Histoire de Miss Clarisse Harlove/Lettre 332

Traduction par Abbé Prévost.
Boulé (IIp. 477).


M Belford à Miss Clarisse Harlove.

samedi, 19 d’août.

Madame,

je crois que l’honneur m’oblige de vous communiquer la crainte où je suis que M Lovelace ne se détermine à tenter son sort par une visite qu’il pense à vous rendre. Fasse le ciel que vous puissiez consentir à le recevoir ! Je vous garantis que vous verrez dans sa conduite, un respect porté jusqu’à la vénération, et toutes les marques d’un véritable repentir. Mais comme je suis forcé de partir pour Epsom, où je crains d’être appelé pour rendre les derniers devoirs à M Belton, que vous pouvez vous souvenir d’avoir vu, il me semble à propos, dans l’opinion que j’ai des résolutions de M Lovelace, de vous prévenir par cet avertissement, afin que son arrivée ne vous jette pas dans une trop grande surprise. Il se flatte que votre maladie n’est pas aussi dangereuse que je la représente. Lorsqu’il aura l’honneur de vous voir, il sera convaincu que ce qu’il peut faire de plus obligeant pour votre santé, est aussi ce qu’il y a de plus convenable pour son repos ; et j’ose vous assurer que, dans la crainte de nuire à votre rétablissement, il s’interdira toute autre visite, du moins pendant que vous serez dans une si fâcheuse situation. Ainsi le choc d’une demi-heure, si l’on peut donner ce nom à la vue d’un homme qui ne fait que relever lui-même d’une fièvre dangereuse, est tout ce que vous avez à redouter. Je me flatte que cet avis ne vous alarmera point, et ne vous fera rien entreprendre à la hâte. Il est impossible que M Lovelace soit à Londres avant lundi, et même au plutôt. S’il s’obstine à s’y rendre, j’espère être avant lui chez M Smith.

J’ai l’honneur, madame, d’être avec la plus profonde vénération, votre, etc.


M Lovelace à M Belford.

dimanche, 20 d’août.

Que tu as le cœur impitoyable ! Il n’est pas besoin de conscience, avec un pédagogue aussi impertinent que toi. J’ai péché, je me repens ; je n’aspire qu’à réparer mes fautes. On me pardonne, on accepte mon repentir ; mais on m’interdit la réparation. Quel parti veux-tu que je prenne ?

Ne perds pas un moment pour faire ta visite au pauvre Belton. Mais, soit que tu partes ou que tu demeures, il faut que je me rende à Londres, et que j’essaie moi-même ce que je puis obtenir de ma chère inflexible. Au moment que ces tyrans de médecins me laisseront libre, assure-toi que je pars. Milord juge lui-même qu’elle doit m’accorder une entrevue. Son opinion est d’une grande autorité pour moi, lorsqu’elle s’accorde avec la mienne. Je me suis engagé à lui, à mes deux cousines, de me conduire avec toute la décence et tout le respect qu’on doit à ce qu’on adore. Je