Dezobry & Magdeleine (p. 237-246).

CHAPITRE XXIV


Réorganisation monarchique de la France — Au-dedans, l’ordre est rétabli, les factions réconciliées, les temples rouverts, l’administration régularisée, la législation perfectionnée ; au-dehors, la gloire du nom français est portée à son apogée par une série de victoires et de conquêtes inouïes.

Le Consulat, 1789-1804. — L’Empire, 1804-1814. — La Restauration, 1814.-1815. — Les Cent-Jours, 1815.

397. Constitution de l’an VIII. — Le nouveau gouvernement inaugura sa politique par des mesures réparatrices ; il rappela les proscrits, supprima les fêtes révolutionnaires, abolit les décrets contre les émigrés. Puis il présenta à l’adoption du peuple français une nouvelle Constitution, qui fut votée par trois millions de citoyens : ce fut la Constitution de l’an VIII (24 décembre 1799). Elle établissait trois consuls chargés du pouvoir exécutif ; mais en fait, toute l’autorité fut concentrée entre les mains du premier consul. Le pouvoir législatif était partagé entre trois assemblées, le Tribunat qui préparait les lois, le Corps législatif qui les votait, le Sénat qui veillait à leur observation. Bonaparte fut nommé premier consul ; il prit pour collègues Cambacérès et Lebrun.

398. Bataille de Marengo ; paix avec l’Autriche et l’Angleterre. — Son attention se porta d’abord sur les affaires du dehors. La Russie s’était retirée de la coalition ; mais l’Autriche était toujours sous les armes, et l’Angleterre cherchait partout des ennemis à la France. Le premier consul marcha vers l’Italie avec quarante mille hommes ; la campagne contre les Autrichiens ne dura que quarante jours. L’armée française, après avoir franchi le St-Bernard malgré les difficultés du passage, gagna la bataille de Montebello le 9 juin 1800 ; le 14 la brillante victoire de Marengo décida du sort de l’Italie. Moreau, de son côté, battit l’archiduc Jean à Hohenlinden sur le Rhin (3 décembre), et pénétra jusqu’aux portes de Vienne. L’empereur d’Allemagne se hâta de signer la paix ; le traité de Lunéville (1801) confirma à la France la possession de la Belgique et de la rive gauche du Rhin. La paix d’Amiens conclue avec l’Angleterre, l’Espagne et la Hollande (25 mars 1802), acheva la pacification de l’Europe. Mais la joie de ces succès fut troublée par la perte de l’Égypte, que l’armée française dut évacuer en 1801, et par l’inutile expédition dirigée contre les nègres révoltés de St-Domingue en 1802 : cette colonie fut perdue sans retour pour la France.

399. Réformes et institutions. — La paix extérieure permit à Bonaparte de travailler au repos et au bien-être de la France ; il pacifia la Vendée ; il rétablit la religion catholique en signant avec le pape Pie VII le concordat de 1801 ; il commença la rédaction d’un code (le Code Napoléon) approprié aux besoins nouveaux de la France, et que presque toutes les nations de l’Europe ont pris depuis pour modèle ; il reconstitua la magistrature sur de nouvelles bases ; il répara les rentes, les porte, les arsenaux ; il encouragea l’industrie, le commerce, les lettres et les arts. L’instruction publique fut réorganisée, ainsi que l’École polytechnique et l’Institut, nobles et utiles créations de la Convention ; enfin, un ordre militaire et civil, la Légion d’honneur, fut établi pour récompenser tous les mérites (mai 1802). La reconnaissance nationale paya tant de bienfaits ; sur la proposition du Tribunal, Bonaparte fut nommé consul pour dix ans (6 mai 1802), et trois mois après consul à vie. Ce fut l’objet de la Constitution de l’an X, acceptée par trois millions et demi de citoyens. Le décret portait : « Le peuple français nomme et le Sénat proclame Napoléon Bonaparte premier consul à vie. Une statue de la Paix, tenant d’une main le laurier de la victoire, de l’autre le décret du Sénat, attestera à la postérité la reconnaissance de la nation. »

400. Complots et conspirations. — Mort du duc d’Enghien. — Le gouvernement tendait à la monarchie : il se fortifiait en dépit des complots et des conspirations. Une nouvelle tentative des mécontents hâta le dénouement. Bonaparte, échappé comme par miracle au poignard d’Aréna et de ses complices (1799), puis à l’explosion d’une machine infernale disposée dans la rue Saint-Nicaise, près du Carrousel (1800), découvrit en 1804 une nouvelle conspiration, dont les principaux chefs étaient Georges Cadoudal et Pichegru. Le premier fut arrêté dans la rue et mis a mort ; le second s’étrangla dans sa prison ; Moreau, qui avait reçu leurs confidences, fut exilé. Le jeune duc d’Enghien, petit-fils du prince de Condé, fut impliqué dans ce complot, enlevé sur la frontière du Rhin, conduit à Vincennes, mis en jugement, condamné et fusillé dans les fossés du château, durant la nuit du 20 au 21 mars.

401. Napoléon empereur, 1804. — Bonaparte n’attendait plus pour monter sur le trône que l’initiative des grands corps de l’État. Le Sénat comprit cette hésitation, et une députation, prise dans son sein, alla dire au premier consul : « Vous fondez une ère nouvelle ; mais vous devez l’éterniser. Vous pouvez mettre un frein aux conspirations, désarmer les ambitieux, tranquilliser la France entière, en lui donnant des institutions qui prolongent pour les enfants ce que vous avez fait pour les pères. Grand homme, achevez votre ouvrage en le rendant immortel comme votre gloire. » Un mois après, le 30 avril, un membre du Tribunat proposa que Napoléon Bonaparte, premier consul, fat déclaré Empereur des Français, et que la dignité impériale devint héréditaire dans sa famille. Cette proposition fut adoptée, et l’empire fut proclamé à St-Cloud le 18 mai 1804. Une nouvelle Constitution, celle de l’an XII, maintint l’existence du Sénat, du Corps législatif et du Tribunat, mais sons l’autorité de l’empereur ; elle créa autour de sa personne, pour rehausser l’éclat du trône, un cortège de grands dignitaires, le grand électeur, l’archi-chancelier, l’archi-trésorier, le grand amiral, des maréchaux, un grand aumônier, un grand chambellan, un grand maréchal du palais, un grand écuyer, un grand-veneur, un grand maître des cérémonies, des pages, des livrées, des blasons. Pour consacrer le nouvel ordre de choses, le pape vint à Paris, et le 2 décembre il couronna l’empereur Napoléon et l’impératrice Joséphine dans la basilique de Notre-Dame. Le 26 mai suivant Napoléon ceignait à Milan la couronne de fer des anciens rois Lombards, et prenait le titre de roi d’Italie (v. tab. généal. VI).

402. Campagne d’Austerlitz, 1805. — Par cet acte et par la réunion de la république Ligurienne au territoire de l’empire Français, il mécontenta l’Autriche, qui s’unit aux Russes pour hasarder une lutte nouvelle contre la France. L’empereur était au camp de Boulogne, tout occupé d’un projet de descente en Angleterre ; Il se jeta aussitôt sur l’Allemagne, força le général Mack à capituler dans Ulm avec trente-six mille hommes et soixante pièces de canons, traversa Vienne, et alla battre les Russes et les Autrichiens dans les plaines d’Austerlitz en Moravie, le jour anniversaire de son couronnement (2 décembre 1805). Cette victoire éclatante fut suivie de la paix de Presbourg, signée le 28, qui donnait à la France les États Vénitiens, l’Istrie et la Dalmatie, et qui érigeait en royaume la Bavière et le Wurtemberg. Napoléon triomphait sur le continent ; mais l’amiral anglais Nelson venait d’achever à Trafalgar la destruction des marines combinées de la France et de l’Espagne (21 octobre).

403. Puissance de Napoléon. — L’année suivante, l’empereur enleva la couronne de Naples aux Bourbons, et la donna à son frère Joseph ; il érigea la république Batave en royaume pour son autre frère Louis ; il créa son beau-frère Murât grand-duc de Clèves et de Berg, donna le duché de Guastalla à sa sœur la princesse Pauline, la principauté de Neufchatel au maréchal Berthier, celle de Ponte-Corvo au maréchal Bernadotte, celle de Bénévent à Talleyrand ; créa des duchés pour ses généraux dans les provinces et les villes d’Italie et d’Illyrie, substitua à l’ancienne organisation politique de l’Allemagne la Confédération du Rhin, dont il se déclara le protecteur, et força François II à changer son titre d’empereur d’Allemagne contre celui d’empereur héréditaire d’Autriche. Au dedans, il abolit le Tribunat, devenu un rouage inutile, remit en vigueur le calendrier Grégorien, rendu le Panthéon au culte, et rétablit les sépultures royales dans la basilique de Saint-Denis.

404. Batailles d’Iéna, d’Eylau, de Friedland. Blocus continental. — Une quatrième coalition, formée entre la Prusse, la Suède, la Russie et l’Angleterre, ralluma la guerre. Les Prussiens furent écrasés à la bataille d’Iéna (14 octobre 1806), les Russes aux journées d’Eylau et de Friedland (8 février et 14 juin 1897), et Napoléon dicta la paix de Tilsitt (7 et 9 juillet). Il enleva à la Prusse ses provinces entre l’Elbe et le Rhin, et ses provinces polonaises ; des premières, il forma le royaume de Westphalie, pour Jérôme Bonaparte, la plus jeune de ses frères ; il donna les autres, sous le nom de grand-duché de Varsovie, à son allié l’électeur de Saxe, qu’il fit roi. Le czar de Russie, Alexandre, et le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, s’engagèrent en outre à fermer leurs ports aux marchandises et denrées anglaises, et adhérèrent ainsi au blocus continental, que l’Empereur avait décrété à Berlin le 21 novembre 1806, pour ruiner le commerce de l’Angleterre.

405. Guerre de Portugal et d’Espagne. — Le Portugal était le seul pays du continent qui restât encore soumis à l’influence des Anglais. Napoléon le fit envahir par Junot en novembre 1807, et décida que la maison de Bragance avait cessé de régner. Mais il lui fallait être maître de toute la Péninsule. Profitant des dissensions survenues entre le roi d’Espagne Charles IV et son fils Ferdinand, prince des Asturies, il les appela tous deux a Bayonne pour régler leur différend, relégua le fils au château de Valencay, fit signer au père un acte d’abdication, et donna l’Espagne à son frère Joseph, qu’il remplaça par Murat sur le trône de Naples. La nation espagnole ne voulut pas souscrire à ce changement ; elle se souleva contre la domination française. La guerre d’Espagne fut marquée pour la France par de brillants succès et de cruels revers ; l’événement le plus mémorable fut le siège de Saragosse, dont chaque rue dut être emportée d’assaut, et qui coûta, dit-on, la vie à cent mille hommes (1808-1809). Les Portugais s’armèrent à l’exemple des Espagnols, et les deux peuples, soutenus incessamment par l’or et les troupes de l’Angleterre, prolongèrent leur résistance pendant cinq années. Aux batailles rangées succéda la guerre des guérillas ou bandes de volontaires, qui harcelaient les corps d’armée détachés, pillaient les convois, massacraient les hommes isolés, et ne pouvaient jamais être atteints dans leurs montagnes.

406. Campagne de Wagram, 1809. — Accroissements territoriaux. — Cependant l’Autriche avait repris les armes. Napoléon partit aussitôt pour la Bavière, gagna trois batailles en trois jours, à Abensberg, à Erkmühl et à Ratisbonne, rejeta les Autrichiens sur la rive gauche du Danube, entra une seconde fois dans Vienne, et par les sanglantes victoires d’Essling et de Wagram (6 juillet 1809), força l’empereur François à signer la paix (14 octobre) et à adhérer au blocus continental. Quelques mois auparavant le pape avait été dépouillé de ses États, pour avoir ouvert ses ports aux Anglais. Napoléon l’avait fait saisir au Vatican, et conduire à Savone, puis à Fontainebleau, où il le retint quatre ans prisonnier ; le patrimoine de l’Église fut réuni à l’empire et forma trois départements. L’année suivante, ce fut le tour de la Hollande ; elle était devenue un entrepôt de marchandises anglaises. L’empereur l’enleva au roi Louis, et en fit sept départements français. Le Valais et les villes Hanséatiques furent également réunis à l’empire. C’est à la suite de ces victoires et de ces agrandissements que l’empereur inaugura, le 15 août 1810, sur la place Vendôme à Paris, la colonne de la Grande Armée, élevée avec le bronze des canons conquis sur les Autrichiens dans la campagne de 1805.

407. L’impératrice Marie-Louise ; le roi de Rome. — Napoléon était au faîte de la puissance ; il commandait à 50 millions d’hommes, et son empire comptait 130 départements ; mais il lui manquait un héritier. Il répudia Joséphine, et il épousa, le 1er avril 1810. l’archiduchesse Marie-Louise, fille de l’empereur d’Autriche. Le 20 mars 1811, il en eut un fils qui reçut le nom de roi de Rome.

408. Campagne de Russie, 1812. — L’étonnante fortune du conquérant de l’Italie et de l’Égypte alla se briser contre les glaces de la Russie. Le czar Alexandre, qui voyait le commerce de son empire entravé par le blocus continental, n’avait pas hésité à rouvrir ses ports aux Anglais ; Napoléon déclara aussitôt la guerre à la Russie. Laissant sur ses derrières les Espagnols aux prises avec ses lieutenants, Qui remportaient de stériles victoires. Il quitta Paris le 9 mai 1812, à la tête d’une admirable armée de cinq cent mille hommes, et ayant sous ses ordres les maréchaux Davoust, Ney, Oudinot, le prince Eugène son beau-fils, son beau-frère Murat, le prince Poniatowski, et une foule d’autres généraux illustres. Il franchit le Niémen au mois de juin, soumit la Lithuanie, s’empara de Smolensk (17 août), et entra dans Moskou le 14 septembre, après avoir gagné, aux portes de cette capitale, la sanglante bataille de la Moskowa, qui coûta cinquante mille hommes aux Russes. Il avait résolu de prendre ses quartiers d’hiver à Moskou et de marcher au printemps sur Pétersbourg ; mais un vaste incendie, allumé par les ordres mêmes du gouverneur russe Rostopchin, anéantit Moskou, et après un mois d’hésitation, il fallut songer à la retraite ; car l’hiver approchait, l’hiver de la Russie. L’armée se mit en marche le 23 octobre ; mais le 7 novembre, lorsque la neige, qui tombait à gros flocons, commença à ensevelir hommes et chevaux, lorsque les vivres manquèrent, et qu’un froid glacial sema la route de cadavres, le désordre se mit dans les rangs ; ce ne fut plus une retraite, mais une déroute désespérée. Trente mille hommes périrent au passage de la Bérésina (28 novembre). En même temps la Prusse et l’Autriche se déclaraient contre la France, et le général Mallet tentait de renverser à Paris le gouvernement impérial (23 octobre). Napoléon quitta le 5 décembre la Grande armée, et arriva le 18 du même mois dans la capitale, pendant que ses troupes achevaient leur retraite au milieu des plus cruelles souffrances.

409. Campagnes d’Allemagne et de France. — Loin de perdre courage, l’empereur demanda au Sénat et en obtint une nouvelle armée de 350, 000 hommes, avec laquelle il partit pour la Saxe. Vainqueur à Lutzen (2 mai), à Bautzen (20 mai), et à Dresde (27 août), il fut battu à Leipzig le 19 octobre 1813, par suite de la défection des Saxons, et contraint de se replier vers la France. Ses ennemis, dont le nombre grossissait sans cesse, l’y suivirent. Pendant que les Suédois et les Allemands pénétraient au nord ; les Russes, les Autrichiens et les Prussiens à l’est, le duc de Wellington avait franchi les Pyrénées et envahi le sud de la France à la tête des Anglo-Espagnols. En face de tant de périls, Napoléon se multiplia, et trouva de soudaines inspirations ; il écrasa les Prussiens à Champ-Aubert, à Montmirail, à Château-Thierry, à Vauchamp, et culbuta les Autrichiens à Montereau. Mais ses généraux furent battus, et les alliés arrivèrent sous les murs de Paris le 30 mars 1814.

410. Abdication de l’empereur, 11 avril 1814. — La capitale, vaillamment défendue par la garde nationale et les élèves de l’école Polytechnique, fut réduite à capituler dès le lendemain après un combat acharné. Les souverains étrangers y entrèrent, et le Sénat déclara Napoléon déchu du trône. L’empereur pouvait lutter encore ; la glorieuse bataille de Toulouse (10 avril}, où le maréchal Soult, duc de Dalmatie, avec trente mille hommes, avait tenu tête aux quatre-vingt mille Anglo-Espagnols de Wellington, prouvait que la France n’avait pas épuisé ses ressources. Mais Napoléon ne crut pas devoir prolonger la guerre ; il abdiqua le 11 avril à Fontainebleau : « Mes vieux compagnons, dit-il à ses soldais, en leur faisant ses adieux et en embrassant le drapeau, que ce baiser passe dans vos cœurs. » Puis il partit pour l’île d’Elbe, dont la souveraineté lui était accordée, accompagné des généraux Bertrand, Drouot et Cambronne, et de quatre cents hommes de sa garde impériale. Ainsi finit l’Empire.

411. Première Restauration. Charte constitutionnelle. — Louis-Stanislas-Xavier, Comte de Provence, frère de Louis XVI, fut appelé à régner sur la France, et proclamé sous le nom de Louis XVIII ; avec lui la famille des Bourbons remonta sur le trône de ses aïeux. Le nouveau roi fit son entrée à Paris le 3 mai, accompagné de sa nièce, la duchesse d’Angoulême. Le 4 juin suivant, il promulgua la Charte constitutionnelle, qui établissait le gouvernement représentatif, et garantissait la liberté des opinions et des cultes, l’égalité des français devant la loi, le complet oubli du passé. Trois pouvoirs, le roi, investi de la puissance exécutive, une chambre héréditaire, celle des Pairs, et une chambre élective, celle des Députés, devaient concourir à la confection des lois et au règlement des impôts. Mais le retour aux principes de l’ancien régime, la substitution du drapeau blanc au drapeau tricolore, les défiances témoignées à l’armée, les faveurs et les grades prodigués aux courtisans ne tardèrent pas à susciter des mécontentements légitimes. Le traité de Paris, qui avait mis fin à la guerre (30 mai 1814), en faisant rentrer la France dans ses limites de 1792, avait d’ailleurs blessé l’orgueil national.

412. Retour de l’île d’Elbe ; les Cent-Jours ; bataille de Waterloo, 1815. — Seconde Restauration. — Napoléon, instruit de la situation des esprits, quitta l’île d’Elbe avec les quatre cents hommes de sa garde et environ mille autres compagnons, débarqua le 1er mars 1815 à Cannes, près d’Antibes, et entra, vingt jours après, à Paris, sans avoir tiré un coup de fusil ; Louis XVIII en était sorti la nuit précédente, et s’était réfugié à Gand. L’Empire ainsi rétabli ne dura que cent jours. Les puissances étrangères effrayées se liguèrent de nouveau contre la France, et Napoléon, vaincu à Waterloo (18 juin) malgré les efforts de Cambronne et de la vieille garde, se livra lui-même aux Anglais. Il écrivit au prince régent de la Grande-Bretagne : « En butte aux factions qui divisent mon pays et à l’inimitié des grandes puissances de l’Europe, j’ai terminé ma carrière politique, et je viens, comme Thémistocle, m’asseoir au foyer du peuple britannique ; je me mets sous la protection de ses lois. » Le gouvernement anglais donna une prison à celui qui réclamait l’hospitalité ; Napoléon fut conduit à l’île Sainte-Hélène, au milieu de l’océan Atlantique, et il est mort sur ce triste rocher le 5 mai 1821. Aujourd’hui du moins la honte de cette conduite est en partie effacée ; les restes mortels du grand homme ont été rendus à la France : ils reposent depuis le 15 décembre 1840, dans l’église de l’hôtel des Invalides, sur ces rives de la Seine où l’empereur mourant avait exprimé le vœu d’être enseveli. Une seconde restauration des Bourbons fut la conséquence de la bataille de Waterloo. La France dut rentrer dans ses frontières de 1790 démolir les fortifications d’Huningue, payer une contribution de guerre de 700 millions, et entretenir pendant trois ans au moins et cinq ans au plus cent cinquante mille hommes de garnisons étrangères dans les principales places de sa frontière du nord. Telles furent pour la France les stipulations des traités de 1815.

Nous arrêtons ici notre récit. Il nous suffit d’ajouter qu’après les règnes de Louis XVIII (1814-1824) et de Charles X (1824-1830), Louis-Philippe d’Orléans, chef de la branche cadette des Bourbons, appelé au trône le 7 août 1830, en fut renversé le 24 février 1848. Le gouvernement provisoire, qui avait prononcé sa déchéance, proclama la République le 25 février, et une assemblée Constituante, issue du suffrage universel le 4 mai suivant, ratifia par son vote la nouvelle forme de gouvernement de la France. Le 10 décembre de la même année quatre millions et demi de voix élurent pour président de la République le prince Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de l’Empereur. Le 23 décembre 1851, sept millions et demi de suffrages lui déléguèrent la présidence pour dix ans. Le 20 et le 21 novembre 1852, sept millions huit cent mille votes affirmatifs ont rétabli l’empire héréditaire, qui a été proclamé officiellement a Saint-Cloud, le 2 décembre suivant, jour mémorable par le double anniversaire du couronnement de l’empereur Napoléon Ier et de la bataille d’Austerlitz. Le nouvel empereur a pris le nom de Napoléon III.


Synchronisme. — Le Mexique, la Colombie, le Haut-Pérou se révoltent contre l’Espagne et se constituant en républiques, 1810. — Le nègre Dessaline se fait proclamer empereur à Haïti sous le nom de Jacques I, 1804. — Affranchissement successif des colonies espagnoles de l’Amérique, 1810-1821. — Insurrection des Grecs contre les Turcs, 1821. — L’indépendance de la Grèce est proclamée le 3 février 1830, — Création du royaume de Belgique, 1870.


fin de l’histoire de france