Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/attacher v. a. ou tr.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 3p. 881-883).

ATTACHER v. a. ou tr. (a-ta-ché —du lat. adx à, et du tudesque stecho, pieu, piquet. Primitivement, en effet, le verbe attacher avait le sens spécial de lier à un ’pieu ; cette racine se retrouve sous différentes formes dans les idiomes germaniques : l’anglo-saxon, staka ; l’islandais, stiaka ; le danois, stage ; le suédois, stake ; le hollandais, staalc ; l’allemand, s/a£e, staket, ycu ; stichen, piquer, etc. Dans la basse latinito, stecho est devenu staca,

111 d’où lo français attacher et estocade ; l’espagnol, estaca, pieu ; l’italien, stacca, clou, piquet-d’où staccato, nom d’un certain coup Jàrchet dans un passage joué par les violons

— le provençal ; estacar, attacher, etc.). Lier, fixer au moyen d’une attache : Attacher avec une corde, avec un cordon. Attacher la vigne aux échalas. Attacher son cheval à un poteau. On lui attacha les mains derrière le dos. Attachez ces ’pièces ensemble. (Àcad.) Nous attachâmes nos chevaux à -des arbres qui bordaient le grand chemin. (Le Sage.) Pedro, qu’as-tu fait de nos montures ?

Seigneur, je les ai attachées à la tjrille. (Le Sage.) Quand le despote attache la chaîne au pied de l’esclave, la justice divine rive l’autre bout au cou du tyran. (B. de St-P.) Vois quel beau diadème il attache à. ton front !

Il Fixer à autre chose, à l’aide d’un corps ou par un procédé quelconque : Attacher avec un clou, avec une épingle, avec des crampons. Attacher avec de la colle. Le premier soin de

de leurs mères. (Boss.) Il Servir de lien, d’attache à : Les cordons attachent tes souliers. Le clou attache le cadre au mur. Le pédicule .’attache la feuille à la branche. Je voudrais bien savoir si une demi-douzaine d’aiguillettes ne suffit pas peur attacher un haut-dechausses. (Mol.)

— Par ex’t. Fixer, porter fixement : Attacher ses yeux, ses regards sur une personne, ^sur une chose. Il Attirer, en parlant des regards : C’est un spectacle qui attache tous les

Partout de l’univers yatlacfierais les yeux. Tandis que je croyais

Attacher sur moi seul les yeux de l’univers... Corneille.

« — Retenir en un lieu par l’attrait, par le devoir ou par une autre cause quelconque : La Providence a, pour ainsi dire, attache les pieds de chaque homme au. sol natal par un aimant invincible. (Chateaub.) Louis, les animant du feu de son courage, Se plaint de sa grandeur qui l’attache au rivage.

BOILEAU.

— — Adjoindre, mettre au service ou à l’usage

de : Attacher un domestique à sa maison.

Attacher des animaux à une exploitation.

Attacher un diplomate à une ambassade. Il

Associer, allier : Attacher son avenir au sort t d’un ami. Attacher son nom à une époque, à

  • un événement. Nous considérons comme une

monstruosité, (/’attacher des paroles à’ia

musique. (A. Rarr.)

Voulez-vous l’attacher à l’objet de sa haine ?

. Corneille.

Pour mieux assurer la honte de leurs fers,

. Tous voulaient à leur chute attacher l’univers. Corneille.

tendais pas moins de cet amour de gloire

il Mettre sous l’action, sous l’empire de ; livrer à : Il se vantait insolemment qu’il avait trouve le secret Rattacher à Métellus un remords et une furie vengeresse. (Vertot.) En tuant le duc d’Ënghien, Bonaparte attacha un poids à sa vie. (Cfiateaub.)

Rome à ce nom si noble et si saint autrefois Attacha pour jamais une haine puissante.

Racine.

Tu te fais une joie orgueilleuse et cruelle D’attacher sur mon front une honte éternelle. C. Delavione.

Il Faire dépendre de : Cette mère attachait son bonheur à celui de ses enfants. (Acad.) Ce n’est pas à cela qu’il attache sa réputation. (Acad.) Ce plaisir si pur et si doux que les dieux ont attaché à la seule vertu... (Fén.) Les uns attachent leur vie au succès, les autres au malheur. (Chateaub.)

Rome n’attache point le grade à la noblesse. Corneille.

lie ciel n’attache point mon bonheur h ses jours.

Je réponds d’un

vie où j’attache la n

n’attacher tout i

l’êtes cruel, que vous m’êtes injuste

Corneille.

jours de cette infortunée

Mâché le bonheur d(

Il Attribuer, prêter, accorder : Attacher de l’importance à une chose. Attacher des émoluments à une charge, à un emploi. Attacher

ATT.

une signification à un mot. <T attache beaucoup de prix à votre suffrage. (Acad.) Les hommes ont attaché des noms pompeux à toutes les entreprises des passions. (Mass.) On crut qu’en faveur des hommes, Dieu pourrait bien avoir attaché aux plantes des vertus surnaturelles. (Boss.) H a attaché de l’honneur et de la gloire à une action folle et extravagante. (La Bruy.) Il les habitua à définir avec exactitude les idées qu’ils attachaient aux mots. (Barthél.) Le bonheur et te malheur sont en nous, et dépendent de l’opinion que nous attachons aux choses. (De Ségur.) La facilité de parler est la facilité ^’attacher des mots aux pensées. (De Bonald.) On dirait que la nature attache à l’amour une révélation de l’immortalité, (A.-Martin.) 72 aplu à Dieu d'attacher la douleur à noire nature. (Bastiat.) L’homme iî’attache aucun prix aux plaisirs obtenus sans efforts. (Latena.) Les janissaires attachaient à leurs marmites une influence superstitieuse. (Michelet.) Si j’en savais le nom, là juste défiance Pourrait à ses défauts imputer ma constance, À son peu de mérité attacher mon dédain. Et croire qu’un plus digne aurait :

— Fig. Donner de l’attachement ou du goût pour, lier à : Ce bienfait n»’attache à vous pour jamais. (Acad.) Ce n’est pas ta fortune qui nous. ATTACHE à toi. (Vaugel.) Nos occupations et nos exercices, nos conversations et nos divertissements nous attachent continuellement aux choses externes. (Boss.) Une manque souvent à un ancien galant, auprès d’une femme qui /’attache, que le nom de mari. (La Bruy.) La beauté de madame de Longueville, son esprit et tous les charmes de sa personne attachèrent à elle tout ce qui pouvait espérer d’en être souffert. (La Kochef.) Chez les animaux, la saison des amours est fort courte, et, passé cette saison, rien «’attache plus les maies à leurs femelles. (BuQ*.) One invincible et douce habitude «j’attache à toi depuis mon enfance. (J.-J. Rouss.) Une religion chargée de beaucoup de pratiques attache plus à elle qu’une autre qui l’est moins. (Montesq.) L’agriculture attache l’homme au sol qu’il cultive. (Condorcet.) Il faut aux hommes une autre autorité que le raisonnement pour les attacher à l’observation de leurs devoirs. (Mme Necker.) C’est lorsque nous sommes éloignés de notre pays, que nous sentons surtout l’instinct qui’nous y attache. (Chateaub.) Depuis six ans, il avait pensé à moi comme au seul cœur auquel il voulût attacher te sien. (Lamart.) Le bonheur est la seule chaîne qui puisse attacher les sujets à leur souverain. (De Guib.) L’amour plus que toute autre passion nous attache à la terre, et il ne vient pas de la terre. (Custine.) La cupidité attache l’homme au créé en le détachant du créateur. (Le P. Félix.) On prétend malgré moi m’altacher à la vie. Racine. tin oracle effrayant m’attache à mon erreur.

11 est des rois pour elle, et pour vous des princesses. Corneille.

— Provoquer l’attention, l’intérêt, l’affection de : Dans une narration, il faut savoir attacher l’esprit par le choix et par l’amas des plus considérables circonstances. (Boil.) L’histoire attache le lecteur par le récit des événements merveilleux. (Boil.) Si le monde «’attachait les hommes que par le bonheur de leur condition présente, comme il ne fait point d’heureux, il ne ferait point d’adorateurs. (Mass.) Dès que vous ne trouverez plus rien au dedans de votre maison qui vous fixe, qui vous attache, qui remplisse le vide de vos journées, il faudra l’aller chercher dans le monde. (Mass.) Aucun des objets qui me frappent Rattache mon cœur. (J.-J. Rouss.) Dans Bossuet, l’auteur vous échappe entièrement, et ne vous attaché qu’à ce qu’il dit. (La Harpe.) Il y a dans la vie du marin quelque chose d’aventureux qui nous plaît et qui nous attache. (Chateaub.) Mon âme, qu’aucune passion n’avait encore usée, cherchait vn objet qui pût /’attacher. (Chateaub.)

Inventei des ressorts qui puissent m’altacher.

D Appliquer, adonner : Attacher son esprit à la lecture, son cœur au devoir. Platon, sur qui les grands objets faisaient toujours une forte impression, attachait son âme sur les gouffres que la nature a creusés au fond des mers. (Barthél.)

— Absol. Provoquer l’attention, l’intérêt ou l’affection : Vous dites que vous ne contez pas bien ; je ne connais personne qui attache autant que vous. (Mme de Sév.) Pour qu’une religion attache, il faut qu’elle ait une morale pure. (Montesq.) Cette histoire de sauvage attache, c’est la peinture d’un homme malheureux. (Grimm.) La beauté plait, l’esprit amuse, la sensibilité passionne, la bonté seule attache. (La’Rochef.-Doud.)

Voilà ce qui surprend, frappe, saisit, attache.

— Prov. Attacher un clou à la roue de la fortune, La fixer, être en train de s’enrichir.

ATT

S’attacher, v. pr. Être lié, fixé ; adhérer fortement : Ces boutons s^ttachent facilement sur le revers de la manche. La poix s’attache aux doigts. La rouille s’attache au fer. Le givre s’attachait à nos cheveux et à nos moustaches. La tunique du centaure s’attacha à la peau d’Hercule. Ma peau s’est attachée à mes os ; j’ai langui à force de gémir. (La Harpe.) Il lutta contre la soif jusqu’au moment où il sentit sa langue s’attacher à son palais. (Alex. Dum.) Le naufragé s’attache ou mût du navire et tend les bras vers le rivage. (Ste-Beuve.)

— Fixer près de soi, prendre à son service : Il s’est attaché un commis, un rédacteur. Le prince se /’attacha en qualité de secrétaire. (Grimm.)

.’—.Se fixer, s’arrêter sur, en parlant du regard : Tous les regards s’attach ; ’ '

— Être la conséquence ou l’accompagnement de : La honte, l’opprobre s’attache à de tels crimes. La vogue s’attache à ce qui est nouveau. (Acad.) Souvent une expression énergique s’attache à la vie d’un homme coupable, et fait un avec lui dans le jugement du public. (Mme de Staël.) La victoire s’attachera au parti populaire, toutes les fois qu’il sera dirigé par un homme de génie. (Chateaub.) Le souvenir souffrant s’attache à l’espérance Comme un enfant malade aux lèvres de sa sœur.

m’échappera pas. (Acad.) Cenvie „, .„„ „„..u mérite ; la haine s’attache à la personne. (La Bruy.) La calomnie s’attache de préférence au mérite le plus éclatant. (S. Dubay.)

Vous me fuyez en vi

— Rechercher :

La chèvre s’attache au cytise, L’agneau broute le serpolet.

Lamartine.

— S’appliquer, se livrer avec ardeur : s’attacher à l’étude, s’attacher au barreau. s’attacher à la profession des armes. Il ne s’attache qu’à vous être utile, qu’à vous plaire. C’est un homme qui ne s’attache qu’à des bagatelles. (Acad.) Je me suis attache principalement à vous découvrir les causes universelles. (Boss.) L’éducation des enfants est une chose à quoi il faut s’attachei» fortement. (Mol.) Les hommes ne s’attachent pas assez à ne point manquer les occasions de faire plaisir. (La Bruy.) Attachez-vous bien à ces petits passages que je vous ai marqués. (Dancourt.) Plusieurs s’attachent à recueillir les données géographiques, historiques et scientifiques qui sont éparses dans les livres sanscrits. (J. Reynaud.) Leur sensibilité ne s’exerce plus qu’à table et ne s’attache qu’aux choses qui concernent le bien-être. (Balz.) Quiconque s’attache à la possession est esclave de ta possession. (Le P. Félix.) S’attacher aux choses importantes n’est pas un motif pour négliger les détails. (LaRochef.-Doud.) Puisque le sentiment héroïque est la cause du reste, c’est à lui que l’historien doit s’attacher. (H. Taine.)

Chacun à son métier doit toujours s’attacher.

La Fontaine.

C’est la l’unique étude où je veux m’altacher,

BoiLËAU.

L’âme, de son dessein justement possédée, S’attache aveuglément a sa premi4-» "«»

Et je soupçonne !

Corneille.

'attache à tout ce que je veux !

Boileau.

Il Prêter de l’importance, donner son attention à : Il passe encore pour le plus beau auprès de ceux qui ne s’attachent pas à la dernière sévérité des règles. (Coru.) La régularité ne s’attache qu’à la forme extérieure. (V. Hugo.)

Mais elle-même, hélas ! de ce grand nom charmée,

S’attache au bruit heureux qur ’- :’

— Se dévouer, se consacrer : S’attacher à la fortune d’un ministre. (Acad.) Je m’attache à tout votre destin. (Mol.)

Je m’attache un peu moins aux intérêts d’un homme. Corneille.

— Fig. So lier d’amour, d’amitié ou par quelque autre sentiment ; prendre du goût pour : S’attacher à une femme. Il est bien naturel de s’attacher à ceux qui nous font du bien. Ils se sont attachés l’un a l’autre par une amitié réciproque. (Acad.) Le chien s’attache à son maître. (Acad.) C’est ainsi que les peuples s’attachent aux maisons royales. (Boss.) On aime la terre où l’on habite ensemble ; on la regarde comme une mère

Dieu ne désespère, parce qu’il n’est

jamais sans ressource. (Boss.) Qu’est-ce que l’épiscopat, quand il se sépare de C Église, qui est son tout, aussi bien que du saint-siége, qui est son centre, pour s’attacher, contre sa nature, à la royauté comme à son chef ? (Boss.) Il est étrange à combien de choses l’âme s’at’ tache, et combien il lui faut de petits appuis pour la tenir en repos ! (Nicole.) Les choses de la terre ne méritent pas qu’on s’y attache. (Nicole.) Plus nous mous attacherons à la vie, plus la fin en sera amère. (Fén.) Dieu ne veut pas que notre cœur s’attache otl notre bonheur ne se trouve point. (Mass.) Quand on vous connaît, il est impossible qu’on ne s’attache entièrement à vous. (Mme de Sév.) Je remarquai un homme dont la simplicité me plut : je m’attachai à lui ; il s’attacha à moi, en sorte que nous nous trouvions toujours l’un auprès de l’autre. (Montesq.) Les jeunes gens s’attachent à ce qu’ils veulent acquérir, et les vieillards s’attachent d ce qu’ils craignent de perdre. (St-Evrem.) Je faisais la cour a toutes les dames sans m’attacher à aucune. (Le Sage.) Nous mous attachâmes l’un à l’autre ; nous devînmes inséparables. (Le Sage.) J’ai l’ùme aimante, et je me suis toujours attaché aux gens, moins à proportion du bien qu’ils m’ont fait que de celui qu’ils m’ont voulu faire. (J.-J. Rouss.) Plus le cœur perd, plus il s’attache à ce qui lui reste. (J.-J. Rouss.) Le cœur a besoin de s’attacher. (J.-J. Rouss.) Ce n’est que par le cœur que l’homme peut s’attacher à la vertu. (Portalis.) La nation s’attache à ses représentants, quand c’est elle-même qui les choisit. (M’"c de Staël.) Non, non, c’est à Dieu seul qu’il faut nous attacher.

Mon cœur s’attache h toi par d’invincibles charmes. Corneille.

Il Lier à soi par l’affection : Ce n’est oue par de bons traitements qu’on s’attache les bons serviteurs. Jai su me /’attacher par les services que je lui ai rendus. (Acad.) Les généraux commencèrent à s’attacher leurs soldats. (Boss.) 77 s’attacha la populace par ses largesses. (Barthél.) Une femme est le meilleur ami qu’on puisse s’attacher. (J. Droz.) Un pouvoir intelligent s’àttachb tes communes, les paroisses, les confréries, par des cadeaux, des subventions, des commandes. (Proudh.)

— Loc. poét. S’attacher au char de quelqu’un, Se livrer tout entier à ses intérêts, abdiquer pour lui ou pour elle toute liberté, toute volonté propre ; reconnaître, avouer sa victoire sur nousjso déclarer ou se rendre son esclave. Il S’attacher au char d’une femme, Se mettre au nombre do ses adorateurs, il S’attacher au char de la fortune, Chercher à s’enrichir.

— Absol. Prendre de l’attachement, former des liaisons : C’est un homme qui sjattache facilement. Dire que le chat ne s’attache point, c’est une injustice. Les caractères mobiles et légers s’attachent peu. On s’attache fortement quand on s’attache difficilement. (Buff.) La jeunesse ressent un vif besoin d’admiration : elle aime à s’attacher. (Balz.) I ! So fixer, se cramponner à quelque chose : Le lierre meurt s’il ne s’attache pas. (H. Beyle.) Je meurs où je m’attache. (Devise de la constance.)

— Peint. Les objets s’attachent dans ce tableau, Ils paraissent se toucher, tenir ensemble, quoique l’artiste ait-eu l’intention de les montrer séparés par un espace.

— Manég. Se dit d’un cheval qui, au lieu de céder, se pousse du côté d’où lui vient le coup d’éperon : Ce cheval s’attache.

— Syn. Attacher, lier. On lie ensemble les parties dont on veut faire un tout : La chaux et le ciment lient les pierres. (Acad.) On attache une chose a une autre : Nous attachâmes nos chevaux à des arbres qui bordaient le grand chemin. (Le Sage.) Au figuré, on lie pour empêcher d’agir ; on attache pour mettre dans un état de dépendance : Quand on S’attache imprudemment à un parti, on finit par s’y trouver lié. (Le Sage.)

V. affermir.

— Antonyme. Détacher.

— Allu3. littér. Attacher le grelot, allusion. à la fable de La Fontaine : Conseil tenu par les Rats. Ceux-ci, décimés par le terrible Rodilardus, se réunissent pour aviser à un moyen de salut :

Dès l’abord, leur doyen, personne fort prudente, Opina qu’il fallait, et plus têt que plus tard, Attacher un grelot au cou de Rodilard ;

Qu’ai

and il ir

Dans l’application, Attacher le grelot signifie faire le premier pas dans une entreprise difficile et hasardeuse :

« Un jour, le jeune roi Jacques le s’amusait à jouer avec les compagnons de son enfance et de ses études, lorsque Buchanan, qui était a lire, les pria de faire un peu moins de bruit. Comme ils ne tenaient aucun compte de ses remontrances, Buchanan dit à Sa Majesté que, s’il ne voulait pas se taire, il lui donnerait le fouet. Le roi lui répondit qu’il serait charmé de connaître celui qui, dans cette occasion, se chargerait d’attacher le grelot. » (Curiosités de la littérature.)

« Il y a assez longtemps que les maris sont ridicules ; a votre tour, messieurs les amants ! il faut enfin qu’un homme de cœur vous châtie et vous flétrisse. Un procès, entendez-vous, un procès qui dépoétise vos amours : il ne s’agit que d’attacher le grelot ; eh bien, je l’attacherai, moi ; les autres me suivront. » E. Legouvé.

« L’initiative de la réforme des hôtels aura été due, chez nous, à deux hommes d’imagination et d’esprit, et j’ajouterai de courage, car il. faut être tout cela en ce temps pour oser rompre en visière à la routine, et avoir le courage civil d’attacher le grelot d’une importation, d’une nouveauté nécessaire. •

FÉLIX MOKNAND.

« Le chien ne fut pas plus tôt posé par terre, qu’il courut droit au loup en brave et bon chien. Le loup rangea sa queue sous son ventre, s’affaissa sur son train de derrière et attendit ; car, chose remarquable, dans ces sortes de combats, quelle que soit la bête donnée pour adversaire, c’est toujours le chien. qui attache le grelot et commence la bataille. » Th. Gautier.

« M. Sainte-Beuve a rendu un immense service à la Uttérature et a la morale, en attachant le grelot a la gloire de Béranger. On ne peut s’étonner qu’il n’ait pas, dès le premier jour, mené jusqu’au bout cette œuvre de bonne justice. Il n’a pas encore donné l’assaut, mais il a ouvert la tranchée : c’est à nous maintenant d’y passer. > A. de Pontmartin.

— Allus. llttér. Se plaint de ma fraudeur

qui l’nuucue au rivage, allusion à un vers de Boileau dans son épître au roi, intitulée : le Passage du lihin :

La Salle, Beringhen, Nogent, d’Ambre, Cavoifl, Fendent le» flots tremblants sous un si noble poids. Louis, les animant du feu de son courage, S’, idaint de ea grandeur qui l’attache au rivage. Ce morceau de Boileau, qui est son chefd’œuvre comme poésie, a reçu du rudes attaques, au point de vue de la vérité historique et de la dignité de l’écrivain. Ce fameux passade, qu’il a célébré en style épique, n’était qu un tait militaire à peine digne d’être mentionné : les forts du Tholus, de Skink, étaient, à ce qu’il paraît, de simples granges ou des maisons de péage. Mais ou la critique a trouvé le plus à reprendre, c’est dans cette grandeur qui attache un roi au rivage. « En cette occasion, dit un historien, la grandeur du roi ne l’attache pas au rivage ; elle le porte bien plutôt à l’autre bord. Louis XIV avait beaucoup de valeur, mais ses courtisans la rendaient inutile par le taux empressement qu’ils avaient à l’éloigner de l’action On ne voit que trop de ces flatteurs zélés. plu3 occupés à.représenter le danger à leurs supérieurs, que portés à s’y exposer eux-mêmes. Despréaux a pris ici le change : un homme d’esprit comme lui ne devait pas s’y tromper, i

Ce vers célèbre se.cite toujours ironiquement et en parlant de quelqu’un qui craint de compromettre xa dignité par des scrupules qui ne sont pas justifiés :

« Courons maintenant du bureau de la Chambre aux sommets orageux de l’Assemblée ; saluons les excentriques. Us sont bien six ou huit quelque part là-haut. D’abord M. Em. Arago ; puis M. Barbes, que M. Louis Blanc ira sans doute rejoindre, depuis qu’il s’est affranchi des grandeurs importunes gui l’atchaient au rivage. » V. de Mars.

« Le Commodore restait attaché au rivage, non à cause de sa grandeur, mais de son poids, qui eût fait sombrer la frêle embarcation. Il attendait sa nièce au débarcadère. ■ Th. Gautier.

« Autour de lui, le printemps faisait éclater les’ bourgeons des arbres. Tout verdissait, excepté les chênes, qui sont toujours en retard, comme si leur grandeur les attachait au rivage.Ed. abodt.

« Comme les moines de Byzanoe, les ministres et les serviteurs du roi avaient usé les dernières minutes qui leur restaient en disputes stériles et sans s’arrêter à aucun plan. Ou avait proposé, comme résolution suprême, de fortifier les Tuileries et de s’y défendre contre l’usurpateur. Louis XVIII, que sa grandeur attachait au rivage, attendait majestueusement que ses ministres fussent d’accord pour adopter une opinion. •

Louis Combes.

Muse, quel fut celui qui, bouillant d’un beau zèle, S’élança le premier des tentes de Villèle ? Ce fut toi, feyronnet ! Les Gascons, a ta voix, Fendent tel flot» tremblant» sou» un ri noble poids.

Villèle, ea les voyant s’e’lancer à la nage, Se plaint de sa grandeur qui l’attache au rivage. Barthélémy et Mért.