Histoire de Jacques Bonhomme/Histoire/Le Neveu

Armand Le Chevalier (p. 103-120).


LE NEVEU


En 1849, a l’issue de la Constituante, une Assemblée législative se réunit. La nouvelle assemblée déguisait encore moins que la précédente son horreur, non-seulement du socialisme, mais de tout ce qui était peuple, et elle se flatta, avec l’aide du Président, de restaurer la monarchie. Louis-Napoléon avait son plan, il feignit la docilité. La République avait été proclamée à Rome, Louis-Napoléon envoya des soldats français étouffer la République romaine. Le suffrage était universel, Louis-Napoléon le laissa restreindre par la loi du 31 mai 1850. Les journaux républicains furent poursuivis, les socialistes emprisonnés. Les grands centres, les villes ouvrières qui pouvaient servir d’asile à la liberté, furent représentés aux campagnards comme des foyers de désordre et de convoitises monstrueuses. La tentative de Ledru-Rollin écrasé pour en avoir appelé à la légalité, priva la République de ses derniers défenseurs.

Quand Louis Bonaparte eut ainsi, avec l’aide des anciens partis et des terreurs bourgeoises, désarmé les seuls adversaires vraiment redoutables, les républicains, il leva le masque, fit sentir à l’Assemblée qu’il avait seul la force en main. Trop tard, les partis royalistes comprenant qu’ils étaient joués, engagèrent une lutte sourde contre celui qui prétendait escamoter à son profit le bénéfice de leurs efforts communs. Des motions hostiles éclatèrent à la tribune. Louis-Napoléon, dédaigneux, se retourna vers le pays. Chef de l’armée, maître des fonctionnaires, entouré de complices prêts à tous les dévouements, le Président se répandait dans les villes, s’intitulant le défenseur du peuple, accusant l’Assemblée de paralyser ses bonnes intentions, courtisant le clergé, jurant qu’il n’avait d’autre souci que le respect de son serment, d’autres ennemis que ceux de la Constitution. En même temps son ministre Baroche disait, la main sur le cœur, à l’Assemblée :

« Je réponds que les paroles du Président qui a prêté serment à la Constitution à cette tribune et qui a renouvelé son serment par son message du 12 novembre 1850, repoussent bien loin de son esprit et de son cœur toute pensée d’un retour au gouvernement de l’Empire. M. le Président est le seul auquel on ne puisse attribuer des pensées de restauration. Il a pris l’engagement d’honneur de maintenir la République, et il le tiendra ; l’Assemblée n’a pas besoin d’autre garantie que cette affirmation. »


Tout à coup, dans la nuit du 2 décembre 1851, à six heures du matin, un grand nombre de députés sont arrêtés dans leur lit. En même temps tous les hommes connus par leur talent, leur influence et leur énergie républicaine, sont saisis par des commissaires de police et jetés en prison comme de vils malfaiteurs. Des placards sont affichés dans Paris. Il y est dit que l’Assemblée est dissoute ; que le peuple français est convoqué dans ses comices pour dire par oui ou par non s’il veut un chef responsable pour dix ans, un conseil d’État, un Corps législatif, un Sénat, le tout organisé sur les bases du premier Empire. La proclamation appelle cela « faire un appel légal à la nation. » Plus bas on lit : « Tout rassemblement sera dissous par la force SANS SOMMATION. Tout individu pris construisant ou défendant une barricade ou les armes à la main SERA FUSILLÉ. »

Des troupes préparées de longue main, visitées, caressées par Louis-Napoléon Bonaparte, cernent Paris, campent sur les places. Des canons sont amenés sur tous les points importants. Des officiers recrutés avec soin parmi les chenapans les plus déterminés de l’armée d’Afrique, attendent à la tête des bataillons, l’œil brillant, la consigne au bout du sabre.

La première impression de Paris devant cette monstrueuse violation de toutes les lois humaines fut d’abord l’étonnement. On ne doutait pas qu’une aussi criminelle tentative ne succombât sous son propre effort. La foule remplissait les rues, les boulevards, sans armes, curieuse, narguant de ses plaisanteries ces préparatifs provocateurs.

Cependant quelques représentants républicains échappés aux recherches de la police, se réunissent, se concertent, s’efforcent de provoquer la résistance. Le 3 décembre une barricade s’élève au faubourg Saint-Antoine. Le représentant Baudin exhorte les assistants. Il tend un fusil à l’un d’eux qui goguenard : « Croyez-vous que nous nous ferons tuer pour vous conserver vos 25 francs ? — Citoyen, répond Baudin, tu vas voir comment on meurt pour 25 francs. » La troupe arrive, Baudin l’adjure au nom de la Constitution violée. Il tombe percé de balles, héros du devoir, première victime de Louis-Napoléon.

Dans la journée, des barricades naissent sur plusieurs points, mais sans ordre, sans entente ; elles sont enlevées rapidement. Vers le soir, Paris semble se réveiller ; les excitations des républicains raniment les courages, et le lendemain de bonne heure une foule immense remplit les boulevards.

Le 4 on s’alarme au palais de l’Élysée. La résistance, dit-on, se dessine sur plusieurs points. Les visiteurs sont rares. Bientôt l’inquiétude s’aggrave, on crie sur les boulevards : Vive la République ! À deux heures et demie, un aide de camp force la consigne, pénètre jusqu’au Président, prudemment retiré dans un appartement éloigné. Louis-Napoléon, les pieds sur les chenets, écoute le rapport, et sans même détourner la tête, prononce ces seules paroles : « Qu’on exécute mes ordres. »

Ses ordres les voici :

À trois heures, sans avertissement, sans sommation, au simple signe des capitaines bandits, les régiments sont lancés sur la foule inoffensive qui couvre les boulevards. Une décharge à bout portant, et le sol est noir de cadavres. Ce fut, dit un témoin, comme une nappe de feu ! En avant ! la baïonnette altérée, les soldats, ivres de vin (on en vit qui buvaient le champagne à la régalade), s’élancent, renversent, éventrent passants, femmes, vieillards, enfants, flot qui reflue sur leur passage, et la charge se continuant sur une étendue de deux kilomètres, ne laisse derrière elle qu’un sillon sanglant. En avant, les boulets suivent, les obus éclatent. On entre par la brèche dans les magasins, dans les appartements, on tue tout, partout, dans les escaliers, sur les comptoirs ; — ils lardèrent de leurs baïonnettes jusqu’aux animaux. À l’entrée de la rue Montmartre soixante personnes, hommes, enfants, jeunes filles, tombent foudroyés. Un limonadier ambulant regagne sa demeure, les soldats le prennent pour cible ; il est criblé de balles. Une femme traverse au bras de son mari tenant son enfant par la main ; on entendit trois soldats se partager la besogne : À toi l’homme, à toi la femme, à toi le môme, et trois cadavres roulent la face contre terre. Les trottoirs ruissellent de sang, les cuvettes creusées autour des arbres en sont pleines. Comme aux jours d’orage, les ouvertures des égouts sont obstruées, mais cette fois de débris humains.

Le soir les troupes bivouaquèrent sur place, buvant, riant, chantant, faisant ripaille. Les officiers cassaient entre eux des rouleaux de louis. Ainsi l’on raconte qu’en Amérique les sauvages chantent et dansent autour des cadavres de leurs ennemis. Beaucoup de citoyens qu’on emmenait en prison furent fusillés en route. La nuit on entendit des décharges continuelles à la Préfecture de police. Que d’hommes arrêtés dont on n’a jamais connu le sort !

Où furent enterrées les victimes ? On ne sait. Quelques unes dans les cimetières, et leurs vêtements ne contenaient ni argent ni bijoux, toutes les poches avaient été retournées. Mais la Seine cacha bien des cadavres. Combien étaient-ils ? On l’ignore. Des témoins occulaires parlent de dix-huit cents. Nous n’avons même pas la consolation de pouvoir dresser un martyrologe complet. L’histoire seule saura combien de sang, de larmes, de ruines, a coûté l’établissement du trône de Napoléon III.

La férocité de cette exécution glaça d’effroi Paris. Un voile de mort s’étendit sur la ville, la cité sainte, respectée par les Cosaques, inondée de sang par Louis-Napoléon. Par son ordre, les victimes furent longtemps abandonnées sur la voie publique, épouvantail pour la résistance. Le peuple s’abstint. Privé de ses chefs véritables exilés ou enfermés en Juin, quel élan pouvait lui donner cette assemblée réactionnaire qui l’eût fait au besoin mitrailler sans pitié et dont plus de deux cents membres réunis se laissèrent lâchement arrêter ? D’ailleurs, depuis longtemps, on avait désarmé les faubourgs. Enfin le nom de Cavaignac y était justement maudit.

Mais la province avait tout à craindre au coup d’État. Le travail ne chômait pas, l’agriculture était prospère. Cette violation de toutes les lois jurées ne se justifiait à ses yeux par aucune nécessité d’ordre public. Aussi les hommes de bonne foi s’indignèrent, et sur beaucoup de points résolurent de tenir tête au crime, On employa pour les réduire le canon et le mensonge. Louis-Napoléon fit répandre le bruit, dans les campagnes, que Paris avait acclamé le coup d’État ; on racontait dans les villes que les paysans arrivaient munis de grands sacs pour enfermer le butin. Eh bien ! les défenseurs de la Constitution s’emparèrent de plusieurs villes, notamment de Mirande, dans le Gers, et partout ils firent respecter l’ordre et les propriétés. Il fallut souvent pour nourrir ce surcroît de population, requérir des approvisionnements. Ils furent religieusement payés soit sur place, soit par des bons qui depuis ont été acquittés avec les intérêts.

Les ordres les plus rigoureux furent donnés aux commandants militaires. Mal armés, peu exercés, les défenseurs de la Constitution plièrent vite devant des troupes disciplinées. Alors la Terreur bonapartiste fit rage. Des milliers d’arrestations eurent lieu, les canons se promenèrent sur les grandes routes ; on tirait indistinctement sur tout ce qui fuyait. Dans le Var un jeune homme, Martin Bidauré, est saisi, fusillé. Quelques amis le relèvent, il n’est pas mort ; l’administration le découvre, s’en empare, le soigne, et quand ses blessures sont guéries le fait fusiller une seconde fois. Après la déroute d’Auch dans le Gers, un groupe de patriotes rentrait à Vic-Fezensac, drapeau en tête ; un dragon les poursuit, veut s’emparer du drapeau ; sommé de s’éloigner, il répond à coups de sabre ; une arme part, il est tué. Six semaines après le procureur impérial envahit Vie pendant la nuit, arrache de leur lit trente-cinq citoyens. Le lendemain il les achemine vers le chef-lieu les mains liées derrière le dos, poussés par un détachement de cavalerie. Arrivés à l’endroit précis où, un mois auparavant, était tombé le dragon, sur l’ordre de l’officier, la troupe s’arrête ; on fait ranger les prisonniers en cercle, on leur ordonne de s’agenouiller, le détachement les enveloppe : « Misérables, crie l’officier, c’est ici qu’est mort notre camarade, c’est ici que vous allez mourir. » On charge les armes, et au commandement de feu, chaque soldat, d’un coup de crosse, relève violemment le prisonnier a genoux devant lui, et l’officier d’une voix tonnante : « Lâches, levez-vous, votre vie ne vaut pas une charge de poudre. »

Des commissions mixtes composées du général, du préfet et du procureur de Louis-Napoléon, dressèrent les listes de proscription. Cent mille arrestations eurent lieu. Plus de trente mille citoyens furent transportés ou durent s’expatrier ; beaucoup jetés à Cayenne, d’autres en Afrique, d’autres à Nouka-Hiva. Entassés par milliers dans des entreponts, rongés par la vermine, mêlés aux forçats, un grand nombre moururent dans la traversée. Enfermés à leur arrivée, on les écrasa sous les plus durs travaux. Nulle pitié pour les femmes ou plutôt un accroissement d’outrage. La courageuse Mme Pauline Roland, coupable d’opinions républicaines, fut embarquée pour l’Afrique, dans un convoi de prostituées. Une nuit, on gratte à sa porte. Inquiète, elle écoute, on attaquait le pène. Un moment son angoisse fut telle, qu’elle saisit convulsivement un couteau pour se frapper. Heureusement le jour parut, les pesées cessèrent. C’était un des gendarmes du cortége qui tentait une galante expédition.

Combien tombèrent dans l’exil ? Ah ! sables de l’Afrique, soleil meurtrier de Cayenne, air fétide de nos pontons, dites-nous combien vous avez enseveli, brûlé, empoisonné de ces nobles proscrits ? combien en avez-vous rendu ? Pas même trois sur cent, un témoignage récent vient de nous l’apprendre.


Ce fut au milieu de ces carnages et de la terreur universelle que la France fut appelée à voter sur la Constitution présentée par Louis-Napoléon. Les abords des scrutins étaient gardés par des gendarmes le sabre nu, les administrations rivalisèrent de zèle, et le Président osa dire quelques jours après que la France avait absous son forfait.

Du coup, nous voilà rétrogradés d’un demi-siècle. Louis-Napoléon rétablit tout le mécanisme impérial : noblesse, sénat, fonctionnaires, juridiction, armée. Il fit nommer les députés par ses préfets. Tout vestige de liberté de presse, de réunion, de tribune, fut radicalement extirpé. Il s’arrogea le droit de faire la paix, la guerre, de conclure des traités, c’est-à-dire de conduire la France à son caprice, à la boucherie et à la ruine. Tu penses, Jacques Bonhomme, qu’il lui fut facile, en 52, de se faire nommer empereur sous le nom de Napoléon III. Ensuite il édicta une loi par laquelle, sur un simple ordre de sa police, tout Français put être arrêté ou transporté.

Et alors la danse commença. Les fusillades, les arrestations, les déportations, les vols du Coup d’État avaient été conçus, combinés, dirigés par un boursier ruiné, énergique, audacieux, risquant gaiement sa peau, chevalier de la haute industrie, mâtiné de proxénète : Morny. Il reçut carte blanche, appela à la curée la bande des hommes à tout faire et de forte trempe, généraux, fonctionnaires, spéculateurs. Aux uns, il livra l’Algérie et ses plantureux bureaux arabes, à ceux-ci les fonctions publiques, aux autres les concessions de mines, de chemins de fer, de canaux, de travaux publics. Ce fut pendant les premières années de l’Empire un despotisme tempéré par la débauche et le macairisme. Des milliers de sociétés s’organisèrent librement, et ces francs coquins purent à leur aise aller pomper l’épargne jusqu’au fond des campagnes. Députés, fonctionnaires, ministres, usant des secrets d’État, faisant ainsi la hausse et la baisse, tripotèrent avec fureur à la Bourse, dans les entreprises industrielles, et y bâtirent de scandaleuses fortunes bien supérieures a celles que des siècles d’aristocratie avaient autrefois accumulées entre les mains des grands seigneurs. Un mot, un geste contre le gouvernement, et l’on disparaissait à tout jamais. La prostitution tripla ses cadres ; les filles devinrent une puissance devant laquelle s’inclinèrent les plus hauts pouvoirs de l’État.


En 1862, un Suisse, Jecker, se trouve créancier du Mexique pour une somme énorme, vingt ou trente millions ; il vient en France, s’abouche avec Morny, se fait naturaliser Français au mépris de toutes les lois ; l’Empire se souvient aussitôt que des négociants français réclament vainement sept ou huit millions au gouvernement mexicain. Un ultimatum est envoyé, on somme la République de désintéresser immédiatement tous nos nationaux. En tête figurait Jecker. Le Mexique ajourne ; une expédition française s’embarque ; la guerre dura cinq années ; quarante mille Français périrent du feu ou de la fièvre, plus de six cent millions furent engloutis. Il fallut, à la fin, se retirer piteusement devant les États-Unis menaçants, mais Morny et sa bande avaient fait leur razzia, étaient indemnisés depuis longtemps.

Pendant que nos forces s’épuisent au loin, la Pologne se soulève ; la France sollicite en sa faveur, la Russie lui rit au nez.

La Prusse double son territoire ; on lui réclame nos frontières naturelles ; elle montre les dents, on se tait.

Humble devant les forts, arrogant devant les faibles. Montauban est envoyé en Chine, pille, vole, viole, brûle une ville entière. Les Italiens revendiquent leur capitale, Rome, — les chassepots français les mitraillent.

En même temps les jésuites, les corporations religieuses couvrent la France. L’administration, l’armée, la magistrature, sont infectées de leurs associés ou de leurs élèves.

Le budget ne s’élevait pas à un milliard cinq cent millions en 1851, il dévore aujourd’hui deux milliards trois cent millions. La durée du service militaire n’était que de sept ans, elle atteint aujourd’hui neuf années et demi.

Et le prolétaire ? — L’Empire avait dit : « Je suis l’avénement du peuple. » Crois-tu, Jacques Bonhomme, qu’il s’efforça d’instruire les travailleurs, de leur faciliter l’association, de mettre à leur portée l’outillage ? Non, il réédita le piége des ateliers nationaux, il démolit les villes et les donna à reconstruire, mais la situation précaire du travailleur ne fut pas améliorée. Rien ne fut tenté pour la femme, et l’enfant demeura livré aux barbaries de l’exploitation. L’Empire concentra entre les mains de ses créatures et des grandes compagnies industrielles le capital et l’outillage national afin de tenir, dans une dépendance toujours plus étroite, le prolétaire et la petite bourgeoisie.


Comprends-tu, maintenant, Jacques Bonhomme des campagnes, pourquoi le vote des travailleurs est hostile à Napoléon III ? Mais leurs chétifs députés ne peuvent t’en donner qu’une bien faible idée. Au lieu de crier hautement : — le droit sans discussion, — la plupart, périphraseurs habiles, épuisent leurs plus belles métaphores à supplier l’Empire de se laisser attendrir. Aussi tu as entendu Paris et Lyon rugir, lancer par deux fois à la Chambre leur protestation brutale et dire sévèrement à ces députés timides qui s’étaient engagés à la revendication implacable, hautaine, complète : Plus de préliminaires, messieurs, il est temps d’en finir, plus de phrases, marchez ou laissez-nous passer.

Résumons en deux mots, Jacques Bonhomme, le court récit de ton histoire.

Les hommes, tu l’as vu, se divisent naturellement en deux partis : ceux qui craignent le peuple, s’en défient et sont portés à lui retirer tous les pouvoirs pour les confier aux classes supérieures, et ceux qui l’aiment ! le respectent, le considèrent comme le dépositaire le plus honnête et le plus sûr des intérêts publics. Quelle que soit leur appellation, les premiers sont les Aristocrates, et l’on doit nommer Démocrates les seconds.


L’égalité de tous les droits civils et politiques, l’élection de tous les agents, la diffusion de la propriété, la France sauvée de la banqueroute, victorieuse des coalitions, l’espoir et le secours de tous les peuples asservis, créant, organisant l’instruction, la justice, le droit public, commandant à la science comme a la victoire, le droit à l’existence proclamé, l’association remplaçant le prolétariat, les fonctions électives, l’esclavage aboli, en tout vingt-sept millions de rente inscrits au Grand-Livre, tel est le bilan de la France conduite par la démocratie.

Les priviléges rétablis, la loi violée, la France exsangue, épuisée par quinze années de guerres sans motif comme sans relâche, haïe de toute l’Europe, vaincue deux fois, deux fois souillée par l’invasion, plus de cent quarante millions de rente imposés par l’Empire aux générations a venir, la Terreur blanche, le milliard des émigrés, trois journées de carnage en Juillet, l’aristocratie bourgeoise, les journées de Février, les massacres de Juin, la dictature Cavaignac, la réaction, le Coup d’État, les mitraillades, les transportations, l’avénement des agioteurs et des coupeurs de bourses, les guerres du Mexique, de Chine, le travailleur de plus en plus exploité, plus de cent trente-cinq millions de rente ajoutés par le second Empire à la dette publique, des budgets de deux milliards et demi sans équilibre, et au bout, le DÉFICIT : voilà le bilan de la France livrée aux aristocrates.

Affranchissement Exploitation
de Jacques Bonhomme.   de Jacques Bonhomme.
RÉPUBLIQUE. BONAPARTE.