Histoire de Jules César/Livre IV/Chapitre 3

Plon (Tome 2p. 371-392).

CHAPITRE TROISIÈME.

ÉVÉNEMENTS DE L’AN 698.

Présence à Rome de Ptolémée Aulètes.

I. Les consuls précédents venaient d’être remplacés par Cn. Cornelius Lentulus Marcellinus et L. Marcius Philippus ; celui-ci allié de César, dont il avait épousé la nièce Atia[1]. Vainement les premiers magistrats se succédaient tous les ans, le changement des personnes n’en amenait aucun dans l’état de la République.

Vers cette époque, survint un fait qui montra à quel degré de mépris étaient tombées les lois et la morale. Ptolémée Aulètes, roi d’Égypte, père de la fameuse Cléopâtre, haï de ses sujets, s’était enfui d’Alexandrie, et, vers la fin de 697, était parti pour Rome, malgré les conseils de M. Caton, qu’il avait rencontré à Rhodes. Il venait solliciter la protection de la République contre les Égyptiens, qui, en son absence, avaient donné la couronne à sa fille Bérénice. Il avait obtenu le titre, si recherché alors, d’ami et d’allié du peuple romain, en achetant les suffrages d’un grand nombre de personnages considérables, ce qui l’avait obligé d’établir de lourds impôts sur ses sujets. Il fut d’abord bien accueilli, car on savait qu’il apportait son trésor, prêt à le distribuer à de nouveaux protecteurs. Pompée le logea dans sa maison[2] et se déclara publiquement en sa faveur. Mais les Égyptiens, instruits de son départ, envoyèrent une ambassade composée de plus de cent personnes pour défendre leur cause ; la plupart furent tuées en route par des émissaires de Ptolémée ; les autres, effrayées ou corrompues à prix d’argent, ne s’acquittèrent pas de leur mission[3]. Cet événement fit tant de bruit, que Pavonius, appelé le singe de Caton, parce qu’il imitait son austérité, dénonça au sénat la conduite de Ptolémée, et ajouta qu’un des députés égyptiens, nommé Dion, confirmerait toutes ses assertions. Dion n’osa point paraître, et, à peu de temps de là, fut assassiné. Malgré ce crime, Pompée conserva à Ptolémée son amitié, et l’on n’osa pas poursuivre l’hôte d’un homme si puissant[4].

Plusieurs projets furent mis en avant pour replacer le roi d’Égypte sur le trône, et cette entreprise, qui promettait gloire et profit, excitait l’ambition de chacun. Ceux qui, probablement, y étaient opposés, proposèrent de consulter les livres sibyllins, qui répondirent : « Si le roi d’Égypte vient vous demander du secours, ne lui refusez pas votre amitié, mais ne lui accordez aucune armée. » Caius Caton, tribun du peuple, parent de M. Porcius Caton, et cependant son adversaire, s’empressa de divulguer cette réponse, quoiqu’il ne fût pas permis, sans un décret du sénat, de publier les oracles sibyllins[5]. Le sénat décréta que le roi d’Égypte serait replacé sur son trône par des magistrats romains, sans intervention armée[6]. Mais cette mission était fort disputée : les uns voulaient en charger Lentulus Spinther, les autres Pompée, avec obligation de n’employer que deux licteurs ; la jalousie des prétendants y fit bientôt renoncer. Ptolémée, perdant tout espoir, quitta Rome et se retira à Éphèse[7]. Il fut plus tard rétabli sur son trône par Gabinius.


Clodius nommé édile. Procès de Milon.

II. Les élections pour l’édilité avaient eu lieu le 11 des calendes de février de l’année 698 (28 décembre 697), et, grâce à beaucoup d’argent répandu, Clodius avait été nommé édile[8]. À peine revêtu de cette charge, qui le mettait à l’abri des poursuites de Milon, il attaqua son accusateur comme coupable d’attentat à main armée, le même crime précisément que Milon lui reprochait. Ce n’était pas Milon qu’il avait en vue, mais ses puissants protecteurs. En outre, alléguant des auspices défavorables, ou faisant agir quelques tribuns du peuple, il s’opposait absolument à la présentation par les consuls de toute affaire publique de quelque importance, sans en excepter la loi curiate, qui décernait le commandement aux proconsuls et aux propréteurs[9].

Le procès dont Clodius le menaçait inquiétait fort peu Milon, qui n’avait rien rabattu de son audace habituelle. En effet, à une époque où un personnage politique ne pouvait être en sûreté que sous l’escorte d’une bande armée, il était difficile de condamner Milon pour avoir des gladiateurs à sa solde, surtout lorsque ses ennemis avaient donné l’exemple de recourir à de tels auxiliaires.

La lutte judiciaire allait commencer, et l’on s’y préparait comme à un combat. L’accusé avait pour défenseurs Cicéron et Pompée ; la plus grande partie du sénat lui était favorable, et, dans la prévision d’émeutes, ses amis faisaient venir leurs clients de toute l’Italie et même de la Gaule cisalpine[10]. Clodius et Caius Caton, de leur côté, avaient réuni toutes leurs forces. Ils comptaient d’ailleurs que la populace, rendue encore plus turbulente par la disette, accueillerait fort mal Pompée, qui ne remédiait pas à la misère publique, et Cicéron, qui, au dire des superstitieux, avait attiré le courroux des dieux sur la ville en choisissant pour rebâtir sa maison un terrain consacré à la déesse Libertas[11]. Il paraît que beaucoup d’ennemis de Pompée encourageaient Clodius et l’aidaient secrètement. Crassus lui-même était soupçonné de lui donner de l’argent ainsi qu’à Caius Caton.

Le 8 des ides de février (12 janvier 698), Milon parut devant ses juges[12]. Lorsque Pompée voulut prendre la parole pour le défendre, la multitude, excitée par Clodius, le reçut avec des huées et des injures. La plèbe urbaine connaissait toutes les vanités de Pompée et les blessait toutes avec un art perfide. Celui-ci cependant, quoique interrompu à chaque instant, garda son sang-froid et s’efforça de parler. Clodius lui répondit ; mais ses adversaires avaient aussi une populace organisée et soldée pour l’outrager et chanter des vers infâmes sur ses amours avec sa sœur[13]. Dans cette étrange et ignoble dispute, Milon était oublié ; il n’y avait plus qu’une sorte de duel entre Clodius et Pompée. Clodius, au milieu de ses satellites, s’écriait en forçant la voix : « Quel est l’homme qui nous fait mourir de faim ? » Et toute la populace, avec l’ensemble d’un chœur de tragédie, de crier : « Pompée ! » — « Qui voudrait aller en Égypte ? » reprenait Clodius. — « Pompée ! » répondaient mille voix. — « Qui faudrait-il y envoyer ? » — « Crassus[14] ! » Clodius ajoutait : « Quel est l’autocrate que rien ne contente ? Quel est l’homme qui cherche un homme ? Qui se gratte la tête d’un seul doigt ? » — « Pompée ! Pompée ! » criait toujours la foule. Après s’être provoqués de la sorte, les deux partis, las de vociférer, en vinrent aux mains. Cicéron s’échappa prudemment[15], et cette fois encore la victoire demeura au parti des grands, probablement appuyé par des gladiateurs plus nombreux[16]. Le jugement de Milon, renvoyé à quelques jours de là, amena encore des scènes semblables ; mais l’accusé fut acquitté.


Retour de Caton.

III. Au milieu de ces querelles intestines, M. Caton revint de Chypre à Rome. Il rapportait le trésor de Ptolémée, frère de Ptolémée Aulètes, 7 000 talents (environ 40 millions de francs), un mobilier considérable, et ramenait un grand nombre d’esclaves. Ptolémée s’était empoisonné, sur le bruit de sa venue, ne lui laissant d’autre embarras que de recueillir ses trésors, car les Cypriotes, alors esclaves, dans l’espoir de devenir les alliés et les amis de Rome, reçurent Caton à bras ouverts. Fier de son expédition, qu’il avait remplie avec la plus parfaite intégrité, il tenait fort à ce qu’elle fût approuvée[17].

Le retour de Caton ne pouvait en rien remédier à l’état profondément troublé de la République[18]. Sa vertu n’était pas de celles qui attirent, mais de celles qui repoussent. Blâmant tout le monde, peut-être parce que tout le monde était blâmable, il restait seul de son parti.

Dès son arrivée, il se trouva à la fois en opposition avec Cicéron, qui attaquait la légalité de sa mission, et avec Clodius, qui, la lui ayant confiée en sa qualité de tribun, entendait s’en attribuer toute la gloire. Dans ces nouvelles menées de Clodius, César l’appuya, dit-on, en lui suggérant des motifs d’accusation contre Caton[19].


État d’anarchie à Rome.

IV. L’aperçu succinct des événements de Rome à cette époque montre le degré d’abaissement du niveau moral. Ce n’étaient plus ces luttes mémorables entre les patriciens et les plébéiens, où la grandeur du but ennoblissait les moyens. Il ne s’agissait plus de droits séculaires à défendre, de droits nouveaux à conquérir, mais d’ambitions vulgaires et d’intérêts personnels à satisfaire.

Rien n’indique davantage la décadence d’une société que la loi devenant machine de guerre à l’usage des différents partis, au lieu de rester l’expression sincère des besoins généraux. Tout homme arrivé au pouvoir se rendait coupable le lendemain de ce qu’il avait condamné la veille, et faisait servir les institutions à sa passion du moment. Tantôt c’était le consul Metellus qui, en 697, retardait la nomination des questeurs pour empêcher celle des juges, afin de protéger Clodius, son parent, contre une accusation judiciaire[20] ; tantôt c’étaient Milon et Sextius qui, à titre de représailles contre le même consul, opposaient tous les obstacles imaginables à la convocation des comices[21] ; tantôt, enfin, le sénat (en 698) essayait de retarder l’élection des juges, pour ôter à Clodius les chances d’être nommé édile. L’antique usage de prendre les auspices n’était plus, aux yeux de tous, qu’une manœuvre politique. Aucun des grands personnages que la faveur momentanée du peuple et du sénat mettait en évidence ne conservait le véritable sentiment du droit. Cicéron, qui voit en lui seul toute la République, et qui attaque comme monstrueux ce qui s’est fait contre lui et sans lui, déclare illégaux tous les actes du tribunat de Clodius ; le rigide Caton, au contraire, défend, par intérêt personnel, ces mêmes actes, parce que la prétention de Cicéron blesse son orgueil et invalide la mission qu’il a reçue de Clodius[22]. Caius Caton viole la loi en divulguant l’oracle sibyllin. De tous côtés on a recours à des moyens illégaux, qui varient suivant le tempérament de chacun ; les uns, comme Milon, Sextius, Clodius, se mettent ouvertement à la tête de bandes armées ; les autres agissent avec timidité et dissimulation, comme Cicéron, qui, un jour, après une première tentative inutile, enlève furtivement du Capitole la plaque d’airain sur laquelle était gravée la loi qui l’avait proscrit. Singulière erreur des hommes, qui croient effacer l’histoire en faisant disparaître quelques signes visibles du passé !

Ce relâchement des liens sociaux amenait fatalement la dispersion de toutes les forces dont l’union eût été si utile au bien public. À peine, dans un moment de danger, était-on tombé d’accord pour donner à un homme l’autorité qui pouvait rétablir l’ordre et le calme, qu’à l’instant même tout le monde s’entendait pour l’attaquer et l’abattre, comme si chacun avait eu peur de son propre ouvrage. À peine Cicéron est-il revenu de l’exil, que les amis qui l’ont rappelé sont envieux de son influence : ils voient avec plaisir une certaine froideur naître entre Pompée et lui, et soutiennent secrètement les manœuvres de Clodius[23]. À peine Pompée, au milieu de la disette et de l’agitation publique, est-il revêtu de nouveaux pouvoirs, que le sénat d’un côté, et la faction populaire de l’autre, se concertent pour ruiner son crédit : des menées habiles réveillent la vieille haine entre lui et Crassus.

Pompée croyait ou feignait de croire qu’il y avait une conjuration contre sa vie. Il ne voulait plus aller au sénat, à moins qu’on ne tînt la séance tout près de son domicile, tant il lui paraissait dangereux de traverser la ville[24]. « Clodius, disait-il, cherche à m’assassiner. Crassus le paye, Caton l’encourage. Tous les discoureurs, Curion, Bibulus, tous mes ennemis l’excitent contre moi. Ce peuple, amoureux du bavardage de la tribune, m’a presque abandonné ; la noblesse m’est hostile ; le sénat est injuste pour moi ; la jeunesse est toute pervertie. » Il ajoutait qu’il prendrait ses précautions, et qu’il allait s’entourer de gens de la campagne[25].

Personne n’était à l’abri des plus odieuses imputations. Caius Caton accusait le consul P. Lentulus d’avoir facilité à Ptolémée les moyens de quitter Rome clandestinement[26]. M. Caton s’indignait contre tout le monde. Enfin un parti implacable ne cessait de manifester par des propositions, sans résultat il est vrai, sa rancune et son animosité contre le proconsul des Gaules. Vers le printemps de 698, L. Domitius Ahenobarbus, beau-frère de Caton, dont il avait épousé la sœur Porcia, et qui s’était autrefois enrichi avec les dépouilles des victimes de Sylla, proposait d’enlever à César son commandement[27]. D’autres renouvelaient la motion de faire cesser la distribution des terres de la Campanie, et remettaient en question toutes les lois juliennes[28]. Mais Cicéron, à la requête de Pompée, obtint l’ajournement jusqu’au mois de mai[29]. D’ailleurs il était lui-même embarrassé, et avouait que sur ce sujet il n’avait pas d’idées bien arrêtées[30].


Entrevue de Lucques.

V. Au milieu de la confusion générale, beaucoup de citoyens tournaient les yeux vers César. Appius Claudius s’était déjà rendu près de lui[31]. Crassus quitta brusquement Rome pour aller le trouver à Ravenne, au commencement du printemps de 698, avant la campagne contre les Vénètes, et lui exposer l’état des choses, car, ainsi que le dit Cicéron dans une lettre postérieure, il ne se faisait à Rome rien de si petit que César n’en fût informé[32].

Quelque temps après, Pompée, qui devait s’embarquer à Pise pour la Sardaigne, afin de hâter l’approvisionnement de blé, arriva à Lucques, où il se rencontra avec César et Crassus. Une foule nombreuse accourut également dans cette ville : les uns étaient attirés par le prestige de la gloire de César, les autres par sa générosité bien connue, tous par ce vague instinct qui, dans les temps de crise, indique où est la force et fait pressentir de quel côté viendra le salut. Le peuple romain lui envoya une députation de sénateurs[33]. Tout ce que la ville avait de personnages illustres et considérables, tels que Pompée, Crassus, Appius, gouverneur de la Sardaigne, Nepos, proconsul d’Espagne[34], vint lui témoigner la plus vive admiration et invoquer son appui[35] ; des femmes même se rendirent à Lucques, et le concours fut tel qu’on y vit jusqu’à deux cents sénateurs à la fois ; cent vingt licteurs, cortège obligé des premiers magistrats, assiégeaient la porte du proconsul[36]. « Déjà, écrit Appien, il disposait de tout par son ascendant, par ses richesses, et l’empressement affectueux avec lequel il obligeait tout le monde[37]. »

Que se passa-t-il dans cette entrevue ? On l’ignore ; mais on peut le conjecturer d’après les événements qui en furent la conséquence immédiate. Il est évident d’abord que Crassus et Pompée, brouillés naguère, furent réconciliés par César, qui, sans doute, fit valoir à leurs yeux les raisons les plus capables de les rapprocher : « l’intérêt public exigeait leur réconciliation ; seuls ils pouvaient mettre un terme à l’état d’anarchie qui désolait la capitale ; dans un pays livré à des ambitions vulgaires, il fallait pour les dominer des ambitions plus grandes, mais plus pures et plus honorables ; ils devaient bien le voir, ce n’étaient pas des hommes tels que Cicéron, avec ses tergiversations, sa couardise et sa vanité, ni Caton avec son stoïcisme d’un autre âge, ni Domitius Ahenobarbus avec sa haine implacable et ses passions égoïstes, qui ramèneraient l’ordre et rallieraient les esprits divisés. Afin d’obtenir ces résultats, il fallait que Crassus et Pompée se missent résolument à briguer le consulat[38]. Quant à lui, il ne demandait qu’à rester à la tête de son armée et à terminer la conquête qu’il avait entreprise. La Gaule était vaincue, mais non soumise. Plusieurs années étaient encore nécessaires pour y asseoir la domination romaine. Ce peuple léger et belliqueux, toujours prêt à la révolte, était sourdement excité et ouvertement soutenu par deux nations voisines, les Bretons et les Germains. Dans la dernière guerre contre les Belges, les promoteurs du soulèvement, de l’aveu des Bellovaques, avaient bien montré, en se réfugiant dans l’île de Bretagne après leur défaite, d’où venait la provocation. Aujourd’hui encore, l’insurrection que préparaient les peuplades vénètes, sur les rives de l’Océan, avait pour instigateurs les mêmes insulaires. Quant aux Germains, la défaite d’Arioviste ne les avait pas découragés, et plusieurs contingents de cette nation se trouvaient naguère mêlés aux troupes du Hainaut. Il veut châtier ces deux peuples et porter ses armes au delà du Rhin comme au delà de la mer ; qu’on lui laisse donc terminer son ouvrage. Déjà les Alpes sont aplanies ; les barbares, qui ravageaient l’Italie il y a quarante-quatre ans à peine, sont relégués dans leurs déserts et dans leurs forêts. Encore quelques années, et la crainte ou l’espoir, les châtiments ou les récompenses, les armes ou les lois, auront pour jamais rattaché la Gaule à l’Empire[39]. »

Un pareil langage ne pouvait manquer d’être compris par Pompée et par Crassus. On se laisse aisément persuader lorsque l’intérêt public se présente à travers le prisme de l’amour-propre et de l’intérêt personnel. Au delà du consulat, Crassus et Pompée voyaient déjà le gouvernement des provinces et le commandement des armées. Quant à César, la réalisation logique de ses vœux était la prolongation de ses pouvoirs. Une seule difficulté s’opposait à l’exécution de ce plan. L’époque des élections approchait, et ni Pompée ni Crassus ne s’étaient mis en mesure de briguer le consulat dans le délai prévu par la loi ; mais on avait si souvent, depuis nombre d’années, retardé les comices, sous des prétextes frivoles, qu’on pouvait bien aujourd’hui en agir de même dans un intérêt plus sérieux.

César promit d’appuyer leur élection de tout son pouvoir, par ses recommandations et en donnant des congés à ses soldats pour aller voter dans les comices. En effet, ses soldats, recrutés soit parmi les vétérans qu’il avait emmenés de Rome, soit parmi les citoyens romains établis en grand nombre dans la Gaule cisalpine, avaient le droit de porter à Rome leur suffrage, et jouissaient de l’influence légitime qui est le prix d’une vie de dangers et d’abnégation. Cicéron en fait foi par ces paroles : « Regardez-vous, pour arriver au consulat, comme un faible appui la volonté des soldats, si puissants par leur nombre et par l’ascendant qu’ils exercent sur leurs familles ? D’ailleurs, quelle autorité sur le peuple romain tout entier que leur suffrage lorsqu’il s’agit de la nomination d’un consul ! Car dans les comices consulaires ce sont des généraux que l’on choisit et non des rhéteurs. C’est une recommandation bien puissante que de pouvoir dire : J’étais blessé, il m’a rendu la vie ; il m’a fait part du butin. C’est sous lui que nous avons pris le camp ennemi, que nous avons livré la bataille ; il n’a jamais exigé des soldats plus de travail qu’il ne s’en imposait à lui-même ; son bonheur est égal à son courage. Vous figurez-vous combien de pareils discours disposent favorablement les esprits[40] ! » César donc se conformait à la coutume établie, en permettant à ses soldats d’exercer leurs droits de citoyen.


Conséquences de l’entrevue de Lucques. Conduite de Cicéron.

VI. L’entrevue de Lucques avait eu pour résultat de réunir dans un même sentiment les hommes les plus importants de la République. Quelques historiens ont vu là un complot mystérieux, et ils n’ont pas hésité à le qualifier de triumvirat, dénomination aussi peu appropriée à cet accord qu’à celui qui avait eu lieu en 694. Une entrevue au milieu de tant de citoyens illustres, accourus de toutes parts pour saluer un général victorieux, n’avait guère l’apparence du mystère, et l’entente de quelques hommes influents dans une même pensée politique n’était pas un complot. Quelques auteurs n’en ont pas moins prétendu que le sénat, informé de cette conspiration ourdie dans la Gaule cisalpine, aurait fait éclater son indignation ; rien ne justifie cette allégation ; s’il en eût été ainsi, aurait-on, quelques mois après l’entrevue de Lucques, accordé à César tout ce qu’il désirait et repoussé tout ce qui lui était contraire ? On vit, en effet, lors de la distribution annuelle du gouvernement des provinces, les sénateurs hostiles à César demander qu’on lui retirât son commandement, ou tout au moins la partie de ce commandement décernée par le sénat[41]. Or, non-seulement cette prétention fut écartée, mais on lui donna dix lieutenants et des subsides pour payer les légions qu’il avait levées de sa propre autorité, en outre des quatre légions mises, dès le principe, à sa disposition par le sénat. C’est que les triomphes de César avaient exalté les esprits. L’opinion publique, cette force irrésistible de tous les temps, se déclarait hautement pour lui, et sa popularité rejaillissait sur Pompée et sur Crassus[42]. Le sénat avait fait taire alors son animosité, et, de son côté, César se montrait plein de déférence pour cette assemblée[43].

Il faut bien le dire à la louange de l’humanité, la vraie gloire a le privilège de rallier tous les cœurs généreux ; il n’y a que les hommes follement épris d’eux-mêmes, ou endurcis par le fanatisme d’un parti, qui résistent à cet entraînement universel vers ceux qui font la grandeur de leur pays. À cette époque, si l’on en excepte quelques hommes haineux et intraitables, la plupart des sénateurs subissaient l’impulsion générale, comme le prouvent les discours de Cicéron[44].

Mais si, d’une part, on nous représente les membres de ce prétendu triumvirat ligués étroitement entre eux contre la République ; de l’autre, Dion-Cassius soutient que, dès cette époque, Pompée et Crassus conspiraient contre César. Cette opinion n’est pas mieux fondée. On voit, au contraire, par une lettre de Cicéron, combien Pompée prenait chaudement alors le parti de son beau-père. Pompée, en quittant Lucques, rencontra Quintus Cicéron, et, l’apostrophant vivement, il le chargea de rappeler à son frère ses engagements passés : « Cicéron ne devait pas oublier que ce que Pompée avait fait pour son rappel était aussi l’œuvre de César, dont il avait promis de ne point attaquer les actes ; que, s’il ne voulait pas le servir, il s’abstînt du moins de toute hostilité[45]. » Ces reproches ne restèrent pas sans effet. Cicéron, très-enclin à se tourner du côté de la fortune, écrivit à Atticus : « Il y a fin à tout ; et puisque ceux qui ne peuvent rien ne veulent plus de moi, je chercherai des amis parmi ceux qui ont la puissance[46]. »

Déjà il avait voté avec les sénateurs des actions de grâces pour les victoires de César, et depuis il secondait de ses efforts toutes les propositions en faveur du vainqueur des Gaules. Comme le rôle de Cicéron dans cette occasion a eu une importance particulière, il ne sera pas sans intérêt de citer ses paroles : « Puis-je être ennemi d’un homme dont les courriers et les lettres, de concert avec la renommée, font retentir tous les jours à mes oreilles les noms de tant de peuples, de tant de nations, de tant de pays qu’il a ajoutés à notre empire ? Je suis enflammé d’enthousiasme, sénateurs, et vous en doutez d’autant moins que les mêmes sentiments vous animent[47]. Il a combattu avec le plus grand succès les plus belliqueuses et les plus puissantes nations des Germains et des Helvètes ; il a terrassé, dompté, refoulé les autres, et les a accoutumées à obéir au peuple romain. Des contrées, qu’aucune histoire, aucun récit, aucun bruit public ne nous avaient encore fait connaître, notre général, nos troupes, nos armes les ont parcourues. Nous n’avions auparavant qu’un sentier dans la Gaule ; les autres parties étaient occupées par des peuples ou ennemis de cet empire, ou peu sûrs, ou inconnus, ou du moins féroces, barbares et belliqueux ; il n’était personne qui ne désirât les voir vaincus et domptés[48]. On nous a présenté dernièrement un rapport sur la solde des troupes. Je ne me suis pas contenté de donner mon avis, j’ai fait en sorte qu’on l’adoptât ; j’ai répondu fort au long à ceux qui étaient d’un avis contraire, j’ai assisté à la rédaction du décret ; alors encore j’ai plus accordé à la personne qu’à je ne sais quelle nécessité. Je pensais que, même sans un tel secours d’argent, avec le seul produit du butin, César pouvait entretenir son armée et terminer la guerre ; mais je n’ai pas cru que, par une étroite parcimonie, nous dussions diminuer le lustre et la gloire de son triomphe. »

De plus, il a été question de dix lieutenants pour César : les uns s’opposaient absolument à ce qu’on les accordât, les autres recherchaient les précédents ; ceux-ci remettaient à un autre temps, ceux-là accordaient, sans employer des termes flatteurs. Dans cette circonstance, à la manière dont je parlai, tout le monde comprit que, en m’occupant des intérêts de la République, je faisais encore plus pour honorer César. »

Dans un autre discours, le même orateur s’écrie : « Le sénat a décerné des prières publiques à César dans la forme la plus honorable, et pour un nombre de jours encore sans exemple. Malgré l’épuisement du trésor, il a pourvu à la solde de son armée victorieuse ; il a décidé qu’on donnerait dix lieutenants au général, et que, par dérogation à la loi Sempronia, on ne lui enverrait pas de successeur. C’est moi qui ai ouvert ces avis, qui ai porté la parole ; et, plutôt que d’écouter mon ancien dissentiment avec César, je me suis prêté à ce que réclament, dans les circonstances actuelles, l’intérêt de la République et le besoin de la paix[49]. »

Mais si en public Cicéron s’exprimait avec tant de netteté, dans ses relations privées il ménageait encore l’opinion de ses anciens amis. C’est d’ailleurs la seule manière d’expliquer une contradiction trop choquante, même dans un caractère aussi versatile. En effet, au moment où il se vantait hautement des services qu’il avait contribué à rendre à César, il écrivait à P. Lentulus, son ami, proconsul en Cilicie : « On vient d’accorder à César des subsides et dix lieutenants, et l’on ne tient aucun compte de la loi Sempronia, qui voulait qu’on lui donnât un successeur. Mais, ce sujet est trop triste, et je ne veux pas m’y arrêter[50]. »


Manœuvres de Pompée et de Crassus pour arriver au consulat.

VII. D’après ce qui précède, évidemment l’impopularité ne s’attachait pas à César, mais aux moyens employés par Crassus et par Pompée afin d’obtenir le consulat.

Ils se servaient de Caius Caton, parent du stoïcien, et d’autres hommes aussi peu estimables, pour faire retarder l’époque des comices et amener la création d’un interroi[51], nomination qui eût rendu leur élection plus facile, puisque les consuls, présidents ordinaires de l’assemblée du peuple, leur étaient opposés.

Les récits sur les événements de cette époque offrent une grande confusion. Dion-Cassius nous apprend qu’à la suite de violentes discussions dans la curie, entre Pompée, récemment revenu de Sardaigne, et le consul Marcellinus, le sénat, en signe de mécontentement, décréta qu’il prendrait le deuil, comme pour une calamité publique, et le prit aussitôt. Caius Caton opposa son veto. Alors le consul Cn. Marcellinus, à la tête du sénat, se rendit au forum, harangua le peuple pour lui demander des comices, sans succès probablement, puisque les sénateurs rentrèrent immédiatement dans le lieu de leurs séances. Clodius, qui depuis la conférence de Lucques s’était rapproché de Pompée, survint tout à coup dans la foule, interpella vivement le consul, et le railla de cet appareil de deuil intempestif. Sur la place publique Clodius devait enlever aisément l’approbation de la multitude ; mais, ayant voulu retourner au sénat, il éprouva la plus vive opposition. Les sénateurs se précipitèrent à sa rencontre pour l’empêcher d’entrer ; beaucoup de chevaliers l’accablèrent d’injures ; ils lui eussent fait un mauvais parti, si la populace ne fût accourue à son aide et ne l’eût dégagé, en menaçant de livrer aux flammes l’assemblée tout entière[52].

D’un autre côté, Pompée, avec plus d’autorité et moins de violence, s’élevait contre le dernier sénatus-consulte. Lentulus Marcellinus, l’apostrophant en plein sénat, lui demanda s’il était vrai, comme le bruit en courait, qu’il prétendît au consulat. « Je ne sais pas encore ce que je ferai, » répondit Pompée brusquement. Puis, remarquant le mauvais effet de ces paroles dédaigneuses, il reprit aussitôt : « Pour les bons citoyens, il est inutile que je sois consul ; contre les factieux, je suis peut-être nécessaire[53]. » À une question semblable, Crassus répondit modestement « qu’il était prêt à faire tout ce qui serait utile à la République. » Alors Lentulus se répandant en reproches contre l’ambition de Pompée, celui-ci l’interrompit brutalement : « Souviens-toi, lui dit-il, que tu me dois tout. Tu étais muet, je t’ai fait discoureur ; tu étais un mendiant affamé, j’ai fait de toi un glouton qui vomit pour remanger. » Ce langage peut donner une idée de la violence des passions politiques à cette époque. Les sénateurs, et Marcellinus lui-même, voyant qu’ils ne pouvaient lutter contre l’influence de ces deux hommes, se retirèrent. Pendant le reste de l’année ils ne prirent plus aucune part aux affaires publiques : ils se bornèrent à garder le deuil et à ne plus assister aux fêtes populaires.


Campagne contre les peuples des côtes de l’Océan.

VIII. Tandis que Pompée et Crassus, conformément à la convention de Lucques, employaient tous les moyens pour parvenir au consulat, César avait toujours les regards fixés sur une conquête qui, tous les ans, semblait achevée, et que, tous les ans, il fallait recommencer. Si les Gaulois, divisés en tant de peuples divers, étaient incapables de s’unir pour la défense commune, ils ne se laissaient pas abattre par un seul coup du sort. À peine les uns étaient-ils terrassés sur un point, que d’autres relevaient ailleurs l’étendard de l’insurrection.

En 698, l’agitation se manifesta d’abord sur les côtes de l’Océan, depuis la Loire jusqu’à la Seine. Les peuples du Morbihan, maîtres d’une flotte considérable et disposant du commerce extérieur, se mirent à la tête du mouvement. Ils s’associèrent à tous les peuples habitant les côtes entre la Loire et l’Escaut, et demandèrent des secours à l’Angleterre, avec laquelle ils étaient en relation constante. Dans ces circonstances, César prévit que c’était sur mer qu’il fallait réprimer l’audace de ces populations maritimes. Il donna l’ordre de construire des navires sur la Loire, en demanda aux peuples de la Charente et de la Gironde, et envoya d’Italie Decimus Brutus avec des galères et des matelots. Lui-même, aussitôt que la saison le permit, se rendit dans les environs de Nantes, non loin d’Angers, où Publius Crassus hivernait avec la 7e légion. Dès son arrivée, sa préoccupation s’étendit sur le vaste territoire où il devait fonder la domination romaine. À cet effet, il répartit ainsi ses troupes : Labienus est envoyé avec la cavalerie à l’est, du côté de Trèves, pour tenir en respect les Germains ; sur son passage, il raffermira la fidélité des Champenois et de leurs voisins ; P. Crassus est dirigé vers l’Aquitaine pour la soumettre ; Sabinus vers la Normandie, pour y combattre les révoltés du Cotentin ; César se réserve les opérations dans le Morbihan. Après avoir assiégé, non sans de grandes difficultés, plusieurs petites places fortes qui, situées à l’extrémité de promontoires, étaient entourées d’eau à la haute mer, il résolut d’attendre sa flotte et se plaça sur la côte, à Saint-Gildas, au sud de Vannes. Decimus Brutus fit sortir ses vaisseaux de la Loire, vint se mesurer avec l’ennemi, en vue de l’armée romaine, et, par un concours de circonstances heureuses, détruisit la flotte gauloise ; dans le combat périt l’élite de la Bretagne. Le Morbihan et les États environnants se rendirent, et cependant le vainqueur fit mourir tous les principaux citoyens.

La conduite de César envers les habitants de cette province a été justement blâmée par l’empereur Napoléon Ier. « Ces peuples, dit-il, ne s’étaient point révoltés ; ils avaient fourni des otages, avaient promis de vivre tranquilles, mais ils étaient en possession de toute leur liberté et de tous leurs droits. Ils avaient donné lieu à César de leur faire la guerre, sans doute, mais non de violer le droit des gens à leur égard et d’abuser de la victoire d’une manière aussi atroce. Cette conduite n’était pas juste, elle était encore moins politique. Ces moyens ne remplissent jamais leur but, ils exaspèrent et révoltent les nations. La punition de quelques chefs est tout ce que la justice et la politique permettent[54]. »

Tandis que la Bretagne était vaincue sur mer, Sabinus remportait une victoire décisive sur les peuples de la Normandie, près d’Avranches ; et, dans le même temps, Publius Crassus soumettait l’Aquitaine. Quoique ce jeune lieutenant de César n’eût qu’une seule légion, un corps de cavalerie et des auxiliaires, il s’emparait de la place forte de Sos et faisait essuyer une défaite sanglante aux peuples situés entre la Garonne et l’Adour. Sa gloire en fut d’autant plus grande que les Aquitains avaient appelé à leur aide les chefs espagnols, débris de cette fameuse armée façonnée si longtemps par Sertorius à la tactique romaine.

Quoique la saison fût fort avancée, César voulut encore soumettre les peuples du Brabant et du Boulonnais, et marcha contre eus. Les Gaulois se retirèrent dans leurs forêts ; il fut alors obligé de se frayer une route dans les bois en abattant les arbres, qui, placés à droite et à gauche, formèrent de chaque côté un rempart contre l’ennemi. Le mauvais temps l’obligea de se retirer avant d’avoir accompli sa tâche.

Dans cette campagne de 698, la plupart des contrées qui s’étendent depuis l’embouchure de l’Adour jusqu’à celle de l’Escaut avaient senti le poids des armes romaines. La mer était libre : César pouvait tenter une descente en Angleterre.

  1. Atia avait épousé en premières noces Octavius, dont elle eut un fils qui fut plus tard Auguste.
  2. Dion-Cassius, XXXIX, xiv.
  3. Dion-Cassius, XXXIX, xii, xiii. — Plutarque, Pompée, lii.
  4. Dion-Cassius, XXXIX, xiv. — « Je ne lui épargne pas même les reproches pour l’empêcher (Pompée) de tremper dans cette infamie. » (Cicéron, Lettres familières, I, i.)
  5. Dion-Cassius, XXXIX, xv.
  6. Cicéron, Lettres à Quintus, II, ii.
  7. Dion-Cassius, XXXIX, xvi.
  8. Cicéron, Lettres à Quintus, II, ii. – Dion-Cassius, XXXIX, xviii.
  9. Dion-Cassius, XXXIX, xviii, xix.
  10. Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii.
  11. Dion-Cassius, XXXIX, xx.
  12. Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii.
  13. Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii.
  14. Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii. — Ce mot donne, suivant nous, l’explication de la querelle qui existait alors entre les deux triumvirs. L’Égypte était une proie si riche qu’elle devait les diviser.
  15. « Clodius est précipité de la tribune, moi je m’esquive de crainte d’accident. » (Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii.)
  16. Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii.
  17. Dion-Cassius, XXXIX, xxii.
  18. Plutarque (Caton, xlv) nous dit que Caton revint sous le consulat de Marcius Philippus.
  19. Dion-Cassius, XXXIX, xxiii.
  20. Dion-Cassius, XXXIX, vii.
  21. Lettres à Quintus, II, i.
  22. Plutarque, Caton, xl ; — Cicéron, xlv.
  23. « Il me revenait une foule de propos de gens que vous devinez d’ici, qui ont toujours été et qui sont toujours dans les mêmes rangs que moi. Ils se réjouissaient ouvertement de me savoir, à la fois, déjà en froid avec Pompée et prêt à me brouiller avec César ; mais, ce qu’il y avait de plus cruel, c’était leur attitude à l’égard de mon ennemi (Clodius), c’était de les voir l’embrasser, le flatter, le cajoler, le combler de caresses. » (Cicéron, Lettres familières, I, ix.)
  24. Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii.
  25. Ces paroles sont rapportées par Cicéron (Lettres à Quintus, II, iii), à qui elles étaient adressées par Pompée. Dion-Cassius, contre toute vraisemblance, prétend que Pompée, dès cette époque, était irrité contre César et cherchait à lui ôter sa province. Rien ne prouve une pareille allégation. L’entrevue de Lucques, qui eut lieu cette même année, la contredit formellement.
  26. Voyez Nonius Marcellus (éd. Gerlach et Roth, p. 261), qui cite un passage du livre XXII des Annales de Fenestella, lequel écrivait sous Auguste ou sous Tibère.
  27. Suétone, César, xxiv.
  28. Cicéron, Lettres à Quintus, II, v.
  29. Cicéron, Lettres familières, I, ix.
  30. « L’affaire des terres de la Campanie, qui devait être finie le jour des ides et le suivant, ne l’est pas encore. J’ai bien de la peine à avoir un avis à moi sur cette question. » (Lettres à Quintus, II, viii, juin 698.)
  31. « Appius n’est pas encore revenu d’auprès de César. » (Cicéron, Lettres à Quintus, II, vi, avril 698.)
  32. « Sachant bien que petites nouvelles ou grandes nouvelles sont arrivées à César. » (Lettres à Quintus, III, i, 3.)
  33. Dion-Cassius, XXXIX, xxv.
  34. Plutarque, César, xxiv.
  35. « Appius, dit-il, s’est rendu près de César pour lui arracher quelques nominations de tribuns. » (Cicéron, Lettres à Quintus, II, xv.)
  36. Appien, Guerres civiles, II, xvii. — Les consuls et les proconsuls avaient douze licteurs ; les préteurs, six ; les dictateurs, vingt-quatre, et le maître de la cavalerie, un nombre qui a varié. Les édiles curules, les questeurs et les tribuns du peuple, n’ayant pas l’imperium, n’avaient pas de licteurs. Comme, lors de la conférence de Lucques, il n’existait ni dictateurs, ni maître de la cavalerie, le chiffre de cent vingt faisceaux ne peut s’appliquer qu’à l’ensemble de l’escorte de proconsuls et de préteurs. il n’est pas probable que les deux consuls alors en charge à Rome se soient transportés à Lucques. D’un autre côté, il était défendu aux proconsuls de quitter leurs provinces pendant la durée de leurs pouvoirs (Voyez Tite-Live, XLI, vii ; XLIII, i.) Mais, comme les conférences de Lucques eurent lieu précisément à l’époque où les proconsuls et les propréteurs partaient pour leurs provinces (nous savons par Cicéron (Lettres à Atticus, III, ix) que ce départ avait lieu aux mois d’avril et de mai), il est probable que les proconsuls et les propréteurs désignés se rendirent à Lucques avant d’aller prendre leurs commandements. Ainsi le chiffre de cent vingt faisceaux représenterait l’ensemble des licteurs des propréteurs ou proconsuls qui pouvaient passer par Lucques avant de s’embarquer soit à Pise, soit à Adria, soit à Ravenne.

    Dans cette hypothèse, nous aurions les chiffres suivants :

    Propréteur de Sicile 6
    Propréteur de Sardaigne 6
    Proconsul d’Espagne citérieure 12
    Proconsul d’Espagne ultérieure 12
    Proconsul d’Afrique 12
    Proconsul d’Asie 12
    Proconsul de Macédoine 12
    Proconsul de Bithynie 12
    Proconsul de Crète 12
    Proconsul de Syrie 12
    Proconsul de Cilicie 12
    Total des licteurs
    120

    Plutarque (Pompée, liii) dit textuellement qu’on vit à sa porte cent vingt faisceaux de proconsuls et de préteurs.

  37. Appien, Guerres civiles, II, xvii.
  38. Voyez Suétone, César, xxiv. — La preuve que ce plan venait de César, c’est que Pompée et Crassus n’avaient encore pris aucune mesure pour préparer leur élection.
  39. Nous avons mis dans la bouche de César les paroles suivantes de Cicéron : « En donnant les Alpes pour bornes à l’Italie, la nature ne l’avait pas fait sans une intention spéciale des dieux. Si l’entrée en eût été ouverte à la férocité et à la multitude des Gaulois, jamais cette ville n’eût été le siège et le centre d’un grand empire. Elles peuvent maintenant s’aplanir, ces hautes montagnes ; il n’est plus rien, des Alpes à l’Océan, qui soit à redouter pour l’Italie. Encore une ou deux campagnes, et la crainte ou l’espoir, les châtiments ou les récompenses, les armes ou les lois, pourront nous assujettir, toute la Gaule et l’attacher à nous par des liens éternels. » (Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, xiv.)
  40. Cicéron, Discours pour Murena, xviii.
  41. Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, xv.
  42. « Évidemment toute opposition à ces grands hommes, surtout depuis les éclatants succès de César, était antipathique au sentiment général et unanimement repoussée. » (Cicéron, Lettres familières, I, ix.)
  43. « César, fort de ses succès, des récompenses, des honneurs et des témoignages dont il était comblé par le sénat, venait prêter à cet ordre illustre son éclat et son influence. » (Cicéron, Lettres familières, I, ix.)
  44. « Pourquoi attendrais-je qu’on me réconcilie avec César ? Cette réconciliation n’a-t-elle pas été faite par le sénat ? le sénat, conseil suprême de la République, ma règle et mon guide dans toutes mes opinions. Je marche sur vos pas, sénateurs, j’obéis à vos conseils, je cède à votre autorité… Tant que les démarches politiques de César n’ont pas eu votre approbation, vous ne m’avez pas vu lié avec lui. Lorsque ses exploits ont changé vos sentiments et vos dispositions, vous m’avez vu non-seulement accéder à vos décisions, mais encore y applaudir tout haut. » (Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, x).
  45. Lettres familières, I, ix.
  46. Lettres à Atticus, IV, v.
  47. Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, ix (Août, an de Rome 698.)
  48. Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, xiii (Août, an de Rome 698.)
  49. Cicéron, Discours pour Balbus, xxvii.
  50. Cicéron, Lettres familières, I, vii.
  51. Dion-Cassius, XXXIX, xxvii.
  52. Dion-Cassius, XXXIX, xxix.
  53. Dion-Cassius, XXXIX, xxx. — Plutarque, Pompée, liii ; — Crassus, xviii.
  54. Précis des guerres de César, III, v.