Histoire critique de l’établissement de la monarchie françoise dans les Gaules/Livre 4/Chapitre 13

LIVRE 4 CHAPITRE 13

CHAPITRE XIII.

Theodoric s’érige en pacificateur des Nations Barbares établies dans les Gaules. Ses négociations pour empêcher une rupture entre les Francs et les Visigots. Entrevûe de Clovis & d’Alaric sous les murs d’Amboise.


Dès que Theodoric se vit maître d’une espece d’Etat dans les Gaules, il ne négligea rien pour maintenir la paix dans cette grande province. Il avoit deux raisons de tenir cette conduite. En premier lieu, la conservation de la paix étoit le moyen le plus assuré d’empêcher les Francs, la nation que les autres barbares craignoient davantage à cause de sa valeur et de son inquiétude, d’augmenter son territoire par de nouvelles conquêtes. En second lieu, Theodoric ne pouvoit faire valoir qu’en tems de paix, l’autorité qu’il croyoit lui appartenir sur tous les Romains, sujets de l’empire d’Occident, parce qu’il étoit maître de la capitale de ce partage, où son pouvoir étoit reconnu par le senat et par le peuple. En effet, on croit volontiers, en lisant les lettres de Cassiodore et les édits du roi des Ostrogots, qu’il n’étoit pas sans esperance que les Romains des provinces tenuës par les Visigots, par les Bourguignons et par les Francs, s’accoûtumassent insensiblement à recourir aux consuls et aux préfets du prétoire, comme aux autres officiers de l’empire, que ce prince instituoit. Mais il ne falloit point pour cela qu’il y eût aucune guerre dans les Gaules, parce que Theodoric ne pouvant plus se dispenser de prendre part à celles qui s’y allumeroient à l’avenir, ceux des barbares dont il se déclareroit ennemi, ne manqueroient pas de défendre à leurs sujets Romains toute sorte de relation avec ses officiers. Les alliances de famille que Theodoric avoit faites en épousant la sœur de Clovis, et en donnant ses filles en mariage, l’une au roi des Visigots, et l’autre au fils aîné du roi des Bourguignons, favorisoient encore le projet de s’acquerir une grande considération dans les Gaules. On peut dire la même chose d’un autre mariage qu’il avoit fait, en donnant Amalberge la fille de sa sœur Amalafréde à Hermanfroy, un des rois des Turingiens de la Germanie. Ces Turingiens après avoir uni avec eux plusieurs autres nations, avoient, comme il a été déja dit, occupé une partie de l’ancienne France. Mais d’autant que nous ignorons le tems précis de la fondation de ce royaume, nous remettrons à en parler, que nous soyons à l’endroit de notre ouvrage, où nous raconterons le succès de la guerre que les enfans de Clovis firent contre nos Turingiens.

La dureté dont Alaric avoit usé contre les amis du roi des Francs, suffisoit pour le brouiller avec le dernier, quand bien même ce dernier n’auroit point eu autant d’ambition qu’il en avoit. On croira donc sans peine que Clovis n’eut pas plûtôt perdu l’esperance de se rendre maître de la partie des Gaules tenuë par les Bourguignons, qu’il forma le projet de faire la guerre aux Visigots, et de s’allier contr’eux avec Gondebaud, comme il le fit au plus tard en cinq cens six. Un souverain peut-il avoir une pareille intention, sans faire de tems en tems contre un voisin, qu’il regarde déja comme son ennemi, des entreprises qui ressemblent à des hostilités, ou du moins sans laisser échapper quelques menaces.

Dès que Theodoric vit que les démêlés qui étoient entre Alaric et Clovis pourroient bien dégenerer en une rupture, il s’entremit pour la prévenir, et nous avons encore les lettres qu’il écrivit à nos deux princes en cette occasion. Elles se trouvent dans les ouvrages de Cassiodore qui les avoit composées. Voici la substance de celle qui fut envoyée au roi des Visigots.

Quoique vos ancêtres vous ayent transmis leur courage, & que vous soyez à la tête de la Nation qui défit Attila, n’allez point cependant l’exposer inconsidérement aux hazards des combats après une paix aussi longue que celle dont elle a joui. Remettre en haleine des Soldats qui ont passé plusieurs années sans essuyer les fatigues, & sans s’exposer aux perils de la guerre, ce n’est pas l’ouvrage d’un jour. D’ailleurs la passion est un mauvais Conseiller ; non-seulement elle fait prendre de méchans partis, mais elle aveugle encore les hommes dans le choix des moyens propres à les conduire au but où ils se proposent de parvenir. La guerre est enfin le dernier moyen auquel les Princes doivent avoir recours, pour se faire donner les satisfactions qui peuvent leur être dûës. Differez donc à commencer des hostilités contre le Roi des Francs, jusqu’à ce que vous soyez informés de la réponse qu’il aura faite aux Ambassadeurs que j’envoye lui offrir ma médiation, dans le dessein d’empêcher que de deux Princes qui me sont’alliés de si près, l’un augmente les Etats aux dépens des Etats de l’autre. Vos démêlés n’ont point pour origine le meurtre du pere de l’un de vous deux, égorgé par le pere de l’autre, qui auroit encore après ce meurtre envahi les Provinces du mort. Vos démêlés ne viennent que de quelques paroles, & bien-tôt ils seront terminés, si vous ne les envenimez point par des hostilités prématurées. Donnez-moi donc le loisir de faire sçavoir à Clovis qu’il m’aura en tête, quoique son beau-frere, s’il agit offensivement contre vous, & qu’ainsi il aura plus d’u » ne Nation belliqueuse à combattre, s’il vous attaque. Quand la Justice parle aux Princes une épée redoutable à la main ils entendent volontiers sa voix. Nous vous envoyons donc en qualité de nos ambassadeurs Tel & Tel, qui vous exposeront plus au long nos intentions, & qui ont ordre de se rendre en » suite auprès du Roi des Bourguignons & des autres Princes que vous leur direz d’aller trouver, pour y agir conformément aux instructions particulieres qu’ils recevront de vous à ce sujet là. Sur-tout évitons de rompre les premiers, & ne nous exposons point à l’aversion universelle qu’encourent les infracteurs des Traités de paix. Du reste soyez convaincu que nous sommes tellement éloignés du sentiment de ceux qui ne cherchent qu’à semer la discorde, pour tirer de l’avantage du malheur des autres, que nous réputerons votre agresseur, pour l’ennemi de tout le monde, & que nous nous déclarerons contre quelque Puissance que ce soit qui se déclarera contre vous. »

La lettre que Theodoric écrivit à Clovis concernant ses démêlés avec Alaric, débute par faire au roi des Francs une espece de reproche sur ce qu’étant oncle de Theodégote femme d’Alaric, il est néanmoins si mal avec ce prince pour un sujet bien leger. Theodoric ajoute ensuite qu’ils ne sçauroient l’un et l’autre donner une plus grande satisfaction à leurs ennemis communs, que celle de voir aux mains les Francs et les Visigots. » Chacun de vous, continue Theodoric, est Roi d’une puissante Nation, & vous êtes l’un & l’autre dans la force de l’âge. Si vous prêtez l’oreille à ceux qui ne cherchent qu’à vous mettre aux mains, vous ferez l’un contre l’autre de tels efforts, que vous ébranlerez réciproquement vos Trônes. N’allez point donner à vos Peuples, un sujet de faire des imprécations contre votre valeur ; ce qui ne manqueroit pas d’arriver, si pour des interêts peu importans, vous allumiez une guerre qui leur seroit funeste. A vous dire mon sentiment avec franchise ; c’est montrer trop d’impatience que de rompre la paix, parce que les premiers Ambassadeurs que vous avez en voyez demander satisfaction, ne vous ont point rapporté celle que vous croyez vous être dûe. Dans un differend qui est entre parens, on prend des Arbitres. Vous-même n’avez-vous pas quelque scrupule sur la justice de vos prétentions, quand vous voyez que nous doutons qu’elles soient bien fondées, & que nous ne serons point de votre parti ? Mais si nous sommes résolus de nous déclarer contre vous, nous & tous nos amis, au cas que vous ne déferiez point à nos representations ; nous sommes aussi résolus de nous déclarer contre Alaric, s’il passoit outre nonobstant les remontrances que nous lui avons faites. Nous envoyons donc Tel et tel en qualité de nos Ambassadeurs auprès de votre personne, & auprès de celle du Roi notre gendre afin qu’ils travaillent à vous réconcilier, & que les Francs & les Visigots, dont les affaires ont si bien prosperé à la faveur d’une paix durable entre les deux Nations, ne s’entredétruisent point dans une guerre entreprise inconsiderément. Nos Ambassadeurs sont aussi chargez de vous dire de bouche plusieurs choses. Au reste, soyez persuadé que les avis que je vous donne, partent uniquement de l’amitié que j’ai pour vous. On ne conseille pas, comme je vous conseille, les personnes dont on voit avec peine la prosperité.

Dans la lettre écrite sur le même sujet au roi des Bourguignons par Theodoric, on démêle un peu plus distinctement les veritables sentimens de ce dernier, qu’on ne les démêle dans les deux lettres précedentes. L’on y apperçoit donc sensiblement, que celui qui l’écrivoit, avoit envie de s’arroger une espece de supériorité sur tous les rois barbares qui avoient des quartiers dans les Gaules. Voici la substance de cette lettre.

» Il est triste de voir sans oser trop se déclarer, deux Princes à qui l’on prend beaucoup d’interêt, prêts à en venir aux mains, & à s’entredétruire. Il n’y a point de Roi dans les Gaules qui n’ait reçû de moi plusieurs témoignages d’une veritable affection. Vous m’êtes tous également chers, & vous ne pouvez vous entre-nuire, que je ne ressente les maux que vous vous faites. C’est donc à moi de temperer le courage boüillant de deux jeunes Rois qui ne sçauroient se moderer, tout instruits qu’ils sont que leur emportement est condamné par les personnes d’âge & d’experience. Qu’ils apprennent à se laisser conduire aux vieillards, & qu’ils sçachent que nous nous déclarerons contre l’agresseur. Il vaut encore mieux manquer à la décence en ne ménageant point assez les termes, que de laisser deux Princes nos Alliés s’entr’égorger. En exécution de cette résolution, nous vous envoyons Tel & Tel en qualité de nos Ambassadeurs, & nous vous informons qu’ils ont ordre, si notre fils Alaric le juge à propos, de se rendre avec les Ministres que les Princes nos Alliés voudront bien leur associer, à la Cour du Roi des Francs, pour y terminer par la voye de la négociation, tous les démêlés dont il est question aujourd’hui. Vous n’hésiterez point à rendre justice aux sentimens d’équité qui servent de regle à ma conduite. Il ne me reste plus qu’à vous conjurer de joindre vos bons offices à ma médiation, afin de prévenir une guerre que le monde ne voudra jamais croire avoir été allumée sans notre connivence, à moins qu’avant la rupture il ne nous ait vû distinctement vous & moi, faire tout notre possible pour la prévenir. Vous serez encore informé de plusieurs autres choses par mes Ambassadeurs, qui ont ordre de vous les dire de bouche. »

Comme Theodoric pouvoit craindre que Gondebaud n’eût déja fait son traité avec les Francs, et qu’il ne leur communiquât sa lettre, il y affecte de paroître entierement neutre entre Alaric et Clovis. Si l’on veut bien le croire, il n’a pris encore d’autre résolution que celle de se déclarer contre celui des deux princes qui attaqueroit, et en faveur de celui qui seroit attaqué. Mais la lettre de Theodoric écrite dans les mêmes circonstances à Hermanfroy, à Badéric et à Berthier, qui regnoient alors conjointement sur les Turingiens de la Germanie, laisse voir bien à découvert une partialité entiere en faveur d’Alaric. Nous observerons avant que de rapporter le contenu de cette lettre, qu’il semble à en juger par sa suscription, que chacun de ces trois princes qui étoient freres, et dont il sera parlé plus au long dans l’histoire des rois enfans de Clovis, prit en particulier le titre de roi d’un des trois peuples, qui après s’être joints ensemble, avoient fondé la monarchie connue dans le moyen âge sous le nom de royaume des Turingiens. En effet, la lettre est adressée au roi des Herules, au roi des Varnes, et au roi des Turingiens. En voici la teneur : » Le Ciel hait les superbes, & tout le monde a interêt de s’unir pour reprimer leur orgueil. En effet, celui qui veut opprimer un Peuple, j’ose dire, si commode, qu’il n’y a point de Nation qui ne souhaitât de l’avoir pour son voisin, donne à penser qu’il ne lui manque qu’une occasion pour faire passer sous son joug tous les autres Peuples. Un Prince qui méprise l’équité, le croit tout permis dès qu’il a réussi dans une entreprise injuste, & il doit par conséquent devenir l’objet de l’aversion de tout le monde. Soulevez-vous donc contre des projets iniques, vous que votre valeur destine à être le frein de l’ambition démesurée. Commencez par joindre des Ambassadeurs à ceux que le Roi Gondebaud & moi nous envoyons à Clovis, pour le détourner d’attaquer les Visigots, & pour l’obliger à respecter l’équité & le droit des Gens. S’il ose refuser de prendre pour Arbitres tant de Rois si puissans, qu’il soit en but à toute la terre. En effet, que peut demander de plus un Souverain qui a des principes de justice, que l’offre que d’aussi bons garans que vous & moi lui font conjointement, de lui faire donner une satisfaction raisonnable sur tous ses griefs. A dire sincerement ce que je pense, un Souverain qui ne veut point reconnoître l’autorité des Loix du droit des Gens, roule dans la tête le projet d’ébranler les fondemens de tous les autres Etats. Arrêtons un pareil torrent dès le commencement de son cours, afin d’épargner aux Pays exposés à ses ravages, les efforts qu’il lui faudroit faire pour lui opposer des digues qu’il lui fût impossible d’entraîner. Enfin souvenez-vous des marques d’amitié qu’Euric le pere d’Alaric, vous a données en tant d’occasions, des presens magnifiques qu’il vous a envoyés, & des démarches utiles qu’il a faites si souvent, pour empêcher les incursions que vos voisins étoient prêts de faire dans les Contrées que vous occupez. Voici le tems de témoigner au fils la reconnoissance des bons offices du pere, laquelle vous vous faites un mérite de conserver. Si le superbe édifice qu’Euric a construit, vient une fois à être renversé, la Puissance qui se sera accruë de ses débris, ne manquera point de vous faire la guerre. Voilà les motifs qui nous ont fait vous écrire cette Lettre qui vous sera renduë par Tel & Tel, qui ont commission de vous dire encore de vive voix plusieurs choses ausquelles vous ajouterez foi en vertu de leur créance. Entrez donc dans les mesures que nous avons prises pour assurer le repos de la societé des Nations, & prenez part à ce qui se passe chez vos voisins, afin de n’avoir point la guerre chez vous. »

Quel dommage que Theodoric n’ait point écrit dans ses dépêches tout ce qu’il chargeoit ses ambassadeurs de dire de bouche aux princes auprès desquels ils avoient charge de se rendre. Nous sçaurions par-là bien des particularités de l’histoire de l’établissement de la monarchie françoise, que nous ignorerons toujours. Mais avec quelque réserve que ces dépêches soient écrites, on voit bien que Clovis étoit en Europe dans le commencement du sixiéme siecle, ce qu’y étoit l’empereur Charles-Quint au commencement du seiziéme. Quant à la date de ces lettres, je les crois écrites vers l’année cinq cens deux, et avant l’entrevûë de Clovis et d’Alaric, de laquelle nous allons parler. Je sçais bien que quelques auteurs modernes ont cru qu’elles avoient été écrites immédiatement avant la guerre des Francs contre les Visigots commencée en cinq cens sept, mais j’ai deux raisons pour ne pas suivre leur opinion, qu’ils n’appuyent d’aucune preuve. La premiere est que ce qui s’y trouve concernant l’âge où Clovis étoit encore, lorsqu’elles furent écrites, porte à avancer leur date, autant qu’il est possible de l’avancer ; car ce prince avoit déja trente-cinq ou trente-six ans en cinq cens deux. La seconde, est que Theodoric étoit sur ses gardes contre les Francs, lorsqu’il écrivit les lettres que nous venons de rapporter. Il éclairoit alors de près les démarches de Clovis. Or quand la guerre de cinq cens sept commença, Theodoric rassuré par l’entrevûë et par la réconciliation apparente d’Alaric et de Clovis, ne s’attendoit plus à une rupture entre ces princes. Il fut si bien surpris lorsqu’elle éclata, qu’il ne put point, comme on le verra, faire marcher l’armée qui devoit secourir son gendre, assez-tôt, pour qu’elle joignît les Visigots avant qu’ils eussent été forcés à livrer bataille à l’armée des Francs.

Je crois donc que les dépêches de Theodoric, dont il est ici question, sont antérieures à l’entrevûë d’Alaric et de Clovis, et que cette entrevûë fut même le fruit des négociations que le roi des Ostrogots avoit faites, pour empêcher que le roi des Francs osât attaquer le roi des Visigots.

Gregoire de Tours après avoir fini tout ce qu’il avoit à dire au sujet de l’obstination avec laquelle Gondebaud refusoit toujours d’abjurer publiquement l’arianisme, ajoute ce qui suit concernant cette entrevûë d’Alaric et de Clovis. » Alaric voyant que Clovis soumettoit chaque jour quelque Peuple à son obéissance, il lui fit dire par des Ambassadeurs qu’il lui envoya : Si mon frere l’avoit pour agréable, nous nous aboucherions. Clovis accepta cette proposition, & il se rendit dans l’Isle appellée d’Entre-les-Ponts & que la Loire forme vis-à vis d’Amboise, lieu de la Cité de Tours[1]. Là, les deux Rois confererent ensemble, & aprés avoir mangé l’un avec l’autre, ils se séparerent en se promettant d’entretenir la paix & de vivre en bonne intelligence[2]. » Voilà tout ce que dit Gregoire de Tours concernant cette entrevûë, dont les historiens venus après lui ont rapporté plusieurs particularités démenties d’avance par son récit. Telles sont les embuches dressées à Clovis par Alaric. Je ne ferai donc aucune mention de tous ces détails qui paroissent des faits inventés à plaisir pour justifier la guerre que Clovis fit aux Visigots trois ou quatre années après l’entrevûë d’Amboise. J’ajouterai seulement une observation à tout ce que je viens de dire au sujet de cet évenement : c’est qu’il paroît par ce que fait dire Gregoire De Tours au roi des Visigots quand il propose un abouchement à Clovis, si mon frere l’avoit pour agréable, que dès-lors les têtes couronnées se traitoient de freres, comme elles le pratiquent encore aujourd’hui, quoiqu’elles ne fussent point freres ni par le sang ni par alliance. En effet Alaric n’étoit pas même parent de Clovis. Il est vrai qu’Alaric étoit allié de Clovis, mais s’il eût voulu donner à Clovis par tendresse, le nom qu’il devoit donner à ce prince comme au frere de sa belle-mere ; il l’auroit appellé non pas mon frere, mais mon oncle. Alaric avoit épousé Theodégote fille de Theodoric et d’Audefléde sœur de Clovis.

Cette observation sur le traitement que les têtes couronnées se faisoient dès-lors, est bien confirmée par les Formules de Marculphe. On y trouve le protocole, qui de son tems étoit en usage dans la chancellerie de France, pour les lettres de cérémonie que nos rois écrivent aux autres souverains ; et ce protocole fait foi que nos rois les traitoient de freres.

  1. Val. in Addendis ad pag.291. tom. pr.
  2. Ror. Gelt. Fr. lib. 4.