Ces rapports de la pensée à la parole appartiennent, du reste, plus spécialement au Traité de l’Âme. Les pensées sont fausses ou vraies, selon qu’on les combine ou qu’on les laisse isolées. Les mots aussi sont de même : isolés, ils sont toujours vrais, puisqu’ils ne nient ni n’affirment ; combinés, ils peuvent être, faux quelquefois.

Logique d’Aristote
Traduction par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire.
Tome 1
Ladrange.

TABLE DES MATIÈRES

DU PREMIER VOLUME.
Séparateur


Pages.
i à clix
53 à 132
147 à 204

PLAN DE L’HERMÉNEIA.

Le nom, le verbe, l’affirmation et la négation, l’énonciation et le jugement, tels sont les objets divers dont il sera question dans ce traité. Les mots ne sont que l’image de la pensée. Les choses sont en soi identiques pour tous les hommes : les pensées qu’elles leur inspirent sont identiques pour tous aussi. Mais les langues destinées à les représenter varient d’une nation à une autre, tout comme l’écriture, qui représente les mots.

Le nom est un mot qui n’a de sens que celui que les hommes sont convenus de lui donner ; il n’implique aucune idée de temps, et aucune des parties qui le composent n’a de signification par elle-même. Le nom est déterminé, quand il est dans sa forme simple ; indéterminé, quand on le fait précéder de la négation. Le nom proprement dit est toujours au nominatif. Les autres cas ne sont pas à vrai dire des noms ; ce sont des cas du nom. Le nom joint à un verbe suffit pour faire un jugement complet. Les cas du nom joints à un verbe ne font pas encore de proposition régulière ; il faut un élément de plus, qui est un nom au nominatif.

Le verbe est un mot qui, outre la signification qui lui est propre, exprime encore l’idée de temps. Aucune de ses parties d’ailleurs n’a de sens quand elle est isolée, non plus que celles du nom. Le verbe est toujours le signe d’une attribution. Le verbe est indéterminé comme l’est le nom, quand il est précédé d’une négation. Le verbe proprement dit exprime toujours le présent ; les deux autres moments de la durée forment des cas du verbe plutôt que des verbes.

La phrase est une combinaison de mots qui a un sens de convention comme eux, mais dont toutes les parties prises isolément ont chacune une signification. La phrase énonciative, la seule dont il sera question ici, est celle qui exprime vérité ou erreur. Les autres espèces de phrase sont plus particulièrement l’objet de la Rhétorique et de la Poétique.

Parmi les phrases énonciatives, la première en ordre c’est l’affirmation ; la négation ne vient qu’ensuite. La phrase énonciative peut être simple, si elle énonce une seule chose d’une seule chose ; elle est complexe, quand elle exprime plusieurs choses.

L’affirmation attribue une chose à une autre ; la négation sépare une chose d’une autre. Toute affirmation a une négation opposée ; l’ensemble de l’affirmation et de la négation opposées se nomme contradiction, bien entendu toujours qu’il n’y a point de l’une à l’autre homonymie, ou équivoque sophistique, de quelque genre que ce soit, et que l’on affirme d’une part la même chose absolument qu’on nie de l’autre.

Les propositions sont universelles ou particulières, comme les choses elles-mêmes : homme est une chose universelle ; Callias n’est qu’un mot individuel. On peut, du reste, employer les mots universels, sans leur donner ou en leur donnant le signe de l’universalité. On peut tout aussi bien dire : L’homme est blanc, ou : Tout homme est blanc. Quand deux propositions sont universelles ? et que l’une affirme ce que l’autre nie, elles sont contraires : Tout homme est blanc : aucun homme n’est blanc. Elles sont contradictoires, quand, avec la condition indispensable d’être opposées, l’une est universelle et l’autre particulière : Tout homme est blanc, quelque homme n’est pas blanc : Aucun homme n’est blanc, tel homme est blanc. Les contradictoires ne peuvent jamais être vraies à la fois : l’une est fausse et l’autre vraie ; les contraires peuvent être toutes les deux fausses. Quant aux contradictoires de choses universelles exprimées sans le signe de l’universalité, les deux peuvent être vraies à la fois : L’homme est blanc, l’homme n’est pas blanc. Du reste, une affirmation n’a jamais d’opposé qu’une négation contradictoire.

C’est que l’affirmation simple est, comme on l’a dit, celle qui exprime une seule chose d’une seule chose, et de même pour la négation. Si sous un seul mot on comprend plusieurs choses, l’affirmation ou la négation n’est plus simple ; elle devient complexe, malgré sa simplicité apparente.

Il faut ajouter que la règle de la contradiction ne s’applique qu’aux propositions qui expriment le présent et le passé. Dans le présent et le passé, il faut nécessairement que l’affirmation ou la négation soit vraie, que l’affirmation ou la négation soit fausse. Il n’en est pas de même pour l’avenir. Si d’une manière générale, et sans tenir compte de la restriction indiquée ici, on prétendait que toute affirmation ou négation est fausse ou vraie, on serait amené à soutenir, chose absurde, que toutes les choses sont soumises à la fatalité la plus aveugle et la plus invincible. Dans une contradiction dont les deux propositions opposées concernent l’avenir, laquelle est vraie, laquelle est fausse ? Quatre réponses différentes se présentent. 1° D’abord les deux propositions sont vraies également. ? Elles sont, d’une manière déterminée, l’une vraie, l’autre fausse. 3° Elles sont toutes deux fausses. 4° Enfin elles sont, d’une manière tout indéterminée, l’une vraie, l’autre fausse, sans qu’il soit possible de dire positivement laquelle est vraie, laquelle est fausse. Des trois premières opinions aucune n’est soutenable : elles mènent toutes à des absurdités évidentes. Si toutes deux sont vraies, il s’ensuit que la chose est à la fois et n’est pas ; car la réalité est comme l’assertion même qui l’exprime : quand l’assertion est vraie, la chose est ; quand elle est fausse, la chose n’est pas. Donc, dans l’avenir, la chose serait et ne serait pas en même temps. Si l’une est vraie et l’autre fausse d’une manière déterminée, il s’ensuit que tout est nécessaire, que tout arrive de toute nécessité. Et alors que deviennent la liberté et la sagesse de l’homme ? Que devient ce sentiment commun à toute l’humanité, et que l’expérience confirme d’ailleurs tous les jours, qu’un acte de notre part amène un certain résultat, et que sans cet acte ce résultat ne serait pas obtenu, le but que nous nous proposons ne serait pas atteint ? Si toutes deux sont fausses, il s’ensuit que dans l’avenir la chose ne pourra pas plus être que ne pas être. Reste donc la quatrième solution, qui est la vraie, c’est que dans toute contradiction qui concerne l’avenir, il est impossible de dire laquelle des deux propositions contradictoires est vraie, laquelle est fausse. Par là la liberté de l’homme est sauve, l’avenir n’est point enchaîné ; et nous en pouvons disposer dans la mesure de nos forces, comme la réalité même nous le prouve. Donc on ne peut pas dire d’une manière générale que toute affirmation ou négation est fausse ou vraie ; il faut ajouter : Dans le passé et le présent. Il faut exclure de cette règle l’avenir, et toutes les propositions contingentes qui le concernent.

Il n’y a que deux oppositions possibles, quand le nom au nominatif est joint au verbe substantif : L’homme est, l’homme n’est pas : Le non-homme est, le non-homme n’est pas. Quand le verbe substantif est en troisième terme, les oppositions se doublent : L’homme est juste, l’homme n’est pas juste : L’homme est non juste, l’homme n’est pas non juste. C’est ce qu’on a expliqué dans les Analytiques. On pourrait construire les propositions avec le nom indéterminé Non-homme, comme on vient de le faire avec le nom déterminé Homme ; et on obtiendrait ainsi quatre propositions nouvelles, opposées deux à deux comme les précédentes. L’on pourrait tout aussi bien encore les mettre sous forme universelle ; car les propositions pourraient renfermer tout autre verbe que le verbe substantif, qui d’ailleurs est toujours sous-entendu dans la composition de tous les autres verbes. Il faut ajouter que, dans certaines langues, le déplacement des mots dans la proposition n’importe pas, en ce que le sens reste toujours le même.

On peut aussi se demander dans quel cas, on peut réunir en un seul attribut vrai plusieurs attributs vrais d’un seul et même sujet, et dans quel cas on ne le peut pas, bien que les attributs séparés soient tous vrais chacun isolément. Ainsi, tel homme est bon ; de plus, il est tanneur. Doit-on conclure, comme le font quelquefois les Sophistes, qu’il est bon tanneur ? Ou n’est-ce là qu’un vain paralogisme ? Les attributs divers, quoique vrais isolément, ne peuvent être réunis avec vérité quand ils ne sont que des attributs accidentels. On peut aussi se poser la question inverse, et se demander dans quel cas les attributs vrais, quand ils sont réunis, restent vrais encore quand on les sépare. On peut les désunir avec vérité lorsque l’attribut n’a rien de contradictoire à l’idée même du sujet, et quand il n’est pas accidentel.

Les propositions peuvent être sous la forme qu’on leur a vue jusqu’à présent ; mais elles peuvent aussi être modifiées. L’attribut, au lieu d’être sous forme absolue, peut recevoir une limitation qui lui donne un caractère particulier. Les modifications les plus ordinaires qu’il subit sont celles de possibilité, de contingence, de nécessité et enfin d’impossibilité. Comme une chose possible peut à la fois être et n’être pas, il est évident que dans ces propositions la négation ne devra pas porter sur le verbe être ou ne pas être ; elle devra porter sur la modification elle-même, c’est-à-dire que la négation de : Pouvoir être sera : Ne pas pouvoir être. Et de même, pour contingent, nécessaire et impossible. C’est qu’en effet c’en la modification qui est le véritable attribut, malgré l’apparence contraire : et le sujet se compose du verbe Être ou ne pas être combiné avec d’autres termes. Ainsi, la négation de cette proposition : Il est possible que ce ne soit pas, n’est point : Il n’est pas possible que ce soit ; mais bien : Il n’est pas possible que ce ne soit pas. Ce sont là des contradictoires qui ne peuvent jamais être vraies toutes deux à la fois. De même encore la négation de cette proposition : Il est nécessaire que ce soit, n’est point : Il est nécessaire que ce ne soit pas ; mais bien : Il n’est pas nécessaire que ce soit. Le raisonnement serait tout-à-fait pareil pour impossible. Ainsi, dans ces propositions, il est bien entendu que Être et ne pas être sont des sujets, et que les modes sont les vrais attributs. Les affirmations et les négations sont donc : Possible, pas possible ; contingent, pas contingent ; nécessaire, pas nécessaire ; impossible, pas impossible ; vrais, pas vrais.

Les diverses idées qui modifient le plus ordinairement les propositions, sont unies entre elles par des liens étroits, de telle façon que commençant par l’une d’elles, on peut énumérer, à la suite et par une consécution régulière, toutes les autres affirmées ou niées, suivant le besoin de la pensée. On peut réduire toute cette série en un tableau qui se divisera en deux parties. A la tête de l’une, serait l’affirmation du possible ; à la tête de l’autre, la négation du possible. Et l’on arriverait ainsi de transformations en transformations, et par des nuances successives, jusqu’à l’affirmation du nécessaire. En partant d’une extrémité, on atteindrait l’autre sans aucune discontinuité. Impossible et nécessaire se suivent contrairement et à l’inverse, c’est-à-dire qu’il faut affirmer le nécessaire avec la négation du sujet, pour répondre à l’affirmation du sujet et de l’impossible. Ainsi, d’une chose dont on dit qu’il est impossible qu’elle soit, on peut dire aussi et par une conséquence directe qu’il est nécessaire qu’elle ne soit pas. De même, s’il est impossible qu’elle ne soit pas, il est nécessaire par cela même qu’elle soit. On pourrait donc commencer cette série consécutive des modales par le nécessaire, tout aussi bien qu’on l’a commencée par le possible. La première partie du tableau ci-dessus commencée par : Il est nécessaire que ce soit, finirait par : Il est impossible que ce soit. La seconde, commencée par : Il n’est pas nécessaire que ce soit, finirait par : Il n’est pas impossible que ce soit. La possibilité suit la nécessité, comme l’universel suit le particulier. Possible est plus large que nécessaire, comme le genre est plus large que l’espèce ou l’individu.

Reste enfin, pour compléter toutes les théories qui précèdent, à savoir si la négation est bien la proposition contraire à l’affirmation, ou s’il n’est pas possible aussi que l’affirmation soit contraire à l’affirmation. Soit cette proposition : Tout homme est juste. Quelle est la proposition contraire ? Est-ce : Tout homme est injuste ? ou bien : Aucun homme n’est juste ? Pour éclaircir sans peine cette question, il suffit de voir quelle est la pensée contraire à la première pensée. Les propositions qui représentent les pensées seront comme les pensées elles-mêmes. D’abord, il est clair que les pensées ne sont pas contraires par cela seul qu’elles s’appliquent à des objets contraires. Dire du bien qu’il est bien, du mal qu’il est mal, ce sont des pensées de forme pareille, quoique les sujets soient contraires, quoique le mal soit le contraire du bien. La seule pensée vraiment contraire est celle d’où naît l’erreur. Or c’est précisément la négation de la chose prise en soi, et non point la négation de l’accident de cette chose. Ainsi dire d’une chose bonne qu’elle est bonne, c’est une proposition vraie. Dire qu’elle n’est pas bonne, c’est la proposition fausse parce qu’elle s’adresse à la chose en soi ; dire de cette chose qu’elle est mauvaise, c’est nier un simple accident de la chose. En soi la chose est bonne : par accident, elle n’est pas mauvaise. Si donc la pensée contraire est la pensée fausse, négation de la pensée vraie, il s’ensuit qu’il en est de même pour les propositions, et que la proposition contraire est véritablement la négation pure et simple de la proposition initiale. Il n’importe, à reste, en rien que la proposition soit ou ne soit pas sous forme universelle ou indéterminée. Seulement, quand les pensées sont sous forme particulière, les deux opposées peuvent être toute deux vraies à la fois. Il n’est pas moins évides que, ni une pensée vraie ni une négation vraie, ne peuvent être contraires ni à une pensée, ni à une négation vraie : car il n’est pas possible que jamais les contraires soient à la fois à un seul et même objet.


CHAPITRE PREMIER.

Énumération des objets divers de ce traité. — Rapports du langage à la pensée. — Les mots isolés n’expriment ni vérité ni erreur : il faut qu’ils soient réunis pour exprimer l’un ou l’autre.


§ 1[1]. Il faut établir d’abord ce que c’est que nom, et que c’est que verbe, puis ensuite, ce que c’est que négation et affirmation, énonciation et jugement.

§ 2[2]. Les mots dans la parole ne sont que l’image des modifications de l’âme ; et l’écriture n’est que l’image des mots que la parole exprime. § 3[3]. De même que l’écriture n’est pas identique pour tous les hommes, de même les langues ne sont pas non plus semblables. Mais les modifications de l’âme, dont les mots sont les signes immédiats, sont identiques pour tous les hommes, comme les choses, dont ces modifications sont la représentation fidèle, sont aussi les mêmes pour tous. § 4[4]. On a déjà parlé de cela dans le Traité de l’Âme : et en effet ce sujet appartient à un autre traité que celui-ci. § 5[5]. De même qu’il y a dans l’âme, tantôt des pensées qui peuvent n’être ni vraies ni fausses, et tantôt des pensées qui nécessairement doivent être l’un ou l’autre, de même aussi dans la parole ; car l’erreur et la vérité ne consistent que dans la combinaison et la division des mots. § 6[6]. Les noms eux-mêmes et les verbes ressemblent donc à la pensée sans combinaison ni division, par exemple : homme, blanc, sans rien ajouter à ces mots. Ici en effet rien n’est encore ni vrai ni faux : et en voici bien la preuve : un cerf-bouc, par exemple, signifie certainement quelque chose ; mais ce n’est encore ni vrai ni faux, si l’on n’ajoute pas que cet animal existe ou qu’il n’existe pas, soit d’une manière absolue, soit dans un temps déterminé.


CHAPITRE II.

De nom : définition du nom : justification des parties diverses de cette définition. — Du nom indéterminé. — Des cas du nom.


§ 1[7]. Le nom est un mot qui par convention signifie quelque chose sans spécifier de temps, et dont aucune partie séparée n’a de signification à elle. § 2[8]. Ainsi, dans le nom de Callippos, hippos ne signifie rien par lui seul, comme il signifierait dans cette phrase : Kalos hippos. C’est qu’il n’en est pas dans les noms composés comme dans les simples : dans les premiers, une partie prise seule n’a aucune signification ; dans les autres, la partie semble vouloir signifier quelque chose, mais ne signifie cependant rien, quand elle est isolée ; ainsi dans épactrokélès, kélès ne signifie rien par lui-même. § 3[9]. On a dit plus haut : Par convention, attendu que les mots n’existent point dans la nature et qu’ils ne sont quelque chose qu’en devenant signes : cela est si vrai que les sons inarticulés signifient aussi quelque chose ; par exemple, les cris des bêtes fauves, qui cependant ne sont pas des mots.

§ 4[10]. Non-homme n’est pas un nom ; car il n’y a pas de limite de nom qu’on puisse lui appliquer ; ce n’est ni une énonciation ni une négation ; c’est ce que j’appellerai un nom indéterminé, parce qu’il convient également à tout, à l’être et au non-être.

§ 5[11]. Philônos, Philôni, et autres mots de ce genre, ne sont pas précisément des noms, ce sont des cas du nom. Du reste la définition de ces mots est pour tout le reste la même que celle du nom : mais la différence c’est que, joints aux verbes Est, a été, ou sera, ces mots n’expriment encore rien de faux, rien de vrai, tandis que le nom exprime toujours quelque chose : par exemple, si on dit : Est ou n’est pas à Philon ; car ni l’un ni l’autre n’est encore ni vrai ni faux.


CHAPITRE III.

Du verbe. — Définition du verbe : justification des parties diverses de celle définition. — Du verbe indéterminé. — Des cas du verbe. — De la copule.


§ 1[12]. Le verbe est le mot qui, outre sa signification propre, embrase l’idée de temps, et dont aucune partie isolée n’a de sens par elle-même ; et il est toujours le signe des choses attribuées à d’autres choses. § 2[13]. Je dis qu’il embrasse l’idée de temps outre sa signification propre, par exemple : La santé, n’est qu’un nom ; Il se porte bien, est un verbe ; car il exprime en outre quels chose est dans le moment actuel. § 3[14]. De plus, il est toujours le signe de choses attribuées à d’autres choses, par exemple : de choses dites d’un sujet ou qui sont dans un sujet.

§ 4[15]. S’il ne se porte pas bien, il n’est pas malade, ne soit pas selon moi des verbes ; pourtant, outre leur signification propre, ils indiquent le temps et se rapportent nécessairement à quelque chose. Mais cette différence n’a pas reçu de nom spécial ; je l’appellerai, si l’on veut, le verbe indéterminé, parce qu’il s’applique aussi à tout, à l’être comme au non-être. § 5[16]. Et de même, Il est bien porté, Il se portera bien, ne sont pas véritablement des verbes, mais ce sont des cas du verbe ; ils diffèrent du verbe en ce que le verbe indique le temps présent, tandis que les autres indiquent des temps accessoires. § 6[17]. Les verbes pris isolément et en eux-mêmes sont des noms et signifient un objet spécial ; en les prononçant, on fixe la pensée de son auditeur qui aussitôt y arrête son esprit. Mais rien n’exprime encore que la chose est ou n’est pas. Être ou n’être pas n’est pas plus le signe de la chose elle-même, que si l’on exprime l’être en soi et dans tout son isolement. Par lui seul le verbe n’est rien, il indique seulement, outre son sens propre, une certaine combinaison qu’on ne peut nullement comprendre indépendamment des choses qui la forment.


CHAPITRE IV.

De la phrase : définition de la phrase : justification des parties diverses de cette définition. — De la phrase énonciative ou proposition : elle sera seule étudiée dans ce traité.


§ 1[18]. Une phrase est un énoncé qui a un sens de convention, et dont chaque partie séparée signifie par elle seule quelque chose, § 2[19]. , comme simple énonciation, mais non pas comme négation ou affirmation. Par exemple, je dis que Homme signifie quelque chose, mais il ne signifie pas que cette chose est ou n’est pas. Il n’y aura négation ou affirmation que si l’on ajoute quelque autre chose. § 3[20]. Dans Homme, du reste, une syllabe isolée n’a aucun sens, de même que dans Souris, ris ne signifie rien à lui seul, c’est un simple son. Mais dans les mots doubles, la partie signifie quelque chose, mais non pas quand elle est seule, ainsi qu’on l’a déjà dit.

§ 4[21]. Toute phrase exprime quelque chose, non pas par sa valeur naturelle, mais, ainsi que je l’ai déjà dit, par convention. § 5[22]. Toute phrase n’est pas énonciative ; mais celle-là seulement est énonciative dans laquelle il y a vérité ou erreur. Or la vérité et l’erreur ne sont pas dans tous les discours : ainsi, Une prière, est une phrase, bien qu’elle ne soit ni vraie ni fausse. § 6. Nous omettons les autres genres de phrases : c’est un objet plus spécial à la Rhétorique ou à la Poétique. La phrase énonciative est la seule dont nous devions nous occuper ici.


CHAPITRE V.

De la proposition ou phrase énonciative : unité de la proposition : éléments nécessaires de la proposition. — Proposition simple : proposition complexe.


§ 1[23]. La première des phrases énonciatives qui soit une, c’est l’affirmation ; vient ensuite la négation. Les autres ne forment un tout qu’au moyen du lien qui le unit. § 2[24]. Toute phrase énonciative renferme nécessairement un verbe ou un cas de verbe. Par exemple, cette phrase : L’homme, n’est pas énonciative si l’on n’ajoute pas que l’homme est, qu’il a été ou qu’il sera, ou telle autre circonstance analogue. § 3[25]. Mais pourquoi cette énonciation : Animal terrestre bipède, n’en fait-elle qu’une seule et n’en forme-t-elle pas plusieurs ? Ce n’est certes pas uniquement parce que les mots sont prononcés à la suite les uns des autres ; mais ceci appartient encore à un autre traité. § 4[26]. Mais la phrase énonciative est une, ou parce qu’elle énonce une seule chose, ou parce qu’elle est unie par la liaison des mots, la phrase est complexe, quand elle énonce plusieurs choses et non pas une seule, ou bien quand les phrases sont séparées entre elles. § 5[27]. Le nom et le verbe ne sont donc qu’une simple voix, puisqu’il n’est pas possible de dire si celui qui, en articulant ainsi quelques sons, fait une énonciation, répond ou non à une question antérieure, ou s’il ne fait que parler de son propre mouvement. On distingue parmi les énonciations : l’énonciation simple, quand on attribue une chose à une autre, ou quand on nie une chose d’une autre chose, et l’énonciation complexe, composée des premières et qui forme déjà un discours composé. § 6[28]. L’énonciation simple est l’énonciation qui affirme que telle chose est ou n’est pas, selon les diverses divisions du temps.


CHAPITRE VI.

De l’affirmation. — De la négation. — De la contradiction.


§ 1[29]. L’affirmation est l’énonciation qui attribue une chose à une autre. § 2[30]. La négation est l’énonciation qui sépare une chose d’une autre chose. § 3[31]. Car il est possible d’énoncer ce qui est comme n’étant pas, ce qui n’est pas comme étant, et ce qui est comme étant et ce qui n’est pas comme n’étant pas : comme cela en plus peut également s’appliquer aux temps en dehors du présent, il s’ensuit qu’on peut affirmer tout ce qu’on a nié d’abord et nier ce qu’on a d’abord affirmé d’abord : évidemment, à toute affirmation il y a une négation opposée, et à toute négation, une affirmation opposée. § 4[32]. Appelons contradiction l’affirmation et la négation opposées. § 5[33]. Je dis qu’il n’y a opposition que dans la proposition du même au même, non point celle qui est par simple homonymie, ni par telle autre équivoque du même genre, que nous signalons dans les Ruses des sophistes.


CHAPITRE VII.

Des propositions universelles, particulières, indéterminées et singulières. — Propositions universelles contraires : les propositions indéterminées ne peuvent être contraires. Les propositions contradictoires ne peuvent être vraies à la fois sous forme universelle, sous forme singulière : elles peuvent l’être sous forme indéterminée. — Il n’y a jamais qu’une négation pour une affirmation.


§ 1[34]. Parmi les choses, les unes sont universelles, les autres sont individuelles. J’entends par universel ce qui, par sa nature, peut être attribué à plusieurs ; et par individuel, ce qui ne le peut pas. Homme, par exemple, est une chose universelle ; Callias est une chose individuelle. Il s’ensuit que, nécessairement, l’énonciation doit dire qu’une chose est ou n’est pas à une autre tantôt universellement, tantôt individuellement.

§ 2[35]. Si donc d’une chose universelle, on énonce d’une manière universelle, qu’elle est ou qu’elle n’est pas, les énonciations seront contraires. Ce que j’entends par énoncer une chose universelle d’une manière universelle, c’est dire, par exemple : Tout homme est blanc, aucun homme n’est blanc.

§ 3[36]. Mais quand on énonce une chose universelle d’une manière qui n’est pas universelle, les énonciations ne sont plus contraires ; ce qui n’empêche pas que des choses ainsi désignées ne puissent quelquefois être contraires. J’entends par énoncer une chose universelle d’une manière qui n’est pas universelle, cette énonciation par exemple : L’homme est blanc, l’homme n’est pas blanc. L’homme est bien une chose universelle, mais on se sert pour l’exprimer, d’une énonciation qui n’est pas universelle. En effet, Tout indique, non pas que la chose est universelle, mais seulement qu’on l’exprime manière universelle. § 4[37]. Du reste, la proposition peut être vraie, quand on attribue l’universel à un attribut universel : car il n’y a jamais d’affirmation vraie, quand on donne à un attribut universel une attribution universelle, et qu’on dit, par exemple : Tout homme est tout animal.

§ 5[38]. Je dis que l’affirmation est contradictoirement opposée à la négation, quand la première indique que la chose est universelle, et que la seconde exprime que cette même chose ne l’est pas. Par exemple : Tout homme est blanc, quelque homme n’est pas blanc. — Aucun homme n’est blanc, tel homme est blanc. Les énonciations sont contraires, quand l’affirmation est universelle, et que la négation l’est également. Ainsi : Tout homme est blanc, aucun homme n’est blanc. — Tout homme est juste, aucun homme n’est juste. § 6[39]. Aussi, n’est-il pas possible que ces dernières soient toutes deux vraies en même temps.

§ 7[40]. Mais les énonciations opposées à celles-là peuvent quelquefois être vraies en même temps d’une même chose. Ainsi : Quelque homme n’est pas blanc, tel homme est blanc.

§ 8[41]. Donc, pour toutes les contradictions universelles de choses universelles, il faut nécessairement que l’une des deux soit vraie ou fausse. § 9[42]. Et de même pour les contradictoires individuelles : Socrate est blanc, Socrate n’est pas blanc. § 10[43]. Quant aux contradictoires de choses universelles qui ne sont pas exprimées d’une manière universelle, l’une n’est pas toujours vraie, et l’autre fausse. Ainsi, on peut dire à la fois avec vérité : L’homme est blanc, et l’homme n’est pas blanc ; L’homme est beau, et l’homme n’est pas beau. S’il est vilain, en effet, il n’est pas beau non plus ; et s’il devient quelque chose, il n’est pas non plus cette chose. On pourrait croire au premier coup d’œil que ceci n’est pas exact, attendu que cette assertion : L’homme n’est pas blanc, semble signifier la même chose que celle-ci : Aucun homme n’est blanc, et coexister. Mais pourtant ces deux propositions n’ont pas la même signification, et ne coexistent pas nécessairement.

§ 11[44]. Il est clair, d’autre part, qu’il n’y a qu’une seule négation d’une seule affirmation, parce qu’il faut toujours que la négation nie la même chose que l’affirmation a affirmée, et la nie du même objet, soit une chose particulière, soit une chose universelle, qui d’ailleurs est prise ou n’est pas prise universellement. Par exemple : Socrate est blanc, Socrate n’est pas blanc. Mais si l’on énonce une chose différente de la même chose, ou bien la même chose d’une chose différente, ce n’est plus une énonciation opposée, c’est une énonciation autre que la première. Ainsi, à cette proposition : Tout homme est blanc, la proposition opposée est : Quelque homme n’est pas blanc ; et à celle-ci : Quelque homme est blanc, l’opposée est : Aucun homme n’est blanc ; et à celle-ci enfin : L’homme est blanc, l’opposée est : L’homme n’est pas blanc.

§ 12[45]. On a donc établi qu’il n’y a d’opposée contradictoire à une seule affirmation qu’une seule négation et l’on a dit ce que sont alors les propositions. Nous avons ajouté que les propositions contraires sont différentes, et indiqué ce qu’elles sont ; nous avons dit de plus que toute contradiction n’est pas fausse ou vraie enfin l’on a vu à quels titres et dans quels cas elle est vraie ou fausse.


CHAPITRE VIII.

Propositions simples. — Propositions multiples.


§ 1[46]. L’affirmation simple et la négation simple sont celles qui énoncent une seule chose d’une seule chose, que d’ailleurs elle soit ou ne soit pas exprimée universellement. Par exemple : Tout homme est blanc, tout homme n’est pas blanc. — L’homme est blanc, l’homme n’est pas blanc. — Aucun homme n’est blanc, quelque homme est blanc, en supposant toujours que blanc exprime une chose unique. § 2[47]. Si un seul mot sert à exprimer deux choses, qui ne forment pas une seule idée, ce n’est alors ni une affirmation simple, ni une négation simple. Par exemple, si l’on voulait prendra mot vêtement pour exprimer les idées d’homme et de cheval, et qu’on dit : Ce vêtement est blanc, on ferait alors plus d’une affirmation, plus d’une négation. En effet, cela revient à dire que l’homme et le cheval sont blancs ; ce qui veut dire encore en d’autres termes : L’homme est blanc, le cheval est blanc. Si donc ces dernières énonciations expriment plusieurs choses, et si elles sont multiples, il est évident, pour la première, ou qu’elle exprime plusieurs choses, ou qu’elle n’a aucun sens ; car il n’y a pas d’homme qui soit cheval. § 3[48]. Il en résulte que, dans ces sortes d’énonciations, il n’y a pas non plus de nécessité que l’une des contradictions soit vraie et l’autre fausse.


CHAPITRE IX.

Des propositions contingentes relatives à l’avenir : il n’est pas possible de dire laquelle des deux parties de la contradiction est vraie : laquelle est fausse. — On ne peut pas dire non plus que toutes les deux soient actuellement vraies. — On ne peut pas dire davantage que toutes les deux soient actuellement fausses. — Discussion des motifs et des objections qu’on peut alléguer de part et d’autre.


§ 1[49]. Dans les choses qui sont ou qui ont été, il faut nécessairement que l’affirmation ou la négation soit vraie ou fausse. Dans les choses universelles exprimées universellement, l’une est toujours vraie, l’autre est toujours fausse ; il en est de même pour les choses particulières, ainsi qu’on l’a dit. Mais pour les choses universelles qui ne sont pas exprimées universellement, ceci n’est pas nécessaire. C’est encore ce qu’on a dit plus haut. Mais il en est tout autrement pour les choses individuelles, et qui sont à venir. § 2[50]. En effet, si toute affirmation ou négation est fausse ou vraie, il s’ensuit que c’est de toute nécessité que tout est ou n’est pas. Si, par exemple, d’une chose on affirme qu’elle sera, et qu’une autre personne affirme de la même chose qu’elle ne sera pas, il faut évidemment de toute nécessité que l’un des deux dise vrai, s’il est exact de soutenir que toute affirmation ou négation est fausse ou vraie. Dans les cas de ce genre, les deux assertions ne pourront être vraies simultanément. En effet, s’il est vrai de dire, par exemple, d’une chose, qu’elle est blanche ou qu’elle n’est pas blanche, il y a nécessite que réellement elle soit blanche ou qu’elle ne le soit pas : et si elle est blanche ou ne l’est pas, il est vrai de l’affirmer ou de le nier. Si elle n’est pas telle qu’on le dit, on commet une erreur ; et si on commet une erreur, c’est qu’elle n’est pas telle qu’on le dit. § 3[51]. Voilà comment la négation ou l’affirmation est nécessairement fausse ou vraie. Il s’ensuit que rien n’est, que rien n’arrive par hasard, ni arbitrairement, que rien ne sera ou ne sera pas arbitrairement ; mais que tout est de toute nécessité, sans qu’il y ait place ici pour l’alternative. En effet, ou c’est celui qui affirme, ou c’est celui qui nie, qui a raison ; autrement, la chose arriverait tout aussi bien qu’elle n’arriverait pas ; car ce qui est indifférent est, ou sera, de telle façon tout aussi bien que de telle autre. § 4[52]. De plus, si, à ce moment, la chose est blanche, il était vrai de dire auparavant qu’elle serait blanche, de sorte que, d’une des choses quelconques qui se produisent, il était toujours vrai de dire qu’elle était ou qu’elle serait. Mais s’il était toujours vrai de dire qu’elle était ou qu’elle serait, il n’est pas possible que cette chose ne soit pas, ou qu’elle ne doive point être un jour ; or, ce qui ne peut pas ne pas arriver, ne saurait s’empêcher d’être, et ce qui ne saurait s’empêcher d’être, doit nécessairement arriver. Donc, encore une fois, toutes les choses à venir doivent arriver nécessairement. Donc il n’y aurait rien d’arbitraire ni de produit par le hasard ; car, si la chose était produite par le hasard, elle ne serait plus nécessaire.

§ 5[53]. D’autre part, il n’est pas davantage possible de dire que ni l’un ni l’autre n’est vrai ; de dire, par exemple, qu’il soit également faux ou que la chose sera ou qu’elle ne sera pas. Car d’abord, par là, l’affirmation étant fausse, la négation ne sera pas vraie ; et la négation à son tour étant fausse, il arrivera que l’affirmation ne sera pas vraie non plus. § 6[54]. En outre, s’il est vrai de dire qu’une chose est à la fois blanche et grande, il faut que ces deux choses soient. Si elles doivent être demain, il faudra qu’elles soient demain ; et s’il est vrai qu’elles ne seront pas demain, et qu’elles ne peuvent pas ne pas être demain, il n’y aurait plus ici d’arbitraire : par exemple, un combat naval ; car il faudrait tout à la fois que ce combat ne fût pas demain, et qu’il ne pût pas ne pas être.

§ 7[55]. Voilà les absurdités et bien d’autres du même genre où l’on est amené, s’il est vrai que de toute affirmation et de toute négation opposées, sur des choses universelles prises universellement, ou sur des choses individuelles, il faut nécessairement que l’une soit fausse et l’autre vraie ; s’il est vrai qu’il n’y ait rien d’arbitraire dans ce qui se passe, mais que tout arrive et existe nécessairement. Par ce raisonnement, il n’y aurait plus pour l’homme ni à délibérer ni à agir, comme il fait, quand il est persuadé que s’il fait telle chose, il en résultera telle autre chose, et que, s’il ne fait pas telle chose, telle autre ne sera pas. § 8[56]. Rien n’empêche, en effet, que l’un ne renvoie son affirmation, l’autre sa négation, à dix mille ans ; de façon qu’il arrivera nécessairement l’une ou l’autre de ces choses dont on pouvait dire alors avec vérité qu’elle serait. § 9[57]. Il importe peu, du reste, que la contradiction ait été formellement exprimée ou qu’elle ne l’ait pas été ; il est clair que les choses restent ce qu’elles sont, quand même l’un ne l’affirmerait pas, ou que l’autre ne le nierait pas. Ce n’est point parce qu’on les affirme, ou qu’on les nie, qu’elles seront ou ne seront point, pas plus dans dix mille ans que dans un temps quelconque. Si donc de tout temps, il en était ainsi que l’une des deux fût vraie, il était alors nécessaire qu’elle arrivât, et toutes les choses qui arrivent ont toujours été, de telle sorte qu’elles devaient arriver nécessairement ; car si l’on a dit avec vérité qu’une chose serait, il n’était pas possible qu’elle ne fût pas ; et d’une chose qui est arrivée, il a toujours été vrai de dire quelle serait. § 10[58]. Mais tout ceci est impossible ; car l’expérience nous prouve que souvent la cause des choses à venir tient à notre volonté et à nos actions ; et qu’en général dans les choses dont la réalité n’est pas perpétuelle, il y a possibilité égale qu’elles soient ou ne soient pas. Dans ces choses-là, l’être et le non-être sont également possibles ; et par suite, elles peuvent arriver ou ne pas arriver. Évidemment, bien des choses sont pour nous dans ce cas. Par exemple : ce vêtement peut être coupé, et il ne le sera pas ; car, avant de l’être, il s’usera. Mais il est également possible qu’il ne soit pas coupé ; car il ne pourrait plus alors être usé auparavant, s’il n’était pas possible qu’il ne fût pas coupé. Ceci s’applique à tous les autres faits qui se produisent selon une possibilité du même genre.

§ 11[59]. Ainsi donc, il est évident que tout n’existe pas nécessairement, ou n’arrive pas nécessairement ; mais que certaines choses sont arbitraires, de sorte que la négation et l’affirmation ne sont pas plus vraies l’une que l’autre, et que certaines autres sont d’une façon plutôt et plus souvent que de l’autre, bien qu’il se puisse cependant toujours que l’une soit et que l’autre ne soit pas. § 12[60]. Oui sans doute, ce qui est est nécessairement quand il est ; ce qui n’est pas n’est pas nécessairement quand il n’est pas. Mais tout ce qui existe ne doit pas nécessairement exister, tout ce qui n’existe pas ne doit pas nécessairement ne pas exister ; car ce n’est pas la même chose de dire que tout ce qui est, quand il est, est nécessairement, et de dire simplement qu’il est nécessairement, et de même pour ce qui n’est pas.

§ 13[61]. Le même raisonnement s’applique à la contradiction. Il est nécessaire que toute chose soit ou ne soit pas, nécessaire qu’elle doive ou qu’elle ne doive pas arriver ; mais cependant il n’est pas possible de dire positivement lequel des deux est nécessaire. Je m’explique : par exemple, il y a nécessité qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas demain de combat naval ; pourtant il n’y a pas plus nécessité que demain il y ait de combat naval, qu’il n’y a nécessité qu’il n’y en ait pas. Cependant il faut bien nécessairement qu’il y en ait ou qu’il n’y en ait pas. § 14[62]. Comme les énonciations sont vraies précisément comme les choses le sont, il est évident que dans les choses qui sont de telle sorte que, de quelque façon qu’elles soient, il faut aussi que les contraires soient possibles, il y a nécessite que la contradiction soit dans le même cas. C’est ce qui arrive pour les choses qui ne sont pas éternellement, ou qui ne restent pas éternellement dans le non-être. Dans ces choses, il faut qu’une ou l’autre partie de la contradiction soit vraie on fausse, non pas cependant ceci ou cela précisément, mais indifféremment. L’une a plus de chance d’être vraie que l’autre, mais elle n’est encore ni vraie ni fausse.

Il est donc clair qu’il n’est pas nécessaire que, dans toute affirmation et dans toute négation opposées, l’une soit vraie, l’autre soit fausse ; car il n’en est pas de ce qui n’est pas, mais peut être ou ne pas être, comme il en est des choses qui sont réellement. Ces choses-là sont comme nous venons de le dire.


CHAPITRE X.

Toute proposition se compose au moins d’un nom et d’un verbe, déterminés ou indéterminés. — Les propositions se composent en général de trois termes : sujet, verbe, attribut : de là deux oppositions possibles et quatre propositions, indéterminées ou déterminées, à l’attribut, au sujet. — Opposition et consécution des propositions sous ces diverses formes. — Le déplacement des mots ne change pas la nature de la proposition.


§ 1[63]. 1. L’affirmation exprime qu’une chose est à une autre ; la chose, d’ailleurs, étant déterminée ou étant indéterminée. Et ce qui forme l’affirmation doit être un objet unique et s’appliquer à un objet unique. Nous avons dit précédemment ce que c’est qu’une chose déterminée et indéterminée. Non-homme, par exemple, n’est pas précisément ce que j’appelle un nom, c’est un nom indéterminé ; car l’indéterminé exprime encore en quelque sorte un objet unique. Et de même : Il ne se porte pas bien, n’est pas un verbe, c’est un verbe indéterminé. Toute affirmation et toute négation seront donc composées ou d’un nom et d’un verbe déterminés, ou d’un nom et d’un verbe indéterminés. § 2[64]. Sans verbe, il n’y a ni affirmation ni négation possible. Est, sera, a été, devient, ou toute autre expression analogue, ce sont là des verbes, comme on l’a établi plus haut ; ils embrassent, outre leur signification propre ; l’idée de temps. § 3[65]. Ainsi la première affirmation et la première négation seront : L’homme est, l’homme n’est pas. Vient ensuite : Le non-homme est, le non-homme n’est pas. Et après : Tout homme est, tout homme n’est pas. — Tout non-homme est, tout non-homme n’est pas. Le raisonnement serait le même pour les temps en dehors du présent.

§ 4[66]. Lorsque le verbe Est est attribué en troisième terme, ces oppositions peuvent déjà être doubles. § 5[67]. Je dis, par exemple, que dans cette affirmation : L’homme est juste, le mot Est, qu’on l’appelle nom ou verbe, est en troisième terme ; de sorte que, par cela même, il y a ici quatre énonciations, dont deux se rapporteront par ordre à la négation et à l’affirmation, comme privations de l’une et de l’autre ; et dont les deux dernières ne s’y rapportent pas ainsi. Je veux dire que Est sera joint à juste ou à non juste, de même qu’on y pourra joindre aussi la négation. Il y aura donc quatre cas. Du reste, tableau suivant nous fera comprendre ceci :

Soit la proposition :

L’homme est juste,

La négation est : L’homme n’est pas juste.

L’homme est non juste,

La négation est : L’homme n’est pas non juste.

Dans ces divers cas, comme on voit, Est et n’est pas sont joints à juste et non juste. Tel est l’ordre de ces énonciations, ainsi qu’il a été dit dans les Analytiques.

§ 6[68]. Ceci ne varie pas lors même que l’affirmation du nom est universelle.

Ainsi : Tout homme est juste,

La négation est : Tout homme n’est pas juste.

Tout homme est non juste, tout homme n’est pas son juste :

Remarquons toutefois qu’ici les propositions diamétralement opposées, ne peuvent pas être à la fois vraies, de la même façon que plus haut, bien qu’elles puissent l’être quelquefois. § 7[69]. Ces énonciations sont opposées deux à deux.

§ 8[70]. Les autres le sont aussi deux à deux, relativement à non-homme pris comme sujet.

Le non-homme est juste : le non-homme n’est pas juste. — Le non-homme est non juste ; le non-homme n’est pas non juste.

§ 9. Tel est le nombre exact de toutes les oppositions possibles. § 10[71]. Mais ces dernières existent du reste sans les autres et par elles-mêmes, en employant non-homme comme un vrai nom.

§ 11[72]. Dans les cas où le verbe Est ne peut être employé, par exemple, quand on prend les verbes : se bien porter, marcher, le nouveau verbe placé de même remplit la fonction que remplirait le verbe Est, s’il était combiné dans la phrase.

Ainsi : Tout homme se porte bien, tout homme ne se porte pas bien. — Tout non-homme se porte bien, tout non-homme ne se porte pas bien.

§ 12[73]. Ici, comme on voit, il ne faut pas dire non-tout homme ; mais il faut appliquer la négation Non à Homme ; car le mot Tout ne signifie pas l’universel, il indique seulement qu’on s’exprime d’une manière universelle. Voici ce qui le prouve évidemment : L’homme se porte bien, l’homme ne se porte pas bien. — Le non-homme se porte bien, le non-homme ne se porte pas bien. Ces secondes formes diffèrent des premières parce qu’elles ne sont pas exprimées universellement. Ainsi Tout et Aucun ne signifient rien autre chose, si ce n’est que l’affirmation ou la négation du nom est prise universellement. Mais, quant à tout le reste, il faut faire des adjonctions pareilles de part et d’autre.

§ 13[74]. A cette affirmation : Tout être est juste, la négation contraire est celle-ci : Aucun être n’est juste. Il est évident que l’une et l’autre ne pourront jamais être vraies à la fois, ni relatives au même objet : mais les propositions opposées à celles-ci pourront l’être quelquefois : Quelque être n’est pas juste ; certain être est juste. Voici comment ces propositions se suivent aussi : d’une part, à Tout homme est non-juste, se rapporte la proposition : Aucun homme n’est juste ; et de l’autre, à cette proposition : Quelque homme est non-juste, se rapporte la proposition opposée : Certain homme est juste. En effet, il faut nécessairement que quelque homme soit juste.

§ 14[75]. Il est évident que, même dans le cas de propositions individuelles, si l’on peut nier avec vérité en répondant à une question, on pourra aussi affirmer avec vérité. Soit, par exemple, l’interrogation : Socrate est-il sage ? Non ; donc Socrate est non sage. Dans les propositions universelles, au contraire, la proposition de forme semblable n’est pas vraie, mais c’est la négation qui est vraie. Soit l’interrogation : Tout homme est-il sage ? Non, donc tout homme est non sage ; or ceci est faux. Mais la proposition vraie est celle-ci. Donc tout homme n’est pas sage. La dernière de ce propositions est l’opposée, l’autre est la contraire.

§ 15[76]. Les propositions opposées avec des noms et des verbes indéterminés, comme non-homme, non-juste, sembleraient être des négations exprimées sans noms ni verbes. Pourtant il n’en est rien ; car il faut toujours que la négation soit fausse ou vraie. Or, quand on dit Non-homme, on n’exprime pas plus de vérité ou d’erreur que quand on dit Homme, et même on en exprime moins, si l’on s’abstient d’y ajouter autre chose. § 16[77]. Mais cette proposition : Tout non-homme est juste, n’est équivalente à aucune des énonciations précédentes ; non plus que la proposition opposée à celle-ci : Quelque non-homme n’est pas juste. Mais cette proposition : Tout non-homme est non juste, est équivalente à celle-ci : Aucun non-homme n’est juste.

§ 17[78]. Le déplacement des noms et des verbes ne change pas le sens de la proposition. Par exemple, Est blanc l’homme, l’homme est blanc. En effet, s’il n’en était pas ainsi, il y aurait plusieurs négations pour une seule et même proposition ; mais on a démontré qu’il n’y en a qu’une seule pour une seule affirmation. A cette affirmation : Est blanc l’homme, la négation sera : N’est pas blanc l’homme. Mais à celle-ci : Est l’homme blanc, si elle n’était pas identique à la première, Est blanc l’homme, il y aura d’opposé ces négations : Le non-homme n’est pas blanc, ou bien : N’est pas l’homme blanc. Mais l’une est la négation de : Est le non-homme blanc ; l’autre de : Est blanc l’homme. Et ainsi il y aurait deux négations pour une seule affirmation. Donc, il est évident que le déplacement du nom et du verbe n’empêche pas l’affirmation et la négation de rester les mêmes.


CHAPITRE XI.

De l’unité de la proposition et de la question dialectique. — De la réunion des attributs séparés en une proposition unique : vérité et fausseté des attributs ainsi réunis. — De la division des attributs réunis, en plusieurs propositions : vérité et fausseté des attributs ainsi divisés.


§ 1[79]. Quand on nie, et quand on affirme, d’une seule chose plusieurs choses, ou plusieurs choses d’une seule, à moins que le sens exprimé par tous ces termes ne soit un, l’affirmation non plus que la négation n’est pas simple. Quand je dis un, je ne veux pas dire qu’il y ait un nom unique imposé à ces diverses choses, mais qu’il en résulte un tout formé de ces choses. Par exemple, homme représente tout à la fois : animal, bipède et doux ; et de tout cela, il résulte une seule et même idée. Au contraire, de blanc, d’homme et de marcher, il ne résulte pas une seule et même chose. Si donc l’on affirme une chose unique de tous ces objets, il n’y a pas pour cela une affirmation unique ; il n’y a qu’un mot, si l’on veut, mais il y a plusieurs affirmations. Et de même, il n’y en a pas davantage une seule dans le cas où l’on applique toutes ces choses à un seul et même objet ; il y a toujours plusieurs affirmations. § 2[80]. Si donc l’interrogation dialectique est la demande d’une réponse, ou à la proposition même ou à l’une des deux parties de la contradiction, et la proposition est toujours une partie de la contradiction simple, il est évident qu’il n’y a pas dans ce cas une réponse simple ; car la question n’a pas été simple non plus, en supposant même qu’elle soit vraie. Ceci, du reste, a été traité dans les Topiques. § 3[81]. Il est clair en même temps que cette interrogation : Qu’est-ce ? n’est pas dialectique ; car il faut que l’interrogation dialectique laisse à choisir telle partie de la contradiction qu’on voudra prendre. Mais celui qui fait la question doit déterminer en outre ce qu’est l’homme, par exemple, ou ce qu’il n’est pas.

§ 4[82]. Mais comme certaines choses attribuées séparément peuvent encore l’être en masse, de manière à ce que la totalité des attributs, qui étaient séparés, forme un attribut unique en se réunissant, et que d’autres au contraire ne peuvent se réunir, quelle est cette différence ? Ainsi, on peut avec vérité, en parlant d’un homme, dire séparément qu’il est animal, qu’il est bipède ; ou bien aussi réunir ces deux choses en une seule. On peut encore dire séparément qu’il est homme, qu’il est blanc ; ou réunir aussi ces deux attributions. Mais il ne s’ensuit pas que, s’il est tanneur et bon, il soit par cela même bon tanneur.

§ 5[83]. Si, en effet, parce que l’une et l’autre énonciation prises à part seraient vraies, il fallait aussi que, réunies, elles le fussent également, il s’ensuivrait bien des absurdités. Ainsi, relativement à l’homme, homme est vrai, blanc est vrai aussi, le tout réuni le serait donc aussi ; et en outre, si blanc est vrai, le tout réuni l’est aussi, et l’on aurait l’homme est l’homme blanc, blanc ; et ainsi de suite à l’infini. Par exemple encore, la réunion des trois mots : musicien, blanc, marcher ; et l’on pourrait ainsi sans fin les combiner entre eux. Puis encore : si Socrate est Socrate et est homme, il s’ensuivrait que Socrate est Socrate homme, et s’il est homme et bipède, il serait homme bipède.

On ne saurait donc dire d’une manière générale que ces combinaisons sont possibles, sans arriver certainement à toutes ces absurdités.

§ 6[84]. Voyons maintenant quel principe il convient d’établir ici. Les attributs, et les choses auxquelles on les applique ne peuvent jamais être réunis, quand on les attribue comme accidents, soit à un même sujet, soit quand l’un est ainsi attribué à l’autre. Par exemple, dans cette proposition : L’homme est blanc et musicien, blanc et musicien ne peuvent pas se réunir ; car ce sont deux accidents d’un seul et même sujet. Quand bien même il serait vrai de dire que le blanc est musicien, il n’en serait pas plus vrai de réunir en un seul tout, Blanc musicien ; car blanc n’est musicien que par accident, de sorte que Blanc musicien ne forme pas un tout. Voilà aussi pourquoi on ne peut pas dire bon tanneur d’une manière absolue, mais l’on peut dire d’une manière absolue, animal bipède ; car ce n’est pas là un accident attribué à l’homme.

§ 7[85]. En second lieu, on ne peut unir non plus les attributs qui sont essentiellement dans un sujet : ainsi Blanc ne saurait être répété comme plus haut, et l’homme n’est pas non plus l’homme animal, l’homme bipède ; car la qualité d’animal, la qualité de bipède, sont renfermées essentiellement dans l’homme.

§ 8[86]. Mais on peut avec vérité, et d’une manière absolue, désunir les attributs pour un sujet particulier. Par exemple, d’un certain homme on peut dire qu’il est homme, et d’un homme blanc qu’il est homme blanc ; ceci pourtant n’est pas toujours possible.

§ 9[87]. Si dans l’attribut que l’on ajoute, il y a quelque idée opposée au sujet et qui emporte contradiction, la division n’est plus vraie, elle devient fausse. Par exemple, d’un homme mort, il est faux de dire qu’il est homme. Si l’attribut n’entraîne pas de contradiction, la division est vraie. § 10[88]. On peut se demander, lorsqu’il y a contradiction : La division est-elle toujours fausse ? et lorsqu’il n’y a pas contradiction, n’est-elle pas toujours vraie ? Ainsi, Homère est telle chose, poète, par exemple ; Homère est-il ou n’est-il pas ? Est n’est attribué que par accident à Homère ; car il n’est attribué à Homère que parce qu’il est poète, mais il ne lui est pas attribué en soi-même. § 11[89]. Ainsi donc, dans toutes les attributions où il n’y a pas de contradiction, alors même que les définitions sont substituées aux noms, et où les attributs sont au sujet par eux-mêmes et non par accident, on peut toujours, sans se tromper, appliquer absolument à la chose les attributs isolés. Toutefois, le non-être, par cela même qu’il est rationnel, ne peut avec vérité être exprimé comme étant ; car la pensée qu’on s’en forme n’est pas qu’il est, mais au contraire qu’il n’est pas.


CHAPITRE XII.

Des propositions modales : opposition de ces propositions : réfutation de quelques théories fausses à cet égard. — Règles de l’opposition des propositions modales, du possible, du nécessaire, de l’impossible, etc.


§ 1[90]. Ceci posé, il faut voir les rapports des affirmations et des négations entre elles, quand elles expriment le possible et le non possible, le contingent ou le non contingent, et enfin l’impossible et le nécessaire. Ce sujet offre plus d’une difficulté.

§ 2[91]. Dans les propositions connexes, les contradictions opposées entre elles sont celles qui se forment par le verbe être et ne pas être. Par exemple, à cette proposition : L’homme est, la négation est : L’homme n’est pas, et non point : Le non-homme est. Et la négation de celle-ci : L’homme est blanc, est : L’homme n’est pas blanc, et non point : L’homme est non blanc. En effet puisque l’affirmation ou la négation doivent être vraies de toute chose, il s’ensuivrait qu’on pourrait dire, par exemple Le bois est l’homme non blanc. Ceci s’applique également aux cas dans lesquels ce test pas le verbe Être qui est ajouté. Le mot mis à la place fera le même office : par exemple, à cette proposition : L’homme marche, la négation ne sera pas : Le non-homme marche, mais bien : L’homme ne marche pas. Il n’y a, en effet, aucune différence à dire que l’homme marche, ou que l’homme est marchant. Si donc cette règle s’applique à tous les cas, la négation de Pouvoir être sera Pouvoir ne pas être et non point Ne pas pouvoir être. § 3[92]. Mais il semble qu’une même chose peut être et ne pas être ; car tout ce qui peut être coupé, tout ce qui peut marcher, peut aussi ne pas être coupé, ne pas marcher. Et la raison, c’est que tout ce qui est possible ainsi, n’est pas toujours en acte, de sorte qu’il porte aussi en soi la négation. En effet, ce qui est capable de marcher, peut fort bien aussi ne pas marcher, ce qui est visible, ne pas être vu. Toutefois il est impossible que les affirmations et les négations contradictoires soient vraies par rapport à un seul et même objet : donc la négation de Pouvoir être n’est pas Pouvoir ne pas être. § 4[93]. Car de là il résulte, ou que l’on affirme, et que l’on nie, une même chose en même temps d’un même objet, ou bien que les énonciations ajoutées d’Etre ou de Ne pas être ne forment ni affirmation ni négation. Mais si cela ne peut être, il faut choisir l’autre parti, et dire : Donc la négation de Pouvoir être est Ne pas pouvoir être, et non pas du tout Pouvoir ne pas être. Le même raisonnements s’applique à Être contingent et sa négation N’être pas contingent. Et de même pour les autres formes, Possible et Impossible. § 5[94]. De même que dans les premières phrases, les modifications portent sur Être et ne pas être, et que blanc et homme restent les sujets de la phrase et parce que dans celle-là Être et Ne pas être deviennent des sujets Pouvoir et Être contingent deviennent des modifications, qui déterminent pour les phrases Être possible, N’être pas possible, la vérité ou l’erreur, comme Etre et ne pas être la déterminaient pour les autres. § 6[95]. En effet, la négation de cette proposition : Possible ne pas être, n’est point : Pas possible d’être, n’est point. Pas possible de ne pas être. Et de cette autre Possible d’être, la négation n’est point : Possible de ne pas être mais bien : Pas possible d’être. Ainsi les propositions Possible d’être, possible de ne pas être, sembleraient se suivre mutuellement. La même chose, en disant être et ne pas être ; car ce ne sont pas des contradictoires que Possible d’être et Possible de ne pas être. Pas Possible d’être et Pas possible d’être, ne peuvent jamais être deux propositions vraies à la fois pour un seul et même objet ; car elles sont contradictoires. De même aussi, Possible de ne pas être et Pas possible de ne pas être, ne sont jamais deux propositions vraies à la fois d’un seul et même objet.

§ 7[96]. Pareillement la négation de Nécessaire d’être, n’est pas, Nécessaire de ne pas être, mais bien, Pas nécessaire d’être. § 8[97]. Même raisonnement pour Impossible d’être, la négation n’est pas : Impossible de ne pas être, mais bien : Pas impossible d’être. Et de celle-ci Impossible de ne pas être, la négation est : Pas impossible de ne pas être.

§ 9[98]. En général, je le répète, il faut regarder Être et ne pas être comme sujets, et coordonner avec Etre et ne pas être, les mots qui font la négation ou l’affirmation : et il faut regarder comme affirmations et négations opposées les suivantes : Possible, — pas possible ; Contingent, — pas contingent ; Impossible, — pas possible ; Nécessaire, — pas nécessaire ; Vrai, — pas vrai.


CHAPITRE XIII.

De la consécution des propositions modales : premier ordre proposé pour la consécution : objections diverses contre cet ordre erroné : exception pour le nécessaire : place que le nécessaire doit régulièrement occuper dans la série : arguments divers à ce sujet. — Ordre nouveau qu’on pourrait adopter en commençant par le nécessaire.


§ 1[99]. Ces énonciations, du reste, se suivent par ordre en les disposant de cette façon : après : Est possible, vient Contingent, et l’un est réciproque à l’autre ; à Pas impossible répond Pas nécessaire : à Possible de ne pas être et Contingent de ne pas être répondent : Pas nécessaire de ne pas être et Pas impossible de ne pas être : à Pas possible et à Pas contingent répondent : Nécessaire de ne pas être et Impossible d’être : à Pas possible de ne pas être, et Pas contingent de ne pas être, répondent : Nécessaire d’être et Impossible de ne pas être. Le tableau ci-dessous fera voir ce que nous voulons dire :


Il est possible que ce soit ;


 Il n’est pas possible que ce soit.



Il est contingent que ce soit ;


 Il n’est pas contingent que ce soit.



Il n’est pas impossible que ce soit ;


 Il est impossible que ce soit.



Il est nécessaire que ce soit ;


 Il est nécessaire que ce ne soit pas.



Il est possible que ce ne soit pas ;


 Il n’est pas possible que ce ne soit pas.



Il est contingent que ce ne soit pas ;


 Il n’est pas contingent que ce ne soit pas.



Il n’est pas impossible que ce ne soit pas ;


 Il est impossible que ce ne soit pas.



Il n’est pas nécessaire que ce ne soit pas ;


 Il est nécessaire que ce soit.


 

§ 2[100]. Ainsi, Impossible et Pas impossible suivent contradictoirement, mais à l’inverse, Contingent et Possible, Pas contingent et Pas possible. Car, après possible d’être, vient la négation de l’impossible : Il n’est pas possible que ce soit. De l’autre part, à la négation succède l’affirmation ; car, à N’être pas possible, succède Être impossible ; et l’on voit qu’Être impossible est une affirmation, tandis que N’être pas impossible est une négation.

§ 3[101]. Quant à Nécessaire, examinons quel est l’ordre. D’abord on voit qu’ici il n’en est pas comme plus haut ; mais que ce sont les énonciations contraires qui se suivent et les contradictions ne sont plus en regard. En effet, la négation de Nécessaire de ne pas être n’est point : Pas nécessaire d’être. C’est que l’une et l’autre des deux énonciations peuvent être vraies d’un seul et même objet, puisque ce qui est nécessaire de ne pas être n’est pas nécessaire d’être.

§ 4[102]. Ce qui fait que Nécessaire ne suit pas dans le même ordre que les autres, c’est que l’Impossible est énoncé contrairement à nécessaire, pour qu’il ait la même valeur. En effet, si quelque chose est impossible, il est par cela même nécessaire, non pas il est vrai d’être, mais bien de ne pas être. Ce qui est impossible de ne pas être est nécessite d’être. Si donc, les premières énonciations suivent d’une façon toute pareille Possible et pas possible, ces dernières suivent contrairement, parce que Nécessaire et impossible ne signifient pas la même chose, à moins qu’on ne les prenne à l’inverse l’un de l’autre, ainsi que je l’ai dit. § 5[103]. Mais peut-on bien disposer de cette façon les contradictions du Nécessaire ? Ainsi, Nécessaire est aussi possible : sinon, ce serait la négation qu’il faudrait prendre à la suite, puisqu’il faut de toute nécessité adopter l’une ou l’autre, de sorte que si la chose n’est pas possible ; elle est impossible, et par conséquent, le nécessaire serait impossible, ce qui est absurde. Mais à : Il est possible que ce soit, succède : Il n’est pas impossible que ce soit ; et à cette dernière énonciation, celle-ci : Il n’est pas nécessaire que ce soit, de sorte qu’il en résulte, autre absurdité, que ce qui est nécessaire n’est pas nécessaire. § 6[104]. Mais il est nécessaire, ne succède pas davantage à : Il est possible. Ce n’est pas non plus : Il est nécessaire que ce ne soit pas ; car l’affirmation et la négation peuvent convenir toutes deux à Possible. Mais quelle que soit celle des deux énonciations qui soit vraie, les autres pour cela ne le seront pas ; car Il est possible que ce soit et Il est possible que ce ne soit pas, sont vrais à la fois. Mais Il est nécessaire que ce soit, et Il est nécessaire que ce ne soit pas, ne peuvent jamais être tous deux possibles. Reste donc enfin que, Il n’est pas nécessaire que ce ne soit pas, suive : Il est possible que ce soit. § 7[105]. Il n’est pas nécessaire que ce ne soit pas, est vrai également de : Il est nécessaire que ce soit. § 8[106]. En effet, cette proposition même devient la contradiction de celle qui suit : Il n’est pas possible que ce soit ; ça à cette énonciation, succède : Il est impossible que soit, et Il est nécessaire que ce ne soit pas, dont la négation est : Il n’est pas nécessaire que ce ne soit pas. Ainsi donc les contradictions elles-mêmes se suivent de la manière indiquée, et il n’y a aucune difficulté si observe l’ordre tracé.

§ 9[107]. On peut demander si Possible d’être suit bien Nécessaire d’être ; car s’il ne le suit pas, c’est alors contradictoire : Pas possible d’être, qui doit suivre. Et si l’on prétend que ce n’est pas la vraie contradictoire il faut admettre alors nécessairement que c’est : Possible de ne pas être, énonciations qui sont toutes deux également fausses appliquées à nécessaire. Mais d’autre part, il semble que la même chose peut être coupé et n’être pas coupée ; elle peut être et ne pas être ; et il s’en suivra que Nécessaire d’être pourra aussi d’une manière contingente ne pas être, ce qui est faux. § 10[108]. Mais il est évident que tout ce qui peut quelque chose, être ou marcher, ne peut pas par cela seul les contraires. Il y a certains cas où ceci cesse d’être vrai ; c’est d’abord pour les choses dont la force n’est pas rationnelle : par exemple, le feu qui est chaud, et qui a une force destituée de toute raison. Les forces douées de raison, tout en restant identiques, peuvent plus d’un acte et peuvent même les contraires. Mais les forces irraisonnables ne sont pas toutes dans ce cas ; car, je le répète, il n’est pas possible au feu d’échauffer, ou de ne pas échauffer indifféremment. Cette alternative est interdite aussi à toutes les choses qui sont toujours en acte. Cependant certaines choses douées de force irrationnelle peuvent recevoir également les opposés. Mais l’on veut seulement constater ici que toute puissance n’est pas susceptible des contraires, pas même toutes celles qui sont bien de la même espèce. § 11[109]. Quelques puissances sont homonymes. Et en effet Possible n’a pas un sens absolu. Tantôt on le dit d’un objet réel, parce que cet objet est en acte : par exemple, on dit d’un être qu’il est capable de marcher, parce qu’il marche ; et en général, ou dit d’une chose qu’elle est possible, parce que déjà cette chose qui est dite possible est en fait. Tantôt on dit qu’une chose est possible, parce qu’elle pourrait être : par exemple, on dit qu’un être est capable de marcher, parce qu’en effet il pourrait marcher. De ces deux puissances, la dernière s’applique aux seuls objets muables ; l’autre s’applique aussi aux objets immuables. L’on peut dire avec une égale vérité, qu’une chose est capable de marcher ou capable d’être, soit que déjà elle marche et qu’elle soit en acte, soit qu’elle puisse seulement marcher. Ce dernier genre de possible n’est pas vrai absolument du nécessaire ; mais l’autre possible est vrai.

§ 12[110]. De même que le particulier est suivi de l’universel, de même la nécessité d’existence est suivie de la possibilité d’existence ; mais ceci pourtant n’est pas exact pour tous les possibles.

§ 13[111]. Il se peut aussi que Nécessaire et non nécessaire d’être ou de ne pas être, soit le principe de toutes ces affirmations et de toutes ces négations, et que le reste des séries ne dût être regardé que comme une conséquence de ces deux termes.

§ 14[112]. D’après ce qui précède, il est évident que ce qui est de toute nécessité est aussi en fait. Si donc les choses éternelles sont les premières, l’acte aussi précède la puissance. Certaines choses sont des actes qui ne sont jamais en puissance, telles sont les premières substances. Certaines autres sont accompagnées de puissance ; et celles-là peuvent être, d’une part antérieures par nature, et postérieures par le temps. D’autres enfin ne sont jamais des actes, mais sont seulement des puissances.


CHAPITRE XIV.

Des propositions contraires : nature vraie de ces propositions, tirée de la nature des pensées contraires. — Il ne suffit pas pour qu’une pensée soit contraire que le sujet soit contraire, que l’attribut soit contraire. — Les pensées vraiment contraires sont celles qui affirment et qui est une même chose d’une même chose. — Application de ces principes aux propositions contraires. — Les propositions contraires ne peuvent être vraies à la fois.


§ 1[113]. L’affirmation est-elle contraire à la négation, ou bien l’affirmation à l’affirmation ? Et par exemple, cette proposition : Tout homme est juste, est-elle contraire à cette autre : Aucun homme n’est juste ; ou bien cette proposition : Tout homme est juste, est-elle contraire à celle-ci : Tout homme est injuste ? Par exemple encore : Callias est juste, Callias n’est pas juste, Callias est injuste ; où est ici la contraire ?

§ 2[114]. Si les mots répondent à la pensée, et si la proposition contraire est dans la pensée celle du contraire, et qu’ainsi : Tout homme est juste, soit la proposition contraire à celle-ci : Tout homme est injuste, il en doit être de même pour les affirmations exprimées par la parole. Mais si la pensée contraire n’est pas ici celle du contraire, l’affirmation ne sera pas non plus contraire à l’affirmation ; mais ce sera la négation qu’on a dite. § 3[115]. Ainsi donc il faut examiner quelle pensée fausse est contraire à la pensée vraie, et savoir si c’est celle de la négation, ou bien celle qui établit affirmativement le contraire. § 4[116]. Je m’explique : La pensée vraie d’une chose bonne est que cette chose est bonne ; et cette autre, que la chose n’est pas bonne, est fausse. Que cette chose soit mauvaise, c’est encore une autre pensée. Quelle est des deux pensées celle qui est contraire à la pensée vraie ? Et s’il n’y en a qu’une de contraire, dans laquelle des deux est la contraire ? § 5[117]. Ce serait se tromper beaucoup que de croire que les pensées contraires sont déterminées par cela seul qu’elles s’appliquent aux contraires. Ainsi, en parlant d’une bonne chose, dire qu’elle est bonne, et d’une mauvaise, qu’elle est mauvaise, c’est, on peut dire, la même proposition ; et elle sera vraie, qu’elle soit multiple ou qu’elle soit unique. Ce sont là, sans doute, des expressions contraires ; mais les propositions sont contraires, non parce qu’elles s’appliquent aux contraires, mais plutôt parce qu’elles sont exprimées contrairement. § 6[118]. Si la pensée d’une chose bonne est qu’elle est bonne, et si c’est une autre pensée que cette chose n’est pas bonne ; si en outre, il y a quelque autre chose qui n’est pas et ne peut pas être à celle-là, certainement aucune des autres pensées ne doit être regardée comme contraire, ni celles qui établissent que ce qui n’est pas est, ni celles qui établissent que ce qui est n’est pas ; car les unes et les autres sont également infinies, affirmant l’existence de ce qui n’est pas, niant l’existence de ce qui est. § 7[119]. Mais les seules contraires sont celles qui renferment l’erreur, et celles-là précisément sont celles d’où viennent les générations des choses. Or les générations, et par conséquent les erreurs, viennent des opposés. § 8[120]. Si donc le bon est à la fois bon et non mauvais, et qu’il soit bon par lui-même et non mauvais par accident ; car c’est en lui un accident de n’être pas mauvais, la proposition qui s’applique à la chose en soi est, dans tous les cas, plus vraie, et plus fausse aussi, de même qu’elle est vraie. La proposition que ce qui est bon n’est pas bon est fausse relativement à ce qui est en soi, l’autre, que la chose est mauvaise, est relative à l’accident. Ainsi la pensée négative du bon est plus fausse que la pensée du contraire, et l’on commet la plus grande erreur possible pour un objet quelconque quand on a la pensée contraire ; puisque les contraires sont ce qui dans un même genre diffère le plus. Si donc l’une des deux pensées est contraire, et que celle de la négation soit la plus contraire, il est évident que c’est celle-là qui est la vraie contraire. Mais cette pensée que le bon est mauvais est complexe ; car il faut nécessairement supposer dans la même pensée que la chose n’est pas bonne. § 9[121]. Si ceci doit s’appliquer également aux autres choses, on aura donc eu raison d’avancer ce qu’on a dit ci-dessus. Cette propriété de la contradiction est réelle partout, ou elle ne l’est nulle part, Mais dans les choses qui n’ont pas de contraire, la pensée fausse est celle qui est opposée à la vraie : par exemple, on se trompe, si l’on croit que l’homme n’est pas homme. Si donc ces négations ont contraires, les autres pensées de la négation ne le sont pas moins. § 10[122]. En outre, ce sont des pensées de forme pareille qu’une chose bonne est bonne, et qu’une chose qui n’est pas bonne n’est pas bonne ; et d’autre part, qu’une chose bonne n’est pas bonne, et qu’une chose qui n’est pas bonne est bonne. Ainsi donc à cette pensée vraie qui croit d’une chose qui n’est pas bonne, qu’elle n’est pas bonne, quelle sera la pensée contraire ? Ce n’est certes pas celle qui prétend qu’elle est mauvaise ; car cette pensée peut être vraie en même temps que l’autre, et jamais une pensée vraie n’est contraire à une pensée vraie. En effet, ce qui n’est pas bon est mauvais ; et ainsi, les deux pensées peuvent être vraies à la fois. Ce n’est pas non plus celle qui établit que la chose n’est pas mauvaise ; car celle-là aussi est vraie puisque ces deux pensées pourraient exister à la fois. Reste donc à cette pensée que ce qui n’est pas bon n’est pas bon, celle-ci pour contraire, que ce qui n’est pas bon est bon ; car cette proposition est fausse, de sorte que cette pensée, que ce qui est bon n’est pas bon, serait contraire à celle-ci, que ce qui est bon est bon.

§ 11[123]. Il est évident qu’il importe fort peu que l’appellation soit universelle ; car alors la négation universelle sera la contraire. Par exemple, à cette pensée, que tout ce qui est bon est bon, celle-ci sera contraire, que rien de ce qui est bon n’est bon. Car cette pensée, que le bon est bon, si le bon est pris universellement, est identique à celle-ci, que ce qui est bon est bon. Mais cette pensée ne diffère en rien de celle-ci, que tout ce qui est bon est bon. Et de même pour ce qui n’est pas bon. § 12[124]. Si donc il en est ainsi dans la pensée, et que les affirmations et les négations exprimées dans la parole soient le symbole de ce qui est dans l’esprit, il est évident qu’à l’affirmation est contraire la négation sur le même objet pris universellement. Par exemple, à cette proposition, que tout ce qui est bon est bon, ou que tout homme est bon, celle-ci est contraire, que rien n’est bon, ou qu’aucun homme n’est bon. Mais la proposition contradictoire, c’est de dire que quelque bien n’est pas bon, que quelque homme n’est pas bon.

§ 13. Il est encore évident que ni une pensée, ni une de négation vraie ne peuvent être contraires à une pensée ou à une négation vraie. Les propositions contraires sont celles qui expriment les opposés. Les propositions particulières peuvent être vraies à la fois. Mais il n’est jamais possible que les contraires appartiennent à la fois à un seul et même objet.

  1. Nom… verbe, Les deux éléments indispensables de la proposition. — Jugement, Le terme grec est vague et moins précis que celui par lequel j’ai dû le rendre : on pourrait traduire aussi : proposition, mot qui est un peu plus précis.
  2. L’image des modifications de l’âme, C’est donner au langage une origine tout humaine. L’antiquité grecque n’a jamais résolu autrement cette question, que d’ailleurs elle n’a point cherché à approfondir.
  3. Les modifications de l’âme… sont identiques, Ceci ne contredit pas le paragraphe qui précède. Les modifications sont identiques : mais les images de ces modifications ne le sont pas, précisément parce que la volonté de l’homme intervient dans la production de ces images. On voit, comme le font remarquer les commentateurs, que toute cette théorie est contraire à celle que Platon développe dans le Cratyle. Pacius ajoute qu’il y a ici quatre degrés distincts : l’écriture qui représente les mots, les mots qui représentent les conceptions de l’esprit, et enfin ces conceptions qui représentent les choses. Cette gradation que fait Aristote est parfaitement exacte. Alexandre d’Aphrodise, dans son commentaire qui n’est pas venu jusqu’à nous contestait cette identité de pensées pour tous les hommes, voir Ammonius, Scholies, p. 100 a, 32 et la note, et p. 101, b, 1. Herminus proposait ici une variante qui ne tient qu’au changement d’accent, et il corrigeait ainsi la pensée d’Alexandre se jugeait pas très juste, ib., 8 et la note.
  4. On a déjà parlé de cela dans le Traité de l’Âme, Voir le Traité de l’Âme, livre 3, §. 7, éd., de Tredelenbourg, p. 94 et 96. Andronicus de Rhodes, ne retrouvant pas textuellement ceci dans le Traité de l’Âme, avait déclare l’Herméneia apocryphe. Il est le seul parmi les commentateurs à soutenir cette opinion. Voir les Scholies, éd. de Berlin, p. 94, a, 21, p. 97 a, 19, et mon mémoire sur la Logique, t. 1, p. 53.
  5. N’être ni vraies ni fausses, En tant qu’elles n’impliquent ni l’affirmation ni la négation d’un objet matériel. — Dans la combinaison et la division des mots, Voir dans les Catégories, ch. 2, § 1, et surtout ch. 4, § 3.
  6. Les noms eux-mêmes et les verbes, Pris isolément et sans combinaison. — Un cerf-bouc, par exemple, signifie certainement quelque chose, Dans la pensée, mais non dans la réalité, si on ne l’affirme ni ne le nie. Voir la République de Platon, liv. 6 p. 10, Trad. de M. Cousin. — Soit d’une manière absolue, Ceci peut signifier encore, comme le veut Pacius, que l’affirmation s’applique au présent, comme les mots suivants : soit dans un temps déterminé, s’appliquent aux deux autres moments du temps, le passée et l’avenir.
  7. Un mot qui par convention, Et non par une sorte de nécessité naturelle, comme Platon le veut dans le Cratyle. Ammonius cherche à concilier Platon et Aristote : Alexandre d’Aphrodise se prononçait pour la théorie platonicienne. Ammonius, Scholies, p. 103, a, 11, et b, 29, et la note — Sans spécifier de temps, Comme le fait le verbe ; voir plus bas, ch. 3. § 1. — Dont aucune partie séparée, Les lettres et les syllabes, par exemple.
  8. Callippos, J’ai conservé le mot, parce que la démonstration y est tout aussi frappante que sur un composé français. — Dans cette phrase, Composée seulement d’un adjectif et d’un substantif. — Épactrokélès, J’ai encore conservé le mot grec. Epactrokélès designer une espèce d’embarcation dont se servaient les pirates et qui ressemblait à deux autres, dont l’une se nommait épactris et l’autre kélès. — Ne signifie rien par lui-même, Dans le mot composé : pris isolément, il aurait un sens complet qui se trouve modifié par la combinaison même où il entre. Pacius cite, comme pouvant servir ici d’exemple, le mot français, Aigre-doux.
  9. Les mots n’existent point dans la nature, C’est tout le contraire de la doctrine platonicienne. — Non articulés, Le texte dit : non écrits, c’est-à-dire non susceptibles d’être écrits.
  10. Non-homme, J’ai conservé la forme grecque, qui est aussi passée dans notre langue philosophique : non-être, non-moi, etc. — C’est ce que j’appellerai, Aristote crée un mot nouveau, comme il le conseille dans les Catégories, ch. 7, § 11. — Il convient également à tout, Il désigne tout ce qui n’est pas la chose devant le nom de laquelle est mise la négation, et par conséquent n’a aucune détermination vraie.
  11. Philônos, Philôni, J’ai gardé le génitif et le datif grecs, parce que notre langue n’a pas de cas. — Le nom exprime toujours quelque chose, Le nom au nominatif joint au verbe Est, a été ou sera, exprime toujours une affirmation. — Par exemple, Cet exemple se rapporte non à la dernière proposition, mais à la précédente. — Les commentateurs ont recherché pourquoi Aristote ne regarde comme noms que les noms au nominatif, et ils en ont donné diverses raisons qui ne sont pas toutes très exactes, voir Ammonius, Scholies, p. 104, a, 27 et la note.
  12. Outre sa signification propre. Tout verbe, même le verbe substantif, exprime à la fois deux chose : 1° une certaine idée particulière ; 2° le temps dans lequel s’accomplit cette idée. — Le signe des choses attribuées, Le verbe qui, au fond, est toujours et sans aucune exception, le verbe substantif, dans toutes les langues, est la copule du sujet et de l’attribut. — À d’autres choses, L’a tttribut est attribué au sujet.
  13. N’est qu’un nom. Sans aucune indication de temps quelconque. — Il se porte bien. Je n’ai pu en français reproduire la symétrie du grec, où le mot qui signifie : Il se porte bien, a le même radical que le mot Santé. — En outre, Outre sa signification propre.
  14. Dites d’un sujet ou qui sont dans un sujet, Voir les Catégories, ch. 2, § 2, pour le sens de ces expressions.
  15. Il ne se porte pas bien, Distinction analogue à celle qu’il a faite plus haut pour les noms, ch. 2, § 4. — Le verbe indéterminé, De même qu’il a dit plus haut : nom Indéterminé, et par le même motif. Averroès remarque ici que la langue arabe n’a ni nom ni verbe indéterminés.
  16. Et de même, Autre distinction tout à fait pareille à celle qui a été faite plus haut, ch. 2, § 5. — Ce sont des cas du verbe, Il distingue des cas du verbe, comme il a distingué des cas du nom. — Le verbe indique le temps présent, Le verbe proprement dit est celui qui exprime le présent. La chose est alors, tandis qu’avec le passé ou l’avenir elle est beaucoup moins ; l’une part, elle n’est plus, de l’autre, elle n’est pas encore. — Des temps accessoires, Le passé et le futur.
  17. Les verbes pris isolément, Le sens de ce paragraphe est assez obscur, et il faut pour le bien comprendre suivre de très prés la pensée d’Aristote. La voici : Les verbes autres que le verbe substantif pris en eux-mêmes et avec leur signification propre, sans l’addition du temps et du mode, ne sont que des noms, et comme les noms indiquent un objet spécial. Ainsi comme nom et en soi le verbe Courir, sans l’addition des temps et des modes, n’exprime que l’idée de course et ne l’affirme ni ne la nie. Par lui-même il n’a donc pas un sens complet. Le verbe Être est dans le même cas : il faut un attribut, qu’il joigne au sujet, pour que la pense soit complète. — Mais rien n’exprime encore, Il n’y a que la conception pure de l’esprit sans affirmation ni négation. — Être ou n’être pas, Le verbe substantif affirmé ou nié ne suffit pas plus pour exprimer une pensée, que quand on prend la chose toute seule et même sans le verbe. — Par lui seul le verbe n’est rien, Il n’est que la copule du sujet et de l’attribut. — Indépendamment des choses qui la forment, Indépendamment du sujet et de l’attribut qu’il unit l’un à l’autre, et qui sont indispensables pour faire un sens.
  18. Une phrase, J’ai pris ce mot, bien que peu technique, parce qu’il m’a paru, à cause de son indétermination même, mieux répondre que tout autre au mot grec qui est lui-même fort indéterminé. — Dont chaque partie séparée, Nom ou verbe.
  19. Comme simple énonciation, Le nom tout seul, le verbe tout seul, ne sont l’un et l’autre que des énonciations qui ne nient point, qui n’affirment point davantage, et n’ont ni vérité ni erreur.
  20. Ainsi qu’on l’a déjà dit. Voir plus haut, ch. 2, § 2.
  21. Non pas par sa valeur naturelle, Le texte dit précisément : non comme instrument. — Ainsi que je l’ai déjà dit, Voir plus haut, ch. 2, § 1.
  22. N’est pas énonciative, C’est de la phrase énonciative seulement qu’il sera question dans tout ce traité. — Une prière, Ces deux mots forment à eux seuls une sorte de phrase ; mais une phrase sans vérité ni erreur, puisqu’il n’y a ni affirmation ni négation, indispensables pour former l’une ou l’autre.
  23. La première des phrases énonciatives, La plus simple. — Qui soit une, Qui forme une unité complète. — C’est l’affirmation, Comme par exemple : L’homme court. — Vient ensuite la négation, Plus compliquée que l’affirmation ; par exemple : L’homme ne court pas. — Les autres, Les phrases plus complexes, hypothétiques, disjonctives, etc.
  24. Que l’homme est, qu’il a été ou qu’il sera telle chose, que désigne l’attribut joint au sujet par le verbe substantif.
  25. Cette énonciation, Qui est la définition de l’homme. — À un autre traité, La Métaphysique, voir liv. 7, ch. 12.
  26. Une seule chose, Un seul attribut d’un seul sujet. — Unie par la liaison des mots, Conjonction, ou toute autre particule grammaticale. — La phrase est complexe, Quand il y a plusieurs attributs pour un seul sujet, plusieurs sujets pour un seul attribut, ou plusieurs membres de phrase formant une phrase totale.
  27. Ne sont donc qu’une simple voix, N’exprimant ni affirmation ni négation. — À une question antérieure, Qui donne un sens complet au mot isolé qu’il prononce. — On distingue parmi les énonciations, Répétition du paragraphe précédent.
  28. Selon les diverses divisions du temps, Présent, passé, avenir. Voir plus haut, ch. 3, § 5.
  29. Qui attribue, Le texte dit seulement : l’énonciation d’une chose d’une autre chose ; les mots : Qui attribue, rendent le sens de la préposition qui précède le second génitif.
  30. Qui sépare, Même remarque qu’au paragraphe précédent.
  31. . Il y a une négation opposée, Voir dans les Catégorie, la théorie des opposés, ch. 10.
  32. Appelons contradiction, On peut croire que c’est Aristote qui a créé ce mot.
  33. Du même au mêmeDu même attribut relativement au même sujet. — Par simple homonymie, : Voir le début des Catégories. — Dans les Ruses des sophistes, il s’agit évidemment du livre des Réfutations des Sophiste, quoique le titre même de cet ouvrage ne soit point reproduit ici avec clarté. — Voir mon mémoire sur la Logique, tome 1, page 79, où toute cette question est discutée.
  34. Ammonius commençait ici le second chapitre de ce traité, Scholies, p. 112, b, 15. — Les unes sont universelles, Voir les Catégories, ch. 2, § 2. — Homme, par exemple, est une chose universelle et peut servir d’attribut à des termes moins larges que lui. — Callias est une chose individuelle, Et ne peut servir d’attribut à aucun terme puisqu’il n’y en a pas de moins large que l’individu. — L’énonciation doit dire, De là quatre espèces de propositions, universelles affirmatives et universelles négatives, particulières affirmatives et particulières négatives. Les propositions singulières rentrent dans les universelles. Les propositions singulières sont celles où le sujet est un individu. Théophraste appelait les propositions universelles, propositions indéterminées, et les propositions particulières, propositions déterminées ; Ammonius, Scholies, p. 113, b, 12.
  35. Les énonciations seront contraires, Deux propositions sont contraires, quand étant toutes deux de même quantité, soit universelles soit particulières, l’une affirme et l’autre nie : Tout homme est blanc, aucun homme n’est blanc.
  36. Une chose universelle d’une manière qui n’est pas universelle, C’est alors une proposition indéterminée, sans le signe d’universalité ou de particularité. — Ne sont plus contraires, Comme elles le seraient si elles étaient déterminées. — Ne puissent quelquefois être contraires. Parce qu’on prendra une proposition indéterminée tout aussi bien dans le sens universel que dans le sens particulier. Prises au sens universel, ces propositions deviennent contraires. — D’une énonciation qui n’est pas universelle, D’une forme indéterminée.
  37. Quand on attribue l’universel à un attribut universel. C’est-à-dire quand on met de l’universalité à l’attribut qui est toujours universel, ou autrement, pris dans toute son extension. On ne peut jamais dire : Tout homme et tout animal. Cette proposition est évidemment absurde, et toutes celles où l’on emploierait cette forme ne le seraient pas moins, bien qu’à l’apparence elles pussent sembler être plus vraies.
  38. Contradictoirement opposée, Définition des propositions contradictoires après celle des propositions contraires. — Quelque homme n’est pas blanc, Le texte dit seulement : Non-tout homme est blanc. Il faut nécessairement comprendre le texte comme je le fais dans ma traduction, afin de remplir les deux conditions exigées par Aristote : la première, que les deux propositions diffèrent en qualité, affirmation et négation : la seconde, qu’elles diffèrent aussi en quantité, l’une étant universelle et l’autre ne l’étant pas. C’est ainsi qu’il faut entendre la formule Non-tout. Les manuscrits ne donnent d’ailleurs ici aucune variante. — Les énonciations sont contraires, Définition des propositions contraires plus nette encore que celle du § 2.
  39. Toutes deux vraies en même temps, Mais il est possible qu’elles soient toutes deux fausses à la fois, ou que l’une soit vraie et l’autre fausse. Voir, dans les Catégories, la théorie des contraires, ch. 11, qui fera mieux comprendre tout ceci.
  40. Opposées à celles-là, C’est-à-dire aux propositions universelles énoncées dans le § 5. — Quelque homme n’est pas blanc, Opposé à : Tout homme est blanc. —Tel homme est blanc, Opposé : Aucun homme n’est blanc. Les deux propositions en effet, qui sont ce que les Scholastiques appellent subcontraires, peuvent être vraies toutes les deux à la fois. Voyez pour cette phrase : Quelque homme n’est pas blanc, la note du § 5. Elle est également applicable ici.
  41. Pour toutes les contradictions universelles, Règle des contradictoires universelles.
  42. Pour les contradictoires individuelles, Règle des contradictoires individuelles.
  43. Qui ne sont pas exprimées d’une manière universelle, Règle des contradictoires indéterminées, sans aucun signe ni d’universalité ni de particularité. — S’il est vilain, je n’ai pu éviter l’apparence de naïveté qu’a cette phrase. — S’il devient quelque chose, S’il devient beau, par exemple, on ne peut pas dire qu’il soit beau. Il le sera, mais il ne l’est pas encore. — Semble signifier la même chose, La proposition indéterminée semble avoir la même valeur que la proposition universelle : mais cela n’est pas ; car elle peut tout aussi bien passer pour particulière, voir plus haut, § 3. — Ne coexistent pas nécessairement et ne sont pas nécessairement vraies toutes deux à la fois, comme il semble quelle pourraient l’être.
  44. Qu’une seule négation d’une seule affirmation contradictoire. — Est prise ou n’est pas prise universellement, Est mise sous forme universelle ou indéterminée. — Socrate est blanc, Contradictoires individuelles. — Quelque homme n’est pas blanc, Voir plus haut, § 5, contradictoires universelles. — L’homme est blanc, Contradictoires indéterminées.
  45. Sont différentes, Des contradictoires. — Toute contradiction n’est pas fausse ou vraie, C’est quand elle est sous forme indéterminée.
  46. L’affirmation simple, Voir plus haut une définition moins complète, ch. 5, § 4.
  47. Si un seul mot sert à exprimer deux choses, Il est alors homonyme, voir Catégories, ch. 1, § 1. Il peut donner lieu à des équivoques et à des sophismes.
  48. Dans ces sortes d’énonciations, Où l’un des termes est homonyme. Par l’homonymie, on peut soustraire ces propositions à la règle générale des contradictoires.
  49. Dans les choses universelles, Dans les propositions contradictoires. — Ainsi qu’on l’a dit, Plus haut, ch. 7, § 8 et 9. — C’est encore ce qu’on a dit plus haut, Voir ch. 7, § 10. — Pour les choses individuelles, Il faut comprendre ici les choses contingentes : mais j’ai dû conserver l’expression exacte du texte. — Et qui sont à venir, Pour les propositions qui concernent l’avenir, et ne se rapportent ni au présent, ni au passé.
  50. Si toute affirmation ou négation, Première hypothèse : l’affirmation et la négation sont toutes deux vraies pour les futurs contingents. L’affirmation et la négation sont vraies ou fausses pour le présent ou pour le passé. Cela n’est pas pour l’avenir, pour les futurs contingents. — Dans les cas de ce genre, Pour les futurs contingents, et en admettant en outre ce principe que toute affirmation ou négation est fausse ou vraie.
  51. Il s’ensuit, Seconde hypothèse : l’une des deux énonciations déterminément est vraie, l’autre fausse, pour les futurs contingents ; conséquence qui est rigoureusement exacte, mais qui au fond est absurde, parce que le principe dont elle part n’est pas vrai. — Ou c’est celui qui affirme, ou c’est celui qui nie, qui a raison, Ni l’un ni l’autre, parce que, pour les futurs contingents il n’est pas exact de dire que l’affirmation ou la négation est vraie ou fausse.
  52. De plus, Autre argument pris du temps, qui du présent infère nécessairement la relation du passé à l’actuel. — Donc, encore une fois, Conclusion de ce second argument pour prouver que tout est nécessaire.
  53. D’autre part, Troisième hypothèse : les deux énonciations sont également fausses. — La négation ne sera pas vraie, Ce qui devrait être cependant. — L’affirmation ne sera pas vraie non plus, Ce qui devrait être aussi, puisque la négation est supposée fausse.
  54. En outre, Second argument pour la troisième hypothèse : Si la chose est vraie actuellement parce que l’énonciation qui l’exprime est vraie, elle sera vraie dans l’avenir par la même raison. — Et s’il est vrai qu’elles ne seront pas, etc., Les deux énonciations étant supposées fausses. — Il n’y aurait plus ici d’arbitraire, Et la chose ne pourrait pas plus être que ne pas être.
  55. Que l’une soit fausse et l’autre vraie. D’après la premier hypothèse, plus haut, § 2. — Il n’y aurait plus pour l’homme, C’est donc pour sauver la liberté qu’Aristote ; a entrepris toute cette discussion contre une fausse règle de logique. Reid en fait honneur à Aristote, t. 6, p. 274, trad. Jouffre
  56. L’un ne renvoie son affirmation, L’affirmation et la négation étant faites à la fois, pour un temps quelconque, et l’une des deux tant nécessairement vraie, l’autre fausse, il s’ensuit que dès à présent il est possible d’affirmer que l’avenir est nécessaire, et qu’il n’y a lieu à aucun événement continent.
  57. Il importe peu, du reste, réponse à l’objection précédente : ce n’est pas l’affirmation ou la négation qui font que les choses sont nécessairement. C’est au contraire la réalité des choses et leur nécessité qui produisent les affirmations et les négations vraies ou fausses.
  58. Mais tout ceci est impossible, L’avenir n’est pas nécessaire, comme on le prétend : il y a toujours place pour le hasard, et surtout pour la liberté et la volonté de l’homme.
  59. De sorte que la négation et l’affirmation.
  60. De dire simplement, Sans ajouter : Quand il est, ce qui est alors de toute évidence et n’a pas besoin d’être exprimé.
  61. Le même raisonnement, C’est-à-dire, la contradiction ou l’ensemble de l’affirmation et de la légation, est vraie quand on les énonce toutes les deux, l’une limitant l’autre : elle est fausse si l’on s’exprime que l’une des deux. — Lequel des deux est nécessaire, Soit l’affirmation, soit la négation. — Qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas demain de combat naval, Il faut que nécessairement l’un des deux soit : mais aujourd’hui il est impossible de dire lequel des deux est nécessaire.
  62. Qui sont de telle sorte, Ce sont les futurs contingents. — Ceci ou cela précisément, Il est impossible actuellement de savoir quelle partie de la contradiction est vraie, quelle partie est fausse. C’est là le résumé de toute cette longue discussion sur les futurs contingents. — Il est donc clair, Réponse définitive à l’assertion faite au § 1, que toute négation ou affirmation est nécessairement vraie ou fausse. — La rédaction de tout ce chapitre est un peu obscure et confuse : en voici le sens général. Pour les futurs contingents, il est impossible de déterminer à l’avance laquelle des deux, de l’affirmation ou de la négation, est vraie ou fausse. Quatre opinions sont ici soutenables à des titres divers : 1° les deux parties sont également vraies, § 4 ; 2° l’une des deux est vraie, l’autre fausse d’une manière déterminée, §§ 3 et 4 ; 3° ni l’une ni l’autre n’est vraie, §§ 5 et 6 ; 4° enfin, et c’est l’opinion d’Aristote, l’une des parties est vraie, l’autre fausse, mais d’une manière tout indéterminée, § 14. On peut trouver que cette discussion est bien longue pour arriver à un résultat aussi évident : mais Aristote est préoccupé des arguments par lesquels certains philosophes défendaient le système de la nécessité. Il veut sauver la liberté de l’homme sans laquelle il n’y a ni morale ni politique : et il ne croit pouvoir faire trop d’efforts pour atteindre ce noble but. Il faut ajouter que la question n’est considérée ici que sous le point de vue logique. L’affirmation et la négation peuvent se rapporter à l’avenir aussi bien qu’a l’actuel : l’une est vraie, l’autre est fausse nécessairement quand il s’agit du présent. En est-il également pour l’avenir ? question importante qui ne sort pas de la matière, et qui a été traitée ici d’une manière toute spéciale et non dans toute sa généralité.
  63. Les latins commençaient ici leur second livre. Ce chapitre a paru aux commentateurs, et non sans raison, l’un des plus difficiles de tout ce traité. On peut voir leurs plaintes ; Ammonius, Scholies, p. 121, b, 36, et 122, a, 13, et la note. — L’affirmation, Ceci s’appliquerait également à la négation, comme le prouve tout ce qui suit. Il s’agit ici des propositions que les Scholastiques appellent secundi adjacentis, c’est-à-dire où le sujet et le verbe, joins à l’attribut, ne forment que deux termes au lieu de trois : L’homme est, l’homme n’est pas. — Ou étant indéterminée, Le texte dit : Ou était sans nom. C’est qu’il a dit plus haut que le nom indéterminé n’est pas un nom proprement dit ; voir plus haut, ch. 2, § 4. — Nous avons dit précédemment, ch. 2, § 4. — En quelque sorte, En faisant une espèce de totalité de tout ce qui n’est pas la chose dont il s’agit. — Il ne se porte pas bien, Voir, pour cette expression, plus haut, ch. 2, § 4.
  64. Comme on l’a établi plus haut, ch. 3, § 1, et la note.
  65. La première affirmation, secundi adjacentis, La plus simple et par conséquent la première en ordre. — En dehors du présent, Le passé ou le futur.
  66. En troisième terme, Ce sont les propositions tertii adjacentis. — Ces oppositions peuvent déjà être doubles, Parce que l’indétermination peut être placée à l’attribut aussi bien qu’au sujet.
  67. Qu’on l’appelle nom ou verbe, Les grammairiens l’ont appelé copule. — Quatre énonciations, Le sujet restant le même, le reste de la proposition pourra revêtir quatre formes différentes : Est juste, n’est pas juste ; Est ne juste, n’est pas non juste. — Je veux dire que est, Le verbe affirmé Est. — Aussi la négation, Le verbe nié : N’est pas. — Sont joints à juste, Quelques manuscrits donnaient : Sont joints à homme et à non-homme. Alexandre défendait la leçon vulgaire, Ammonius, Scholies, p. 122, b, 47. — Dans les Analytiques, Voir les Premiers Analytiques, liv. 1, ch. 46 ; voir mon mémoire sur la Logique, tome 1, p. 195, où cette citation est tout au long discutée.
  68. Diamétralement opposées, la première et la quatrième : il dit : diamétralement, parce que probablement dans le tableau dont est parlé plus haut, ces propositions étaient disposées de telle sorte qu’elles occupaient chacune l’un des angles d’un carré. — De la même façon que plus haut, Dans le paragraphe précédent.
  69. Ces énonciations, Où figurent pour sujet, soit L’homme, soit Tout homme.
  70. Les autres, Où c’est Non-homme qui est sujet et non plus Homme. — On pourrait ajouter les quatre propositions où Non-homme recevrait le signe de l’universalité comme Homme le recevait dans les autres.
  71. Existent du reste sans les autres, Où c’est L’homme qui est pris pour sujet, et non point Non-homme.
  72. Le nouveau verbe, Qui est un verbe adjectif et non plus le verbe substantif.
  73. La négation Non à Homme. Et non point à Tout, parce que c’est Homme qu’il s’agit de rendu indéterminé et non point Tout. — Ne signifie pas l’universel, C’est homme qui est l’universel, voir plus haut, ch. 7, § 3. — Ces secondes formes diffèrent des premières, Voir au paragraphe précédent les premières formes : Tout homme, tout non-homme. — Mais, quant à tout le reste, Le reste de la proposition à l’exception du signe d’universalité.
  74. Il est évident. Voir plus haut, ch. 7, la théorie des propositions contraires et contradictoires. — Quelque être n’est pas juste, Voir plus haut, ch. 7, § 5, et la note.
  75. Si l’on peut nier avec vérité, Il s’agit de savoir si d’une négation déterminée, on peut régulièrement tirer une affirmation indéterminée. Aristote répond que cela se peut dans les propositions individuelles : mais que cela n’est plus possible dans les propositions universelles. — Affirmer avec vérité, Sous forme indéterminée.
  76. Des noms et des verbes indéterminés, Il faut entendre des sujets et des attributs indéterminés, comme le prouvent les exemples mêmes qui sont donnés. — Sembleraient être des négations, Mais n’en sont pas, parce que toute négation est vraie ou fausse et qu’ici il n’y a ni vérité ni erreur.
  77. Mais cette proposition, Les propositions déterminées et indéterminées peuvent-elles être équivalentes entre elles ? telle est question indiquée plutôt que traitée dans ce paragraphe, elle valait peine d’être examinée.
  78. . Mais on a démontré, Voir plus haut, ch. 6, § 2, et ch. 7, § 11. — Est blanc l’homme, Toutes ces remarques ne peuvent s’appliquer à la langue française où l’inversion des mots n’est pas possible. On voit ici combien notre langue est d’accord avec la Logique, et combien les autres, même les mieux faites, comme la langue grecque, s’en éloignent. C’est pour nous un incontestable avantage.
  79. . Ce chapitre a été jugé très obscur par les commentateurs, voir Ammonius, Scholies, p. 126, a, 41, et la note extraite de Boëce. — À moins que le sens exprimé par tous ces termes, Comme il arrive pour la définition où le nombre des termes ne détruit pas l’unité. — Il résulte une seule et même idée, Qui est la définition de l’homme. — Une seule et même chose, Une seule idée complexe, mais une.
  80. Si donc l’interrogation dialectique, L’interrogation dialectique peut procéder, soit par une proposition simple, soit par les deux parties de la contradiction ; peu importe. Si elle ne pose pas l’alternative dans toute son étendue, cette alternative n’en est pas moins comprise. — L’une des deux parties de la contradiction, Quand la contradiction est exprimée tout entière avec les deux membres qui la forment. — Et la proposition, Quand l’interrogation n’exprime qu’une seule des deux parties de la contradiction totale. — Dans les Topiques, Voir les Topiques, liv. 8, ch. 7, § 2 ; voir aussi liv. 1, ch. 4. § 4, et ch. 10, § 1.
  81. Cette interrogation : qu’est-ce. J’ai conservé la formule grecque : la pensée d’ailleurs est fort claire. L’interrogation dialectique ne doit jamais avoir pour but de faire dire à l’interlocuteur ce qu’est la chose : elle doit lui demander seulement si la chose est ou n’est pas telle chose.
  82. Quelle est cette différence ? Pourquoi peut-on dans un cas avec vérité réunir les attributs ? pourquoi ne le peut-on pas dans un autre ?. — Il soit par cela même bon tanneur, Ceci est un paralogisme à l’usage des Sophistes, voir Réfutations des Sophistes, ch. 20, § 7, où l’exemple choisi est le même. Les commentateurs croient qu’ici Aristote fait allusion à Simon le cordonnier, l’un des disciples les plus distingués de Socrate ; Ammonius, Scholies, p. 128, a, 39.
  83. Le tout réuni le serait donc aussi, Et l’on aurait l’homme blanc est blanc. — Et ainsi de suite à l’infini, En faisant successivement passer blanc une fois de plus au sujet de la proposition. — La réunion des trois mots, Et les propositions diverses qu’on pourrait former à raide de ces trois mots. — Ces combinaisons, Des attributs réunis à leurs sujets, et entrant en quelque sorte dans leur définition, parce ; qu’ils ne feraient qu’un avec eux.
  84. Comme accidents, Voir la définition de l’accident, Topiques, liv. 1, ch. 3, § 8. — Soit quand l’un est ainsi attribué à l’autre, Attribut joint à un sujet comme simple accident et non point comme essentiel. — Bon tanneur, Voir Plus haut, § 4. — Ce n’est pas là un accident attribué à l’homme, C’est la définition essentielle de l’homme ; c’est l’homme lui-même.
  85. Dans un sujet, Le texte dit précisément : Dans l’autre. Les attributs qui sont attribués comme accidents à un sujet ne peuvent avec vérité être réunis à ce sujet. — Être répété comme plus haut, § 5, en le faisant passer successivement du second membre de la proposition dans le premier. — L’homme animal, l’homme bipède, il est fort inutile de répéter l’homme à chaque attribut, puisqu’il est nécessairement et essentiellement impliqué dans tous.
  86. Désunir les attributs, Théorie qui complète la première : après avoir dit dans quels cas on doit réunir les attributs, il indique comment on peut les séparer de leurs sujets, les sujets restant également vrais sans leurs attributs.
  87. La division n’est plus vraie, Le sujet pris tout seul et affirmé n’est plus vrai, comme dans l’exemple qu’il cite. — Si l’attribut n’entraîne pas de contradiction. Comme dans cette proposition : L’homme est blanc, blanc n’est pas un attribut contradictoire à la nature du sujet : si donc l’homme est blanc, on peut dire aussi que l’homme est.
  88. N’est attribué que par accident. Lorsque l’attribut est accidentel, on ne peut conclure de l’existence du sujet avec l’attribut à l’existence du sujet tout seul Homère est poète, mais Homère n’est pas. On ne considère dans la première phrase son existence que relativement à sa qualité de poète.
  89. Ainsi donc, Voici la règle générale pour la division des attributs et des sujets. — Toutefois, Les Sophistes disaient : Le non-être est rationnel (concevable par la raison) : donc il est : Aristote ne pousse cette conclusion absurde.
  90. Quand elles expriment le possible, C’est ce qu’on appelle les propositions modales : les autres sont les propositions pures, ou, comme on les a appelées plus tard, catégoriques, en prenant un mot qui dans Aristote a un tout autre sens. Voir Premiers Analytiques, liv. 1, ch. 2, § 1, et la note. Les modales sont donc les propositions où l’attribut est modifié d’une manière quelconque : les propositions pures ou absolues sont celles où l’attribut est pris d’une manière absolue et sans aucune limitation. Les modales et les absolues sont les deux grandes divisions posées par Aristote dans la théorie générale du syllogisme. Voir Premiers Analytiques, liv. 1, du ch. 8 au ch. 22 inclusivement. — Le possible et le non possible, Aristote n’énonce ici que quatre modes principaux, et il les reproduit en partie dans la théorie du syllogisme. Il y en a bien davantage, et lui-même l’indique au § 9 de ce chapitre. — Le possible… le contingent, Le possible est ce qui n’est pas et pourrait être ; le contingent est ce qui est et pourrait ne pas être.
  91. Dans les propositions connexes, Qui forment les deux parties de la contradiction totale. — Et non point : le non-homme est, C’est-à-dire que la négation se met au verbe et non point au sujet. — Le bois est l’homme non blanc, Cette rédaction trop concise laisse la pensée un peu obscure : la voici dans son développement et sous une autre forme. On soutient que d’une chose quelconque la négation ou l’affirmation doit être vraie. Cette affirmation est fausse : Le bois est l’homme blanc. Il faudrait donc que la négation Le bois est l’homme non blanc fût vraie, si la négation s’exprimait régulièrement, comme on le prétend, en la mettant devant l’attribut et non au verbe. Or il n’en est rien : donc ce n’est point là la forme régulière de la négation, et la négation doit se mettre au verbe. — Ceci s’applique également, Aux propositions modales, et avant les propositions modales, à celles où le verbe substantif est remplacé par tout autre verbe adjectif. — Ou que l’homme est marchant, Et par conséquent pour la négation, qu’il n’est pas marchant, c’est-à-dire qu’il ne marche pas. — Si donc cette règle s’applique, Ce n’est qu’une simple hypothèse ; elle ne s’applique pas aux modales comme le prouvera le paragraphe suivant. — Pouvoir ne pas être, En mettant la négation au verbe être comme pour les propositions pures, soit de secundi, soit de tertii adjecentis.
  92. Tout ce qui est possible ainsi, La puissance n’est qu’une aptitude aux actes contraires. — Toutefois il est impossible, C’est ce qui a été démontré plus haut, ch. 7, § 5 et suiv. — N’est pas Pouvoir ne pas être, Comme on le concluait du paragraphe qui précède.
  93. Ou que l’on affirme et que l’on nie, Ce qui ne se peut pas, et ce que l’on fait cependant, puis qu’une même chose peut être et ne pas être, du moment qu’elle n’est que possible. — Ne forment ni affirmation ni négation, Pour les modales. — Et non pas du tout, Comme on l’avait dit au § 3, où la discussion n’était pas complète.
  94. Dans les premières phrases, Dans les propositions pures du § 2. — Les modifications, Le texte dit : additions. — Être et ne pas être deviennent des sujets. C’est la toute la différence des modules aux absolues. — Être et ne pas être avec ce qui y est joint est le dictum, pour prendre le langage des Scholastiques ; possible, impossible, etc. est le mode, et c’est au mode qu’il faut mettre la négation on l’affirmation. — Être possible, n’être pas possible, La négation ou l’affirmation jointe au mode.
  95. Possible de ne pas être, J’ai gardé cette forme qui est proche davantage du texte.
  96. Nécessaire d’être, Même pour les modales du nécessaire pour les modales du possible. — Pas nécessaire d’être, Ou si l’on veut : Il n’est pas nécessaire que ce soit.
  97. Même raisonnement, Pour des modales d’impossible.
  98. En général, Règle générale de la contradiction des modales. — Vrai, — pas vrai, Aristote ne borne donc pas les modales aux quatre formes énoncées au § 1. Ces quatre formes sont les principales et jusqu’à un certain point comprennent toutes les autres, mais le nombre des modales est infini comme celui des mots eux-mêmes par lesquels on peut les exprimer. Voir M. Hamilton, p. 227, trad. de M. Peisse.
  99. Se suivent par ordre, il semble que cette consécution des modales n’est pas une question de logique, et que cette théorie doive être plutôt renvoyée à la métaphysique. Ce sont des rapports purement rationnels, et tort importants d’ailleurs, mais qui n’ont rien à faire à la théorie de la proposition. — Le tableau ci-dessous, Il faut remarquer que l’ordre suivi dans ce tableau n’est pas celui qu’indique le texte qui le précède. Dans ce texte, comme on le voit, la huitième proposition du tableau est la septième, et réciproquement : la douzième du tableau est la onzième et réciproquement : la seizième de tableau est la quinzième et réciproquement. Je n’ai point trouvé dans les variantes l’explication de cette interversion ; Aristote du reste proposera de changer encore cet ordre, voir plus bas, §§ 6 et 13.
  100. Mais à l’inverse, C’est-à-dire que la négation d’impossible suit la négation de possible et de contraire et que l’affirmation d’impossible suit la négation de possible et du contingent. C’est ce qu’explique le texte lui-même.
  101. Comme plus haut, Comme pour les propositions de possible et d’impossible. — Les énonciations contraires. Et non les contradictoires, comme au paragraphe précédent. — Et les contradictions ne sont plus en regard, Comme on peut le voir au tableau du § 1, où pas impossible est en regard d’impossible. — Des deux énonciations, La quatrième et la douzième. — Peuvent être vraies d’un seul et même objet, Ce que ne peuvent les contradictoires, d’après toutes les théories précédentes.
  102. Est énoncé contrairement à nécessaire, C’est-à-dire que, avec impossible, le sujet de la phrase, le dictum est affirmé, et qu’au contraire il est nié avec nécessaire. — Pour qu’il ait la même valeur, Il est impossible que ce soit égale : Il est nécessaire que ce ne soit pas. — Il est impossible que ce ne soit pas égale : Il est nécessaire que ce soit. C’est ce qu’explique le texte. — Les premières énonciations, Impossible, pas impossible. — Ces dernières, Nécessaire et pas nécessaire. — Ainsi que je l’ai dit, plus haut au § 2.
  103. De cette façon, Non comme elles le sont dans le tableau ci-dessus, mais comme il suit dans ce paragraphe. — Ainsi, nécessaire est aussi possible. C’est-à-dire qu’à la suite de : Il est nécessaire que ce soit, on pourrait mettre : Il est possible que ce soit. — Sinon, si on ne met pas : Il est possible que ce soit, il faudra mettre la négation : Il est impossible que ce soit. — De sorte qu’il en résulte, Si l’on commence par le nécessaire et qu’on le fasse suivre par le possible.
  104. Ne succède pas davantage, Si l’on commence par Possible et qu’on le tasse suivre par Nécessaire. — L’affirmation et la négation, Le texte dit simplement : Ces choses ; j’ai cru devoir préciser que ce qui n’est que possible peut également être ou ne pas être. — Des deux énonciations, Soit l’affirmation, soit la négation. — Les autres, Il faut entendre par là les propositions : il est nécessaire que ce soit, et Il est nécessaire que ce ne soit pas. — Sont vrais à la fois, Parce que le possible peut tout aussi bien être que n’être pas. — Reste donc enfin, C’est-à-dire que la huitième proposition du tableau suit placée la quatrième. — Suive, Non pas immédiatement, mais dans la même série, à la place de la quatrième.
  105. Il n’est pas nécessaire… Le texte dit seulement : cela. J’ai cru devoir rendre l’expression plus précise.
  106. De celle qui suit, Au même rang dans la troisième série, c’est-à-dire, la douzième. — Dont la négation est… Placée au quatrième rang et dans la première série. — Les contradictions, Et non plus les contraires seulement. — De la manière indiquée, Dans le § 9, en mettant la huitième proposition la quatrième, et réciproquement.
  107. Suit bien, Comme il l’a proposé au § 5. — Qui sont toutes deux également fausses, De ce qui est nécessaire, il est également faux de dire qu’Il n’est pas possible qu’il soit ou qu’il est possible qu’il ne soit pas. — Ce qui est faux, Le nécessaire ne peut pas, comme le possible, être et ne pas être indifféremment.
  108. Ne peut pas par cela seul les contraires, Comme on le supposait au paragraphe précédent. — Où ceci, C’est-à-dire, cette propriété d’être susceptibles des contraires de pouvoir être et ne pas être. — Dont la force, J’ai pris le mot de force au lieu de celui de puissant. — N’est pas rationnelle, Et donc d’une volonté libre. — Les forces douées de raison et de volonté libre, comme l’homme ; voir la Métaphysique, liv. 9, chap. 2. — Qui sont toujours en acte, Le soleil par exemple, qui échauffe sans cesse la terre. — Douées de force irrationnelle, D’une force passive. — Également, Le texte dit : à la force. — Qui sont bien de la même espèce, Cette pensée est obscure, quoique la mots ne le soient pas ; qui sont bien de la même espèce veut dire que ces forces ne sont pas homonymes et qu’elles sont essentiellement identiques : mais il est difficile de rattacher cette pensée à ce qui précède.
  109. Quelques puissances sont homonymes, Quelquefois le mot de Pouvoir est pris en plusieurs sens différents : tantôt il est joint à l’idée d’acte, tantôt il en est séparé. — De ces deux puissances, De ces deux espèces de possible. — Muables, Ou mobile. — Immuables, Ou immobiles. — Seulement, J’ai ajouté ce mot pour être plus clair. — N’est pas vrai absolument du nécessaire, Parce que le nécessaire est en acte et qu’il ne peut pas ne pas être. — L’autre possible, Joint à l’idée d’acte.
  110. De même que le particulier, Le possible est au nécessaire dans le même rapport que l’universel est au particulier. Le possible est beaucoup plus étendu que le nécessaire. — Pour tous les possibles, Il n’y a en effet que le possible en acte qui puisse s’appliquer au nécessaire, comme on l’a dit à la fin du paragraphe précédent.
  111. . Il se peut aussi que nécessaire, Aristote propose donc de changer l’ordre donné dans le tableau du § 1, et il pense qu’on pourrait commencer toute cette consécution des modales, par l’affirmation du nécessaire d’une part, et par la négation du nécessaire, de l’autre. — De toutes ces affirmations, Du tableau donné ci-dessus. — De ces deux termes, Le nécessaire affirmé et le nécessaire nié, avec lesquels il faudrait coordonner tout le reste.
  112. . L’acte aussi précède la puissance, Voir la Métaphysique, liv. 9, ch. 8. — Telles sont les premières substances, Il faut entendre ici qu’il s’agit de Dieu et des forces immuables de la nature, et non point des substances premières au sens où cette expression est employée dans les Catégories, ch. 5, §§ 1 et 2. C’est ce que les Scholastiques ont appelé actus puri. — Certaines autres sont accompagnées de puissance, Ne sont pas toujours en acte, mais peuvent être sans être en fait ; et peuvent ne pas être tout en étant. — Antérieures par nature, A la puissance. — D’autres enfin ne sont jamais des actes, Ce sont les simples possibles qui n’arrivent jamais à l’être : et c’est, par exemple, un nombre infiniment grand, un nombre infiniment petit. Il est toujours possible ; il n’est jamais réel. — Aristote aurait dû, pour conclure ce chapitre, appliquer ces distinctions à tout ce qui précède. Le nécessaire précède le possible et le contingent ; le possible précède l’impossible : ou, en d’autres termes, ce possible qui n’est jamais et qui, par cela même, porte en lui une sorte d’impossibilité. Le tableau du § 1 devrait donc être refait ainsi : Il est nécessaire que ce soit : Il n’est pas possible que ce ne soit pas : Il n’est pas contingent que ce ne soit pas : Il est impossible que ce ne soit pas. — Il est nécessaire que ce ne soit pas : Il n’est pas possible que ce soit : Il n’est pas contingent que ce soit : Il est impossible que ce soit — Il n’est pas nécessaire que ce soit : Il est possible que ce ne soit pas. Il est contingent que ce ne soit pas ; Il n’est pas impossible que ce ne soit pas. — Il n’est pas nécessaire que ce ne soit pas : Il est possible que ce soit : Il est contingent que ce soit : Il n’est pas impossible que ce soit. — Malgré tous mes efforts, ce chapitre présente de nombreuses obscurités : il n’a pas dépendu de moi de les éviter ; elles tiennent au fond même du sujet ; et cette théorie est sans doute une de celles qui, par l’embarras de l’exposition, si ce n’est par la profondeur, ont donné à l’Herméneia ce renom de difficulté qu’elle avait dans l’antiquité et le moyen-âge. Voir mon mémoire sur la Logique, t. 1, p. 53, et les critiques de M. Hamilton, Frag. de phil., tr. de M. Peisse, p. 227.
  113. . Ammonius contestait l’authenticité de ce chapitre, qui était pour lui la cinquième section du traité. Voir Ammonius, Scholies, p. 185, b, 11, et mon mémoire sur la Logique, tome 1, p. 54. — L’affirmation est-elle contraire, La question posée et résolue dans ce chapitre est importante : mais on ne voit pas bien comment elle se rattache à ce qui précède. Pacius dit que cette théorie est placée à la fin de ce traité : Coronidis loco ; il semble qu’elle fût venue plus convenablement après le ch. 6. Albert-le-Grand rattache cette théorie à celle qui précède, et prétend qu’elle est indispensable pour établir régulièrement la consécution des modales. — Par exemple encore, Après des propositions universelles, il prend des propositions singulières, afin de généraliser la question le plus possible, et de faire voir qu’elle peut s’appliquer à tous les cas ; voir plus haut, ch. 7.
  114. N’est pas ici celle du contraire, C’est la solution qu’il donnera dans tout ce chapitre. — La négation qu’on a dite, Dont il est parlé au début du § 1.
  115. Quelle pensée fausse, Il suppose que la première pensée est fausse, afin de rendre l’opposition encore plus sensible : il pouvait la supposer fausse, et supposer la seconde vraie.
  116. C’est encore une autre pensée, Le texte donnant un mot différent de celui qui est employé dans la phrase précédente, on pourrait traduire peut-être : c’est une pensée différente. — Dans laquelle des deux, ou simplement : Laquelle des deux.
  117. Sont déterminées, Que les pensées sont contraires, doivent être regardées et définies comme contraires, par cela seul, etc. — La même proposition, Une proposition de même forme, affirmant de la chose ce qu’elle est, tout comme la première. — Qu’elle soit multiple ou qu’elle soit unique, Voir plus haut, ch. 8. — Mais plutôt parce qu’elles sont exprimées contrairement, Pour un seul et même sujet, un seul et même attribut, affirmés d’une part, niés de l’autre.
  118. Quelque autre chose qui n’est pas, Quelque attribut qui ne peut pas appartenir au sujet. — Ni celles qui établissent que ce qui n’est pas est, Par exemple en parlant du bien la proposition qui affirmerait que le bien est honteux. — Que ce qui est n’est pas, Par exemple, que le bien n’est pas honorable. — L’existence, Ou la vérité, de ce qui est vrai.
  119. Les générations des choses, L’expression est obscure : la pensée ne l’est pas : les propositions contraires, où les choses deviennent autres que ce qu’elles étaient d’abord, de bonnes, par exemple, devenant mauvaises. — Viennent des opposés, Sont dans les propositions opposées, formées de termes opposés aux premiers.
  120. De même qu’elle est vraie, C’est la traduction fidèle : pour être tout à fait clair, il faudrait dire : Plus vraie. — La pensée négative du bon, La pensée qui nie que le bon soit bon. — La pensée du contraire, La pensée qui affirme que le bon est mauvais. — Ce qui, dans le même genre, diffère le plus, Voir les Catégories, ch. 6, § 24, et ch. 11, § 6.
  121. Aux autres choses, Si cette règle, applicable à la pensée, doit s’appliquer aussi aux propositions par lesquelles la pensée s’exprime. — D’avancer ce qu’on a dit ci-dessus, Voir plus haut, § 2. . — De la contradiction, L’édit. de Berlin dit dans le texte : de la contradiction, et laisse : de la négation dans les variantes ; cette dernière leçon est celle de Pacius : j’ai préféré la première avec Sylburge et les éditeurs de Berlin. . — Les autres pensées de la négation, Les pensées qui nient ce qui a été d’abord affirmé.
  122. De forme pareille, Voir plus haut, § 5. — De sorte que cette pensée… Conclusion de tout ce qui précède, et qui pouvait être obtenue plus brièvement peut-être. — Celle-là aussi est vraie, Alexandre disait : Celle-là non plus n’est pas vraie. Voir Ammonius, Scholies, p. 138, b, 21.
  123. Car cette pensée que le bon est bon, Sans que le signe de l’universalité y soit formellement exprimé, bien qu’il y soit clairement sous-entendu. . — Si le bon est pris universellement, Averroës remarquait ici qu’en arabe l’article ai était pour rendre l’expression universelle.
  124. Si donc, Il passe de la pensée à la parole, et présume que la parole y est également applicable. — Le symbole de ce qui est dans l’esprit, Voir plus haut, ch. 1, § 2. . — Que quelque bien n’est pas bon, Voir plus haut, ch. 7, § 5.