E. Fasquelle (p. 171-174).
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XXXIII


Toutes deux se levèrent, s’agenouillèrent, se rassirent, selon les indications de la messe, pendant que le prêtre allait et venait devant l’autel, vêtu d’une vieille chasuble à demi dédorée, pareille à un dos de scarabée. Ce prêtre était un vieillard qui était depuis longtemps dans la paroisse. Il avait présidé à la première communion d’Hermine et à son mariage, et la femme blessée par la vie regarda avec curiosité ce personnage, qui lui avait paru autrefois si solennel, muni d’un pouvoir extra-humain pour diriger les consciences, consoler des peines, sauver les âmes. Elle lui trouva une physionomie ordinaire, sans rien qui inspirât le respect et la confiance. Il expédiait sa messe d’une voix monotone, avec des gestes d’habitude, ne laissait pas voir une émotion.

— Alors, pourquoi serai-je émue ? — pensa Hermine.

Il monta en chaire au milieu de l’office, dit aux paysans qu’il ne fallait pas boire, aux femmes qu’elles ne devaient pas être mauvaises langues, à tous, qu’ils devaient se résigner aux maux de la terre pour être heureux ailleurs, et Hermine s’amusa, un instant, à travers ses préoccupations, d’un Paradis où elle pourrait retrouver les gens qui étaient là, les hommes ivrognes, les femmes médisantes, confessés et communiés à temps pour connaître les félicités éternelles. Le curé descendit de chaire et reprit sa messe où il l’avait laissée. Il n’avait pas prononcé un mot pour aller au cœur d’Hermine.

Mais celle-ci, cherchant partout un espoir, pensa que ce brave homme, si simple qu’il fût, lui serait peut-être d’excellent conseil. Il pouvait avoir souffert de la vie, avoir vu souffrir sa mère, ses sœurs, se rappeler des crises de douleur. Ce qu’il n’avait pas su dire en chaire, ou ce qu’il n’avait pas pensé à dire, il le dirait à Hermine, si elle venait lui demander une parole de sagesse, de réconfort, de consolation. Elle décida que, malgré la présence de Zélie, elle irait lui demander un instant d’entretien après la messe, dans la sacristie, ou au confessionnal s’il le préférait.

Ite, missa est ! — dit enfin le prêtre, et tout le monde sortit, les hommes pour retourner au cabaret, les femmes pour échanger leurs propos d’habitude.

Hermine resta, se dirigea vers la sacristie.

— Attends-moi dans l’église, — dit-elle à Zélie d’un ton qui n’admettait pas de réplique.

La petite fille eut pourtant un mouvement comme pour suivre Hermine : elle se rappelait sans doute les ordres de François Jarry. Mais, tout de même, elle n’osa pas. Elle ne parlerait pas de cet arrêt d’Hermine dans la sacristie, voilà tout, et elle resta dans l’église comme il lui avait été commandé, n’alla pas rejoindre les servantes de la ferme sur la place. Forcément, Hermine sortirait de la sacristie, et il n’y aurait plus qu’à rentrer à la maison. Elle n’allait pas rester toute la journée avec le curé, bien sûr !