Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abcès s. m. (supplément 2)

Administration du grand dictionnaire universel (17, part. 1p. 9).

* ABCÈS s. m. — Encycl. Méd. On distingue quatre sortes d’abcès, savoir : les abcès chauds, les abcès froids, les abcès par congestion et les abcès métaslaligues. Les uns et les autres présentent des symptômes locaux : rougeur, chaleur, douleur, gonflement, fluctuation, et des symptômes généraux : fièvre, inappétence, insomnie, malaise, etc.

— I. Abcès chauds ou phlegmoneutc. Ils surviennent le plus souvent à la suite de contusions, de violences, de corps étrangers pénétrant dans les chairs ou dans les organes, et les irritant au point de produire une inflammation suppurative. Quelquefois ils se développent sans cause connue. Toujours leur marche est aiguë, rapide. Il faut donner issue au pus de bonne heure, pour qu’il ne fuse pas dans un organe important.

Le plus difficile est desavoir quand l’abcès est mûr. S’il est superficiel, la chose sera simple. On se trouvera en présence d’une tumeur rouge, lancinante, circonscrite, dure à la circonférence et molle au centre. Il suffira de donner un coup sec avec la pulpe des doigts d’une main pour percevoir avec les doigts de l’autre placés à une certaine distance la sensation de fluctuation qui annoncera d’une manière évidente que le phlegmon s’est abcédé et qu’il est temps de l’ouvrir.

Si l’abcès est profond, le diagnostic en deviendra parfois à peu près impossible. Il faudra avoir recours k une ponction exploratrice faite avec un trocart ou avec un bistouri à petite lame. Les quelques gouttes de pus qui sortiront seront l’indice de sa présence dans la profondeur des tissus. Dès lors on pourra ouvrir largement, sans crainte de se tromper et de confondre un abcès avec un anévrisme, un cancer, un lipome ou un kyste.

Quant au traitement, il doit être abortif ou curatif.

Le traitement abortif consiste k employer les émissions sanguines (saignée, sangsues), les cataplasmes, les onctions résolutives, les vésicatoires volants, la diète, les boissons délayantes, les purgatifs, et encore parvienton rarement à arrêter les progrès du mal.

Le traitement curatif devient alors de rigueur. On ouvre l’abcès avec un bistouri. On introduit ensuite une mèche de charpie dans la plaie pour favoriser l’écoulement du pus. Mais on n’y réussit pas toujours. Il faut, dans ce cas, pratiquer une nouvelle incision dans la partie la plus déclive ; on fait alors passer une bandelette de linge à travers les deux ouvertures, et on ne la retire que lorsque les deux plaies sont k moitié cicatrisées.

Rien de plus simple d’ailleurs que les pansements : tenir des cataplasmes émollients sur l’abcès pendant les deux ou trois premiers jours qui suivent l’incision ; mettre plus tard un linge troué trempé dans l’eau phéniquée, un plumasseau de charpie, quelques compresses, et maintenir le tout en place par plusieurs tours de bande. Tel est le résumé du pansement qui doit être appliqué deux fois par jour jusqu’à complète guérison.

— II. Abcès froids ou chroniques. Ces abcès s’observent fréquemment chez les enfants, les femmes, les individus doués d’un tempérament lymphatique ou scrofuleux. Ils surviennent tantôt d’emblée, tantôt à la suite d’une inflammation franche qui a passé à l’état chronique.

Leur début est marqué par une tumeur indolente, sans chaleur, ni changement de couleur à la peau. Cela dure des semaines et des mois jusqu’au moment où un commencement de fluctuation commence à paraître vers le point central. Dès lors la tumeur se ramollit, la peau devient violacée, une légère douleur se fait sentir et l’ouverture du foyer s’opère seule, si l’on n’a pas pris la précaution de la prévenir par une incision méthodique.

C’est ainsi que les choses se passent dans les adénites scrofuleuses, les tumeurs blanches, les engorgements ganglionnaires où le pus est beaucoup plus aqueux que dans les abcès chauds.

Ici le traitement doit être k la fois local et général.

Dans le premier cas, il est indiqué d’ouvrir l’abcès par ponction, par incision ou avec les caustiques, tels que la potasse ou la poudre de Vienne, et, si la suppuration ne tarit pas, de faire des injections avec la teinture d’iode, l’eau phéniquée, etc. Dans le second cas, il faut réconforter les malades k l’aide des toniques et des dépuratifs dont les tisanes amères, les solutions d’iodure de potassium ou d’arséniate de soude, les sirops d’iodure de fer, de raifort iodé, le vin de quinquina, les eaux minérales, sulfureuses, les bains de mer, le régime, l’exercice et le grand air forment les principaux.

— III. Abcès par congestion ou os&ifluents. On appelle ainsi des abcès qui ont pour point de départ une lésion osseuse : que ce soit l’ostéite, la carie ou, la nécrose, ou bien la production de matière tuberculeuse. S’ils se développent au voisinage de l’os malade, on les appelle sessiles ; s’ils fusent au contraire dans une région plus ou moins éloignée, on leur donne le nom de migrateurs. Ce sont des abcès froids dont le diagnostic avec les abcès froids idiopathiques devient quelquefois d’une difficulté extrême. Il est urgent


cependant de savoir les différencier les uns des autres ; car, tandis que les premiers finissent par guérir au bout d’un cartain temps, les seconds occasionnent le plus souvent la mort par infection putride.

Aussi le traitement n’est-il plus le même ; il offre trois indications diverses : l° traiter la lésion osseuse (v. ostéite, carie, nécrose, au Grand Dictionnaire) ; 2<> traiter l’abcès qui ne doit être ouvert que si la lésion est guérie, à moins qu’il ne soit sur le point de se percer de lui-même, dans lequel cas il e^t préférable de faire une incision sous-cutanée ou une ponction aspiratrice pour éviter la résorption du pus ; 3° agir sur les fistulespar des injections antiseptiques et cicatrisantes.

Tous les os du squelette humain et principalement les vertèbres, les côtes, l’omoplate, l’os coxal, le fémur, le tibia, peuvent occasionner des abcès de cette nature.

— IV. Abcès métaslaligues. Ce sont des abcès chauds qui surviennent à la suite de plaies ou d’opérations chirurgicales Ils débutent par des frissons répétés, siègent de préférence dans le poumon, le foie, les reins, le cerveau, sont presque constamment mortels et sont toujours produits par l’infection purulente.