Œuvres de Platon,
traduites par Victor Cousin
Tome cinquième


NOTES SUR L'HIPPARQUE.

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J'AI eu sous les yeux l'édition générale de Bekker, l'édition particulière de Boëck, Heidelberg, 1818, Ficin et Schleiermacher.

J'aurais désiré me servir plus souvent de la traduction française de M. Fortia d'Urban ; mais cette traduction est véritablement pleine de contre-sens graves ; et d'ailleurs le traducteur n'a pas une manière fixe de rendre les expressions fondamentales de ce dialogue, comme ἀξιοῦν κερδαίνειν et οἴεσθαι κερδαίνειν et οἴεσθαι δεῖν κερδαίνειν, ζημιοῦσθαι et ὠφελεῖσθαι, ἄξια et κέρδος. Quant à ces deux expressions, ἀξιοῦν κερδαίνειν et οἴεσθαι δεῖν κερδαίνειν, la différence consiste en ce que ἀξιοῦν suppose de plus que οἴεσθαι δεῖν une réflexion approfondie, un rapport à la convenance morale, tandis que οἴεσθαι δεῖν n'exprime qu'une simple chance de succès. Δεῖν souvent n'a pas plus de force. Schleiermacher ne paraît pas avoir bien saisi cette différence. Il traduit δεῖν par müssen qui exprime la convenance morale, et ἀξιοῦν par mögen qui marque la simple possibilité. L’anonyme avance que les hommes cupides sont ceux qui se permettent de gagner, qui croient pouvoir légitimement gagner (ἀξιοῦσι κερδαίνειν) sur de mauvaises choses, et Socrate l’amène peu-à-peu à regarder simplement ces hommes comme de mauvais calculateurs qui se trompent sur les chances de succès (οἴονται δεῖν κερδαίνειν), et plutôt comme des fous que comme des fripons : telle est la marche du dialogue.

J’adopte aussi toutes les petites corrections que Schleiermacher le premier a faites au texte de ce dialogue, corrections reçues par Boëck, et introduites dans le texte par Bekker, soit que Bekker les ait jugées incontestables en elles-mêmes, ou qu’il les ait trouvées dans les manuscrits, telles que ἀξιοῦν au lieu de ἄξιον, παιδεύειν au lieu de πείθειν, τοῦτο au lieu de τούτῳ, ἐπιγέγραπται pour ὃ ἐπιγέγραπται ; de plus, la correction de Boëck : ὡς ἀληθῶς εἰπέ· ἆρ’ ἐστὶν, pour ὡς ἀληθ῀θς, εἴπερ ἐστίν.

PAGE 201. — SOCR. Si quelqu’un a donné une demi-livre d’or, et qu’il ait reçu le double de ce poids en argent, sera-ce une perte ou un gain ? — L’ANON. Une perte certainement, Socrate ; car l’or lui revient à deux au lieu de douze. Φέρε γάρ, ἐάν τις χρυσίου σταθμὸν ἥμισυν ἀναλώσας διπλάσιον λάβῃ ἀργυρίου, κέρδος ἢ ζημίαν εἴληφεν;

ΕΤ. — Ζημίαν δή που, ὦ Σώκρατες· ἀντὶ δωδεκαστασίου γὰρ διστάσιον αὐτῷ καθίσταται τὸ χρυσίον.

(BECKKER, Partis primœ volumen secundum, p. 244.)

Je traduis σταθμὸν, pondus, par livre. — Il paraît que le rapport de la livre d’or à celle d’argent à Athènes était alors de 12 à 1, et non de 15 à 1, comme l’avait prétendu M. Garnier (Mémoires sur les Monnaies de compte. Paris, 1817). Ce passage a été expliqué et mis à profit par M. Letronne, dans sa réponse à M. Garnier. Voy. les Considérations générales sur l’évaluation des Monnaies Grecques et Romaines, Paris, 1817.

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