Histoire critique de l’établissement de la monarchie françoise dans les Gaules/Livre 2/Chapitre 5

LIVRE 2 CHAPITRE 5

CHAPITRE V.

Réduction d’une partie des Armoriques à l’obéïssance de l’Empereur. Honorius ordonne en quatre cens dix-huit que l’Assemblée générale des Gaules se tienne à l’avenir dans Arles. division des Gaules, en Gaules absolument dites en Pays des sept Provinces. De Pharamond.


Nous sçavons qu’à la fin de l’année quatre cens-seize, ou au commencement de l’année quatre cens dix-sept, Honorius traitoit actuellement avec les Armoriques, pour les ramener sous son obéissance. Cette négociation étoit conduite principalement par Exuperantius, citoyen du diocèse de Poitiers, et que nous verrons dans la suite préfet du prétoire dans le département des Gaules ; le lieu de sa naissance le rendoit très-propre à être l’entremetteur de cet accomodement.

Voici comment nous sçavons ce fait-là. Claudius Rutilius Numantianus étoit un homme de grande considération né en Aquitaine, mais qui avoit demeuré long-tems en Italie, et il y avoit même rempli plusieurs dignités éminentes, lorsque vers l’année quatre cens seize de l’ére chrétienne, il voulut revenir dans les Gaules sa patrie, où l’on se flattoit que le calme alloit être rétabli. Rutilius y revint en effet. Comme il étoit poëte, il lui prit envie, durant l’oisiveté à laquelle ceux qui sont en route se trouvent réduits quelquefois, de composer en vers la relation de son voyage ; et nous avons encore une grande partie de cette relation. Il nous y apprend qu’il se mit en chemin l’année onze cens soixante et neuf de la fondation de Rome, c’est-à-dire, l’année quatre cens seize de la naissance de Jesus-Christ.

Dans un endroit de son poëme, Rutilius dit, en parlant d’un Palladius, jeune homme d’une grande esperance, né dans les Gaules, et qu’on avoit envoyé à Rome pour s’y former ; « qu’Exsuperantius, le pere de ce Palladius, enseignoit actuellement aux Contrées Armoriques à cherir le retour de la paix ; qu’Exsuperantius y rétablissoit l’autorité des loix & la liberté, & qu’il y affranchissoit les Maîtres de la servitude où les tenoient leurs propres Valets. » Il étoit probablement arrivé dans les païs de la confédération Armorique, ce qui arrive ordinairement dans les païs qui se soulevent contre leur souverain, et qui veulent établir une nouvelle forme de gouvernement ; c’est que les personnes de condition médiocre qui sont plus hardies et plus entreprenantes que les citoyens notables, parce qu’elles sont moins satisfaites de leur condition presente que les autres, s’arrogent dans leur parti toute la considération, et qu’elles en abusent, pour opprimer ceux à qui elles obéissoient avant les troubles. » La noblesse des Provinces-Unies, & celles des Provinces Obéissantes, die Grotius, en parlant des troubles du Païs-Bas, demeuroient dans l’inaction, ou elles n’ambitionnoient que les dignités qui ne donnoient point de part aux affaires. Celle des Provinces Confédérées craignoit de s’exposer à l’envie du peuple, & celle des Provinces Obéissantes ne vouloit pas donner de jalousie aux Espagnols. » On sçait avec quelle insolence la canaille ligueuse traitoit en France les personnes respectables qui se trouvoient engagées dans le parti de la sainte Union.

Il paroîtra clairement par la suite de cette histoire, qu’en quatre cens seize, ou dix-sept, Exsuperantius ne fit rentrer dans le devoir qu’une partie des provinces de la confédération Armorique, et qu’ainsi ce Romain ne termina point l’affaire à laquelle il travailloit actuellement, tandis que Rutilius écrivoit son itineraire. Suivant les apparences, Exsuperantius ne put ramener alors sous l’obéissance de l’empereur que celles des cités de la seconde Aquitaine que les Visigots n’avoient point réduites, et la plûpart des cités de la premiere Aquitaine. En effet nous trouverons dorénavant plusieurs cités de ces deux provinces dans une pleine dépendance des officiers du prince, quoiqu’elles fussent comprises certainement dans le commandement Armorique[1]. Il en sera de même des cités de la seconde Belgique dont il est probable qu’une partie, du moins étoit entrée d’abord dans cette confédération. Mais d’un autre côté, la seconde, la troisiéme, et la quatriéme des provinces Lyonnoises doivent avoir été sourdes aux remontrances d’Exsuperantius. Car l’on verra clairement par la suite de l’histoire que ces provinces persevererent alors dans la résolution de ne point se soumettre à l’autorité des officiers nommés par l’empereur.

Quoique les Armoriques ne se fussent point soulevés contre Honorius, mais contre le tyran Constantin, il ne s’ensuit pas qu’ils ayent dû consentir à se remettre sous le gouvernement du prefet du prétoire et des autres officiers impériaux, aussi-tôt que ces officiers eurent cessé d’être ceux de Constantin, et qu’ils furent redevenus les officiers d’Honorius. Depuis l’année quatre cens neuf que les provinces Armoriques s’étoient mises en république jusqu’à l’année quatre cens seize, les personnes qui s’étoient emparées de l’autorité dans cet Etat, avoient gouté la douceur de commander. Elles ne manquoient donc pas de representer à leurs compatriotes qu’ils ne seroient pas mieux traités par les officiers d’Honorius, qu’ils l’avoient été par les officiers du tyran et par ceux de ses devanciers. Elles leur disoient qu’on rétabliroit les impôts supprimés, qu’en un mot toutes les véxaplaignoit depuis plusieurs siécles, recommenceroient, dès qu’on seroit rentré sous le joug des courtisans d’Honorius. Enfin ceux dont l’interêt étoit de faire durer la révolte, avoient le pouvoir en main.

Honorius pour accelerer la pacification des Gaules, que le passage des Visigots en Espagne, et ses négociations avec les Armoriques lui faisoient esperer, accorda dans ce tems-là une amnistie générale de tous les crimes commis à l’occasion des derniers troubles. Il étoit impossible que pendant ces désordres plusieurs personnes, sous prétexte de servir l’Etat, n’eussent vengé des injures particulieres, et qu’un grand nombre de citoïens ne fût coupable d’avoir entretenu des intelligences secrettes avec les barbares, crime qui, suivant les loix impériales, devoit être puni par le feu. » Si quelqu’un, dit une de ces Loix, a donné aux Barbares le moyen de piller les Sujets de l’Empire, ou s’il a participé en quelque maniere que ce soit à leurs brigandages, qu’il soit brûlé vif. »

Ce fut aussi dans le même tems qu’Honorius, dont les provinces germaniques, du moins en partie, reconnoissoient l’autorité depuis la mort de Jovinus, y envoya Castinus qui commandoit les troupes de la garde impériale, pour faire la guerre aux Francs, c’est-à-dire, suivant les apparences, à ceux des Francs qui avoient pillé la cité de Tréves, et qui s’étoient cantonnés sur le territoire de l’empire. On lit dans Gregoire de Tours : » Frigeridus, après avoir raconté qu’Asterius reçut les Patentes de la Dignité de Patrice que l’Empereur lui envoyoit, ajoûte ce qui suit : En même tems on envoya Castinus dans les Gaules, où se faisaient les préparatifs d’une expédition contre les Francs. On trouve ce qu’on vient de lire concernant les Francs dans Sulpitius Alexander & dans Profuturus Frigeridus. Pour Orose, autre Historien, voici ce qu’il dit de l’invasion des Barbares en quatre cens sept, &c. » N’y avoit-il dans Sulpitius et dans Frigeridus, concernant les Francs, que les passages que Gregoire de Tours en a extraits ? C’est ce qui paroît impossible, attendu le sujet que ces deux auteurs avoient traité ? Pourquoi Gregoire de Tours, s’est-il lassé d’extraire ? Reprenons la suite de l’histoire.

Ce qui nous fait rapporter à l’année quatre cens dix-sept, ou pour le plus tard, à l’une des deux années suivantes, l’entreprise d’Honorius contre les Francs de laquelle il est ici question, c’est que lorsqu’elle se fit, Castinus n’étoit point encore maître de la milice dans le département des Gaules. Frigeridus l’eût désigné par le nom de cet emploi, puisque cet historien qui étoit Romain, a dû qualifier exactement les officiers qui de son tems ont rempli les grandes charges de l’empire, lorsqu’il avoit occasion de parler d’eux. Or quand Constance le mari de Placidie mourut, en quatre cens vingt et un, Castinus étoit déja maître de la milice. Idace lui donne cette qualité, en parlant d’un événement arrivé en Espagne, et qu’il rapporte immédiatement après avoir parlé de la mort de Constance. Quel succès eut l’expédition de Castinus ? Frigeridus le disoit, mais Gregoire de Tours, nous venons de nous en plaindre, n’a point transcrit ce qu’en rapportoit cet historien ; et nous allons voir qu’en l’année quatre cens dix-huit Honorius n’étoit encore bien obéi que dans les sept provinces méridionales des Gaules. Nous verrons même dans la suite que les Francs étoient toujours cantonnés en quatre cens vingt-huit dans les Gaules. Cependant dès l’année quatre cens dix-sept, cet empereur fit à Rome une entrée triomphale, comme si tous ses ennemis eussent été domptés. On vit marcher devant son char cet Attale qui avoit été proclamé deux fois empereur, et qui fut relegué après le triomphe dans l’isle de Lipari.

Enfin Honorius qui étoit alors très-bien servi par Constance, donna en l’année quatre cens dix-huit l’édit suivant, pour rétablir l’ordre dans celles des provinces des Gaules qui reconnoissoient pleinement son autorité ; c’étoit un moyen d’acheminer la réduction de celles qui perseveroient encore dans la confédération Armorique.

HONORIUS ET THEODOSE, EMPEREURS.
au très-illustre Agricola, Préfet du Prétoire des Gaules.

« Nous avons résolu en conséquence de vos sages représentations, d’obliger par un Edit perpetuel & irrévocable, nos Sujets des sept Provinces à pratiquer un usage capable de les faire parvenir enfin à l’heureux état où ils souhaitent d’être. En effet, rien n’est plus avantageux au Public & aux Particuliers de votre Diocèse, que la convocation d’une Assemblée qui se tiendra tous les ans sous la direction du Préfet du Prétoire des Gaules, & qui sera composée non-seulement des personnes revêtues des Dignités qui donnent part au Gouvernement géneral de chaque Province, mais encore de celles qui exercent les emplois qui donnent part au Gouvernement particulier de chaque Cité. Une telle Assemblée pourra déliberer avec fruit sur les moyens qui seront les plus propres à pourvoir aux besoins de l’Etat, & qui feront en même tems les moins préjudiciables aux interêts des Propriétaires des fonds. Notre intention est donc que dorénavant les sept Provinces s’assemblent chaque année au jour marqué dans la Ville Métropolitaine, c’est-à-dire, dans Arles. En premier lieu il ne sçauroit être pris que des résolutions salutaires pour tout le monde dans une Assemblée des plus notables personnages de chaque Province, & qui sera tenuë ordinairement sous la direction du Préfet de notre Prétoire des Gaules. En second lieu, nos Provinces les plus dignes de notre attention ne pourront plus ignorer les raisons qui auront engagé à prendre le parti auquel on se sera déterminé ; & comme le demandent la justice & l’équité, on aura soin d’instruire aussi de ces raisons celles des Provinces qui n’auront point eû de Representans dans cette Assemblée. Il reviendra encore à nos Sujets un avantage du choix que nous avons fait de la Ville de Constantin[2] pour le lieu de l’Assemblée que nous voulons être tenuë annuellement, puisqu’ainsi elle deviendra pour tous les membres de cette Assemblée l’occasion d’une entrevûë agréable par elle-même. L’heureuse assiette d’Arles la rend un lieu d’un si grand abord & d’un commerce si florissant, qu’il n’y a point d’autre Ville où l’on trouve plus aisément à vendre, à acheter & à échanger le produit de toutes les Contrées de la Terre : Il semble que ces fruits renommés, & dont chaque espece ne parvient à la perfection sous le climat particulier qu’elle rend celebre, croissent tous dans les environs d’Arles. On y trouve encore à la fois les trésors de l’Orient, les parfums de l’Arabie, les délicatesses de l’Assyrie, les denrées de l’Afrique, les nobles animaux que l’Espagne éleve, & les armes qui se fabriquent dans les Gaules. Arles est enfin le lieu que la Mer Méditerranée & le Rhône semblent avoir choisi, pour y réunir leurs eaux, & pour en faire le rendez-vous des Nations qui habitent sur les côtes & sur les rives qu’elles baignent. Que les Gaules ayent donc quelque reconnoissance de l’attention que nous avons euë à choisir pour le lieu de leur Assemblée une semblable Ville où d’ailleurs il est si facile d’arriver en toute sorte de voiture, soit qu’on veuille s’y rendre par terre, soit qu’on veuille y venir par eau. Il y a quelque tems que notre Préfet du Prétoire des Gaules ordonna étant mû par ces considérations, la même chose que nous statuons aujourd’hui ; mais comme son Mandement est demeuré sans effet, soit par la négligence de ceux qui auroient dû le faire mettre à éxécution ce soit par la nonchalance des Usurpateurs, pour tout ce qui regardoit le bien Public ; nous vous ordonnons de nouveau d’accomplir & de faire accomplir le Décret suivant.

» Notre volonté est qu’en exécution du present Edit, & conformément aux anciens usages, vous & vos Successeurs vous ayez à faire tenir chaque année dans la Ville d’Arles une Assemblée composée des Juges & de nos autres Officiers dans les sept Provinces ainsi que des Notables & des Députés des Propriétaires des fonds de nos sept Provinces, laquelle Assemblée commencera ses séances le treiziéme du mois d’Août, & les continuera, sans les interrompre que le moins qu’il sera possible, jusqu’au treizième du mois de Septembre. Nous voullons encore que nos Officiers qui administrent la Justice dans la Novempopalanie, & dans la seconde Aquitaine, celles des sept Provinces qui sont les plus éloignées d’Arles, & qui auront des affaires d’une telle importance, qu’ils ne pourront se rendre dans cette Ville, y envoyent du moins des Representans, ainsi qu’il est d’usage en pareils cas. En faisant la présente Ordonnance, nous sommes très-persuadés que nous rendons un bon office à tous vos Sujets, & que nous donnons en même tems à la Ville d’Arles un témoignage autentique de la reconnoissance que nous conservons de son attachement à nos interêts, lequel nous est suffisamment connu par les bons rapports du Patrice Constance, que nous regardons comme notre Pere. Enfin nous ordonnons qu’on fera payer une amende de cinq livres d’or pesant, aux Juges qui auront manqué de se rendre à l’Assemblée d’Arles, & une amande de trois livres d’or aux Notables & Officiers Municipaux, qui se seront rendus coupables de la même négligence. Donné le dix-septiéme Avril, l’année de notre douziéme Consulat, & du huitiéme Consulat de l’Empereur Théodose. Publié dans Arles le vingt-troisiéme May de la même année. »

Nous ferons plusieurs observations sur l’édit d’Honorius ; et la premiere sera sur la question qui se presente d’abord. Quelles étoient les sept provinces des Gaules dont il est fait mention dans cet édit, sans que néanmoins le dénombrement y en soit fait ? Voici mon opinion sur ce point-là.

Dès le quatriéme siécle, il étoit déja d’usage dans le discours ordinaire, de diviser quelquefois la Gaule, en Gaules proprement dites, et en un païs désigné alors par le nom des cinq provinces , et qui comprenoit les provinces méridionales de la Gaule. Quelques-unes de ces cinq provinces ayant été partagées en deux, depuis que cette division arbitraire eût été mise en usage, on ne dit plus les Gaules et les cinq provinces , mais les Gaules et les sept provinces[3]. La notice des Gaules rédigée sous le regne d’Honorius et imprimée par le pere Sirmond, celle en un mot que les sçavants croyent la meilleure de toutes, après avoir fait l’énumération des dix provinces qu’on appelloit proprement la Gaule suivant cette division ; et après avoir dit quelles cités se trouvoient dans chacune de ces dix provinces, ajoûte : Il y a encore les cités suivantes dans les sept provinces, et puis elle fait l’énumération des cités qui se trouvoient dans chacune des sept provinces. C’est-à-dire dans la Viennoise, dans la province des Alpes Maritimes, dans la seconde Narbonoise, dans la premiere Narbonoise, dans la Novempopulanie, dans la seconde Aquitaine, et dans la premiere Aquitaine. On peut voir dans les annales ecclesiastiques du pere Le Cointe plusieurs passages d’auteurs, soit du quatriéme siécle, soit du cinquiéme, qui font foi que la division de la Gaule en Gaules proprement dites, et en païs des cinq ou des sept provinces, avoit lieu de leur tems dans le langage ordinaire.

Je ne crois pas néanmoins que les sept provinces, ayent jamais fait soit dans l’ordre civil, soit dans l’ordre militaire, un corps d’état distinct du reste de la Gaule, ni jamais eu un gouvernement séparé, et même aucun commandant particulier.

La division de la Gaule en sept provinces, et en Gaules proprement dites, n’avoit lieu que dans le langage ordinaire avant l’année quatre cens dix-huit qu’elle devint réelle en quelque maniere par la convocation de l’assemblée d’Arles. Cette division étoit à peu prés de même nature que la division de la Gaule en Gaules citérieures, et en Gaules ultérieures, laquelle avoit aussi lieu quelquefois dans le stile du monde durant le cinquiéme siécle, et passoit même dans les histoires, bien que, comme nous le verrons plus bas, on n’eût aucun égard à cette derniere division dans l’ordre civil et dans l’ordre militaire. Il est vrai que plusieurs sçavans ont cru que dès le commencement du regne d’Honorius nos sept provinces fussent régies par un officier particulier, nommé le vicaire des sept provinces, et qu’elles fissent par conséquent dès lors, une espece de corps d’Etat particulier. Mais je crois qu’ils ont été trompés par une faute de copiste ou d’imprimeur, laquelle se trouve dans le texte de la notice de l’empire donné par le Pancirole, et qui a passé de-là et dans l’extrait de cette notice que Duchesne a inserée dans son premier volume du recüeil des historiens de France, et dans bien d’autres livres. Voici en quoi consiste ce vice de clerc.

Le diocèse du préfet du prétoire des Gaules comprenoit les Gaules, l’Espagne et la Grande-Bretagne ; et cet officier avoit dans chacune de ces trois grandes provinces de l’empire, un vicaire général. Le vicaire général des Gaules s’appelloit le vicaire des dix-sept provinces des Gaules. C’étoit le nombre des provinces dans lesquelles les Gaules étoient alors divisées, et sur lesquelles s’étendoit l’autorité de ce vicaire. Or le texte de la notice de l’empire donné par le pancirole, au lieu d’appeller ce vicaire général des Gaules dans l’endroit où il en est parlé, le vicaire des dix-sept provinces ; au lieu de dire vicarius decem et septem provinciarum, ce texte l’appelle seulement vicarius septem provinciarum. On y lit : Voici les provinces qui reconnoissoient le vicaire des sept provinces … Que ce soit une faute, on n’en sçauroit douter ; car dans l’énumération des provinces qui reconnoissoient cet officier, et qui suit immédiatement les paroles que je viens de rapporter, on trouve le nom de toutes les dix-sept provinces des Gaules. Ce que je viens de dire, est si sensible, que Pancirole commente son texte sans égard à la faute d’impression, qui se trouve dans son édition, je veux dire sans égard à l’omission de decem  ; par-tout il appelle le vicaire dont nous parlons, le vicaire des dix-sept provinces, et non pas le vicaire des sept provinces . Voilà la source de l’erreur qui a fait croire que les sept provinces avoient un officier particulier, et qu’elles faisoient une espece de corps d’Etat distinct du reste des Gaules, même avant l’édit d’Honorius rendu en quatre cens dix-huit, qui en fit une espece de corps d’Etat particulier, mais plûtôt fictif que réel. Ce corps ne fut jamais réputé une grande province séparée du reste des Gaules. Il n’eut jamais à ce qui me paroît, ni un préfet du prétoire, ni un maître de la milice, ni aucun gouverneur particulier. Les sept provinces même après 418, continuerent d’obéïr aux officiers supérieurs qui commandoient dans les Gaules.

La division de la Gaule ou des Gaules, en Gaules proprement dites, et en païs des sept provinces, n’étoit donc avant cet édit qu’une de ces divisions purement arbitraires, que l’état ne connoissoit point. Il est vrai qu’on trouve dans la notice de l’empire quelques emplois de finance particuliers dans les sept provinces. Mais on peut dire deux choses à cet égard. La premiere c’est que pour multiplier les emplois lucratifs, on aura créé avant l’année 418, quelques nouvelles commissions dans nos sept provinces. La seconde, c’est que ces emplois n’auront été érigés que depuis l’année quatre cens dix-huit, et la convocation de l’assemblée d’Arles, mais qu’on en aura fait mention dans les copies de la notice transcrites posterieurement à cette année-là.

Le peuple ne laisse pas d’adopter ces sortes de divisions, parce qu’elles sont fondées sur des choses sensibles, comme la difference des coûtumes, des usages, des mœurs et des habits qui se trouve entre les habitans de païs contigus, et qui se fait remarquer aisément. Suivant toutes les apparences, la division des Gaules, en Gaules proprement dites, et dans les païs des sept provinces, provenoit de-là, ainsi que cette autre division du même païs en Gaules ulterieures et en Gaules citerieures, de laquelle nous avons déja promis de parler en son lieu.

Toutes les Gaules ne se transformerent pas, s’il est permis de parler ainsi, en une contrée romaine dans l’espace d’un seul jour. La ressemblance qui se trouvoit sous l’empire d’Honorius entre les habitans des Gaules et les habitans de l’Italie, avoit été l’ouvrage de plusieurs siecles. Elle ne s’étoit introduite que successivement, et le progrès de la politesse et des mœurs romaines ne dut point même se faire par-tout également. Il étoit naturel que les provinces méridionales des Gaules, que celles qui furent appellées les cinq provinces, et puis les sept provinces se polissent et prissent les mœurs romaines plûtôt que les provinces septentrionales. Ces provinces méridionales avoient plus de commerce avec l’Italie, que n’en avoient les autres, et leur climat étant d’ailleurs semblable à celui de l’Italie, il favorisoit davantage l’introduction des bains et de plusieurs autres usages des Romains. Ainsi ces provinces méridionales étant venuës à se polir plûtôt que les autres, ayant pris plûtôt que les autres les mœurs et les usages des Romains, elles auront paru du moins durant un tems, plus semblables à l’Italie, qu’au reste des Gaules ; et par-là elles auront porté le monde à les distinguer du reste des Gaules par un nom particulier, qui leur sera même demeuré dans la suite, quoique, si l’on veut, le reste des Gaules fût devenu presqu’aussi romain qu’elles. Il suffit que la difference dont je parle, eût subsisté durant un tems. Or Pline qui vivoit sous Vespasien, dit, en parlant de la plus grande partie du païs appellé dans le cinquiéme siecle les sept provinces, et en suivant la premiere division des Gaules suivie par les Romains. » On appelle la Province Narbonnoise, cette Partie des Gaules qui confine à l’Italie, dont elle est séparée par les Alpes ou par le Var, & qui est baignée par la Mer Méditerrannée. Du côté du Seprentrion, la Narbonnoise s’étend jusqu’au Mont Jura, & jusqu’au Mont Gébenna. Au reste, la Gaule Narbonnoise est si bien cultivée, ses campagnes sont si bien ornées, ses Habitans ont tant de politesse & de capacité ; enfin elle est si opulente, que pour tout dire en un mot, on la prendroit plûtôt pour une portion de l’Italie, que pour la portion d’une Terre étrangere réduite en forme de Province. »

Il étoit même permis aux sénateurs romains originaires de la Gaule narbonnoise d’y aller sans en demander la permission à l’empereur[4], quoiqu’une loy d’Auguste défendît à ces magistrats de sortir de l’Italie et d’aller dans les provinces sans une permission expresse du souverain. On avoit excepté cette portion des Gaules, ainsi que la Sicile, de la loy génerale, parce qu’on les regardoit, s’il est permis de parler ainsi, comme une extension, comme une continuation du territoire de l’Italie. La loy particuliere[5] faite en faveur des sénateurs de la Gaule narbonnoise avoit même été faite dès le regne de l’empereur Claudius. L’Aquitaine qu’on sçait avoir été un païs si poli du tems des empereurs, et si fertile alors en poëtes et en orateurs latins, faisoit presque toute l’autre partie du païs appellé les sept provinces au commencement du cinquiéme siecle. Voilà, suivant mon opinion, tout ce qui aura fait donner dans le langage ordinaire, cette dénomination à la contrée dont il s’agit ici.

Je ne pense donc pas, et je le répéte, que les sept provinces ayent jamais fait un corps d’état particulier et réellement distinct ni dans l’ordre civil ni dans l’ordre militaire, même après l’année quatre cens dix-huit ; mais cette année-là, les conjonctures où se trouvoient les Gaules, donnerent lieu à former une espece de corps d’Etat apparent plûtôt que réel, qui aura été composé de six de ces provinces demeurées dans l’obéïssance, et d’une autre province, qui par rapport à sa situation présente se trouvoit de même condition qu’elles. Ces six provinces auront donc été la Viennoise, la province des Alpes, la seconde Narbonoise, la premiere Narbonoise, la Novempopulanie et la seconde Aquitaine, qui étoient déja comprises dans le nombre des sept provinces. Les cinq premieres depuis le passage des Visigots en Espagne étoient pleinement sous l’obéïssance de l’empereur ; et jamais aucunes d’elles n’étoient entrées dans la confédération Armorique. Nous avons vû qu’il étoit probable qu’Exsuperantius eût ramené à son devoir la seconde Aquitaine, qui faisoit la sixiéme province. Honorius qui songeoit à rétablir l’ordre dans la partie des Gaules où il étoit le maître, en attendant qu’il pût obliger l’autre partie à reconnoître l’autorité impériale, aura donc jugé à propos en quatre cens dix-huit, de convoquer les Etats de ces six provinces. Il ne pouvoit point appeller les représentans de la premiere Aquitaine qui faisoit la septiéme province parce qu’elle étoit encore du moins en partie, de la confédération Armorique. D’un autre côté, l’on étoit accoutumé à entendre dire les sept provinces, et il convenoit pour plusieurs raisons dont il sera bien-tôt parlé, de ne se pas servir d’une autre dénomination. On aura donc substitué à la premiere Aquitaine, la premiere Lyonnoise demeurée fidelle à l’empereur, quoiqu’originairement elle ne fut pas une des sept provinces, mais bien une province du païs appellé proprement les Gaules, dans le langage ordinaire. Honorius aura convoqué ensuite sous le nom des Etats des sept provinces les Etats de chacune de ces sept provinces, en leur envoyant une expédition de l’édit que nous avons rapporté. On étoit accoûtumé dans les Gaules depuis long-tems à cette dénomination, qui par conséquent ne paroissoit point annoncer aucune nouveauté de mauvais augure ; au contraire elle cachoit en quelque sorte, la cause qui avoit comme réduit à sept provinces les dix-sept provinces des Gaules.

D’où sçavez-vous, me dira-t’on, que les sept provinces qu’Honorius convoquoit à Arles, et que son édit ne nomme point, n’étoient pas les mêmes que celles qui sont comprises sous le nom des sept provinces dans la notice des Gaules, et que ce n’étoit pas la premiere Aquitaine, mais la premiere Lyonnoise qui faisoit la septiéme province ? Je le sçais d’Hincmar, et voici l’endroit de ses ouvrages qui me l’apprend. » Un Reglement, qui sous le Regne des Empereurs Theodose & Honorius, & sous le Pontificat du Pape Zosime fut publié dans les sept Provinces, lesquelles étoient, la Viennoise, la Lyonnoise, la Province des Alpes, les deux Narbonoises, la Novempopulanie & la seconde Aquitaine ; ordonne que les Personnes constituées en dignité, les Proprietaires des fonds, les Juges & les Evêques de toutes ces Provinces se rendront chaque année dans la Ville de Constantin, c’est-à-dire, dans Arles, pour y tenir un Concile & une Assemblée civile, qui commenceront leurs séances le treiziéme du mois d’Août, pour être continuées sans interruprion jusqu’au treisiéme du mois de Septembre. Ce Reglement porte encore, que si les Juges & les Métropolitains de la Novempopulanie & de la seconde Aquitaine, qui parmi les sept Provinces, sont les deux Provinces les plus éloignées d’Arles, se trouvent retenus dans leurs districts par dess empêchemens légitimes, ils envoyeront alors, suivant l’usage, des Representans occuper leur place à cette Assemblée. » Voilà quelle est la teneur de l’édit des empereurs, et quelle étoit suivant Hincmar, celle des décretales des papes.

Bornons-nous ici à ce qui regarde le gouvernement civil dans le passage d’Hincmar que nous venons de rapporter. On ne sçauroit douter que ce prélat n’y entende parler de l’édit d’Honorius, dont nous avons donné la traduction. Ce que dit Hincmar de la date et du dispositif de l’espece de rescript dont il parle, le fait connoître suffisamment ; d’ailleurs, comme ce prélat qui fleurissoit sous le regne de Loüis-Le-Débonnaire, a vêcu dans un tems où la mémoire des changemens considérables arrivés dans le gouvernement civil des Gaules durant le cinquiéme siécle, n’étoit pas encore tout-à-fait éteinte, et quand l’ancienne division par provinces subsistoit toujours dans l’ordre ecclésiastique, il mérite d’être cru, lorsqu’il fait le dénombrement des sept provinces, à qui s’adresse l’édit d’Honorius, et que cet édit ne nomme point. Il est vrai que des sçavans du dernier siécle ont prétendu, sans alléguer aucune autorité, qu’il fallut corriger le texte d’Hincmar, et y lire non pas Lugdunensem, mais Aquitaniam primam. Mais qu’on fasse attention que dans la supposition qu’il y a une faute aussi grossiere dans le texte d’Hincmar, et qu’il s’y trouve la premiere Lyonnoise au lieu de la premiere Aquitaine, il faut penser que c’est Hincmar lui-même qui a commis cette faute. On ne sçauroit la mettre sur le compte des copistes. Il ne leur est arrivé que trop souvent et tout le monde en tombe d’accord de mettre une lettre, ou bien un chiffre pour un autre, mais on ne leur reproche pas d’avoir mis un nom propre pour un autre quand ces deux mots se ressemblent aussi peu que Lugdunensis et Aquitania. Or c’est ce qu’on ne croira point, quand on fera réflexion que Hincmar a vêcu dans un tems où la tradition devoit conserver encore la mémoire d’un pareil évenement, comme sur la connoissance qu’il avoit de nos antiquités. En second lieu, quoiqu’on ne soit point obligé d’alleguer des raisons, pour rejetter les corrections qu’on propose sans être autorisé, ou sur un manuscrit, ou sur la nécessité évidente de restituer un texte sensiblement défectueux, je ne laisserai pas d’en rapporter ici une très-forte, pour ne point admettre la correction dont il s’agit. La voici. Si la premiere Aquitaine eût été l’une des sept provinces convoquées à l’assemblée d’Arles, Honorius n’auroit pas dit dans son rescript, comme il le dit : « Que des sept provinces, la Novempopulanie et la seconde Aquitaine étoient les provinces les plus éloignées de la ville d’Arles. » Il eût dit que c’étoient les deux Aquitaines. Les extrêmités de la premiere Aquitaine, dont Bourges étoit la ville métropolitaine, sont encore plus éloignées d’Arles que les extrêmités de la Novempopulanie.

Enfin le texte d’Hincmar tel qu’il est, s’accorde beaucoup mieux avec ce que nous sçavons d’ailleurs touchant l’état où les Gaules étoient en quatre cens dix-huit, qu’il ne s’accorderoit avec ces mêmes notions, après qu’il auroit souffert la correction dont nous ne voulons pas.

Honorius aura convoqué la premiere Lyonnoise à l’assemblée d’Arles, parce que cette province étoit alors pleinement soûmise à ses ordres, et il n’aura point convoqué la premiere Aquitaine, parce que plusieurs de ses cités étoient encore engagées dans la confédération Armorique, quoique l’Auvergne et quelques autres des cités de cette même province fussent déja rentrées dans le devoir. Il aura paru contre la dignité de l’empire, dont on ne fut jamais si jaloux que lorsqu’il avoit cessé d’être respectable par ses forces, et qu’il touchoit à sa ruine, de convoquer une partie des cités d’une province, sans convoquer l’autre en même-tems, et d’avoüer ainsi dans un édit qu’il y avoit des sujets dont on n’étoit déja plus le maître. L’inconvénient étoit encore plus grand à convoquer des sujets qui n’obéïroient pas. Personne ne peut avoir oublié une observation que M. De Valois fait en plus d’un endroit, concernant la vanité des empereurs des romains d’Orient, qui dans la vûë de montrer qu’ils regnoient toujours sur un aussi grand nombre de provinces que leurs prédécesseurs, avoient coûtume, afin que ce nombre ne parût point diminué, quand les barbares leur en avoient enlevé quelqu’une, de partager alors en deux provinces, une des provinces qui leur restoient. Claudien introduit dans un de ses poëmes l’Orient qui se plaint de cette supercherie. La cour » dit ce Personnage allegorique, n’est occupée que de danses & de festins. Attentive uniquement à jouir de ce qui lui reste, elle songe peu à ce qu’elle a perdu. Cependant afin que les profits de ceux qui font trafic des emplois & des dignités, ne diminuënt point par la perte que l’Empire vient de faire de quelqu’une de ses Provinces, on partage en deux Provinces, une de celles qui nous sont demeurées. Cette malheureuse Contrée se voit alors condamnée à nourrir comme à enrichir deux Tribunaux & deux Officiers au lieu d’un. Le fardeau que portoit la Province démembrée de la Monarchie retombe sur la Province qui appartient encore à l’Empire. Le nombre de ses Provinces se multiplie quand son territoire diminuë. »

Les raisons qui empêchoient qu’on n’invitât la premiere Aquitaine à l’assemblée d’Arles, auront aussi empêché qu’on n’y invitât les deux provinces Germaniques et les deux provinces Belgiques, quoiqu’il y eût plusieurs de leurs cités où l’autorité de l’empereur étoit reconnuë. Les barbares en tenoient plusieurs autres, et d’autres étoient encore engagées dans la confédération Armorique.

Il faut faire encore une observation sur celle des dispositions de l’édit d’Honorius qui semble fixer dans Arles le siege de la préfecture des Gaules. Nous avons rapporté dans le premier livre de cet ouvrage que Constantin Le Grand avoit mis dans Tréves le prétoire ou le siége de la préfecture des Gaules, qui comprenoit les Gaules, l’Espagne et la Grande-Bretagne ; et l’on voit par l’histoire et par diverses loix des empereurs, que ce tribunal auguste y étoit encore les dernieres années du quatriéme siecle ; très-probablement il ne fut déplacé qu’après la grande invasion que les barbares firent dans les Gaules en l’année quatre cens sept. Les guerres et les autres malheurs dont cet évenement fut suivi, et qui, comme nous l’avons vû, furent si funestes à la ville de Tréves en particulier, auront obligé le préfet des Gaules, qui ne devoit pas commettre sa dignité très-respectable à la verité, mais désarmée, à se retirer pour quelque tems dans un lieu moins exposé aux insultes des ennemis, et aux outrages des mauvais sujets. Aussi voyons-nous dans la vie de saint Germain que vers l’année quatre cens quatorze, et un peu avant qu’il fût fait évêque d’Auxerre, Julius préfet des Gaules se tenoit à Autun. Mais le désordre augmentant dans les Gaules, au lieu de diminuer, Julius ou quelqu’un de ses successeurs aura cru qu’il lui convenoit de s’éloigner encore davantage des païs ennemis ou suspects, et il aura été attendre dans Arles des conjonctures plus heureuses, et qui lui permissent de reporter son siége à Tréves.

Tant que ce siége ne pouvoit pas être à Tréves, il ne pouvoit pas être placé plus convenablement que dans Arles, demeure voisine de l’Italie, et située à une aussi grande distance des provinces confédérées, et de celles où les barbares s’étoient cantonnés, que le pouvoit être une ville des Gaules. Le Rhône la couvroit même du côté le plus suspect. Cette ville étoit encore plus à portée de l’Espagne qui étoit du département du préfet du prétoire des Gaules, que Tréves et qu’Autun. Il est vrai qu’Arles est bien éloigné de la Grande-Bretagne qui étoit aussi dans le département de ce préfet ; mais on a vû que cette grande province s’étoit soustraite dès l’année quatre cens neuf à l’obéissance des officiers de l’empereur. Il y avoit encore une convenance à mettre, pour ainsi dire, en dépôt dans Arles, le siége de la préfecture des Gaules, puisque cette ville étoit déja depuis long-tems la métropole de la province des Gaules, ou le lieu de la résidence du vicaire des dix-sept provinces, dans lesquelles se divisoit la province des Gaules. Nous avons dit que ce vicaire étoit le lieutenant que le préfet des Gaules avoit dans les Gaules, ainsi qu’il en avoit un autre en Espagne, et un autre dans la Grande-Bretagne.

Il paroît en lisant une supplique présentée par quelques évêques des Gaules, en faveur des droits de l’église d’Arles, au grand saint Leon élû pape en quatre cens quarante, qu’Arles avoit été déja qualifiée de métropole des Gaules dans les rescripts d’un des deux empereurs du nom de Valentinien, qui ont regné avant Honorius, et dans des rescripts d’Honorius lui-même. Or comme du tems de ces deux Valentiniens, c’étoit Tréves qui étoit la métropole du grand diocèse ou du département du préfet des Gaules, le Valentinien auteur du rescript, n’a pû qualifier Arles de métropole des Gaules, que parce qu’elle étoit la métropole particuliere des dix-sept provinces des Gaules, qui faisoient un des trois districts de ce diocèse, et par conséquent le lieu de la résidence ordinaire du vicaire de ces dix-sept provinces. Tréves étoit la métropole de tout le diocèse du préfet du prétoire des Gaules. Arles étoit la métropole particuliere des Gaules.

Les conjonctures étant devenues plus fâcheuses de jour en jour, Honorius aura par son édit de quatre cens dix-huit, fixé dans Arles le siége du préfet des Gaules, jusqu’à ce que des tems plus favorables permissent de le reporter à Tréves. Si dans la supplique dont nous venons de parler, les évêques qui la presenterent à saint Leon près de trente ans après cet édit, il n’est pas fait mention de la nouvelle dignité qu’il sembloit donner à la ville d’Arles. Si cette ville n’y est point qualifiée de métropole de tout le ressort de la préfecture du prétoire des Gaules, mais seulement de métropole des Gaules, c’est suivant mon opinion, que les Romains aussi occupés du soin de déguiser les disgraces de l’empire que nous avons vû qu’ils l’étoient, n’avoient garde de parler de cette nouvelle dignité comme d’une préeminence permanente. Ils n’auroient pas voulu qu’on eût pû penser qu’ils désesperoient de recouvrer Tréves, et d’y rétablir le siége de la préfecture des Gaules. D’ailleurs cette nouvelle dignité ne donnoit dans les Gaules aucun droit nouveau à l’église d’Arles. L’affaire dont il s’agissoit étoit une prétention de superiorité qu’avoit l’église d’Arles sur d’autres églises des Gaules, et sa qualité de métropole particuliere des Gaules suffisoit seule pour fonder une pareille prétention. Il n’étoit pas nécessaire qu’Arles, pour avoir cette prétention, fût la métropole de tout le diocèse du préfet des Gaules. Aussi voit-on qu’Arles avoit mis en avant la prétention dont il s’agit dès l’année quatre cens un. Le tems de reporter à Tréves le siége de la préfecture des Gaules n’arriva jamais, et ce siége étoit encore dans Arles vers l’année cinq cens trente-sept, tems où les Francs furent mis en possession d’Arles par les Ostrogots.

Suivant la chronique de Prosper, Pharamond regnoit dans l’ancienne France vers l’année quatre cens dix-huit. De quelle tribu étoit-il roi ? Je l’ignore. Ainsi je ne parlerai point davantage de ce prince, dont je ne trouve rien dans les autres écrivains du cinquiéme et du sixiéme siécle. Il y a même des critiques qui s’imaginent, mais sans fondement si l’on s’en rapporte à mon opinion, que la chronique de Prosper a été interpolée dans l’endroit où elle fait mention de Pharamond, et qu’on y a inseré le peu de mots qu’elle en dit.

  1. Voyez Roy. Gall. & Fr. Scii. T. p. pag. 587.
  2. Constantin le Grand avoit donné son nom à la ville d’Arles, qu’il avait augmentée d’un quartier.
  3. Simon. Concil. Gal. Tom. 1.
  4. Diod. lib. 52.
  5. L’année de Rome 802.