Hippias majeur (trad. Cousin)/Notes
NOTES
SUR L’HIPPIAS.
J’ai eu sous les yeux l’édition générale de Bekker, l’édition particulière de Heindorf, les traductions de Ficin, de Sydenham et de Schleiermacher. Maucroix et Grou ont traduit en français ce dialogue. La traduction de Grou a servi de base à la mienne.
Ast rejette l’authenticité de l’Hippias, et fait à ce dialogue une foule de petites critiques plus ou moins fondées qui sont loin de suffire à la conclusion qu’il en tire. J’avoue seulement avec Ast que l’Hippias de l’Hippias est moins spirituel que celui du Protagoras, et que l’interlocuteur de Socrate est un peu trop sacrifié. — Schleiennacher, Tennemann, Buhle et Socher admettent l’authenticité de l’Hippias. Socher croit qu’il n’est pas impossible que Platon ait eu sous les yeux le discours dont parle Hippias, et qu’il en ait tiré quelques endroits, comme dans le Gorgias il a bien l’air de se servir d’un discours réel de Polus.
Ast voit ici une des preuves de la non authenticité de l’Hippias, car il semble que l’histoire est tout-à-fait contre Socrate, et que ce qui recommande surtout Pittacus et Bias, c’est leur sagesse politique. Meiners, Histoire des sciences chez les Grecs et les anciens (t. I, p. 45), accuse aussi Platon d’erreur. Schleiermacher, Heindorf et de Geer (in politic. Platonic. princip. page 111) voient ici une ironie de Socrate, dont le dessein est de fournir à Hippias une occasion de montrer son impertinence. D’ailleurs Heindorf, en montrant le côté ironique de ce passage, fait voir, et selon nous avec succès, que l’ironie n’est pas chargée, et qu’en effet tous les premiers sages, ou presque tous, préféraient la culture de la sagesse au maniement des affaires, et que quand ils s’en sont mêlés, ç’a été par pur dévouement, et qu’ils ont quitté le pouvoir dès qu’ils l’ont pu, témoin Pittacus lui-même, qui abdiqua spontanément. (Voyez Heindorf, pages 123, 124.)
Ἐγὼ δὲ δὴ ἐρῶ ὅτι εἰ παρθένος καλὴ ἐστι δι’ ὃ ταῦτα ἂν εἴη καλά. Bekker, p. 424.
Sydenham, Grou et Heindorf, retranchent et comme venant d’ὅτι. — Mais tous les manuscrits ont εἰ. Schleiermacher le garde, et retourne ainsi toute la phrase : Ταῦτα πάντα ἃ φὴς καλά, καλὰ ἂν εἴη εἰ τί ἐστιν αὔτὸ τὸ καλὸν δι’ ὃ ταῦτα ἄν εἴη καλά. Ἐγὼ δὲ ἐρῶ, ὅτι εἰ παρθένος καλὴ καλόν ἐστι, ταῦτα ἂν εἴη καλά, transposant ainsi deux membres de phrase, faisant descendre l’un et remonter l’autre. — Un simple changement de ponctuation suffit à tout, sans tant de changemenτs injustifiables. Ponctuez : ὅτι εἰ παρθένος καλὴ καλόν, ἐστι, ταῦτα ἂν εἴη καλά. Hippias avait dit, dans sa définition, παρθένος καλὴ καλόν. Socrate répète ici et doit répéter naturellement les mêmes mots. Il ne faut donc pas y joindre ἐστι mais l’en déplacer et le placer avec δι’ ὂ. Ἐστι δι’ ὃ : est propter quod, est aliquid oropter quod. Ἔστι δι’ ὅ est pour ἔστι τι δι’ ὅ. C’est en effet la question, comme on le voit page 122. « Te semble-t-il encore que le beau par soi-même, qui orne et rend belles toutes les autres choses qui en participent, soit une fille, une cavale, une lyre ? »
Voyez dans Heindorf l’oracle extrait du scoliaste de Théocrite, où sont vantés les chevaux de Thrace, page 140. — Il y a un oracle à-peu-près semblable dans Eusèbe, Pr. Ev., V. 29, page 226, édit. Viger. et dans Tzetz, Chil., IX, 291.
M. Q. de Quincy (Jupit. Olymp., page 229) tire de ce passage de l’Hippias (qui s’accorde fort bien avec les passages de Pausanias sur la Minerve de Mégare, lib. I, cap. XLII,), la preuve que tout le reste de la Minerve du Parthénon était d’or. — Et page 264, en rapportant le passage τὰ μέσα τῶν ὀφθαλμῶν λίθινα τὴν ὁμοιότητα τοῦ λὶθου καὶ ἐλέφαντος ἐξευρών « On ne peut pas désigner plus clairement, dit il, cette partie de l’œil que j’appelle prunelle. La pierre qui, à notre connaissance, approche le plus de la couleur de l’ivoire est la chalcédoine, ou une certaine espèce d’agate dont on fait des camées d’un assez grand modèle, et qui offrent une teinte un peu moins jaune que celle de l’ivoire. »
Il n’y a point là de tautologie : ce sont les deux côtés d’une même idée. Bekker a raison de ne rien changer contre Sydenham, Heindorf et Schleiermacher. C’est, sous une formule générale, ce qui est dit plus bas spécialement : Si nous étions justes tous les deux, chacun de nous ne le serait-il pas ? et si chacun de nous était injuste, ne le serions-nous pas tous les deux ? D’après Sydenham, Heindorf et Schleiermacher, il devrait y avoir là aussi une tautologie.