Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Paul (PANÉGYRIQUE DE SAINT), par Bossuet

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 2p. 420-421).

Paul (panégyrique de saint), par Bossuet, On en ignore la date précise. Il fut prononcé, selon M. Flocquet, le 29 juin 1657, à l’hôpital général de la Salpêtrière ouvert aux pauvres par Vincent de Paul. Mais ce n’est là qu’une conjecture. M. Lachat, dans son édition des Œuvres complètes de Bossuet purgées des interpolations et rendues à leur intégrité (1861-1864), propose la date 1661 et présente des raisons moins plausibles. Le manuscrit en fut perdu lorsque, en 1710, l’abbé Bossuet, son neveu, évêque de Troyes, emporta dans son diocèse les manuscrits de son oncle. Il avait fait un autre panégyrique de saint Paul, qui eut un très-grand succès ; l’exorde en était fameux et commençait par ces mots : Surrexit Paulus. Ce panégyrique, malgré les qualités vigoureuses de style, n’est qu’une amplification oratoire. Bossuet oppose sans cesse la faiblesse et les infirmités de l’apôtre à la grandeur de son œuvre, pour nous y faire apercevoir le doigt de Dieu.

Saint Paul triomphe par ses faiblesses mêmes : 1° dans les prédications qui établissent l’Église ; 2° dans ses combats qui l’affermissent ; 3° dans le gouvernement ecclésiastique qui la maintient au dedans. Telle est l’œuvre de saint Paul, ses fatigues et ses voyages, ses périls et ses persécutions, ses inquiétudes dans le soin de conduire toute l’Église. Le texte est bien choisi : Placeo mihi in infirmitatibus meis. Bossuet le ramène plusieurs fois dans l’exorde. Chez Bossuet, le texte est très-important, il fait corps avec le sujet, il n’est jamais emprunté à une circonstance accessoire, il résume l’idée fondamentale du discours.

Le premier point est consacré aux prédications de saint Paul : ce n’est pas par l’éloquence humaine qu’il a abattu devant lui la majesté des faisceaux romains, c’est par une secrète et divine vertu qu’il a captivé tous les entendements. C’est là que se trouve le passage souvent cité : « Il ira, cet ignorant dans l’art de bien dire, avec cette locution rude, avec cette phrase qui sent l’étranger, il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs ; et, malgré la résistance du monde, il y établira plus d’Églises que Platon n’y a gagné de disciples par cette éloquence qu’on a cru divine. Il prêchera Jésus dans Athènes, et le plus savant de ses sénateurs passera de l’Aréopage en l’école de ce barbare. Il poussera encore plus loin ses conquêtes ; il abattra aux pieds du Sauveur la majesté des faisceaux romains en la personne d’un proconsul, et il fera trembler dans leurs tribunaux les juges devant lesquels on le cite. Rome même entendra sa voix, et un jour cette ville maîtresse se tiendra bien plus honorée d’une lettre du style de Paul adressée à ses citoyens que de tant de fameuses harangues qu’elle a entendues de son Cicéron. »

Second point. La parole du Christ a sans doute une grande efficacité, mais elle ne suffit pas ; il faut quelque chose de plus violent pour vaincre la dureté du monde, il faut l’émouvoir par l’effusion du sang. « Lorsque j’aurai été mis en croix, a dit Jésus-Christ, je tirerai à moi toutes choses. Saint Paul suit cet exemple, il porte partout la croix victorieuse du Christ. « Je veux, dit-il, accomplir ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ. — Que dites-vous, ô grand Paul ? s’écrie Bossuet. — Je remplirai, répond l’apôtre, toutes les nations de son sang et de son Évangile. » Bossuet prend un exemple particulier, saint Paul à PhilippEs-, et raconte à ce propos une légende apocryphe.

Troisième point. L’Église se gouverne par la faiblesse, l’empire de l’Église est fondé sur la charité ; ce n’est pas une domination, c’est un ministère dont elle s’acquitte. Cette charité se fait infirme, porte les maux des fidèles, rend leurs souffrances siennes : exemple de saint Paul qui se met jusque dans les moindres choses à la place des fidèles, et s’oblige à gagner sa vie et à travailler pour être indépendant.

Ce panégyrique est bien construit ; chaque partie se trouve consacrée à un fait principal : d’abord Paul à Athènes, triomphant par sa parole ; puis Paul avili, jeté en prison ; enfin Paul transfiguré par la charité et donnant l’exemple du travail. Comme œuvre oratoire, ces morceaux symétriques ont de l’intérêt ; mais ils n’offrent pas la moindre trace de critique et ne parviennent aucunement à convaincre.