Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Paul (HÔTEL Saint), résidence royale des Valois

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 2p. 423).

Paul (hôtel Saint-), résidence royale des Valois, qui occupait tout l’espace compris depuis la rue Saint-Paul jusqu’aux Célestins et depuis la rue Saint-Antoine jusqu’à la Seine. Le dauphin Charles de France, fils du roi Jean et régent du royaume, voulant avoir à Paris une habitation royale qui fût le plus près possible de Vincennes, acheta, en 1361, l’hôtel d’Étampes, situé rue Saint-Antoine, près de l’église Saint-Paul ; le prix de cette acquisition fut payé par la ville, en réparation du meurtre des deux chambellans, Robert de Clermont et Jean de Châlons, massacrés pendant les troubles de la prévôté d’Étienne Marcel. En 1360, le dauphin avait déjà acheté une maison située rue Pute-y-muce (par corruption Petit-Musc). En 1362, il acquit encore l’hôtel de l’abbé et des religieux de Saint-Maur et, en 1365, l’hôtel de l’archevêque de Sens ; sur l’emplacement de ces différentes propriétés, il commença la construction de l’hôtel Saint-Paul, ainsi appelé du voisinage de l’église de ce nom. Le dauphin Charles, qui fut bientôt Charles V, donna à l’hôtel Saint-Paul le nom d’Hostel solennel des grands esbatemens, et, par édit du mois de juillet 1364, il déclara l’ensemble des propriétés qui composaient l’hôtel Saint-Paul uni au domaine de la couronne et ordonna qu’il n’en fût jamais démembré pour quelque cause et raison que ce pût être. Quelque vaste que fût l’emplacement de l’hôtel Saint-Paul sous Charles V, ses successeurs y ajoutèrent encore par leurs acquisitions. Cette construction ne formait pas un ensemble architectural homogène ; il se composait d’un grand nombre de petits hôtels disposés sans ordre dans une même enceinte et dont chacun portait un nom particulier. Ainsi on distinguait les hôtels de la Pissotte ou de la Reine, des Lions, de Beautreillis, de Pute-y-muce, l’hôtel Neuf, du Pont-Perrin, etc. Sauval, Piganiol de La Force et d’autres font figurer le château de la Bastille parmi les dépendances de l’hôtel Saint-Paul. Cette résidence fut le théâtre des événements les plus remarquables de la vie de Charles V, de Charles VI et de Charles VII. On y donna des fêtes splendides, où se déployèrent toutes les pompes de la royauté ; par un sombre contraste, il fut envahi et ensanglanté par les cabochiens ; Charles VI y traîna les dernières années de sa lamentable existence ; Jeanne de Bourbon et Isabeau de Bavière y moururent.

Le grand corps de logis de l’hôtel Saint-Paul et la principale entrée s’ouvraient du côté de la Seine, sur le quai des Célestins. On trouvait dans cette immense résidence de vastes appartements, la plupart accompagnés de chapelles, de jardins, de préaux et de galeries, pour le roi, la reine, les enfants de France, les princes du sang, le connétable, les chanceliers et les principaux personnages de la cour. On comptait, dans l’hôtel Saint-Paul, six préaux, douze galeries, huit grands jardins, plusieurs cours dont une était si spacieuse que les chevaliers y joutaient ; on la nommait la cour des Joutes. Les appartements occupés respectivement par le roi et la reine étaient d’une richesse, d’une magnificence incomparables, et Sauval, ainsi que d’autres historiens, en fait des descriptions enthousiastes. Toutefois, bien que Charles V eût défendu, en 1364, de détacher l’hôtel Saint-Paul du domaine de la couronne, la splendeur de cette résidence ne dura guère plus d’un demi-siècle. Dès le commencement de son règne, Charles VII la négligea et, en 1437, il l’abandonna définitivement pour l’hôtel des Tournelles ; suivant Dulaure, le séjour de l’hôtel Saint-Paul était devenu malsain par les exhalaisons des égouts et des fossés de la ville, construits dans son voisinage. L’hôtel abandonné fut démembré dès le règne de Louis XI ; en 1453, ce prince donna à son chambellan, Charles de Melun, une des enclaves de l’hôtel Saint-Paul, l’hôtel de la Pissotte. En 1480, malgré la résistance du parlement, il fit don aux prêtres de la paroisse Saint-Paul de tout l’hôtel Saint-Paul proprement dit. En 1490, Charles VIII livra l’hôtel de Beautreillis à Antoine de Chabannes. En 1519, François Ier, ayant besoin d’argent, vendit pour 2,000 écus d’or, à Jacques de Genouilhuc, dit Galiot, grand maître de l’artillerie, le principal corps de logis du palais, sur le quai des Célestins, avec 34 toises de terrain et de bastion, au coin de la rue du Petit-Musc. La chambre des comptes protesta en vain contre l’aliénation du domaine royal. En 1543, les autres parties de l’hôtel Saint-Paul furent mises en adjudication. Enfin, en 1554, l’hôtel d’Étampes devint la propriété de Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois. L’ancienne résidence royale était complètement démembrée, et on commença, dès la fin du xvie siècle, à percer des rues sur son emplacement.