaux en ont-ils imaginé de semblables dans leurs romans[54]. Malgré ce redoutable appareil, l’ennemi fut entièrement vaincu dans une grande bataille où l’empereur romain développa tout le courage d’un soldat intrépide, et les talens d’un général expérimenté. Le grand roi prit la fuite. Un butin immense, et la conquête de la Mésopotamie, furent les fruits de cette journée mémorable. Telles sont les circonstances invraisemblables d’une relation dictée, selon toutes les apparences, par la vanité du monarque, composée par de vils flatteurs, et reçue avec transport par un sénat que l’éloignement et l’esprit d’adulation réduisaient au silence[55]. Loin de penser que les armes d’Alexandre aient triomphé de la valeur des Perses, perçons au travers du nuage qui nous dérobe la vérité : peut-être tout cet éclat d’une gloire imaginaire cache-t-il quelque disgrâce réelle[56].

Relation plus probable de la guerre.

Nos soupçons sont confirmés par l’autorité d’un historien contemporain qui honore les vertus d’Alexandre, et qui expose de bonne foi les fautes de ce prince. Il trace d’abord le plan judicieux formé pour la conduite de la guerre. Trois armées romaines devaient s’avancer par différens chemins, et envahir la Perse dans le même temps : mais le talent et la fortune ne secondèrent pas les opérations de la campagne, quoiqu’elles eussent été sagement concertées. Dès que la première de ces armées se fut engagée dans les plaines marécageuses de la Babylonie, vers le confluent artificiel du Tigre et de l’Euphrate[57], elle se trouva environnée de troupes supérieures en nombre, et les flèches de l’ennemi la détruisirent entièrement. La seconde armée se flattait de pouvoir pénétrer dans le cœur de la Médie. L’alliance de Chosroès, roi d’Arménie[58], lui en facilitait l’entrée ; et les montagnes, dont tout le pays est couvert, la mettaient à l’abri des attaques de la cavalerie persane. Les Romains ravagèrent d’abord les provinces voisines, et leurs premiers succès semblent excuser, en quelque sorte, la vanité de l’empereur ; mais la retraite de ces troupes victorieuses fut mal dirigée, ou du moins malheureuse. En repassant les montagnes, les fatigues d’une route pénible et le froid rigoureux de la saison firent périr un grand nombre de soldats. Tandis que ces deux grands détachemens marchaient en Perse par les extrémités opposées, Alexandre, à la tête du principal corps d’armée, devait les soutenir en se portant au centre du royaume. Ce jeune prince, sans expérience, dirigé par les conseils de sa mère, ou peut-être par sa propre timidité, trompa la valeur de ses soldats, et renonça aux plus belles espérances. Après avoir passé l’été en Mésopotamie dans l’inaction, il ramena honteusement à Antioche une armée que les maladies avaient considérablement diminuée, et qu’irritait le mauvais succès de cette expédition. La conduite d’Artaxercès avait été bien différente. Volant avec rapidité des montagnes de la Médie aux marais de l’Euphrate, ce prince se montra partout où sa présence paraissait nécessaire ; il repoussa lui-même l’ennemi ; et toujours supérieur à la fortune, il joignit à la plus grande habileté le courage le plus intrépide. Mais les combats opiniâtres qu’il eut à soutenir contre les vétérans des légions romaines lui coûtèrent l’élite de ses troupes : ses victoires même l’avaient épuisé. L’absence d’Alexandre, et la confusion qui suivit la mort de cet empereur, offraient en vain une nouvelle carrière à son ambition. Loin de chasser les Romains du continent de l’Asie, comme il le prétendait, il se trouva hors d’état de leur arracher la petite province de Mésopotamie[59].

Caractère et maximes d’Artaxercès. A. D. 240.

Le règne d’Artaxercès, qui, depuis la dernière défaite des Parthes, gouverna la Perse pendant quatorze ans, forme une époque mémorable dans les annales de l’Orient et même dans l’histoire de Rome. Son caractère semble avoir eu une expression forte et hardie qui distingue généralement le prince qui s’élève par le droit des armes, de celui que le droit de sa naissance appelle au trône de ses pères. Les Perses respectèrent sa mémoire jusqu’à la fin de leur monarchie, et son code de lois fut toujours la base de leur administration civile et religieuse[60]. Plusieurs de ses maximes nous sont parvenues. Une entre autres prouve combien ce prince pénétrant connaissait les ressorts du gouvernement. « L’autorité du monarque, disait-il, doit être soutenue par une force militaire. Cette force ne peut se maintenir que par des impôts. Tous les impôts tombent à la fin sur l’agriculture ; et l’agriculture ne fleurira jamais qu’à l’abri de la modération et de la justice[61]. » Le fils d’Artaxercès était digne de lui succéder. Sapor hérita des états de son père, et de ses idées de conquête contre les Romains ; mais ces projets ambitieux, trop vastes pour les Perses, firent le malheur des deux nations, et les plongèrent dans une suite de guerres sanglantes.

Puissance militaire des Perses.

À cette époque, la nation persane, depuis long-temps civilisée et corrompue, était bien loin de posséder la valeur qu’inspirent l’indépendance, la force du corps et l’impétuosité de l’âme, qui ont livré l’empire de l’univers aux Barbares du septentrion. Les principes d’une tactique éclairée, qui rendirent triomphantes Rome et la Grèce, et qui distinguent aujourd’hui les habitans de l’Europe, n’ont jamais fait de progrès considérables en Orient. Les Perses n’avaient aucune idée de ces évolutions admirables qui dirigent et animent une multitude confuse, et ils ignoraient également l’art de construire, d’assiéger ou de défendre des fortifications régulières. Ils se fiaient plus à leur nombre qu’à leur courage, plus à leur courage qu’à leur discipline. [Leur infanterie méprisable.]Une victoire dispersait, aussi facilement qu’une défaite, leur infanterie composée d’une foule de paysans peu aguerris, presque sans armes, levés à la hâte et attirés sous les drapeaux par l’espoir du pillage. Le monarque et les seigneurs de sa cour transportaient dans les tentes l’orgueil et le luxe du sérail. Une suite inutile de femmes, d’eunuques, de chevaux et de chameaux retardait les opérations militaires ; et souvent, au milieu d’une campagne heureuse, l’armée persane se trouvait séparée ou détruite par une famine imprévue[62].

Leur cavalerie excellente.

Mais les nobles de ce royaume conservèrent toujours, au sein de la mollesse et sous le joug du despotisme, un sentiment profond de courage personnel et d’honneur national. Dès qu’ils avaient atteint l’âge de sept ans, on leur enseignait à fuir le mensonge, à tirer de l’arc et à monter à cheval : ils excellaient surtout dans ces deux derniers arts[63]. Les jeunes gens les plus distingués étaient élevés sous les yeux du monarque ; ils apprenaient leurs exercices dans l’enceinte du palais. On les accoutumait de bonne heure à la sobriété et à l’obéissance, et leurs corps, endurcis par des chasses longues et pénibles, devenaient ensuite capables de supporter les plus grandes fatigues. Dans chaque province, le satrape avait à sa cour une école semblable. Les seigneurs persans étaient tenus au service militaire, en conséquence des terres et des maisons que la bonté du roi leur accordait, tant est naturelle l’idée du gouvernement féodal. Au premier signal, ils montaient à cheval et volaient aux armes, suivis d’une troupe brillante et remplie d’ardeur, qui se joignait au corps nombreux des gardes, choisis avec soin parmi les esclaves les plus robustes, et les aventuriers les plus braves de l’Asie. Ces cavaliers, également redoutables par l’impétuosité du choc et par la rapidité des mouvemens, menaçaient sans cesse l’Empire romain ; et les habitans des provinces orientales voyaient tous les jours se former les nuages qui présageaient les malheurs et la désolation de leur patrie[64].

Notes du Chapitre VIII
  1. Un ancien chronologiste cité par Vell.-Paterculus (l. I, c. 6), observe que les Assyriens, les Mèdes, les Perses et les Macédoniens régnèrent en Asie mille neuf cent quatre-vingt-quinze ans depuis l’avènement de Ninus jusqu’à la défaite d’Antiochus par les Romains. Comme le dernier de ces deux événemens arriva cent quatre-vingt-neuf ans avant Jésus-Christ, le premier peut être placé deux mille cent quatre-vingt-quatre ans avant la même époque. Les observations astronomiques trouvées à Babylone, par Alexandre, remontaient cinquante ans plus haut.
  2. L’histoire de Perse fait mention de quatre dynasties depuis les premiers âges jusqu’à l’invasion des Sarrasins : celle des Pischdadides, celle des Céanides, celle des Aschkanides ou Arsacides, celle des Sassanides.
    La première commence à Kaiomaros, que l’on confond souvent avec Noé. C’est le temps fabuleux ; on y trouve des règnes de sept cents et de neuf cents ans. Les combats de ces premiers rois contre les Giels ou mauvais esprits, et leurs disputes subtiles avec les Dews ou Fées, sont aussi visibles que les combats de Jupiter, de Vénus, de Mars et des autres divinités grecques.
    L’histoire de la dynastie des Céanides rappelle les héros grecs ou nos paladins : elle renferme les actions héroïques de Rostam, et ses combats contre Affendiar, le fils aîné de Guschtasps. Le grand Cyrus fut, pendant la durée de cette dynastie, le véritable fondateur du royaume des Perses. Le dernier de ces rois, Iskander, confia les satrapies aux grands du pays : l’un d’eux, Aschek ou Arsaces, se fit roi, et fut la tige de la dynastie des Arsacides.
    Les historiens perses n’ont conservé le nom que d’un très-petit nombre de ces monarques, dont la race fut enfin chassée par Ardschir-Babekan ou Artaxercès, fondateur de la dynastie des Sassanides, qui dura quatre cent vingt-cinq ans. Voyez une dissert. de Fréret, Mémoires de l’Acad. des inscript. et belles-lettres, t. XVI. (Note de l’Éditeur.)
  3. Dans la cinq cent trente-huitième année de l’ère de Séleucus. Voyez Agathias, l. II, p. 63. Ce grand événement (tel est le peu d’exactitude des Orientaux) est avancé par Eutychius jusque dans la dixième année du règne de Commode, et reculé par Moïse de Chorène jusque sous l’empereur Philippe. Ammien-Marcellin a puisé dans de bonnes sources pour l’histoire de l’Asie ; mais il copie ses matériaux si servilement, qu’il représente les Arsacides encore assis sur le trône des Perses dans le milieu du quatrième siècle.
  4. Le nom du tanneur était Babek ; celui du soldat, Sassan : d’où Artaxercès fut nommé Babekan, et tous les descendans de ce prince ont été appelés Sassanides.
  5. D’Herbelot, Bibliothéque orientale, au mot Ardshir.
  6. Dion-Cassius, l. LXXX ; Hérodien, l. VI, p. 207 ; Abul-pharage, Dyn., p. 80.
  7. Voyez Moïse de Chorène, l. II, c. 65-71.
  8. Hyde et Prideaux, qui ont composé, d’après les légendes persanes et leurs propres conjectures, une histoire très-agréable, prétendent que Zoroastre fut contemporain de Darius-Hystaspes ; mais il suffit de faire remarquer que les écrivains grecs, qui vivaient presque dans le même siècle, s’accordent à placer l’ère de Zoroastre quelques centaines d’années ou même mille ans plus haut. Cette observation n’a pas échappé à M. Moyle, qui, à l’aide d’une critique judicieuse, a soutenu contre le docteur Prideaux, son oncle, l’antiquité du prophète persan. Voyez son ouvrage, vol. II.
  9. Cet ancien idiome était appelé le zend. Le langage du commentaire, le pehlvi, quoique beaucoup plus moderne, a cessé depuis plusieurs siècles d’être une langue vivante. Ce seul fait, s’il est authentique, garantit suffisamment l’antiquité des ouvrages apportés en Europe par M. Anquetil, et que ce savant a traduits en français (*).
    (*) Zend signifie vie, vivant. Ce mot désigne, soit la collection des livres canoniques des disciples de Zoroastre, soit la langue même dans laquelle ils sont écrits. Ce sont aussi les livres qui renferment la parole de vie, soit que la langue ait porté originairement le nom de Zend, soit qu’on le lui ait donné à cause du contenu des livres. Avesta signifie parole, oracle, révélation, leçon : ce mot ne désigne pas non plus le titre d’un ouvrage particulier, mais la collection des livres de Zoroastre, comme Révélation d’Ormuzd. Cette collection se nomme ainsi tantôt Zend-Avesta, tantôt Zend tout court.
    Le Zend était l’ancienne langue de la Médie, comme le prouve son affinité avec les dialectes de l’Arménie et de la Géorgie ; il était déjà langue morte, sous les Arsacides, dans les pays même qui avaient servi de théâtre aux événemens que le Zend-Avesta rapporte. Quelques critiques, entre autres Richardson et sir W. Jones, ont révoqué en doute l’antiquité de ces livres : le premier a prétendu que le Zend n’avait jamais été une langue écrite et parlée ; qu’elle avait été inventée, dans des temps postérieurs, par les magiciens, pour servir à leur art ; mais Kleuker, dans les dissertations qu’il a ajoutées à celles d’Anquetil et de l’abbé Foucher, a prouvé :
    1o. Que le Zend était réellement une langue autrefois vivante et parlée dans une partie de la Perse ;
    2o. Que la langue dans laquelle sont écrits les livres qui renferment la doctrine de Zoroastre est bien l’ancien Zend ; en sorte qu’ils n’ont pu être écrits que dans un temps où cette langue était encore vivante et parlée ;
    3o. Que le Zend, depuis qu’il est une langue parlée, n’a plus été en usage comme langue écrite ; de sorte que les livres écrits en Zend n’ont pu l’être que dans le temps où le Zend était langue vivante.
    Quant à l’époque où le Zend a été langue parlée et où Zoroastre a vécu, elle est encore parmi les érudits un objet de discussion : les uns, tels que Hyde et Anquetil lui-même, placent Zoroastre sous la dynastie des rois perses, commencée par Cyrus, et le font contemporain de Darius-Hystaspes ; ce qui placerait sa vie au milieu du 6e siècle avant Jésus-Christ ; les autres, tels que MM. Tychsen, Heeren, etc., le placent sous la dynastie des Mèdes, et pensent que le roi Guschtasps, sous lequel Zoroastre lui-même dit avoir vécu, est le même que Cyaxare 1er, de la race des Mèdes, qui régnait soixante-dix ans avant Cyrus, et cent ans avant Darius-Hystaspes. Cette opinion, appuyée sur plusieurs passages du Zend-Avesta, paraît la plus vraisemblable : la description que donne Zoroastre lui-même, au commencement de son Vendidad, des provinces et des principales villes du royaume de Guschtasps, ne saurait convenir aux rois perses, et s’applique à la dynastie des Mèdes. Quelques critiques, entre autres l’abbé Foucher, reconnaissent deux Zoroastre : le plus ancien (autrement appelé Zerduscht), véritable fondateur de la religion des mages, a dû vivre sous Cyaxare 1er ; et le second, simple réformateur, sous Darius-Hystaspes. Cette opinion n’est fondée que sur un passage de Pline l’Ancien, dont l’autorité est très douteuse, parce que les connaissances des Grecs et des Latins sur Zoroastre sont pleines d’incertitudes et de contradictions. Voyez Hyde, De rel. vet. Pers., p. 303, 312, 335 ; une dissertation du professeur Tychsen, De religionum zoroastricarum, apud veteres gentes vestigiis. In comment. soc. Goet., t. II, p. 112 ; une dissertation de l’abbé Foucher sur la personne de Zoroastre, Mémoires de l’Acad. des inscript. et belles lettres, t. XXVII, p. 255-594.
    Le pehlvi était la langue des pays limitrophes de l’Assyrie, et vraisemblablement de l’Assyrie elle-même. Pehlvi signifie force, héroïsme ; le pehlvi était aussi la langue des anciens héros et des rois de Perse, des forts. On y trouve une foule de racines araméennes. Anquetil le croit formé du Zend ; Kleuker ne partage pas cette idée : « Le pehlvi, dit-il, est beaucoup plus coulant et moins surchargé de voyelles que le Zend. » Les livres de Zoroastre, écrits d’abord en Zend, furent traduits dans la suite en pehlvi et en parsi. Le pehlvi était déjà tombé en désuétude sous la dynastie des Sassanides, mais les savans l’écrivaient encore. Le parsi, originaire du Pars ou Farsistan, était alors le dialecte régnant. Voy. Kleuker, Anhang zum Zend-Avesta, t. II, part. I, p. 158 ; part. II, p. 5 et seq. (Note de l’Éditeur).
  10. Hyde, De relegione veterum Persarum, c. 21.
  11. J’ai principalement tiré ce tableau du Zend-Avesta de M. Anquetil, et du Sadder qui se trouve joint au traité du docteur Hyde : cependant, il faut l’avouer, l’obscurité étudiée d’un prophète, le style figuré des Orientaux, et l’altération qu’a pu souffrir le texte dans une traduction française ou latine, nous ont peut-être induits en erreur, et peuvent avoir introduit quelques hérésies dans cet abrégé de la théologie des Perses.
  12. Il y a ici une erreur : Ahriman n’est point forcé, par sa nature invariable, à faire le mal ; le Zend-Avesta reconnaît expressément (voyez l’Izeschné) qu’il était né bon ; qu’à son origine il était lumière, mais l’envie le rendit mauvais ; il devint jaloux de la puissance et des attributs d’Ormuzd : alors la lumière se changea en ténèbres, et Ahriman fut précipité dans l’abîme. Voyez l’Abrégé de la doctrine des anciens Perses, en tête du Zend-Avesta, par Anquetil, c. 2, §. 2. (Note de l’Éditeur.)
  13. D’après le Zend-Avesta, Ahriman ne sera point anéanti ou précipité pour jamais dans les ténèbres : à la résurrection des morts, il sera entièrement défait par Ormuzd, sa puissance sera détruite, son royaume bouleversé jusque dans ses fondemens : il sera purifié lui-même dans des torrens de métal embrasé ; il changera de cœur et de volonté, deviendra saint, céleste, établira dans son empire la loi et la parole d’Ormuzd, se liera avec lui d’une amitié éternelle, et tous deux chanteront des hymnes de louange en l’honneur de l’Éternité par excellence. Voyez l’Abrégé précité, ibid. ; Kleuker, Anhang., IIIe partie, p. 85, no 36 ; l’Izeschné, l’un des livres du Zend-Avesta.
    D’après le Sadder Bun-Dehesch, ouvrage plus moderne, Ahriman doit être anéanti ; mais cela est contraire et au texte même du Zend-Avesta, et à l’idée que son auteur nous donne du royaume de l’Éternité tel qu’il doit être après les douze mille ans assignés à la durée de la lutte entre le bien et le mal. (Note de l’Éditeur.)
  14. Aujourd’hui les Parsis (et en quelque façon le Sadder) érigent Ormuzd en cause première et toute-puissante, tandis qu’ils abaissent Ahriman, et le représentent comme un esprit inférieur, mais rebelle. Leur désir de plaire aux mahométans a peut-être contribué à épurer leur système théologique.
  15. Hérodote, l. I, c. 131 ; mais le docteur Prideaux pense, avec raison, que l’usage des temples fut permis par la suite dans la religion des mages.
  16. Mithra n’était point le Soleil chez les Perses : Anquetil a combattu et victorieusement réfuté l’opinion de ceux qui les confondent, et elle est évidemment contraire au texte du Zend-Avesta. Mithra est le premier des génies ou Jzeds créés par Ormuzd ; c’est lui qui veille sur toute la nature : de là est venue la croyance de quelques Grecs, qui ont dit que Mithra était le summus Deus des Perses. Il a mille oreilles et dix mille yeux. Les Chaldéens paraissent lui avoir assigné un rang plus élevé que les Perses. C’est lui qui a donné à la terre la lumière du Soleil ; le Soleil, nommé Khor (éclat) est ainsi un génie inférieur, qui, avec plusieurs autres génies, prend part aux fonctions de Mithra. Ces génies collaborateurs d’un autre génie sont appelés ses Hamkars, mais ils ne sont jamais confondus dans le Zend-Avesta. Dans les jours consacrés à un génie, le Persan doit réciter, non-seulement les prières qui lui sont destinées, mais celles qui lui sont destinées à ses Hamkars : ainsi l’hymne ou iescht de Mithra se récite dans le jour consacré au Soleil (Khor), et vice versâ. C’est probablement là ce qui parfois les a fait confondre ; mais Anquetil avait lui-même relevé cette erreur, qu’ont signalée Kleuker et tous ceux qui ont étudié le Zend-Avesta. Voyez la huitième dissertation d’Anquetil ; Kleuker, Anhang., part. III, p. 132. (Note de l’Éditeur.)
  17. Hyde, De rel. Pers., c. 8. Malgré toutes leurs distinctions et toutes leurs protestations, qui paraissent assez sincères, leurs tyrans, les mahométans, leur ont toujours reproché d’être adorateurs idolâtres du feu.
  18. Zoroastre était beaucoup moins exigeant en fait de cérémonies, que ne le furent dans la suite les prêtres de sa doctrine : telle a été la marche de toutes les religions ; leur culte, simple dans l’origine, s’est graduellement surchargé de pratiques minutieuses. La maxime du Zend-Avesta rapportée ci-après, prouve que Zoroastre n’avait pas attaché à ces pratiques autant d’importance que Gibbon paraît le croire. C’est ce que prouve cette maxime, citée par Gibbon lui-même : « Celui qui sème des grains avec soin et avec activité amasse plus de mérites que s’il avait répété dix mille prières. » Aussi n’est-ce point du Zend-Avesta que Gibbon a tiré la preuve de ce qu’il avance ; mais du Sadder, ouvrage très-postérieur. (Note de l’Éditeur.)
  19. Voyez le Sadder, dont la moindre partie consiste en préceptes de morale : les cérémonies prescrites sont infinies, et la plupart ridicules. Le fidèle Persan est obligé à quinze génuflexions, prières, etc., lorsqu’il coupe ses ongles ou satisfait à des besoins naturels, etc., ou toutes les fois qu’il met la ceinture sacrée. Sadder art. 14, 50, 60.
  20. Zend-Avesta, tome I, p. 224 ; et Précis du système de Zoroastre, tom. III.
  21. Hyde, De rel. Pers., c. 19.
  22. Le même, c. 28. Hyde et Prideaux affectent d’appliquer à la hiérarchie des mages les termes consacrés à la hiérarchie chrétienne.
  23. Ammien-Marcellin, XXIII, 6. Il nous apprend (si cependant nous pouvons croire cet auteur) deux particularités curieuses : la première, que les mages tenaient des brames de l’Inde quelques-uns de leurs dogmes les plus secrets ; la seconde, que les mages étaient une tribu ou une famille aussi-bien qu’un ordre.
  24. N’est-il pas surprenant que les dîmes soient d’institution divine dans la loi de Zoroastre comme dans celle de Moïse ? Ceux qui ne savent pas comment expliquer cette conformité peuvent supposer, si cela leur convient, que dans des temps moins reculés, les mages ont inséré un précepte si utile dans les écrits de leur prophète (*).
    (*) Le passage que cite Gibbon n’est point tiré des écrits de Zoroastre lui-même, mais du Sadder, ouvrage, comme je l’ai déjà dit, fort postérieur aux livres qui composent le Zend-Avesta, et fait par un mage pour servir au peuple : il ne faut donc pas attribuer à Zoroastre ce qu’il contient. Il est singulier que Gibbon paraisse s’y tromper, car Hyde lui-même n’a pas attribué le Sadder à Zoroastre, et fait remarquer qu’il est écrit en vers, tandis que Zoroastre a toujours écrit en prose. (Hyde, c. 1, p. 27.) Quoi qu’il en soit de cette dernière assertion, qui paraît peu fondée, la postériorité du Sadder est incontestable : l’abbé Foucher ne croit pas même que ce soit un extrait des livres de Zoroastre. Voyez sa dissertation déjà citée, Mém. de l’Acad. des inscript. et belles-lettres, t. XXVII. (Note de l’Éditeur.)
  25. Sadder, art. 8.
  26. Platon, dans l’Alcibiade.
  27. Pline (Hist. nat., l. XXX, c. 1) observe que les magiciens tenaient le genre humain sous la triple chaîne de la religion, de la médecine et de l’astronomie.
  28. Agathias, l. IV, p. 134.
  29. M. Hume, dans l’Histoire naturelle de la Religion, remarque avec sagacité que les sectes les plus épurées et les plus philosophiques sont constamment les plus intolérantes.
  30. Cicéron, De legibus, II, 10. Ce furent les mages qui conseillèrent à Xerxès de détruire les temples de la Grèce.
  31. Hyde, De rel. Pers., c. 23, 24 ; d’Herbelot, Bibliothéque orientale, au mot Zerdusht ; Vie de Zoroastre, t. II du Zend-Avesta.
  32. Comparez Moïse de Chorène, l. II, c. 74, avec Ammien-Marcellin, XXIII, 6. Je ferai usage par la suite de ces passages.
  33. Rabbi, Abraham, dans le Tarickh-Schickard, p. 108, 109.
  34. Basnage, Histoire des Juifs, 1, VIII, c. 3. Sozomène, l. II, c. 1. Manès, qui souffrit une mort ignominieuse, peut être regardé comme hérétique de la religion des mages aussi bien que comme hérétique de la religion chrétienne.
  35. Hyde, De rel. Pers., c. 21.
  36. Ces colonies étaient extrêmement nombreuses. Séleucus-Nicator fonda trente-neuf villes, qu’il appela de son nom ou de celui de ses parens. (Voyez Appien, in Syriac., p. 124.) L’ère de Séleucus, toujours en usage parmi les chrétiens de l’Orient, paraît, jusque dans l’année 508, la cent quatre-vingt-seizième de Jésus-Christ, sur les médailles des villes grecques renfermées dans l’empire des Parthes. Voyez les Œuvres de Moyle, vol. I, p. 273, etc., et M. Fréret, Mém. de l’Académie, t. XIX.
  37. Les Perses modernes appellent cette période la dynastie des rois des nations. Voyez Pline, Hist. nat., VI, 25.
  38. Eutychius (tom. I, p. 367, 371, 375) rapporte le siége de l’île de Mesène dans le Tigre, avec des circonstances assez semblables à l’histoire de Nisus et de Scylla.
  39. Agathias, II, 164. Les princes du Segestan défendirent leur indépendance pendant quelques années. Comme les romanciers, en général, placent dans une période reculée les événemens de leur temps, cette histoire véritable a peut-être donné lieu aux exploits fabuleux de Rostam, prince du Segestan.
  40. On peut à peine comprendre dans la monarchie persane la côte maritime de Gedrosie ou Mekran, qui s’étend le long de l’océan Indien, depuis le cap de Jask (le promontoire Capella) jusqu’au cap Goadel. Du temps d’Alexandre, et probablement plusieurs siècles après, ce pays n’avait pour habitans que quelques tribus de sauvages ichtyophages, qui ne possédaient aucun art, qui ne reconnaissaient aucun maître, et que d’affreux déserts séparaient d’avec le reste du monde. (Voyez Arrien, De reb. indicis.) Dans le douzième siècle, la petite ville de Taiz, que M. d’Anville suppose être la Tesa de Ptolémée, fut peuplée et enrichie par le concours des marchands arabes. (Voyez Géographie nubienne, p. 58, et Géographie ancienne, tom. II, p. 283.) Dans le siècle dernier, tout le pays était divisé entre trois princes, l’un mahométan, les deux autres idolâtres, qui maintinrent leur indépendance contre les successeurs de Shaw Abbas (Voyag. de Tavernier, part. I, l. V, p. 635).
  41. Pour l’étendue et pour la population de la Perse moderne, voyez Chardin, tom. III, c. 1, 2, 3.
  42. Dion, l. XXVIII, p. 1335.
  43. Pour connaître la situation exacte de Babylone, de Séleucie, de Ctésiphon, de Modain et de Bagdad, villes souvent confondues l’une avec l’autre, voyez une excellente dissertation de M. d’Anville, Mémoires de l’Académie, tom. XXX.
  44. Tacite, Ann., XI, 42 ; Pline, Hist. nat., VI, 26.
  45. C’est ce que l’on peut inférer de Strabon, l. VI, p. 743.
  46. Bernier, ce voyageur curieux qui suivit le camp d’Aurengzeb depuis Delhi jusqu’à Cachemire (Voyez Hist. des Voyages, tom. X), décrit avec une grande exactitude cette immense ville mouvante. Les gardes à cheval consistaient en trente-cinq mille hommes, les gardes à pied en dix mille. On compta que le camp renfermait cent cinquante mille chevaux, mulets et éléphans, cinquante mille chameaux, cinquante mille bœufs, et entre trois et quatre cent mille personnes. Presque tout Delhi suivait la cour, dont la magnificence soutenait l’industrie de cette grande capitale.
  47. Dion, l. LXXI, p. 1178 ; Histoire Auguste, p. 38. Eutrope, VIII, 10. Eusèbe, in Chron. Quadratus (cité dans l’Histoire Auguste ) entreprend d’excuser les Romains, en assurant que les habitans de Séleucie s’étaient d’abord rendus coupables de trahison
  48. Dion, l. LXXV, p. 1263 ; Hérodien, l. III, p. 120 ; Hist. Aug., p. 70.
  49. Les habitans policés d’Antioche appelaient ceux d’Édesse un mélange de Barbares. Il faut cependant dire, en faveur de ceux-ci, qu’on parlait à Édesse l’araméen, le plus pur et le plus élégant des trois dialectes du syriaque. M. Bayer a tiré cette remarque (Hist. Edess., p. 5) de George de Malatie, auteur syrien.
  50. Dion, l. LXXV, p. 1248, 1249, 1250. M. Bayer a négligé ce passage important.
  51. Depuis Oshroès, qui donna un nouveau nom au pays jusqu’au dernier Abgare, ce royaume a duré trois cent cinquante-trois ans. Voyez le savant ouvrage de M. Bayer : Historia. Oshroena et Edessena.
  52. Xénophon, dans la préface de la Cyropédie, donne une idée claire et magnifique de l’étendue de la monarchie de Cyrus. Hérodote (l. III, c. 79, etc.) rend un compte très-détaillé et très curieux de la division de l’empire en vingt grandes satrapies, par Darius-Hystaspes.
  53. Hérodien, VI, 209, 212.
  54. À la bataille d’Arbelles, Darius avait deux cents chariots armés de faux. Dans l’armée nombreuse de Tigrane, qui fut vaincu par Lucullus, on ne comptait que soixante-dix mille chevaux complètement armés. Antiochus mena cinquante-quatre éléphans contre les Romains. Ce prince, au moyen des guerres et des négociations fréquentes qu’il avait eues avec les souverains de l’Inde, était parvenu à rassembler cent cinquante de ces animaux ; mais on peut douter que le plus puissant monarque de l’Indostan ait formé sur le champ de bataille une ligne de sept cents éléphans. Au lieu de trois ou quatre mille éléphans que le grand Mogol avait, comme on le prétendait, Tavernier (Voyages, part. II, l. I, p. 198) découvrit, après des recherches exactes, que ce prince en avait seulement cinq cents pour son bagage, et quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour le service de la guerre. Les Grecs ont varié sur le nombre de ceux que Porus mena sur le champ de bataille ; mais Quinte-Curce (VIII, 13), qui dans cet endroit est judicieux et modéré, se contente de quatre-vingt-cinq éléphans remarquables par leur force et par leur grandeur. Dans le royaume de Siam, où ces animaux sont les plus nombreux et les plus estimés, dix-huit éléphans paraissent suffisans pour chacune des neuf brigades dont est composée une armée complète. Le nombre entier, qui est de cent soixante-deux éléphans de guerre, peut quelquefois être doublé. (Histoire des voyages, tom. IX, p. 260.)
  55. Histoire Auguste, p. 133.
  56. Voyez une note ajoutée au chap. 6, sur le règne d’Alexandre Sévère et sur cet événement. (Note de l’Éditeur.)
  57. M. de Tillemont a déjà observé que la géographie d’Hérodien est un peu confuse.
  58. Moïse de Chorène (Hist. d’Arménie, l. II, c. 71) explique cette invasion de la Médie, en avançant que Chosroès, roi d’Arménie, défit Artaxercès, et qu’il le poursuivit jusqu’aux confins de l’Inde. Les exploits de Chosroès ont été exagérés : ce prince agissait comme un allié dépendant des Romains.
  59. Voyez, pour le détail de cette guerre, Hérodien, l. VI, p. 209, 212. Les anciens abréviateurs et les compilateurs modernes ont aveuglément suivi l’Histoire Auguste.
  60. Eutychius, tom. II, p. 180, publié par Pococke. Le grand Chosroès-Noushirwan envoya le code d’Artaxercès à tous ses satrapes, comme la règle invariable de leur conduite.
  61. D’Herbelot, Bibl. orient., au mot Àrdshir. Nous pouvons observer qu’après une ancienne période remplie de fables, et un long intervalle d’obscurité, les annales de Perse ont commencé, avec la dynastie des Sassanides, à prendre un air de vérité.
  62. Hérodien, l. VI, p. 214. Ammien-Marcellin, l. XXIII, c. 6. On peut observer entre ces deux historiens quelque différence ; effet naturel des changemens produits par un siècle et demi.
  63. Les Perses sont encore les cavaliers les plus habiles, et leurs chevaux les plus renommés de l’Orient.
  64. Hérodote, Xénophon, Hérodien, Ammien, Chardin, etc., m’ont fourni des données probables sur la noblesse persane. J’ai tiré de ces auteurs les détails qui m’ont paru convenir généralement à tous les siècles, ou en particulier à celui des Sassanides.