Histoire de France abrégée/Introduction.

Dezobry & Magdeleine (p. 7-18).

INTRODUCTION..




Géographie physique de la France. — Les Gaulois. — La Gaule romaine. — Premières invasions des Francs.


I. Importance de la géographie physique. — L’histoire ne peut étre comprise qu’à l’aide de la géographie. Sans cet auxiliaire indispensable, elle ne présente que des traits vagues et fugitifs ; éclairée de sa lumière, elle devient au contraire nette et précise. Elle nous montre, par exemple, l’Espagne et le Portugal relégués à l’extrémité S.-O. du continent européen, et restant longtemps étrangers au mouvement et aux idées politiques qui s’accomplissent autour d’eux, parce qu’une barrière de montagnes presque infranchissables les isole du reste de l’Europe ; l’Angleterre, jetée au milieu de l’Océan pour devenir la reine des mers, et située en face de la France pour être sa rivale ou son émule ; la France, voisine de cinq grandes nations et formant comme le nœud qui unit les principaux États européens. Étudier l’histoire d’un grand pays sans en connaître d’abord la configuration physique, ce serait vouloir construire un édifice sans connaître le terrain sur lequel il doit s’élever.

II. Limites et étendue de la France. — La France, appelée Gaule par les Anciens, est ce vaste et beau pays enfermé par la nature entre la Méditerranée et les monts Pyrénées au S., l’océan Atlantique à l’O., la Manche au N.-O., le Rhin à l’E., et les Alpes au S.-E. Elle s’étend de 42° 20’ à 51° 5’ de lat. N., et de 7° 9’ de long. 0. à 5° 56’ de long. E. Elle a la forme d’un hexagone, dont trois côtés sont baignés par la mer ; elle a 2, 400 kil. de côtes maritimes, et 1, 800 de frontières continentales.

III. Six grandes chaînes de montagnes. — On trouve en France six principales chaînes de montagnes, savoir :

1o  Les Pyrénées, qui se prolongent sur une étendue de 340 kilomètres, entre la France et l’Espagne ; elles laissent aux voyageurs 59 passages ou ports, dont les principaux sont gardés par les forts de Bellegarde et le Montlouis, à l’E., et par les routes partant d’Oloron et de Saint-Jean-Pied-de-Port, à l’O. Les sommets les plus remarquables des Pyrénées françaises sont, de l’E. à l’O. : le Canigou, les Pics du Midi de Bigorre et de Pau, le mont Perdu et le Vignemale. À ue hauteur de 2, 400 mètres, on rencontre les neiges perpétuelles. Ce n’est pas du reste par son élévation seulement et par sa masse que la chaîne des Pyrénées est intéressante ; elle l’est encore par ses richesses naturelles, ses eaux minérales, ses plantes précieuses et ses animaux rares, par ses admirables aspects, par ses vallées pittoresques, enfin par l’intelligence et la vivacité de ses montagnards, et par l’importance et la vivacité lui donne sa position entre deux grandes nations.

2o  Les Alpes, que l’on divise en trois groupes : Alpes occidentales, Alpes centrales, Alpes orientales. La chaîne des Alpes occidentales touche seule à la France et lui sert tout à la fois de limite et de rempart au S.-E., par les deux sections des Alpes maritimes et des Alpes Cottiennes. Ces dernières sont ainsi nommées en souvenir d’un roi CettIus, qui au temps d’Auguste ouvrit une route aux Romains dans la vallée de Suze ; elles envoient en France vers le S.-O., le rameau des Alpes du Dauphiné, où l’on remarque les monts Olan et Ventoux. Les Alpes maritimes projettent aussi au S.-O., les Alpes de Provence, dont les principales ramifications sont les monts d’’’Estérel, la Sainte-Baume et les montagnes des Maures.

3o  Le Jura, qui s’étend à l’E., dans l’intérieur même du pays, à travers les départements du Doubs, du Jura et de l’Ain sur une longueur de 280 kilomètres. En se rapprochant des Alpes, cette chaîne s’élève graduellement. Elle se compose de six petites chaînes presque parallèles, séparées par d’étroites vallées, et dont chacune est moins élevée que la précédente à mesure qu’on s’avance vers l’O. ; ainsi la plus occidentale n’a que 600 mètres, tandis que la plus orientale a une hauteur moyenne de 1, 000 mèt. ; on y remarque même le mont Tendre (1, 734 m.) et le mont Dôle (1, 690 m.). La chaîne du Jura n’est pas une frontière bien sûre ; elle livre passage aux ennemis par Genève au S., et par Bâle au N.

4o  Les Vosges, qui se rattachent au Jura par les collines de Réfort, et se dirigent vers le N. Sous ce nom nous comprenons les Vosges proprement dites, qui forment la limite occidentale du Haut et du Bas-Rhin, et les monts Faucilles, qui traversent de l’E. à l’O. le déparlement des Vosges. Des Faucilles se détachent vers le N.-O. les chaînes secondaires de l’Argonne et des Ardennes, qui enferment le bassin de la Meuse, et vers le S.-O. le plateau de Langres, qui a près de 450 mètres d’élévation, et se rattache à la Côte-d’Or, suite de collines dont les points les plus élevés ne dépassent pas 530 mètres. Les pentes occidentales de la Côte-d’Or sont assez brusques ; elles sont couvertes de riches vignobles et couronnées de bois. Vers l’O., la Côte-d’Or envoie, entre les affluents de la Seine et de la Loire, un rameau remarquable qui parcourt le département de la Nièvre sous le nom de monts du Morvan. — Parmi les principaux sommets des Vosges, on peut citer le Ballon[1] d’Alsace (1.071 mèt.). On trouve surtout dans les Vosges de fertiles et riantes vallées, des sites pittoresques qui rappellent la Suisse en petit, de belles forêts de sapins, des mines de cuivre, de fer, de plomb argentifère, de houille, de sel gemme, etc., des sources minérales et thermales, et des carrières de marbre.

5° Les Cévennes, qui se rattachent aux Vosges par la Côte-d’Or, le plateau de Langres et les Faucilles, et parcourent du N. au S. le centre de la France sous des noms divers. Les principales chaines des Cévennes sont les monts du Charolais, du Beaujolais, du Lyonnais, du Vivarais et du Gévaudan. Les montagnes d’Auvergne, comprenant la chaîne des monts Dômes et celle des monts Dores, sont, ainsi que la Margeride. les montagnes du Limousin et les montagnes du Poitou, des prolongements vers l’O. de la grande chaîne des Cévennes. Les Cévennes proprement dites couvrent le département actuel de la Lozère, l’un des plus pauvres de la France. Le mont’’Lozère, le plus élevé de celle chaîne, n’a que 1.490 mètres. — On trouve dans les Cévennes, comme dans les monts d’Auvergne, beaucoup de volcans, tous entièrement éteints, mais dant les cratères ont conservé leur forme primitive. Souvent même il est facile de reconnaître au pied de ces volcans la lave qui s’est changée en une sorte de pierre fort dure, et les décombres d’un incendie souterrain.

6o  Les monts de Bretagne ou chaîne Armoricaine, moins élevée que les chaînes précédentes, traversant toute la presqu’île de ce nom, et formant avec les montagnes de Normandie et du Maine, avec le plateau d’Orléans et les monts du Morvan, la ligne de partage des eaux entre le bassin de la Manche et celui du golfe de Gascogne.

IV. Six grands fleuves. — De même que nous avons distingué six grandes chaîines de montagnes, de même nous trouvons en France six fleuves principaux tombant de ces montagnes pour se rendre à la mer. Ces fleuves sont :

1o  La Seine, qui prend sa source dans les hauteurs de laCôte-d’Or, prés du petit villâge de Saint-Seine ; elle arrose Châtillon, Bar-sur-Seine, Troyes, Nogent-sur-Seine, Montereau, Melun, Corbeil, Paris, Poissy, Meulan, Mantes, Vernon, Pont-de-l’Arche, Elbeuf, Rouen, Quillebœuf, et se jette dans la mer entre le Hâvre et Honfleur, par une embouchure large de 12 kil. Ses principaux affluents sont : à droite, l’Aube, la Marne et l’Oise grossie de l’Aisne ; à gauche, l’Yonne et l’Eure. Le cours de la Seine est en général paisible et peu dangereux, excepté vers son embouchure, où il est embarrassé de nombreux bancs de sable qui se forment et disparaissent facilement ; mais il est fort sinueux, surtout depuis Paris jusqu’à la mer.

2o  La Loire, qui prend sa source au mont Gerbier-des-Joncs dans le département de l’Ardèche. Elle coule vers le N.-O. jusqu’à Orléans, en arrosant Roanne, Nevers, La Charité, Gien ; puis elle descend vers l’O. pour aller se jeter dans l’océan Atlantique, après avoir arrosé Orléans, Beaugency, Blois, Amboise, Tours, Saumur, Ancenis, Nantes et Paimbœuf. Ses principaux affluents sont : à droite, la Nièvre et la Maine, formée par la réunion de la Mayenne et de la Sarthe grossie du Loir ; à gauche, l’Allier, le Loiret, le Cher, l’Indre, la Vienne et la Sèvre Nantaise. Les bords de la Loire, depuis Orléans surtout, sont renommés pour la beauté de leur aspect ; mais son lit peu profond se trouve souvent obstrué par les sables, et elle est sujette à de fréquents et désastreux débordements.

3o  La Garonne, formée de deux ruisseaux, le Gar et l’Onne, qui prennent leur source, l’un dans les Pyrénées françaises, l’autre dans les Pyrénées espagnoles. Elle arrose Saint-Gaudens, Toulouse, Agen, Marmande, La Réole, Bordeaux, et tombe dans l’océan Atlantique sous le nom de Gironde, qu’elle prend depuis sa réunion avec la Dordogne. Son embouchure fait face à un rocher isolé, sur lequel Henri IV a fait élever un phare appelé la tour de Cordouan. Ses principaux affluents sont : à gauche, le Gers ; à droite, l’Ariége, le Tarn grossi de l’Aveyron, le Lot et la Dordogne, qui se réunit à la Garonne à l’endroit appelé le Bec d’Ambez.

4o  Le Rhône, qui prend sa source au mont Furca, en Suisse, à une hauteur de 1, 754 mètres ; après s’être ouvert la vallée du Valais entre les Alpes Helvétiques et Pennines, il traverse le lac de Genève, sert pendant quelque temps de limite entre la France et la Savoie, devient navigable à Seyssel, arrive à Lyon, ville avantageusement située au confluent du Rhône et de la Saône, tourne alors au S., et descend avec une rapidité souvent dangereuse vers la Méditerranée, en arrosant Vienne, Tournon, Valence, Pont-Saint-Esprit, Avignon, Beaucaire, Tarascon et Arles ; un peu au-dessous de cette dernière ville, il se partage en deux branches principales, le grand Rhône et le petit Rhône, et forme l’Île de la Camargue, dont les pâturages nourrissent une race de chevaux célèbres par leur légèreté. Les principaux affluents du Rhône sont : à droite, l’Ain, la Saône, sujette à de fréquents débordements, l’Ardéche, le Gard ; à gauche, l’Isère, la Drome et la Durance.

5o  Le Rhin, qui prend sa source, comme le Rhône, dans les Alpes, mais sur le versant opposé ; après avoir coulé vers le N., il traverse le lac de Constance, se dirige vers l’O. jusqu’à Bâle, tourne ensuite brusquement vers le N. en servant de frontière orientale à l’Alsace, sépare la Belgique de la Hollande, et va se jeter dans la mer du Nord, après avoir passé par Spire, Worms, Mayence, Coblenz, Cologne, Ulrecht et Leyde. Ses affluents de la rive gauche sont les seuls dont nous ayons à parler ici ; il y en a trois principaux : l’Ill, qui arrose Mulhouse et Strasbourg, la Lauter, qui forme la limite N.-E. de la France, et la Moselle, qui arrose Épinal, Toul, Pont-à-Mousson, Metz et Thionville. La navigation du Rhin, comme celle du Rhône, est dangereuse par l’impétuosité de son cours ; mais les bords de ce fleuve offrent les sites les plus remarquables.

6o  La Meuse, qui prend sa source dans le plateau de Langres, arrose jusqu’à la frontière Saint-Mihiel, Verdun, Sedan, Mézières, Charleville et Givet. Son principal affluent est la Sambre, qui la rejoint sur sa rive gauche, à Namur, en Belgique. Les bords de la Meuse sont aussi très-renommés pour la richesse de leur végétation et la beauté de leurs sites.

V. Climat et productions. — Ainsi couverte de montagnes que couronnent de belles forêts, ainsi arrosée par six grands fleuves et plus de cinq mille rivières, la France était déjà célèbre dans l’antiquité par la douceur de sa température et l’heureuse diversité de ses produits. Elle a toujours possédé des mines d’étain, de plomb, d’asphalte, de houille et de nombreuses mines de fer. Le cuivre y est plus rare ; l’argent l’est bien plus encore ; l’or ne s’y rencontre presque pas. On y trouve beaucoup de carrières d’albâtre, de porphyre, de granit, de marbre, de pierres à fusil, d’ardoises, de plâtre, etc., de belles salines et des marais salants. Mais parmi tous les avantages dont la France se trouve dotée, uncun n’égale l’importance de ses richesses végétales. Son heureuse situation et la bonté du sol permettent d’y cultiver avec succès une multitude d’arbres et de plantes de toute espèce. Les céréales, les fruits, les légumes, les plantes oléagineuses y croissent même avec une telle abondance, que plusieurs de ces productions non-seulement suffisent aux besoins du pays, mais sont encore l’objet d’une exportation considérable. Le climat, l’exposition et l’industrie locale ajoutent dans plusieurs déparlements à l’importance de nos richesses végétales.

VI. Premières populations : Celtes ou Gaulois. — Nous ne savons rien des premiers habitants de la Gaule. Les populations les plus anciennes dont l’histoire ait gardé le souvenir portaient le nom de Celtes ou Gaulois. Quoique appartenant peut-être à une seule et même race, les Gaulois s’étaient partapés sur le territoire en trois grandes familles : les Belges, les Celtes proprement dits et les Aquitains. Quelques restes de la langue celtique se sont conservés, dit-on, jusqu’à nos jours dans le langage des Bas-Bretons.

VII. Religion des Gaulois. — Ce qui nous est connu de la religion de ces peuples primitifs nous les montre adonnés aux pratiques des plus grossières superstitions. Ils adoraient cependant un dieu suprême, créateur du ciel et de la terre ; ils le supposaient père des autres dieux, l’appelaient Teut, et en faisaient aussi le dieu de la guerre, des éclairs et du tonnerre. Leur principale déesse était la Terre, qu’ils appelaient IIertha. Au-dessous de Teut et de IIertha venaient se ranger une foule de dieux inférieurs. Les Gaulois rendaient aussi un culte religieux au soleil, à la lune, aux fontaines, aux lacs, aux fleuves, à la mer. Ils croyaient que les dieux ordonnaient de ne pas faire le mal, mais que leur colère contre les coupables pouvait être apaisée par des sacrifices humains. Après une bataille, par exempte, ils construisaient, en forme de géant, une vaste cage d’osier, dans laquelle ils entassaient les prisonniers, et ils y mettaient le feu. Ils croyaient à l’immortalité de l’’âme, et, dans leurs chants religieux, ils célébraient le bonheur de la vie a venir et les vertus qui y conduisent.

VIII. Druides et Druidesses. — Leur dieu suprême n’avait pour temple qu’une épaisse forêt de chênes : il était serrvi par les Druides et les Druidesses. À certaines époques, au commencement de l’année, entre autres, le Druide allait cruper solennelement avec une faucille d’or le gui sacré qui poussait sur les vieux chênes. Un autre Druide le recevait sur une toile blanche ; car il ne fallait pas que ce feuillage sacré tombât la terre. Les Gaulois annonçaient cette fête par un chant dont le sens a été conservé dans ce vieux refrain : Au gui ! l’an neuf, c’est-à-dire, « Allons cueillir le gui sacré ; voici la nouvelle année qui commence. » Pendant la paix, les Druides rendaient la justice et instruisaient le peuple, quand les soins du culte ne les occupaient pas. À la guerre, les bardes et les devins, sorte de prêtres inférieurs, accompagnaient les guerriers et les excitaient par leurs chants et par leurs prédictions. Mais les femmes appelées Druideses éiaient surtout respectées. Vêtues de longues robes hlanches, avec une ceinture de cuivre, elles prédisaient l’avenir d’après l’inspection des étoiles ou des entrailles des victimes. Quand on amenait un prisonnier, elles accouraient pieds nus, l’épée à la main, et elles le traînaient sur le bord d’un fossé. Là, la Druidesse la plus respectée lui enfonçait le couteau dans la poitrine, et elle tirait des augures favorables ou défavorables de la manière dont le sang jaillissait de la blessure : tant était profonde l’ignorance, tant était complet l’aveuglement de ces peuples privés des lumières du christianisme.

IX. Dolmens menhirs, cromlechs. — Outre les vestiges de la langue celtique que la Basse-Bretagne a conservés, il reste encore sur notre sol d’autres monuments de ces temps reculés. Le nom de la ville de Dreux (Eure-et-Loir) rappelle peut-être que c’était là le point central des réunions druidiques ; celui de Montbard (Côte-d’Or) marque probablement la montagne où tes bardes s’assemblaient. Enfin, le voyageur rencontre à chaque pas, en Bretagne, des dolmens, des menhirs et des cromlechs[2], immenses pierres sur lesquelles les Druides offraient leurs sacifices. Les dolmens se prolongeaient quelquefois en forme de galerie obscure. Un des plus curieux monuments de ce genre est celui que les paysans bretons appellent la Roche-aux-Fées, à peu de distance de Rennes.

X. Armes gauloises. — Nous avons peu de renseignements sur les armes particulières des Gaulois. Ils se servirent d’abord de haches et de couteaux faits avec des pierres très-aigûes, de flèches, de massue, surtout d’épieux qu’ils durcissaient au feu. Ils protégeaient leurs corps par un bouclier de bois grossièrement travaillé. Ils apprirent ensuite à faire des armes en fer, telles qu’on en retrouve encore tous les jours dans certaines provinces, en creusant le sol.

XI. Émigrations des Gaulois. — La Gaule envoya des colonies dans les pays voisins et reçut elle-même des colonies étrangères. Vers l’an 600 avant Jésus-Christ, des Gaulois, sous la conduite de Sigovèse, allèrent peupler la Germanie et l’Illyrie. D’autres, avec Bellovèse, envahirent le nord de l’Italie en 587 et y fondèrent Milan. En 390, le gaulois Brennus s’empara de Rome, et peu s’en fallut qu’il ne détruisît presque à son berceau la future maîtresse du monde. On vit du moins le fier vainqueur jeter son épée dans la balance où se pesait la rançon de la ville éternelle, en s’écriant : Malheur aux vaincus ! Enfin, vers 278 av. J.-C, une armée gauloise pénétra en Macédoine et en Thrace, passa de là dans l’Asie-Mineure, et s’y mêlant aux Grecs asiatiques, forma la population nouvelle des Galates ou Gallo-Grecs.

XII. Fondation de Marseille. — C’est aussi vers l’an 600 av. J.-C. qu’une colonie de Phocéens, partie de l’Asie-Mineure, aborda non loin de l’embouchure du Rhône et y fonda Marseille. Les Phocéens enseignèrent aux peuplades voisines la langue grecque et les arts de l’Orient : de nouvelles plantes s’acclimatèrent sur notre territoire. Les Marseillais devinrent bientôt puissants par leur commerce. Le rapide accroissement de leurs richesses excita la jalousie des cités voisines. Deux fois menacés par une ligue redoutable, ils appelèrent à leur secours les Romains, qu’ils avaient eux-mêmes aidés à soumettre l’Italie.

XIII. Les Romains en Gaule. La Province. — Rome saisit avec empressement l’occasion qui lui était offerte d’intervenir dans les affaires de la Gaule. L’an 154 avant J.-C, une armée consulaire passa les Alpes et dissipa la ligue formée contre Marseille. Vingt-neuf ans plus tard (125 av. J.-C.), les Romains reparurent en Gaule, mais pour n’en plus sortir. En 123, un de leurs généraux, le consul Sextius, fonda la ville d’Aquœ Sextiœ (Aix) près d’une source d’eaux thermales, à peu de dislance de Marseille et de la mer. Ce premier établissement, que l’on peut considérer comme une prise de possession du pays, fut bientôt affermi par la défaite des peuples voisins qui habitaient le territoire entre les Alpes, la Méditerranée et les Cévennes, par l’ouverture d’une voie romaine qui conduisait des Alpes au Rhône, et par la fondation de la colonie de Narbonne (118 av. J.-C). Le pays conquis fut annexé au territoire de Rome, sous le nom de Province, qui s’est conservé dans celui de Provence.

XIV. Conquête de la Gaule par César. — Enfin parut celui qui devait soumettre la Gaule tout entière, le célèbre Jules César, le plus grand homme de guerre des Romains. Il consacra huit campagnes à cette conquête (59-50 av. J.-C.). Les six premières ne le firent triompher que du nord de la Gaule. Au centre, il rencontra un terrible adversaire, le Vercingétorix ou chef suprême des Arvernes, qui le battit à Gergovie[3]. Ce chef avait organisé la révolte de tous les peuples du centre de la Gaule, de concert avec les Druides, ennemis du conquérant. Non-seulement on avait cherché à exciter l’enthousiasme patriotique par des chants nationaux et par des prédications fanatiques, mais on avait eu recours a la terreur et à des actes révoltants de barbarie pour entraîner au combat même les plus indifférents. Quiconque n’avait pas voulu s’armer pour la défense de la liberté nationale avait eu le poing coupé. Le champion de l’indépendance gauloise lutta jusqu’au dernier moment contre César avec un courage digne d’un meilleur sort ; vaincue et réduit à déposer les armes après le siège d’Alésia[4], il se rendit au camp romain, et descendant de cheval devant son heureux adversaire, il se prosterna en silence à ses pieds. César eut la cruauté de traîner le généreux défenseur de la Gaule derrière son char de triomphe.

XV. Civilisation romaine dans la Gaule. — La Gaule resta plus de cinq cents ans soumise à la domination romaine. La politique habile des vainqueurs sut y effacer peu à peu toutes les traces de l’ancienne nationalité. Division du territoire, religion, forme du gouvernement, tout fut changé, tout fut organisé selon les idées romaines. Il n’y eut pas jusqu’aux noms gaulois des villes qui ne furent remplacés par des noms romains. Les forêts au fond desquelles les Druides offraient leurs sanglants sacrifices furent abattues ; le pays fut assaini ; un vaste système de routes établît des communications entre les diverses cités ; les écoles furent multipliées, et l’activité des Gallo-Romains fut dirigée vers l’agriculture et les arts de l’Italie et de la Grèce. On donna aux vaincus le droit de cité ; on les admit aux magistratures romaines ; on leur ouvrit même l’entrée du Sénat. Aussi la Gaule demeura-t-elle généralement étrangère aux révolutions qui agitèrent tant d’autres provinces de l’empire.

XVI. Le christianisme en Gaule. — Elle se consola de son asservissement par le christianisme. L’Evangile fut apporté en Gaule dans la seconde moitié du IIe siècle, et le foi nouvelle se propagea rapidement dans les provinces méridionales. La première église chrétienne fondée dans notre pays fut celle de Lyon ; là aussi furent immolés les premiers martyrs de la Gaule, saint Pothin (177) et saint Irénée (199)), tous deux évêques de Lyon. Un demi-siècle après, le christianisme avait pénétré dans le nord, et les empereurs romains l’y poursuivirent. Saint Denis et ses compagnons scellèrent de leur sang les vérités qu’ils venaient prêcher aux populations encore plongées dans l’erreur[5]. Mais ce sang fut comme une semence féconde qui engendra de nouveaux chrétiens. La conversion de la Gaule, accélérée par les supplices mêmes, fut achevée presque complètement au IVe siècle par saint Martin, evêque de Tours, l’un des plus glorieux apôtres de l’Evangile.

XVII. Les Francs ; leur premier établissement. — En 241 les Francs ou hommes libres parurent pour la première fois sur la frontière de la Gaule. Établis originairement dans le N.-O. de la Germanie, sur la rive droite du Rhin, ils franchiient ce fleuve, et se firent battre près de Mayence par le tribun militaire Aurélien, qui fut depuis empereur. De nouvelles incursions, tentées par eux dans le cours du même siècle, n’eurent aucun résultat. Mais en 359 l’empereur Julien accorda à la tribu des Francs Saliens l’autorisation de se fixer sur la rive gauche du Rhin : il leur céda les terres de la Toxandrie (Belgique), a la condition qu’ils défendraient cette frontière comme alliés de l’empire. Tel fut le premier établissement des Francs dans la Gaule, et il est digne de remarqué que ce sont les premiers Barbares fixés dans ce pays qui devaient en rester définitivement les maîtres.

XVIII. Religion des Francs. — La religion des Francs avait beaucoup d’analogie avec celle des anciens Gaulois. Comme eux, ils offraient leurs sacrifices dons les sombres retraites des forets, persuadés comme eux aussi qu’ils auraient insulté la Divinité en l’enfermant dans un temple.

XIX. Leurs institutions militaires. — Ils reconnaissaient pour chef celui qui était entre tous le plus courageux et le plus souvent vainqueur. Dès que les acclamations de l’assemblée l avaient désigné pour commander, il montait sur un bouclier que quatre guerriers soutenaient sur leurs épaules. C’est ce qu’on appelait élever sur le pavois. Ainsi proclamé, le chef laissait des lors croître sa chevelure, comme signe distinctif de son autorité[6]. Il commandait à l’armée et rendait la justice ; mais il consultait toujours les réunions générales de la nation (v. au chap. iv, no 42).

XX. Leurs premiers rois.Pharamond est le premier roi des Francs dont l’histoire nous ait conservé le nom, et rien que le nom ; il aurait régné vers l’an 420.

Sous son successeur, Clodion-le-Chevelu (428-448), les Francs s’emparèrent de Tournai et de Cambrai.

Mérovée, qui régna après lui (448-458), s’allia au général romain Aëtius, gouverneur de la Gaule, pour repousser l’invasion d’Attila, roi des Huns. Le chef barbare, qui se disait le Fléau de Dieu, le ministre des vengeances célestes, fut vaincu dans les plaines de Chàlons-sur-Marne en 451. La valeur dus Francs contribua puissamment au gain de la bataille, qui ruina la puissance des Huns. Ce succès, dit-on, valut à Mérovée l’honneur de donner son nom à la première race de nos rois, qu’on appelle les Mérovingiens.

Son fils et successeur Childéric Ier (458-481) n’est remarquable que pour avoir été le père de Clovis. Tout ce qu’on sait de son règne, c’est que, ayant mécontenté ses sujets, il fut exilé par eux. Mais n’abandonnant pas l’espoir de recouvrer la couronne, il laissa en Gaule un fidèle serviteur, avec la moitié d’une pièce de monnaie dont il emporta l’autre moitié ; ce gage devait lui être envoyé lorsque les esprits de ses sujets seraient calmés. Childéric revint en effet quand il eut reçu cet avis, et régna dès lors tranquillement jusqu’à sa mort. Il avait établi sa résidence à Tournai, où l’on a retrouvé son tombeau en 1653.

Division générale de l’Histoire de France.

L’histoire de France, depuis Clovis jusqu’à nos jours, embrasse un espace de 1400 ans ou quatorze siècles.

Trois races de rois ou dynasties royales[7] ont régné successivement sur la France, savoir :

La race des Mérovingiens, qui a fourni 31 rois ;
des Carlovingiens, 13
des Capétiens, 31

Mérovingiens. — La première race commence à Mérovée, aïeul de Clovis et tire son nom de lui. Elle comprendrait 33 rois, si l’on y comptait, comme on le fait à tort, Pharamond et Clodion. Six rois seulement de cette dynastie ont gouverné toute la monarchie. Il serait donc difficile de donner une série chronologique régulière des rois de France pour la première race. Les princes qui ont résidé à Paris ne peuvent pas être considérés comme rois de France plutôt que ceux qui régnaient en Neustrie, en Ostrasie ou en Bourgogne.

Carlovingiens. — La seconde race tire son nom de Karl ou Carl le Grand, que nous nommons vulgairement Charlemagne. La série des 13 Carlovingiens a été deux fois interrompue par le règne de deux princes étrangers à cette race, Eudes et Raoul. Ces deux princes se rattachent à la famille des Capétiens qui a formé la troisième dynastie.

Capétiens. — La troisième race tire son nom de Hugues Capet. Elle se divise en trois branches :

1o  Celle des Capétiens directs, qui a donné 14 rois[8] ;
2o  Celle des Valois, 13
3o  Celle des Bourbons, 19

Aux trois dynasties royales qui ont gouverné la France jusqu’en 1815, il convient d’ajouter la dynastie impériale, fondée par Napoléon Ier en 1804, dépossédée en 1815 et relevée par Napoléon III en 1852.

  1. La forme arrondie de plusieurs de ces sommets leur a lait donner le nom de’’ballons.
  2. Les dolmens ou table de pierre sont formés de trois à quinze pierre brutes plantées verticalement qui en supportent une autre horizontale ; les menhirs sont fichés en terre isolément ou rangés en avenue : les cromlechs sont de menhirs disposés en cercle autour d’au autre plus élevé.
  3. Près de Clermoot (Puy-de-Dôme).
  4. Aujourd’hui Alaise, canton d’Amancey (Doubs).
  5. Le martyre de saint Denis et de ses compagnons eut lieu près de Paris, à Montmartre, dont le nom signifie Mont des Martyrs.
  6. De là vient le nom de rois chevelus, qui est donné souvent aux rois de la première race.
  7. Voir les cinq premiers tableaux généalogiques pour les noms des 82 rois de chacune des trois dynasties royales.
  8. Non compris Eudes et Raoul.