Heures perdues/Méditation

Imprimerie générale A. Côté (p. 251-254).


MÉDITATION


Quand, lassé du travail, j’interroge mon être,
Je crois voir un abîme et je reste éperdu.
À moi même étranger, je croyais me connaître…
Mon cœur vient défier mon esprit confondu.



Un problème est en moi que je ne puis résoudre.
Mon esprit se fatigue à ce rude labeur.
Je puis analyser la matière et la foudre,
Mais je reste impuissant en face de mon cœur !


Quand mille sentiments en même temps l’agitent
Comme le vent secoue un pauvre nid brisé,
Le calme et le bonheur, hôtes troublés le quittent,
Et de cruels efforts il demeure épuisé.


Qui le fait battre ainsi ? Qui jette dans mon âme
Cette sombre pensée ou cet éclair joyeux ?
Au foyer presqu’éteint qui rallume la flamme
Et qui met ce sourire ou ces pleurs dans mes yeux ?



Quelle main attentive à mes jours éphémères
Du sillon que je creuse écarte le chardon,
Sèche mes yeux rougis par les larmes amères
Et sait me consoler aux heures d’abandon ?


Et ces jours si sereins de piété fervente
Hélas ! si tôt suivis de moments de tiédeur,
La sombre immensité dont l’esprit s’épouvante
Et qui d’un ciel lointain me cache la splendeur ?


Ce besoin d’infini qui toujours me torture
Et verse dans mon cœur un incurable ennui,
Cet espoir d’une vie inconnue et future
Où l’être né du Verbe ira se perdre en lui ?



Ô mystère profond de la nature humaine !
Perpétuelle nuit d’un abîme insondé !
Sur ses bords dangereux en vain l’homme promène
Son flambeau vacillant, son esprit hasardé.


En face du mystère, il n’est qu’un seul refuge :
Il faut remettre à Dieu le dépôt confié.
Quelque soit notre sort, lui seul est notre juge ;
Je mets mon cœur aux pieds du grand Crucifié !