Histoire de Miss Clarisse Harlove/Lettre 375

Traduction par Abbé Prévost.
Boulé (IIp. 552-553).


Milord M à M Belford.

au château de M. 29 septembre.

Mon neveu, cher M Belford, est à la veille de partir pour Londres, dans le dessein de vous embrasser et de se rendre aussi-tôt à Douvres. Que Dieu l’accompagne, et le conduise heureusement hors du royaume ! Je crois que vous le verrez lundi ; faites-moi la grâce de m’informer de ses dispositions, et de m’écrire naturellement si vous le croyez tout-à-fait revenu à lui-même. M Mowbray et M Tourville l’accompagneront jusqu’à la mer : mais ce que je vous recommande instamment, c’est de lui faire éviter la rencontre du colonel Morden ; je serais au désespoir qu’il arrivât quelque chose entre eux. Vous m’avez donné avis que le colonel laisse échapper des menaces ; mon neveu ne les souffrirait pas ; il faut bien se garder de l’en instruire. Mais je me flatte qu’il n’y a rien à craindre, parce qu’on m’assure, d’un autre côté, que le colonel a cessé de menacer. C’est pour son propre intérêt que je m’en réjouis ; car, au jugement de tout le monde, il n’y a personne qui égale mon neveu à toutes sortes d’armes. J’aimerais autant qu’il fût moins brave ; il en serait moins entreprenant.

Nous nous appercevrons bientôt ici que ce jeune fou nous manque : il est certain que personne n’est de meilleure compagnie, quand il le veut. Mais ne vous arrive-t-il jamais de faire un voyage de trente ou quarante milles ? Je serais charmé de vous voir au château de M. Ce serait une charité, après le départ de mon neveu ; car nous supposons que vous serez son principal correspondant. Il a promis néanmoins d’écrire souvent à mes nièces ; mais il oublie facilement ses promesses, sur-tout celles qu’il fait à ses parens. Que le ciel nous bénisse tous !

M.