Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARIE D'ARAGON, impératrice d’Allemagne

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1189).
REINES ET PRINCESSES SOUVERAINES.

MARIE D’ARAGON, impératrice d’Allemagne, morte en 998. Elle était fille de don Sanche, roi d’Aragon, et épousa le jeune empereur Othon III. Cette princesse est l’héroïne d’une légende rapportée comme un fait historique par plusieurs écrivains, notamment-par Muratori, dans son Dictionnaire historique. « L’impératrice, dit cet historien, avait ordinairement avec elle un garçon déguisé en fille, lequel, ayant été découvert et convaincu d’adultère, fut brûlé vif. Cela n’empêcha pas qu’elle ne continuât ses dissolutions et qu’elle ne sollicitât un jeune comte à satisfaire à ses désirs. Mais ce seigneur, aussi chaste que Joseph, la rebuta généreusement : ce qui irrita tellement l’impératrice, qu’elle l’accusa du crime qu’il n’avait point voulu commettre. L’empereur crut trop facilement un fait de cette importance, et, sans autre information, fit trancher la tête au comte, qui, pour ne point déshonorer l’impératrice, n’avait pas voulu révéler le dérèglement de cette princesse. La comtesse, à qui son mari, sur le point de tendre le col au bourreau, avait déclaré la vérité, s’alla présenter à l’empereur lorsqu’il rendait la justice, suivant la coutume des empereurs et des rois d’Italie, dans l’assemblée générale qui se tenait en une grande plaine auprès de Plaisance, et, sans se faire connaître, elle lui demanda justice du meurtrier de son mari. Othon lui promit sur-le-champ de la lui faire, selon toute la rigueur des lois, au cas qu’elle le représentât. Alors cette généreuse veuve, lui montrant la tête du comte, qu’elle prit d’un de ses gens qui la tenait cachée sous son manteau : « C’est vous-même, seigneur, dit-elle, qui êtes ce meurtrier, qui avez fait mourir injustement le comte mon mari ; ce que je suis prête de prouver par l’épreuve du feu, en tenant un fer chaud entre mes mains. » L’empereur y consentit, quoiqu’il ne dût pas admettre cette épreuve, déjà condamnée par les papes... On apporta un fer dans un grand brasier, et, lorsqu’il fut tout rouge, la comtesse le prit sans s’émouvoir et le tint entre ses mains sans se brûler ; puis, se tournant vers Othon, épouvanté d’un spectacle si surprenant, elle eut la hardiesse de lui demander sa propre tête, selon l’arrêt qu’il avait rendu contre lui-même, puisqu’il était convaincu par cette épreuve d’être le meurtrier de ce comte innocent. Enfin, après plusieurs délais qu’elle accorda à l’empereur, qui se confessa coupable et digne de mort, elle se contenta que l’on punît l’impératrice, qui avait inventé cette horrible calomnie. Cela fut aussitôt exécuté à Modène, selon l’arrêt de l’empereur même, qui condamna sa femme au feu l’année 998. »