Histoire de Miss Clarisse Harlove/Lettre 174

Traduction par Abbé Prévost.
Boulé (IIp. 62).

Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

mardi, 9 mai. Si vous approuvez, ma chère, le projet de s’adresser à mon oncle Harlove, je souhaiterais que ce fût le plus promptement qu’il sera possible. Je suis plus mal que jamais avec M Lovelace. Je me tiens renfermée pour ne pas le voir. L’offense à la vérité n’est pas des plus graves. Cependant elle l’est assez. Il s’en est fallu peu qu’il ne m’ait pris une lettre, et même une des vôtres. Mais il ne m’arrivera plus d’écrire, ou de relire aucun de mes papiers dans une salle où il s’attribue le droit d’entrer. Heureusement qu’il n’en a pu lire une ligne, pas une ligne, je vous en réponds. Ainsi soyez sans inquiétude, et comptez à l’avenir sur mes précautions. Voici l’aventure. Le soleil donnant sur mon cabinet, et M Lovelace étant sorti… à présent, continue-t-elle, je suis plus convaincue que jamais qu’avec le pouvoir qu’il a sur moi, la prudence ne me permet pas de demeurer plus long-temps avec lui. Si mes amis m’accordaient la moindre espérance !… mais jusqu’à l’éclaircissement que j’attends de vous, je crois devoir jouer un rôle dont je n’ai pas encore été capable, c’est d’entretenir cette querelle ouverte. Une affectation de cette nature me rendra petite à mes propres yeux ; car c’est marquer plus de ressentiment que je n’en puis avouer ; mais il faut la compter entre les conséquences d’une fatale démarche que je ne cesserai jamais de déplorer.