Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARIE-LOUISE, impératrice des Français

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1193).

MARIE-LOUISE, impératrice des Français, fille de l’empereur d’Autriche François Ier, née à Vienne en 1791, morte en 1847. « C’était, dit Lamartine, une belle fille du Tyrol, les yeux bleus, les cheveux blonds, le visage nuancé de la blancheur de ses neiges et des roses de ses vallées, la taille souple et svelte, l’attitude affaissée et langoureuse de ces Germaines qui semblent avoir besoin de s’appuyer sur le cœur d’un homme ; les lèvres un peu fortes, la poitrine pleine de soupirs et de fécondité, les bras longs, blancs, admirablement sculptés et retombant avec une gracieuse langueur… Nature simple, touchante, renfermée en soi-même, muette au dehors, pleine d’échos au dedans, faite pour l’amour domestique dans une destinée obscure. » Ce fut sur cette princesse, âgée de dix-huit ans, élevée par sa famille dans la haine de la France et du despote qui la gouvernait, que Napoléon jeta les yeux lorsque, désireux d’avoir un héritier, il résolut de divorcer avec Joséphine. Vainqueur de l’Autriche à Wagram, maître de Vienne, il demanda ou plutôt exigea la main de l’archiduchesse, qui lui fut accordée. Le 1er avril 1810, le mariage civil de Napoléon et de Marie-Louise fut célébré à Saint-Cloud, et, le lendemain, eut lieu dans la grande galerie du Louvre le mariage religieux. Bien que cette union parût offrir une chance de plus pour la conclusion de la paix générale que la France désirait ardemment depuis si longtemps, elle fut mal accueillie par le peuple, très-attaché à Joséphine et qui voyait avec regret une Autrichienne monter sur le trône. Après les fêtes splendides auxquelles donna lieu ce mariage, Napoléon fit visiter à sa jeune épouse la Belgique et la Hollande. « Les premiers temps de cette union furent assez heureux, dit Mme de Brady. L’empereur, très-amoureux, négligeait tout pour sa nouvelle épouse ; l’impératrice, toujours réservée, fut d’abord sensible à ce tendre sentiment ; mais les mœurs françaises n’étaient point faites pour lui plaire et elle inspira bientôt à ceux qui l’entouraient et à la nation entière l’indifférence qu’elle-même ressentait. Dans la conversation, sa réserve allait jusqu’à la froideur et elle avait un air constamment ennuyé ». Le 20 mars 1811, Marie-Louise, à la grande joie de Napoléon, lui donna un fils, salué du nom de roi de Rome. Nommée régente toutes les fois que son époux s’absentait pour une campagne, elle montra dans l’exercice de ses hautes fonctions une nullité absolue. Le 23 janvier 1814, Napoléon embrassa pour la dernière fois Marie-Louise et son fils, et marcha contre les armées coalisées qui venaient d’envahir la France. Lorsque, le 29 mars, les alliés approchèrent de Paris, Marie-Louise, obéissant aux instructions péremptoires de Napoléon, qui avait déclaré qu’il aimerait mieux voir sa femme et son fils au fond de la Seine qu’entre les mains de l’ennemi, quitta la capitale, gagna Blois avec le roi de Rome, refusa de suivre Joseph et Jérôme au delà de la Loire, se rendit, après l’abdication de Napoléon, à Orléans, d’où elle gagna Rambouillet avec le prince Esterhazy, y reçut la visite de son père l’empereur François Ier, et partit pour l’Autriche le 25 avril. Pendant les Cent-Jours, on la garda à vue dans son palais et on la sépara de son fils, qu’elle ne devait plus revoir qu’au moment de la mort. Elle eut, pour la dédommager du trône qu’elle perdait, la souveraineté viagère des principautés de Parme, Plaisance et Guastalla, dont elle prit possession en 1816 et qu’elle gouverna avec modération. Marie-Louise entretint des intrigues avec un obscur général autrichien, le comte de Neiperg, se maria secrètement avec lui après la mort du captif de Sainte-Hélène, et en eut trois enfants. En 1831, une insurrection la força de quitter ses États, où, grâce à l’intervention de l’Autriche, elle revint quelque temps-après. Le duc de Lucques lui succéda après sa mort.

Jusqu’à la fin de sa vie, Napoléon se fit une illusion complète sur les sentiments de Marie-Louise à son égard. « Soyez bien persuadés, disait-il quelque temps avant de mourir, que si l’impératrice ne fait aucun effort pour alléger mes maux, c’est qu’on la tient environnée d’espions qui l’empêchent de rien savoir de tout ce qu’on me fait souffrir, car Marie-Louise est la vertu même. » Il disait un autre jour : « J’ai été occupé en ma vie de deux femmes très-différentes : l’une (Joséphine) était l’art et les grâces ; l’autre (Marie-Louise), l’innocence et la simple nature. » En prononçant ces paroles, il ne se doutait guère que Marie-Louise, après avoir consenti sans murmurer à se séparer complètement de son fils, oubliait dans d’indignes affections celui qui expiait son despotisme et son ambition démesurée sur le rocher de Sainte-Hélène.