Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/JULIEN ou JULLIEN (Louis-Antoine), compositeur français

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 3p. 1105).

JULIEN ou JULLIEN (Louis-Antoine), compositeur français, né à Sisteron en 1812, mort a Paris en 1860. Fils d’un musicien de régiment, il fut élevé comme enfant de troupe, et débuta en qualité de petite flûte dans le corps de musique où figurait son père. Admis en 1833 au Conservatoire de Paris, il y reçut les leçons de Lecarpentier et d’Halévy, puis il fonda au jardin Turc des concerts qui attirèrent tout Paris. Les quadrilles que Julien composait sur les nouveaux opéras firent fureur. Les Huguenots, Robert, Guillaume Tell, la Muette, aucun chef-d’œuvre n’échappait à sa main sacrilège qui découpait en avant-deux, en poule et en galop, l’évocation des nonnes, le duo du quatrième acte des Huguenots, l’air du sommeil de la Muette et le trio de Guillaume Tell. Pour impressionner davantage les yeux et les oreilles des amateurs, Julien fit appel à tous les moyens de bruit et à tous les artifices possibles. Malheureusement, les succès les plus bruyants s’usent le plus vite. La foule déserta bientôt le jardin Turc, et l’entreprise croula sous les pieds de Julien. Échappé aux dangers de la contrainte par corps, le maestro se rendit à Londres en 1838, et établit des concerts-promenades, où Vieuxtemps, Sivori, Mme Pleyel, enfin tous les artistes d’un renom européen, se firent entendre. Mais, la curiosité commençant à s’émousser, Julien prodigua les greats attractions, et recourut à toutes les excentricités du charlatanisme. Artistes nomades, géants, bateleurs, phénomènes, prodiges musicaux et autres, il fit défiler aux yeux de Londres ébahi toutes les monstruosités physiques et morales. À ce métier, Julien gagnait facilement des sommes énormes, dissipées avec la même aisance. Quand il vit le succès se ralentir, il quitta Londres, parcourut l’Écosse et l’Irlande avec une troupe concertante, puis passa en Amérique, où il réalisa d’énormes bénéfices. Ce fut sur ces entrefaites qu’il résolut d’acquérir la réputation d’un grand compositeur. Dans ce but, il se rendit à Bruxelles, où il demanda des conseils à Petit, composa ensuite un opéra intitulé Pierre le Grand, puis se rendit à Londres et se fit directeur de théâtre pour y produire son œuvre. Bien qu’interprété par des chanteurs de premier mérite, Pierre le Grand fit un fiasco complet et Julien trouva la ruine dans son entreprise théâtrale. De retour à Paris, il se vit emprisonné pour dettes, et songea, après avoir recouvré la liberté, à se jeter dans de nouvelles entreprises ; mais, atteint tout à coup d’aliénation mentale, il se frappa de coups de couteau et mourut peu après.

Dans ses compositions de danse, Julien n’a ni l’élégance de Laenner ni la grâce de Strauss, mais il a plus de verve et un rhythme plus accentué. La fameuse valse de Rosita, qui fit sa réputation à Paris et qui porte son nom, ne lui appartient pas ; Julien l’acheta, moyennant quelques écus, d’un malheureux artiste polonais mourant de faim.