Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PUY (LE), la Civitas Vellavorum sous la domination romaine, Podium et Anicium en latin du moyen âge, ville de France (Haute-Loire)

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 2p. 436).

PUY (LE), la Civitas Vellavorum sous la domination romaine, Podium et Anicium en latin du moyen âge, ville de France (Haute-Loire), ch.-l. de département, d’arrond. et de deux cantons, à 556 kilom. S.-E. de Paris, par 45° 2’ de latit. N. et 1° 32’ de longit. E., entre la rive droite de la Borne et le Dolezon ; pop. aggl., 15, 990 hab. — pop. tot., 19,233 hab. L’arrond. comprend 14 cantons, 114 communes et 142,747 hab. Évêché suffragant de Bourges, grand et petit séminaire, lycée, écoles normales d’instituteurs et d’institutrices primaires, école de sourds-muets, nombreux couvents, bibliothèque publique ; tribunaux de 1re instance et de commerce ; deux justices de paix. Centre d’une importante fabrication de dentelles et de blondes, occupant dans la ville et aux environs beaucoup d’ouvrières ; tanneries, mégisseries, minoteries, fonderies de cuivre. Commerce actif de bestiaux, chevaux, mules et mulets, vins, grains, légumes, fromages, laines, etc.

La ville du Puy est bâtie en amphithéâtre sur le versant méridional du mont Anis, que couronne le rocher basaltique de Corneille, surmonté depuis 1860 de la statue colossale de la Vierge, à la jonction de trois belles vallées arrosées par la Loire, la Borne et le Dolezon. De quelque côté qu’on y arrive, l’aspect de cette ville est très-pittoresque. « L’énorme masse du mont Corneille, dit Giraud de Saint-Fargeau, recouverte d’édifices jusqu’à sa base et couronnée par le joli bois du séminaire que dominent les ruines d’un antique château, présente différents étages de maisons, à façades blanchies, à toits de tuiles rouges et courbes. Mais cette cité, si jolie en perspective, ne gagne pas à être vue intérieurement. Les rues en sont mal percées, étroites, malpropres et, dans la partie haute, inaccessibles aux voitures ; elles sont pavées avec des débris de brèches volcaniques, et les pluies, les glaces ou les sécheresses les rendent plus ou moins difficiles, glissantes et même désagréables quand on n’a pas l’habitude de les parcourir. » On y remarque de nombreuses antiquités celtiques, telles que rochers-autels, sépultures, grottes, instruments de pierre, etc. ; plusieurs antiquités gallo-romaines, notamment celles de la place du For ; des inscriptions, fragments d’architecture, substructions, débris de colonnes, etc. Le principal édifice de la ville est la Cathédrale ou église Notre-Dame, qui s’élève sur la crête du mont Anis et dont les parties les plus importantes ont été construites du XIe au XIIe siècle. Pour arriver à cette curieuse église, on monte un escalier taillé dans le roc et comprenant 260 marches, qui aboutit à un vestibule ou crypto-portique, dont la voûte a 20 mètres de hauteur et qui se compose de trois travées ascendantes. Dans ce vestibule se trouvent deux chapelles, consacrées à saint Gilles et à saint Martin de Tours et dont les portes sont ornées de sculptures et de deux belles colonnes de porphyre antique. Autrefois, on montait directement du crypto-portique dans l’église ; aujourd’hui, on doit sortir du vestibule par la gauche et monter à la cathédrale par un escalier latéral. La grande façade de l’église Notre-Dame est située au-dessus de l’entrée du crypto-portique. Elle présente quatre ordonnances de colonnes supportant des arcades à plein cintre et d’un aspect imposant et sévère. Un beau porche à colonnes rudentées s’ouvre du côté de l’évêché. L’église est divisée intérieurement en trois nefs, soutenues par de gros piliers, basses et lourdes. Des espèces de coupoles byzantines, qui correspondent aux travées, forment les voûtes. Le maître- autel, en marbre de diverses couleurs, est surmonté d’une statue de la Vierge. D’assez belles sculptures ornent la chaire et l’orgue. On remarque aussi dans l’église des restes de peintures byzantines, dont l’une représente une figure colossale de saint Michel, et des peintures murales qui datent du XVIe siècle. Quant au clocher, qui est carré dans les deux tiers de sa hauteur, il se termine en pyramide et est isolé de l’église, dans la dépendance de laquelle se trouvent un cloître et une salle capitulaire. Outre la cathédrale, nous citerons l’église Saint-Laurent, où se trouve le tombeau de Duguesclin ; l’ancienne chapelle des Templiers, qui passe à tort pour un temple de Diane, etc. Sur le rocher noir appelé mont Corneille, qui termine le mont Anis, s’élève, comme nous l’avons déjà dit, une statue colossale de la Vierge, haute de 16 mètres et faite avec des canons pris à Sébastopol en 1855. La principale promenade de la ville est celle du Breuil ; à peu de distance de la ville se trouve le mont Saint-Michel, surmonté d’une chapelle romane à laquelle on arrive par un escalier taillé dans le roc.

Le Puy, dit aussi Le Puy-en-Velay et Le Puy-Notre-Dame, ne remonte pas à une époque antérieure au Xe et peut-être même au XIIe siècle. Au VIe siècle, cette dénomination ne s’appliquait encore qu’à une montagne (de l’aquitain puich ou puech, hauteur, éminence), et la petite colonie romaine (Anicium), devenue Anis, qui l’avoisinait, n’était guère qu’un bourg dont le domaine appartenait aux ducs d’Aquitaine, comtes particuliers du Velay, lorsque le roi Raoul donna, le 8 avril du consentement de l’un d’eux, Guillaume III, son vassal, à l’évêque du Velay, Adalard, ce bourg contigu à l’église de Notre-Dame-du-Puy, avec toutes ses dépendances. Deux siècles plus tard, Anis disparaît et se confond avec Le Puy, dont le nom a prévalu jusqu’à nos jours. L’église du Puy est donc le véritable berceau de la ville ; son origine se perd dans la nuit de la légende ; quelques historiens n’hésitent pas à lui donner pour premier évêque saint Georges, qu’ils font disciple de saint Pierre et dont l’église collégiale portant ce nom conserve encore aujourd’hui les reliques. Notre-Dame du Puy était célèbre en l’an 1000 et les fidèles y accouraient de toutes parts ; le roi Robert la visita en revenant de Brioude (1029). L’évêque Ayman de Monteil contraignit le vicomte de Polignac à se désister de ses prétentions sur elle (1087), de sorte que le pouvoir des prélats s’augmenta successivement d’une infinité de dotations émanées de la dévotion superstitieuse de l’époque et des concessions de plusieurs places fortes du Velay (1169). Louis le Jeune fut le premier roi de France de la troisième race qui leva un subside dans la ville du Puy, où il était venu deux fois (1138-1146). Le Puy avait auparavant reçu dans ses murs les papes Urbain II (1095), Gélase II et Calixte II, son successeur (1118) ; Alexandre II et Alexandre III (1165) y vinrent également. Dès 1130, un concile s’y était tenu, dans lequel Innocent II avait été unanimement reconnu pape, et Anaclet, son compétiteur, excommunié. Un nouveau concile s’y réunit en 1381, sous la présidence d’un légat d’Alexandre III, afin de combattre l’hérésie envahissante des albigeois. L’ancienne église Notre-Dame continuait, au milieu de ces divers événements, à jouir d’une prospérité et d’une popularité sans cesse croissantes ; le nombre des pèlerins de tout rang, de tout sexe et de tout âge qui y affluaient fut tel, en 1408, que, le jour de l’Annonciation, on ne compta pas moins de deux cents personnes étouffées dans ce prodigieux concours. Philippe-Auguste, avant son départ pour la terre sainte, vint, en 1188, invoquer la protection de Notre-Dame du Puy. Saint Louis eut au Puy, en 1243, une entrevue avec Jacques, roi d’Aragon ; Philippe le Hardi s’y arrêta en 1283 et Philippe le Bel en 1285. Au début des guerres anglaises, Le Puy, devenu une place importante, parvint à arrêter les Anglais. Vers 1419, les seigneurs du Velay eurent de nouveau à lutter contre l’ennemi ; pressés à la fois par les Anglais et par le duc de Bourgogne, ils s’enfermèrent dans Le Puy, y soutinrent un siège opiniâtre et forcèrent les assaillants à battre, en retraite. Peu de temps après, le dauphin, depuis Charles VII, fit son entrée au Puy, après avoir soumis le Languedoc, et créa chevaliers tous ceux qui s’étaient distingués contre les Bourguignons. Il se trouvait au château d’Espaly, près du Puy, lorsqu’il apprit la mort de son père et c’est là qu’il fut pour la première fois salué roi de France (1420-1422). En 1547, la peste, qui avait fait déjà deux apparitions au Puy, en 1482 et en 1521, y sévit tout à coup avec une intensité désastreuse. Les habitants effrayés commençaient à déserter la ville et à s’enfuir dans la campagne, lorsque le fléau s’arrêta. Un an plus tard, Henri II convoqua au Puy la tenue des Grands jours de la province, avec commission d’extirper la malheureuse secte luthérienne. Quelques hérétiques y furent condamnés au feu et subirent leur supplice. Au moment où éclatèrent les guerres de religion, le baron des Adrets, jugeant la possession de cette place d’une importance capitale pour le parti protestant, envoya contre Le Puy un corps de 8,000 hommes. Mais la place tint bon et les protestants durent lever le siège et se retirer avec perte, se bornant à se venger de leur échec par des dévastations stériles exercées dans la campagne environnante. En 1572, l’évêque du Puy, Senectère, fut un des rares prélats qui refusèrent d’exécuter les ordres de massacre venus de Paris, à l’occasion de la Saint-Barthélemy. Sous Henri III, Le Puy adhéra à la Ligue et y demeura fidèle jusqu’à l’avènement de Henri IV, qu’il ne se décida à reconnaître que moyennant une exemption de cinq années d’impôts (1591-1596). Depuis cette époque, l’histoire du Puy n’offre plus que quelques événements sans grande importance ; le seul qui mérite encore un souvenir est l’entreprise audacieuse du fameux chef de bande, Mandrin, qui, entré au Puy malgré la vigilance de la garnison et des autorités, pilla la maison du capitaine général des fermes, puis se retira tranquillement pour exercer ailleurs ses brigandages (1754). Le Puy, capitale de l’ancien Velay et siège des états particuliers de ce pays, était autrefois une place de guerre très-forte ; les nombreux sièges dont nous venons d’énumérer la liste et qu’elle sut toujours soutenir avec un rare bonheur en sont la preuve. Elle passait pour la sixième ville du Languedoc. Ses armoiries, qui remontent à Hugues Capet (992) et qu’elle fut autorisée à reprendre sous la Restauration par ordonnance royale, sont semées de France, à l’aigle d’argent, au vol abaissé, brochant sur le tout, l’écu accolé de deux palmes de sinople liées d’azur. Le Puy a donné naissance à Clément IV, élu pape au XIIIe siècle ; aux peintres Boyer et Guy, au maréchal de Latour-Maubourg et au cardinal Melchior de Polignac. On peut consulter sur cette ville le tome VI de la Gallia christiana et Le Puy, par Mazoyer (1842, in-8°).