Histoire de Jonvelle/Montdoré


MONTDORÉ


Montdoré, appelé dans les vieux titres Mons deauratus et Onormont, est bâti sur une montagne dont la hauteur est de 406 mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est le vignoble le plus élevé du département. Le point culminant conserve encore les vestiges d’un château fort, dont les nobles maîtres figurent dans les chartes dès le douzième siècle. Celles de Clairefontaine signalent comme bienfaiteurs du monastère, Gérard (1151), Simon et Gérard, fils de Gérard de Haydons, et Marguerite de Lébat, leur mère (1271), André, Gérard et Sibille, enfants de Simon (1319) et Huars de Ruppes (1383), tous qualifiés seigneurs d’Onormont. En 1376, Jeannette de Magny, veuve de Guyot de la Coste, fait hommage au duc de Bourgogne, seigneur de Jonvelle, pour son fief de Montdoré, entre les mains de Jean de Raincourt, bailli et capitaine de Jonvelle. En 1424, Perrin de Montdoré, seigneur d’Ancerville, transige avec Jean de Vergy au sujet de la terre de Roche-sur-Marne, et l’acte a pour témoins Jean de Blamont, seigneur de Vellexon, Erard du Châtelet et Simon de Chatillon. Le château de Montdoré servait alors de place d’armes principale aux sires de la Trémouille. Il fut ruiné en 1644, après le sac de Jonvelle. En 1628, ce fief était tenu par Clément de Thomassin et lui produisait six cents francs de rente.

L’église de Montdoré était jadis paroissiale pour Vauvillers, qui s’en détacha en 1605, moyennant une redevance annuelle. Cette église, qui est du quinzième siècle ou des premières années du seizième, ne manque pas d’intérêt archéologique. On y remarque la porte principale, la chapelle seigneuriale, une voûte aux arcatures étoilées, les fonts baptismaux et surtout le sanctuaire, quand même il a perdu plusieurs de ses ornements, tels qu’une crédence en pierre, une piscine et un tabernacle en forme de niche, pratiqué dans le mur de l’abside, le tout d’un travail très élégant. Sept fenêtres ornées de vitraux coloriés répandaient à l’intérieur une lumière douce et mystérieuse : malheureusement, celle de l’axe de l’édifice a été masquée par un retable du dix-septième siècle, et la première de gauche, par un toit de sacristie. Les fenêtres qui restent ont deux panneaux qui se terminent en arcatures trilobées ; le triangle de l’ogive est diversement ajouré par des trèfles, des quatre-feuilles et des rosaces de style flamboyant.

C’est Montdoré, et non Vauvillers, comme le dit Feller, qui a donné le jour à un illustre écrivain, Jean-Claude Sommier. Né le 22 juillet 1661, il fit ses études à Besançon, où il reçut les ordres sacrés, après avoir pris les grades de docteur en théologie et en droit. Attiré dans le diocèse de Toul, il fut d’abord curé de la Bresse et de Giraucourt, ensuite pourvu de la cure de Champs, sur la présentation de l’abbesse de Remiremont. Un avent et un carême qu’il prêcha dans cette ville portèrent son nom au duc Léopold Ier, qui l’appela à Lunéville pour y faire le même cours d’instructions, et le nomma son prédicateur ordinaire. De Bissy, évêque de Toul, voulut aussi l’avoir : il le mit au nombre de ses docteurs et lui fit prêcher un carême dans sa cathédrale. De plus en plus estimé du prince de Lorraine, il fut chargé par lui de plusieurs négociations importantes à Rome, à Venise, à Mantoue, à Parme, à Vienne et à Paris, et il devint successivement conseiller-prélat de la cour et conseiller d’État. Le pape Clément XI et ses deux successeurs lui donnèrent aussi des marques sensibles de leur estime. Innocent XIII le fit son camérier, et Benoît XIII, l’ayant préconisé archevêque de Césarée in partibus infidelium (29 janvier 1725), voulut le sacrer lui-même. Après la cérémonie, qui fut faite devant une assistance distinguée, le nouveau prélat, tout ému, remercia le saint-père, qui lui répondit en présence de toute l’assemblée : « C’est moi plutôt qui dois vous remercier, pour les services que vous avez rendus à l’Église par votre parole et par vos écrits. Je ne devais pas laisser sans récompense un prêtre qui a si bien mérité du saint-siège. C’est de mon propre mouvement et sans présentation ni recommandation de personne, que, de simple curé, je vous ai fait archevêque ; et vos humbles remontrances au sujet de cet honneur vous en ont rendu plus digne encore à mes yeux. » Sommier reçut, pour comble de distinction, le titre d’évêque assistant au trône pontifical, et il revint en Lorraine au mois de juin suivant. Nommé grand-prévôt de l’église collégiale de Saint-Dié et abbé commendataire de Bonzonville, il exerça les fonctions épiscopales dans ce diocèse jusqu’à sa mort (5 octobre 1737)[1]. Au milieu de ses grandes occupations, il avait trouvé du temps pour composer des ouvrages considérables : il nous a laissé l’Histoire dogmatique de la religion, l’Histoire dogmatique du saint-siège, l’Histoire et l’Apologie de l’Église de Saint-Dié, plusieurs oraisons funèbres, des sermons et quelques pièces de vers. Dom Calmet, son ami, a dit de lui : « M. Sommier était assez contrefait et d’une physionomie peu prévenante, mais d’un cœur droit et sincère. Il prêchait solidement, mais sans beaucoup d’art, et il aimait à faire des vers latins, en quoi il ne réussissait pas mal. »

  1. L’épître dédicatoire de son Histoire de Saint-Dié rend compte en ces termes à Benoît XIII de ses occupations : « Verè opus Dei, qui humilia respicit, Sanctitas Vestra, ques in altis habitat, operata est, dùm me humilem respexit et cum principibus populi collocavit… Protinùs è pedum vestrorum vestigio digressus, provinciam mihi demandatam petii ; sicut sagitta (de manu potentis emissa, vallem Galilœam (de Saint-Dié) penetravi ; asperrimos Vogesi montes superavi ; loca episcopisanti impervia adii ; juvenes ac virgines, senes cum junioribus sacro chrismate inunxi ; ad me confluentes undequàque ab ordinariis suis dimissos ordinavi, ibique parochiales ecclesias Summo Numini dicavi, ubi à saeculis multis légitimo ritu nulla fuerant consecrata templa. »