Dezobry & Magdeleine (p. 221-227).

SEPTIÈME PÉRIODE[1].
La Révolution française, 1789-1852.


CHAPITRE XXI

Prépondérance du Tiers-État ; décadence et chute de la royauté et des ordres privilégiés. — Les dernières traces du régime féodal disparaissent. — Établissement de la république.


Suite du règne de Louis XVI. — Assemblée Constituante et Assemblée Législative, 1789-1792.

390. Vue générale du sujet. — Nous voici arrivé à une de ces époques capitales qui marquent dans la vie d’une nation et y laissent une empreinte ineffaçable. La période dont il nous reste à traite le récit a été féconde en grandes choses, féconde aussi en grands malheurs. L’antique société française a été reconstituée sur des bases nouvelles, ou plutôt un ordre social tout nouveau a été enfanté, mais au prix de qu’elles ruines et de quelles catastrophes ! Ce prix, fallait-il le payer, et les mêmes résultats ne pouvaient-ils être atteints par une autre voie ? Il serait difficile peut-être de se prononcer : Ce que nous n’hésitons pas à dire, c’est que nous ne pouvons ni tendre la main ni donner notre adhésion aux hommes qui croient nécessaire de verser le sang et d’abattre des têtes pour le triomphe de leurs doctrines. La conscience publique à ses droits comme la conscience individuelle, et les crimes politiques sont et seront toujours pour nous des crimes, de quelque nom spécieux qu’on cherche à les décorer. Aussi volontiers effacerions-nous de notre histoire les tristes pages où sont consignées les erreurs de nos devanciers. Ne pouvant le faire, nous avons voulu du moins exprimer tout d’abord notre sentiment sur ces faits. Nous avons cherché en outre à en rendre le récit aussi dégagé de toute appréciation qu’il nous était possible, en le présentant sous la forme d’une simple table chronologique. Cette forme, nous ne l’avons appliquée qu’aux deux chapitres consacrés à l’exposition de la révolution qui a été accomplie par l’assemblée Constituante, par l’assemblée Législative et par la Convention. Nous reprenons la forme ordinaire de notre narration avec l’avènement du Directoire, parce que dès ce montent recommence l’action d’un gouvernement régulier.

1789.

5 mai. — Les États-Généraux s’ouvrent a Versailles ; ils comptent 1200 membres, dont plus de la moitié pour le Tiers-État.

17 juin. — Le Tiers-État et quelques membres du clergé se forment en Assemblée nationale, sur la motion de Sieyés.

20 juin. — Ils se réunissent dans la salle du Jeu de Paume, et jurent de ne pas se séparer avant d’avoir fait une constitution pour la France. De là le nom d’assemblée Constituante donné à l’Assemblée nationale.

22-27 juin. — La plus grande partie de la noblesse et du clergé se joint à l’Assemblée, achevant ainsi la fusion des trois Ordres.

12 et 13 juillet. — Des troubles éclatent à Paris ; on crée une milice bourgeoise. La cocarde bleue et rouge est adoptée.

14 juillet. — La prison d’État de la Bastille est emportée d’assaut et démolie.

15 juillet. — La milice bourgeoise s’organise et prend le nom de garde nationale. La Fayette en est nommé commandant en chef. Bailiy, président de l’assemblée Constituante, est élu maire de Paris.

16-26 juillet. — La multitude égorge ou pend aux réverbères plusieurs personnes désignées à ses fureurs, sous le nom d’aristocrates, comme partisans des privilèges. Les provinces sont ensanglantées par le massacre des nobles et des riches. Le comte d’Artois, le prince de Condé et tous ceux qui se sont signalés par leur opposition aux idées nouvelles quittent précipitamment la cour et la France. Ainsi commence l’émigration. La Fayette ajoute aux couleurs bleue et rouge de la ville la couleur blanche, et fait déclarer par l’Assemblée que la cocarde tricolore sera désormais la cocarde nationale.

4 août. — L’Assemblée abolit tous les droits féodaux, justices seigneuriales, privilèges, vénalité des charges, etc., et proclame l’admissibilité de tous les Français à tous les emplois.

12-24 août. — Elle décrète la suppression des dîmes ecclésiastiques, la liberté de conscience et la liberté de la presse, et publie la Déclaration des Droits de l’homme.

9-15 septembre. — L’Assemblée se déclare en permanence ; elle décrète l’inviolabilité du Roi, l’indivisibilité et l’hérédité de la couronne.

2 octobre. — La cocarde tricolore est, dit-on, foulée aux pieds dans un repas donné par les gardes du corps du roi aux officiers de la garnison de Versailles.

5 et 6 octobre. — Une multitude furieuse court à Versailles, envahit le palais dans la nuit du 5 au 6 octobre, massacre plusieurs gardes-du-corps, et emmène le roi à Paris avec la reine Marie-Antoinette d’Autriche et leurs enfants.

6 octobre. — Une société ou réunion politique se forme pour la défense de la Constitution et tient ses séances au couvent des Jacobins ; on la désigne bientôt sous le nom de club des Jacobins.

19 octobre. — L’Assemblée se transporte à Paris et tient sa première séance à l’archevêché.

2 novembre. — Elle met les biens du clergé à la disposition de l’État comme biens nationaux.

22 novembre. — Elle crée, sous le nom d’assignats, un papier-monnaie, qui est hypothéqué sur ces nouveaux domaines, et décrète un mois après la vente des biens nationaux pour une somme de 400 millions.

1790.

15 janvier. — Elle remplace l’ancienne division de la France en gouvernements par une division nouvelle en 83 départements ; les départements sont subdivisés en districts, les districts en cantons, les cantons en municipalités.

13 février. — Elle interdit les vœux monastiques et abolit les ordres religieux.

12 mai. — Bailly et La Fayette organisent le club des Feuillants pour contre-balancer l’influence du club des Jacobins.

20 juin. — L’Assemblée supprime les titres de noblesse et les distinctions honorifiques.

12 juillet. — Elle décrète |a constitution civile[2] du clergé.

14 juillet. — Une fête, dite de la Fédération, a lieu à Paris, au Champ-de-Mars, le jour anniversaire de la prise de la Bastille. Soixante mille députés de toutes les municipalités ou communes de France, de l’armée et de la garde nationale, prêtent serment à la Constitution, quoiqu’elle ne soit pas terminéé. La messe est célébrée sur l’autel de la patrie par Talleyrand, évêque constitutionnel d’Autun.

19 septembre. — L’assemblée ordonne une nouvelle émisssion d’assignats pour une autre somme de 400 millions,

1791.

20 juin. — Le roi s’enfuit secrètement des Tuileries avec sa famille, pour aller rejoindre en pays étranger ses frères et la noblesse qui ont émigré.

21-25 juin. — Il est arrêté à Varennes dans la Meuse, ramené à Paris, gardé à vue dans son palais et privé du pouvoir royal jusqu’à l’achèvement de la Constitution.

17 juillet. — La Fayette et Bailly dissipent par la force un attroupement qui s’est formé au Champ-de-Mars pour signer une pétition demandant la déchéance du roi.

3-13 septembre. — L’Assemblée termine la Constitution et la présente au roi qui l’accepte.

14 septembre. — Avignon et le comtat Venaissin sont réunis à la France.

30 septembre. — L’Assemblée se sépare, après avoir décidé qu’aucun de ses membres ne pourri faire partie de la nouvelle législature.

1er  octobre. — L’Assemblée Législative succède à la Constituante ; elle est composée de 745 membres.

14-28 octobre. — Les émigrés sont invités à rentrer en France dans le délai de deux mois.

9 novembre. — Les biens des princes et des émigrés sont placés sous le séquestre par un décret de l’Assemblée.

29 novembre. — Un autre décret enjoint aux prêtres non assermentés d’adhérer à la Constitution civile. Le roi refuse de sanctionner ce décret ainsi que le précédent.

1792

18 janvier. — Monsieur, frère da roi, est déchu de ses droits à la régence.

7 février. — La Prusse et l’Autriche s’unissent par le traité de Berlin pour coinbattre la révolution en France.

9 février. — Un décret prononce la confiscation de tous les biens des émigrés au profit de la nation.

17 mars. — L’Assemblée décide que l’exécution des sentences capitales n’aura lieu désormais qu’à l’aide de l’instrument nouveau de la guillotine, ainsi nommé du docteur Guillotin son inventeur.

5 avril. — Elle décrète la suppression de toutes les congrégations régulières et séculières d’hommes et de femmes, et prohibe tdut costume ecclésiastique.

20 avril. — Louis XVI déclare ka guerre à l’archiduc François, roi de Bohême et de Hongrie, ou plutôt à l’Autriche.

28 avril. — Les premières hostilités ont lieu à Quiévrain en Flandre ; les Autrichiens obtiennent l’avantage.

29 mai. — L’Assemblée se déclare en permanence.

20 juin. — Le peuple des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, soulevé par les Jacobins et par la Commune de Paris[3], se porte en armes sur les Tuileries. Le roi se présente seul au-devant de la foule qui a fait irruption dans ses appartements et déconcerte l’insurrection par la douceur de ses paroles et par sa fermeté ; mais il est forcé de se coiffer du bonnet rouge.

26 juin. — Les puissances étrangères forment une première coalition contre la France. Le roi de Prusse publie un manifeste.

11 juillet. — L’Assemblée décrète que la patrie est en danger.

25 juillet. — Un nouveau manifeste, rédigé par le duc de Brunswick, généralissime des alliés, menace de toutes les rigueurs du droit de la guerre ceux qui prendront les armes pour se défendre.

3 août. — Le maire de Paris, Pétion, accuse Louis XVI de conspirer contre la nation, et demande à l’Assemblée de prononcer sa déchéance et l’abolition de la royauté.

10 août. — Vingt mille hommes des faubourgs et des sections, auxquels s’est joint le bataillon de Marseillais, arrivé à Paris le 30 juillet précédent, envahissent les Tuileries au bruit du canon, de la générale et du tocsin ; ils y massacrent la garde suisse et livrent le palais au pillage. Le roi se réfugie au sein de l’Assemblée : on l’y poursuit et l’on demande sa déchéance. L’Assemblée le suspend et décrète qu’il restera enfermé au Temple en attendant la réunion d’une Convention nationale, qui statuera entre le peuple et la royauté. Des massacres ont lieu dans Paris ; la multitude détruit les insignes de la royauté et renverse les statues des rois.

23 août. — Les Autrichiens s’emparent de Longwy.

25 août. — Une loi de bannissement est rendue contre les prêtres non assermentés.

1er  septembre. — La ville de Verdun se rend aux Prussiens.

2-5 septembre. — Les nobles, les prêtres et les autres détenus politiques, enfermés au nombre de trois mille aux Carmes, au Châtelet, à l’Abbaye, à la Force et dans diverses prisons de Paris, sont massacrés méthodiquement et où siègent entre autres Marat, Danton, Robespierre, Camille Desmoulin et Pétion[4].

12 septembre. — L’armée française est obligée de se replier sur Châlons (Marne).

20 septembre. — Elle reprend l’avantage à la bataille de Valmy, où Kellermann triomphe des Prussiens ; ce revers oblige l’ennemi a battre en retraite.

21 septembre. — La Convention, composée de 750 députés, remplace l’assemblée Législative.

22 septembre. — Dès sa première séance, elle abolit la royauté et proclame la république.


Synchronisme. — François II succède, comme empereur d’Allemagne, à son frère Léopold II, 1792. — Les Russes étendent leur domination jusqu’à la mer Noire, 1792.

  1. Nous avons adopté le petit texte pour toute cette période, parce que nous croyons que les faits qu’elle renferme ne doivent être étudiés que par les élèves les plus avancés, qui auraient vu complètement et qui sauraient à fond tout ce qui précède.
  2. La constitution civile, acceptée seulement par la minorité du clergé, repoussée par le pape et par la majeure partie des ecclésiastiques, portait atteinte à la discipline et à la hiérarchie de l’Église ; elle occasionna un schisme qui ne fut apaisé qu’en 1801 par le Concordat. On appela prêtres et évêques constitutionnels ou assermentés ceux qui prêtèrent serment à cette constitution ; ceux qui le refusèrent furent désignés sous le nom de prêtres non assermentés.
  3. On désignait ainsi les autorités municipales de la ville.
  4. On a donné le nom de septembriseurs à ceux qui ordonnèrent et à ceux qui éxutèrent ou approuvèrent les massacres de septembre.