Histoire de la Révolution française (Michelet)/Livre XVI/Chapitre 1

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LIVRE XVI


CHAPITRE PREMIER

CARRIER À NANTES. — EXTERMINATION DES VENDÉENS (DU 22 OCTORRE AU 13 DÉCEMRRE 1793).


Fautes de tous les partis. — Douleur de Kléber. — Carrier chargé d’en finir. — Les deux partis ne voulaient plus de grâce. — Barbarie des Vendéens. — Peur de Carrier. — Résistance qu’il trouve à Nantes. — Attitude des prisons et de la ville. — Le comité révolutionnaire. — Le créole Goullin. — Noyades. — Victoires du Mans et de Savenay, 12-13 décembre 1793. — Comment Carrier y contribua.


Mes lecteurs ont cru sans doute que décidément j’avais perdu de vue l’Ouest, qu’entraîné, comme enroulé dans le fil tourbillonnant de l’histoire centrale, je laissais échapper sans retour le fil trop divergent des affaires de la Vendée.

Le centre les oubliait. Les yeux sur Paris, sur le Nord, il faisait bon marché du reste. L’Ouest restait comme une île. Nantes pour s’approvisionner traitait avec l’Amérique. Sans la crainte d’une descente anglaise, on n’eût plus pensé, je crois, qu’il y eût une Vendée.

À Dieu ne plaise que j’imite cet oubli, que je manque si cruellement à la mémoire de nos pères, que j’abandonne là nos armées républicaines, que je ne donne à nos braves ma pauvre et faible expiation, de dire au moins comment ces hommes, invincibles aux grandes armées d’Allemagne, périrent dans les boues de l’Ouest, moins sous le feu des brigands que par l’ineptie de leurs chefs !

Si j’ai ajourné ce récit, c’est que j’ai voulu attendre que les événements eussent atteint leur maturité, que tout l’apostume eût crevé, et que cette histoire locale, éclatant dans un jour d’horreur aux yeux de la France, apparût en rapport étroit avec l’histoire même du centre, dont on la croyait séparée.

Les succès inattendus des Vendéens fugitifs, leur déroute qui suivit, la tragédie de Carrier, tout cela va fournir les plus terribles éléments à la tragédie centrale. Carrier, devenu légende, conté par toute la France comme une histoire de revenants, est immédiatement saisi comme une prise admirable, pour exterminer les partis.


Il faut d’abord établir que tous, Vendéens, Anglais et républicains, firent ce qu’il fallait pour échouer ; les Vendons par ineptie, les Anglais par timidité et le Comité de salut public par la dépendance où le tenaient les hébertistes (en octobre 1793).

Les Vendéens, on l’a vu, à la mort de Cathelineau, eux-mêmes énervèrent la Vendée en supprimant les élections de paroisses, désorganisant la guerre populaire qui se faisait d’abord par tribus et par familles, en étouffant la croisade dans un petit gouvernement de ci-devants et d’abbés. Pour comble ils irritèrent Charette et lui fournirent des prétextes de ne point aider au passage de la Loire (Mémoires manuscrits de Mercier du Rocher). Puisaye offrait de les mettre en Bretagne, et ils se moquèrent de lui.

Le gouvernement anglais montra une étrange inhabileté, bien en contraste avec l’idée qu’on se faisait à Paris du diabolique génie de Pitt. Il ne sut pas même profiter des étonnantes circonstances que la fortune semblait arranger exprès pour lui. La Vendée eût été trop heureuse de recevoir leur direction en cette dernière extrémité. Ils passèrent le temps à se demander si cette bande avait des chefs respectables, et autres questions anglaises. Ce n’est pas tout, ils chicanèrent, exigeant toujours un port et voulant savoir au juste ce qu’ils gagneraient à sauver, ces infortunés.

Enfin, pour achever les fautes de tous, le Comité de salut public, après avoir décidé sagement qu’il n’y aurait plus qu’une direction et un général, donna cette grande position à l’homme le plus capable de tout perdre en une fois, à l’inepte Léchelle d’abord, puis, quand il eut essuyé une sanglante défaite, à l’automate Rossignol, déjà parfaitement connu, méprisé, maudit de l’armée, éreintèe deux fois par lui. Et c’est au moment où les Montagnards de Nantes’écrivaient que ce Rossignol infailliblement allait être guillotiné, c’est alors, dis-je, " qu’on le fit général en chef de’toutes les armées de l’Ouest, qu’immédiatement il fit battre en ouvrant toute là Bretagne. Le remède de cet idiot, c’eût été de brûler Rennes ! et de faire venir un chimiste, surtout le citoyen Fourcroy, — pour analyser l’ennemi ! (11 et 25 novembre).

« Rossignol, lui disait Prieur (de la Marne), tu perdrais encore vingt batailles que tu n’en serais pas moins l’enfant chéri de la Révolution et le fils aîné du Comité de salut public. »

Je ne connais rien de plus tragique, dans toute l’histoire de la Révolution, que ce qui advint à Kléber, à sa pauvre armée mayençaise, quand cet imbécile de Léchelle leur eut fait subir leur première défaite. « Je voulus parler aux soldats, dit Kléber dans ses Notes, je voulais leur faire des reproches… Mais quand je me vis au milieu de ces braves gens, qui jusque-là n’avaient eu que des victoires, quand je les vis se presser autour de moi, dévorés de douleur et de honte… les sanglots étouffèrent ma voix, je ne pus proférer un seul mot et me retirai[1]. »

C’est précisément le moment où Carrier arrivait à Nantes. Tête faible, autant que furieuse, incapable de faire face à une telle situation (22 octobre 1793).

Carrier, vers la fin de septembre, y fut envoyé par le Comité de salut public. La descente anglaise paraissait probable. Nantes était devenue un centre d’inertie, malveillante, que Phelippeaux n’avait pu vaincre. Carrier le remplaça. On le choisit comme honnête homme d’une probité auvergnate (il venait de signaler le voleur Perrin), et dans la réalité il sortit pauvre de Nantes. Il avait juste à sa mort ce qu’il eut en 1789, un petit bien de dix mille francs. Il n’était point robespierriste, mais ami des extrémités, ami de Billaud-Varennes et nullement

ennemi d’Hérault. Hébertiste, il n’était pas moins équitable pour les dantonistes ; dans ses lettres, il rend justice à Merlin (de Thion ville), à Westermann, à Phelippeaux même.

La bataille de Wattignies n’étant pas gagnée encore, la terreur d’une descente qui nous prendrait par derrière faisait désirer d’en finir à tout prix avec l’Ouest. Les indulgents mêmes le voulaient ainsi. Merlin demanda « qu’on fit de la Vendée un désert ». Hérault écrivit à Carrier au nom du Comité : « Si ta santé le permet, va souvent de Rennes à Nantes… Il faut purger cette ville. Les Anglais vont arriver. Nous aurons le temps d’être humains, lorsque nous serons vainqueurs. »

Carrier était un homme très nerveux et bilieux, d’une imagination violente et mélancolique. Dans une lettre à Billaud (11 octobre), il exprime toute sa pensée, il se sent voué à la mort. Il dit, dans un dîner à Nantes, qu’il voyait bien qu’on se servait de lui pour le sacrifier ensuite. Eut-il des instructions secrètes ? Napoléon croit qu’il en eut et qu’on les lui enleva. La tradition nantaise est qu’il les portait sur lui dans une bourse de maroquin rouge, que Barère, Billaud et Collot dînèrent avec lui, le grisèrent et lui enlevèrent les pièces qui les compromettaient. Ces traditions sont romanesques. Sans imaginer ces mystères, on va voir que tout s’explique par la situation. Elle se trouva inattendue, effroyable, prodigieuse de trouble et de vertige. La tête de Carrier n’y tint pas.

C’était un grand homme sec, de teint olivâtre, dégingandé, à grands bras gesticulants et d’un geste faux, ridicule, s’il n’eût fait peur. Son signalement est celui que donne Molière de son fameux Limousin : habitude du corps grêle, barbe rare, cheveux noirs, plats, l’œil inquiet, l’air ahuri, égaré. De tels hommes sont rarement braves et très souvent furieux.

Tant qu’il ne fut pas à Nantes, toutefois il ne perdit pas l’esprit. Il écrivit de la Vendée que Merlin était l’homme indispensable à cette guerre. Il reçut avec humanité les Vendéens qui se rendaient, leur fit donner des vivres, leur parla avec douceur : c’est le témoignage que lui rend un de ses ennemis.

Il arriva à Nantes au moment de la grande terreur qu’y jeta le passage de la Loire. Tout le monde était aux retranchements qu’on achevait à la hâte. Les denrées n’arrivaient plus. Le peuple affamé voyait en face, sur l’autre rive, les brigands à mouchoirs rouges[2] qui venaient, sous son nez, lui couper les vivres, lui ôter le pain. Il trouvait dur de nourrir aux prisons ses ennemis. Dès 1792, c’était un cri populaire : « À l’eau les brigands ! » (Lettres de Goupilleau, 10 septembre 1792.)

Mme de La Rochejaquelein nous apprend qu’en octobre 1793, les Vendéens criaient de même : « Plus de grâce ! » C’était, dit-elle, l’exaspération causée par la mort de la reine. Mais avant, dès le 20 septembre, les Vendéens n’avaient-ils pas comblé le puits Montaigu des corps vivants de nos soldats, écrasés à coups de pierres ? Charette, en prenant Noirmoutiers (15 octobre), n’avait-il pas fait fusiller tous ceux qui s’étaient rendus[3] ?

On racontait des choses inouïs des Vendéens, des hommes enterrés jusqu’au col, pour que leur misérable tête, vivante et voyante, servît de jouet, des prisonniers mis au four, des femmes (exemple, la fille D…, à Cholet, morte récemment), lesquelles, d’une main délicate, allaient sur les champs de bataille, piquer à l’œil, de leurs longues aiguilles, nos soldats agonisants. Des patriotes échappés (j’en ai des lettres sous les yeux) disaient, chose plus diabolique, que les Vendéens n’étaient pas contents de tous les supplices, à moins qu’ils ne fussent infligés par de très proches parents ; ils obligeaient par exemple un garçon de dix-sept ans à assassiner son père, sauf à le sabrer ensuite.

Carrier, arrivant à Nantes, fut terrifié de la fureur du peuple. Il craignit d’être mis en pièces dans un moment de famine. Il reprocha aux corps administratifs de vouloir le faire périr, en rejetant sur lui l’embarras des subsistances.

Il exprimait cette peur, surtout quand on lui parlait d’indulgence : « Voulez-vous me mettre en danger ? disait-il. Ai-je le droit de faire grâce ? »

Le comité révolutionnaire, formé d’hommes de Phelippeaux, mais reflétant fidèlement le progrès de la fureur populaire, apparaissait à Carrier comme un œil ouvert sur lui. Dans une rare occasion, où Carrier élargit un homme, il recommanda qu’il partit, échappât à la surveillance du comité révolutionnaire[4]. Le comité, de son côté, qui, sous main, sauvait des enfants, craignait extrêmement Carrier.

Cet homme, tellement attentif à ne pas se compromettre, chercha sa sûreté en trois choses : ne point donner d’ordre écrit, s’attacher les pauvres en forçant les marchands de vendre au prix strict du maximum, enfin se débarrasser par tous les moyens des bouches inutiles. Vendre au rabais, même à perte. Les Nantais aimaient mieux mourir. Ils trouvèrent cent moyens ingénieux d’éluder la loi. Carrier se consumait d’efforts ; rien n’y faisait. Il employait les plus terribles menaces, jusqu’à dire : « La loi d’une main, la hache de l’autre, nous forcerons les magasins. » Par trois fois il entreprit l’opération impossible d’arrêter tous les marchands[5], même les revendeurs en détail. Ils fermaient ou se cachaient.

Carrier donnait des scènes de fureur épouvantable, attestant le ciel et la terre qu’on voulait le faire périr, le rendre victime de la rage du peuple affamé.

Quoiqu’il donnât trois francs par jour à la garde nationale, tout le monde, même les patriotes, était contre lui. Dans un accès de colère, il ferma pendant trois jours la société populaire, cette société de Vincent-la-Montagne, qui, seule véritablement dans cette ville représentait la Révolution.

Qui profiterait de cette scission déplorable des patriotes et de la folie de Carrier ?

Les royalistes constitutionnels, anglomanes et Girondins, si la flotte anglaise arrivait ;

Ou les royalistes purs, si la grande armée vendéenne se jetait sur Nantes.

Les constitutionnels, c’était le commerce et la ville presque entière ; ils opposaient à la défense une résistance sournoise, une grande force d’inertie.

Les royalistes purs, c’étaient généralement la masse des prisonniers, qui, collés à leurs barreaux, des hauteurs de Nantes, regardaient, appelaient sur la côte d’en face les écharpes rouges. C’étaient les prêtres enfermés aux pontons de la Loire, vrai centre, profond foyer de la contre-révolution, auquel tenait tout un monde d’intrigue et de dévotion, qui, par ruse, par argent et de cent manières,

communiquait avec eux, des femmes discrètes, hardies, qui faisaient les commissions, passaient sous leurs jupes lettres, proclamations et tout, allaient, venaient, sous mille prétextes que donnait surtout l’apport des denrées.

Tout cela était d’autant plus facile que les royalistes avaient des parents dans la garde nationale, généralement girondine. Chaque famille était ainsi divisée. L’esprit d’individualité est tel, dans ces malheureux pays, que six frères prennent six noms, et volontiers prendraient autant de partis différents. Donc nulle sûreté en personne. Et c’est ce qui donnait à la guerre un caractère embrouillé, inextricable, inguérissable. Misérable maladie, tenace, vraie gale maudite, où la peau ne se guérit qu’en tirant la chair après elle, emportant le malade même. Les royalistes en 1793, plus tard les républicains, ont péri. L’Ouest est devenu pâle, comme vous le voyez aujourd’hui.

L’âme de Charette était dans les prisons de Nantes autant qu’au camp de Charette. L’outrecuidance moqueuse des nobles prisonniers dépassait tout ce qu’on peut imaginer. Ils savaient toutes les nouvelles, les mauvaises surtout, et en triomphaient avant que la ville les sût. À chaque revers des nôtres, ils sautaient de joie, jetaient leurs vivres à la tête des gardiens. « Nous n’en avons plus besoin, disaient-ils ; l’armée du roi arrive ce soir. » Ils étaient fort mal nourris ; mais toute la ville l’était de même (c’est ce que dit Champenois, celui qui chassa Carrier). Plusieurs fois, ils essayèrent de prendre les armes ; l’ingénieur Rapatel, même avant Carrier, avait dit que les prisonniers cherchaient des instruments tranchants et voulaient s’unir à Charette.

Un fait certain, c’est que les proclamations de celui-ci paraissaient d’abord à Nantes, et pour une raison très simple ; elles s’imprimaient justement chez l’imprimeur de Carrier. Cet imprimeur, républicain d’opinion, mais Nantais d’abord, c’est-à-dire marchand, travaillait pour qui le payait. Le jour, portant le bonnet rouge (et sa femme de même, ses enfants, ses ouvriers, tous en bonnet rouge), il imprimait des choses rouges. La nuit, seul, en blanc bonnet, il imprimait à petit bruit les blanches proclamations, empochant impartialement les assignats et les guinées.

L’or anglais, irrésistible contre la monnaie de papier, créait partout aux royalistes des serviteurs pleins de zèle. Des cordonniers de Nantes (qui vivent encore) bâclaient au prix du maximum de mauvais souliers pour nos troupes ; les meilleurs, ils avaient l’honneur de les faire passer aux Messieurs de l’autre rive, à Vertou, à Saint-Sébastien. Les armuriers étaient de même. Quand Charette (dit son chroniqueur) ébréchait son sabre sur la tête des républicains, il l’envoyait, sinon à Nantes, à Paris même, où l’on s’empressait de le réparer[6].

Tout mouvement projeté à Nantes était à l’heure même connu, prévenu de l’autre côté de la Loire. C’était une chose magique. Nul moyen de saisir les communications.

On se rappelle la situation de la ville, en juin, lorsque l’accord admirable des Montagnards et des Girondins assura son salut. Ici tout est changé. La grande masse girondine (le commerce en majorité)

était infiniment suspecte. Ceux qu’on appelait sans-cullottes, uniquement parce qu’ils étaient pauvres, n’avaient d’opinion que la faim. Les marins ne naviguaient plus, les cordiers ne filaient plus, les pêcheurs ne péchaient plus, les poissonnières ne vendaient plus ; celles-ci, mobiles et furieuses, changèrent de partis trois fois en deux ans[7].

Les patriotes se comptèrent ; je crois qu’ils n’étaient pas cinq cents. Et pour chefs ils avaient un fou !

Ils jugèrent la situation exactement du point de vue du radeau de la Méduse, ou comme dans un vaisseau négrier qui enfonce sous sa cargaison.

L’homme qui dit le mot fatal était une tête volcanique, arrivée de Saint-Domingue, un planteur. Nous avons dit que le premier des massacreurs de Paris avait été de même un planteur, Fournier dit l’Américain.

Nantes, fort engraissée de la traite, riche, splendide en 1789, parlant beaucoup de liberté, vit avec effroi Saint-Domingue faire écho à ses paroles, et fut tout à coup submergée d’un monde de réfugiés qui arrivait d’Amérique. Il y avait bon nombre de nègres ; elle les enrégimenta, en fit d’excellents escadrons très braves, mais très féroces, terribles aux prisonnières surtout. Les nègres disaient : « Ce sont nos esclaves. »

Des créoles réfugiés le plus brillant était Goullin, homme du monde, homme élégant, spirituel, éloquent même, doué d’une fine et exquise sensibilité nerveuse (il ne pouvait voir la mort) ; et, en même temps, chose étrange, ignorant tout à fait le prix de la vie humaine, manquant d’un sens entièrement, celui de l’humanité. Qu’est-ce que la vie aux colonies ? Que pèse celle d’un nègre ? Un prisonnier, pour Goullin, n’était rien qu’un nègre blanc.

Le malheur voulut encore que ce violent créole qui influa sur le sort de Nantes, autant que Carrier, était, comme lui, maladif. Il sortait, en 1793, d’une grande maladie nerveuse, dont il avait conservé l’irritabilité, la fébrile exaltation. Elle pouvait le porter au crime ou à l’héroïsme.

Les hommes dans cet état ont des puissances terribles. Tout lui cédait. Le comité révolutionnaire était en lui seul. Chaux, secrétaire de Phelippeaux, était un patriote ardent, brutal, de peu de tête. L’ex-notaire Bachelier, fin et doux, faux par faiblesse, avait peu d’initiative. Goullin l’a dit plus tard en justice : « Moi seul, j’ai tout fait… Moi seul, j’ai droit de mourir. » Ce qui saisit le jury ; il fut condamné à vivre[8].

Le 15 juin 1793, Goullin avait eu l’heureuse initiative de réunir dans Saint-Pierre et de faire fraterniser, manger ensemble les partis réconciliés, qui jurèrent de défendre Nantes.

Le même homme, au 8 novembre, quand les républicains défaits ne couvrirent plus Nantes, quand elle se voyait sans troupes, quand les prisonniers attendaient les Vendéens d’heure en heure, prit encore l’initiative, mais celle-ci effroyable, de mettre à mort les prisonniers, et, par ce coup de terreur, de s’emparer vraiment de Nantes, de vaincre la force d’inertie du commerce et des Girondins, de sorte que cette ville énorme, si riche en dessous, s’ouvrît, livrât ses ressources et, se donnant tout entière, devînt une machine de guerre pour arrêter l’ennemi.

Le tribunal révolutionnaire, présidé par un avocat, Phelippes Tronjolly, d’opinion très douteuse et prodigieusement craintif des futures réactions, ne voulait agir que sur pièces ; il exigeait des témoins. Nul témoin n’eût osé venir, étant parfaitement sûr d’être assassiné au retour. Restaient les commissions militaires, et rien n’empêchait d’y avoir recours dans l’état de siège où était la ville. Les décrets de mars et d’août étaient très précis. On pouvait les appliquer. Dix fois, vingt fois, à la tribune, on les avait commentés, et de la manière la plus rigoureuse. Le sens n’en était pas douteux.

Dès le mois de mai, l’encombrement des prisons avait été épouvantable ; une épidémie commençait (Registres du département). Tout le remède que les Girondins avaient imaginé, c’était, de temps à autre, d’élargir au hasard les prisonniers, qui se moquaient d’eux, passaient l’eau et joignaient Charette. Cette méthode de donner des soldats à l’ennemi ne pouvait guère être suivie au moment où la grosse armée vendéenne était près de tomber sur Nantes.

On prit le moyen opposé à celui des Girondins : tuer tout. Les commissions militaires et les fusillades y auraient suffi. On y ajouta un affreux supplément, furtif dans le commencement, hypocrite, sans tromper personne. Ce fut de se passer de tout jugement, et nuitamment, furtivement, de vider les prisons dans la Loire.

Cette invention d’un supplice que la loi n’autorise point, était un crime contre elle ; elle en encouragea un autre, les mitraillades de Lyon, qui eurent lieu trois semaines après.

Carrier n’ignorait nullement la responsabilité qu’il encourait. Il refusa tout ordre écrit. Point d’ordre et point d’exécuteur. Rien d’organisé encore. Ce fut presque seuls, eux-mêmes, et en grande partie de leurs mains, que ces furieux patriotes firent l’horrible exécution.

On avait vu une chose étonnante à Rochefort, qui révèle le fanatisme de ce temps. Quand on y prit les officiers de l’Apollon qui avaient livré Toulon, il n’y avait point de bourreau. Le représentant Lequinio, dans la société populaire, demanda s’il se trouvait un homme dévoué qui voulût être le vengeur du peuple (cela s’appelait ainsi). Un jeune homme, nommé Ance, jusque-là irréprochable, se leva, dit : « Moi. » Dix autres s’offrirent alors. Mais Lequinio donna la préférence au premier et le fit manger avec lui. Lequinio, si terrible en 1793, est précisément celui dont les vives réclamations en 1794 arrêtèrent dans la Vendée le massacre et l’incendie.

Ce fut à la descente de la Loire, au-dessous de la ville, devant l’embouchure de la Sèvre et comme devant Charette, que le comité de Nantes noya d’abord quatre-vingts prêtres. La rive gauche frémit du coup, et le contre-coup dans Nantes frappa ce monde mystérieux de femmes et d’agents secrets qu’on ne savait où saisir.

C’étaient ces prêtres que la population voulait noyer elle-même (en septembre 1792). Elle ne prit pas mal la chose[9]. On y trouva sur-le-champ des gens de bonne volonté qui se firent exécuteurs.

Une tentative de révolte aux prisons amena une seconde noyade (nuit du 9 au 10 décembre).

Carrier, quoiqu’il n’eût donné aucun ordre écrit, n’était pas trop rassuré du côté de la Convention. Il la tâta par cette lettre étrange où les choses semblaient attribuées au hasard. Après avoir annoncé un succès, il ajoutait : « Mais pourquoi faut-il que cet événement soit accompagné d’un autre ? Cinquante-huit prêtres, la nuit dernière, ont été engloutis dans cette rivière… Quel torrent révolutionnaire que cette Loire ! »

Plus tard, il écrivit à la Convention que les prisonniers arrivaient par centaines, que désormais il les ferait fusiller.

Le terrible nœud de la Vendée venait d’être tranché, il faut le dire, par hasard. Les Vendéens avaient échoué dans leur attaque de Gran ville ; la flotte anglaise n’avait pas paru pour les soutenir. Ils revenaient débandés, n’obéissant à personne, croyant, non sans apparence, que tels de leurs chefs voulaient les abandonner. Terribles encore par l’excès du désespoir et des misères, ils pouvaient se jeter en Bretagne. Ils revinrent plutôt mourir sur la route de leur pays. Ils coururent jusqu’à la Loire, ne purent passer, remontèrent au Mans. Chose étrange ! les républicains attendaient un général en un tel moment ! Marceau avait l’intérim ; personne n’obéissait. Westermann courait en avant, et, derrière Marceau, Kléber rejoignait comme il pouvait. Westermann, arrivant aux portes du Mans, n’attendit pas un moment, s’y précipita. Marceau le pria de s’arrêter et de prendre position : « Ma position est au Mans ! » Marceau le suit et fait dire à Kléber d’accourir. On se bat toute la nuit. Ce ne fut qu’au jour qu’une charge à la baïonnette emporta la résistance. La déroute fut épouvantable. La Vendée ne s’en est jamais relevée.

Une part considérable dans cette victoire appartenait aux administrations de Nantes, au comité, à la société populaire, et, il faut le dire, à Carrier. C’est le témoignage que lui rend, dans ses lettres, son ennemi Goupilleau, qui ne le ménage pas et signale en même temps ses fureurs absurdes. Il s’était montré zélé et actif, avait réussi, dans cet abandon du centre, à chausser, habiller l’armée, ayant mis les draps, les cuirs en réquisition, ayant créé des ateliers révolutionnaires pour faire les habits, les souliers ; il en envoyait à l’armée six cents paires par jour. Aux moments les plus décisifs, il agit avec à-propos. Lorsque les Vendéens arrivèrent devant Granville, croyant voir venir les vaisseaux anglais, ce furent deux canonnières envoyées par Carrier qui vinrent au contraire et tirèrent sur eux. Une petite Vendée qui se formait dans le Morbihan fut à l’instant étouffée en deux combats par les généraux Avril et Cambrai, qu’il y dépêcha. Angers, sans vivres, au moment où les brigands fondirent sur elle, vit, le soir, arriver quarante charrettes de pain, qui, de Nantes, avaient fait les vingt lieues au grand galop. Tous les bâtiments furent saisis sur la Loire ; les Vendéens ne trouvèrent pas deux barques pour repasser. Leurs radeaux furent fracassés par les chaloupes canonnières de Carrier, qui, rangées en file, balayèrent le fleuve et en noyèrent des milliers. Il garda de même la Vilaine, leur ferma ainsi la Bretagne, en sorte qu’ils vinrent s’enfourner, se faire écraser au triangle de Savenay.

Les Auvergnats de Carrier (troisième bataillon du Cantal) se lancèrent dans la Vendée ; unis aux troupes qu’on envoyait de l’armée du Nord, ils reprirent l’île de Noirmoutiers. La côte fut fermée aux Anglais.

  1. Le livre le plus instructif sur l’histoire de la Vendée (j’allais dire le seul) est celui de Savary, père du membre de l’Académie des Sciences: Guerres des Vendéens, par un officier, 1824. Dans les autres, il y a peu à prendre. Ce sont des romans qui ne soutiennent pas l’examen ; les noms, les dates, les faits, presque tout y est inexact, faux, impudemment surchargé de fictions. Je le sais maintenant à mes dépens, après avoir perdu des années dans la critique inutile de ces déplorables livres. Savary donne les vraies dates et un nombre immense de pièces ; les notes de Canclaux, de Kléber et d’Obenheim y ajoutent un prix inestimable.

    L’Histoire de Nantes, de Mellinet, m’avait donné quelque espoir ; l’auteur avait à sa disposition les riches dépôts de cette ville ; il en a bien mal profité. 11 adopte, par complaisance pour la bourgeoisie girondine, toutes les rancunes de ce parti, suit servilement toutes les traditions hostiles à la Montagne. Rien de plus confus que son récit de l’époque de Carrier ; il copie, sans choix, sans dates, tous les on dit du procès, les erreurs même qui ont été prouvées telles avant le jugement (des cavaliers, par exemple, qui s’étaient rendus et qu’on avait fusillés, et qu’on retrouva vivants) — Le livre estimable de M. Guépin, très abrégé, n’a pu corriger Mellinet. — Il m’a donc fallu marcher seul, préparer un travail immense, que les proportions resserrées d’une histoire générale, comme est celle-ci, ne me permettent pas d’insérer. À peine en donné-je quelques résultats. Les actes imprimés, inédits, en ont été la base, avec un nombre considérable de pièces du temps qu’ont mises à ma disposition M. Dugast-Matifeux (j’ai dit combien je lui devais) ; M. Guéraud-Francheteau, jeune et savant libraire, très spécial pour l’histoire des Marches ; M. Chevas enfin, auteur de plusieurs ouvrages estimés, spécialement de la Police municipale de Nantes, lui-même vivantes archives d.3 la Loire-Inférieure, prodigieusement érudit dans toutes les histoires de communes et de familles. Les nuances d’opinions qui pouvaient me séparer de ces savants n’ont nullement diminué leur infatigable obligeance.

  2. La pauvre ville de Cholet, si cruellement ravagée et qui un moment n’eut plus d’habitants que les chiens vivant de cadavres, avait fourni contre elle-même ces mouchoirs, insignes de la guerre civile. La fabrique des mouchoirs, populaire par toute la France, y fut, dit-on, fondée vers 1680 par les Lebreton. Au temps de la Révolution, elle fut illustrée par les Cambon (de Montpellier), nombreuse famille qui avait colonisé à Cholet.
  3. Piet, Histoire de Noirmoutiers. Ouvrage très rare et curieux, que l’auteur a tiré à seize exemplaires. (Bibliothèque de Nantes.)
  4. Un armateur devait partager une prise fort considérable avec le capitaine Dupuy. L’armateur dénonce Dupuy. La mère d’un de mes amis, bon et brave patriote, prend sur elle d’aller voir Carrier.

    « Ton Dupuy, lui dit celui-ci, me fait l’effet d’être vraiment un b de royaliste. Ce serait dommage pourtant qu’il ne mourût pas pour son royalisme, qu’il mourût pour un ennemi. Prends cet ordre, et qu’il se sauve ; mais surtout que l’affaire ne soit pas sue du comité. »

  5. Y avait-il alors, comme le croyait Carrier, un parti pris d’affamer Nantes ? Je ne le crois pas. Mais la chose est certaine pour 1793. J’avais tou- jours douté de ces pactes de famine. J’en ai trouvé la preuve écrite dans les notes du plus croyable, du plus modéré des hommes, M. Grelier, excellent administrateur. Ces curieuses notes se trouvent dans la Biogr. de Grelier, par M. Guéraud.
  6. On ne devinerait pas l’impertinence du beau monde d’autrefois, si je ne rapportais l’acte singulier qui suit, écrit par Philippe Tronjolly, magistrat très modéré, favorable aux royalistes : « 30 juin 1793, a été conduit au département un particulier, vêtu d’une veste bleue, mouchoir de col rouge, bonnet blanc, chapeau très mauvais, culotte brune et gilet idem. Dans l’une de ses poches, il s’est trouvé six cartouches, une poudrière, un chapelet, trois bouts de chapelet, un couteau, un sac à tabac, cinq assignats de 10 sous, deux de 15, un de 5, un billet de confiance de la commune de Saint-Jacques de 2 sols, deux cartes de la commune de Rennes, chacune de 5 sols, et quatre petits papiers écrits et une tabatière en buis. Et nous avons procédé à l’interrogatoire, ainsi qu’il suit : — Interrogé de ses nom, surnoms, âge, qualités, profession et demeure. Rép. S’appelle André Le Roue, n’ayant pas de barbe sous le nez, qu’il se fera toujours raser de frais. Représenté à l’interrogé que la réponse ne satisfait pas à notre interrogat, et que nous l’interpellons au nom de la loi de répondre d’une manière catégorique, il persiste à dire qu’il s’appelle A. Le Roue, qu’il demeure dans l’étable. — Dans quelle municipalité demeurez-vous ? La municipalité des haies. — Représenté à l’interrogé qu’il contrefait l’imbécile et se joue de la loi, l’interpellant de dire son âge et son état. Répond qu’il faut aller le demandera sa mère qui doit savoir l’âge qu’il avait lorsqu’elle le mit au monde. — Représenté à l’interrogé six cartouches et une poudrière, sommé de nous déclarer l’usage qu’il en voulait faire. Répond que c’était pour faire de la fumée. Interrogé d’où il vient et où il a couché la nuit dernière. Répond qu’il vient de la métairie d’auprès de la campagne, qu’il a couché dans l’étable de la métairie. D. À quelle distance est située cette métairie ? R. Quelle est la plus proche à droite ou à gauche ? D. N’avez-vous pas été arrêté, ce jour, à Nantes, rue Richebourg ? R. Qu’oui. Interrogé sur ce qu’il était venu faire à Nantes, s’il y arrivait ou, s’en retournait. — R. Qu’il arrivait et qu’il était passant. Représenté à l’interrogé que la garde qui l’a arrêté a dit au contraire qu’il sortait de Nantes. R. Qu’il rentre par un côté et qu’il sort par l’autre. Sommé de déclarer pourquoi il est en contradiction. Répond que, s’il pouvait p... encore, il répondrait. Interrogé quelles personnes il connaît à Nantes ou dont il est connu. R. Qu’il est connu de la bique, sa mère. Interrogé qui lui a remis les quatre billets ou papiers écrits trouvés sur lui. R. Que ce sont ceux qui les lui ont donnés. Sommé de nous dire leur nom et leur demeure. R. Que nous pouvons y regarder. — A cet endroit, nous étant aperçu que ledit particulier avait mal à une jambe, nous lui avons fait tirer le bas qui la couvrait et nous avons aperçu une blessure qui nous a paru l’effet d’une balle. Nous l’avons interpellé à dire d’où provenait cette blessure. R. Qu’elle provient de ce qu’il a sauté la haie. Sommé de nous dire si elle n’est pas l’effet d’un coup de fusil ou autre arme à feu. R. Que non, qu’elle lui a été faite par une écotte en sautant une haie. D. Quel jour ? R. Le jour où il se la fit, au matin ou au soir. Nous avons représenté à l’interrogé que, quoique velu en habitant des campagnes, la chemise dont il est couvert est d’une toile tellement fine qu’il n’est pas possible de croire, surtout lorsqu’on examine le dedans de ses mains, qu’il soit un laboureur ou exerce un état mécanique. R. Que si nous trouvons sa chemise trop sale, il faut lui en donner une autre. Interrogé s’il ne serait point un prêtre. R. Que sia, qu’il dit tous les jours la messe. Interrogé où il l’a dite aujourd’hui, — a répondu : Comment vous appell’ous. — Tels sont ses interrogatoires dont lecture lui a été faite, a déclaré qu’ils sont véritables, et ne savoir ni lire ni écrire. « Phelippes »
  7. En 1792, des dames de la bourgeoisie girondine, irritées contre les couvents, ateliers de la guerre civile qui leur enlevait leurs amants, étaient allées battre et fouetter les religieuses des Couets. Les poissonnières, habilement ameutées par les royalistes, allèrent fouetter les fouetteuses. Elles étaient donc royalistes ? Point du tout. En 1793, dans la cherté des vivres, elles criaient : « Vive Carrier ! A l’eau les brigands ! » En 1794, la sensibilité revint, l’intérêt aussi, et le ménagement des grosses pratiques ; elles allèrent déposer contre Carrier.
  8. J’ai sous les yeux l’autographe du dernier mot lu par Goullin, dans la nuit du 15-16 décembre 1794, au moment où le jury se retirait pour prononcer sur son sort. L’écriture est belle, facile, chaleureuse et vivante, très visiblement hardie : « Ce n’est pas pour moi que je prends la parole… Pendant le cours entier de la procédure, je fus constamment vrai. Je tâchai même d’être grand sur la sellette comme on me reproche de l’avoir été dans le fauteuil du comité. Mais je n’ai rempli que la moitié de mon devoir. L’heure de la liberté ou de la mort va sonner, et ce n’est pas à l’instant du péril que Goullin reculera. Enfiévré de patriotisme, poussé jusqu’au délire par l’exemple de Carrier, je fus plus coupable à moi seul que le comité tout entier. C’est moi qui fis passer dans l’âme de mes collègues cette chaleur brûlante dont j’étais consumé. C’est leur excès de confiance dans mon désintéressement, mon républicanisme, mes vertus, j’ose le dire, qui les a perdus. Je suis, avec les intentions les plus pures, le bourreau de mes camarades. S’il faut des victimes au peuple, je m’offre. Indulgence pour eux ! Que le glaive de la loi s’appesantisse sur moi seul ! Que j’emporte dans la tombe la consolation de sauver la vie à des frères, à des patriotes ! Mon nom, si la Loi le proscrit, vivra du moins dans la mémoire de ceux pour lesquels je me dévouai. Puisse mon sang consolider la République !… Puisse-t-il imprimer une leçon terrible aux fonctionnaires audacieux qui seraient tentés de méconnaître les lois et d’outrepasser leurs pouvoirs. » (Collection de M. Dugast-Matifeux.)
  9. Si l’on n’aie souvenir des scènes de la retraite de Moscou, il est impossible de comprendre l’état de démoralisation, d’abandon de soi et de tout, où était la ville de Nantes. Un marchand qui vit encore faisait naguère à un de nos amis l’étonnant aveu qu’on va lire : « Nous étions épuisés de jeûnes et de veilles ; de trois nuits, nous en passions deux. Une nuit, deux de nos camarades défaillirent dans une patrouille ; nous les mîmes sur des brancards et les emportâmes. Mais les forces nous manquèrent aussi… Le croira-t-on ? J’ai peine à le croire moi-même… Nous posâmes les brancards et les laissâmes en pleine rue. Le lendemain, ils étaient morts ; on les retrouva gelés. » Des gens qui s’abandonnaient eux-mêmes à ce point devaient, à plus forte raison, se soucier peu de la vie des Vendéens, auteurs d’une telle misère.