Heures perdues/Les Ronces de la vie

Imprimerie générale A. Côté (p. 117-120).


LES RONCES DE LA VIE


La ronce est bien vivace aux sentiers de la vie.
Elle étend sous nos pas ses rameaux enlacés.
On la nomme l’Envie,
Et les plus grands esprits sont par elle blessés.



Quand sa tige épineuse à l’ombre se hérisse,
Plus d’un laisse sa joie à ses rameaux sanglants.
On la nomme Avarice,
Et son pouvoir fatal touche les cheveux blancs.


Êtreignant de ses bras ce globe séculaire,
Elle est de tous les lieux et de tous les climats.
On l’appelle Colère,
Et nommez-moi celui qui ne la connaît pas !


Dressant son dard aigu, dans ce temps de cynisme,
Elle envahit le trône ainsi que le tripot.
On la nomme Égoïsme.
Le cœur qu’elle a touché se dessèche aussitôt.



Alerte, voyageur ! Mortelle est sa blessure.
Sa tige à tout passant vomit le noir poison.
On la nomme Luxure,
Et ceux qu’elle a frappés ont perdu la raison !


Obstinée à son œuvre, elle se multiplie,
Et brise dans sa fleur plus d’un noble talent.
On la nomme Folie,
Et son philtre a perdu plus d’un cerveau brûlant.


Que le passant rêveur évite sa caresse,
Car malheur à celui qui près d’elle s’endort !
On la nomme Paresse.
Le sommeil qu’elle donne est lourd comme la mort.



Ainsi, fatale loi ! tout voyageur sur terre,
Quelque soit le sentier qu’il parcourt ici bas,
Monarque ou prolétaire,
Voit la ronce aux cent pieds se dresser sous ses pas !