Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/JEAN SANS TERRE, roi d’Angleterre, quatrième fils de Henri II et d’Éléonore d’Aquitaine

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 3p. 930).

JEAN SANS TERRE, roi d’Angleterre, quatrième fils de Henri II et d’Éléonore d’Aquitaine, né en 1166, mort en 1216. Il doit son surnom à cette circonstance qu’étant mineur à la mort de son père il n’avait pu encore posséder aucun apanage en son nom propre. Il reçut de son frère Richard Cœur de Lion des fiefs considérables en Angleterre et en Normandie, essaya de le dépouiller pendant qu’il était en Palestine, puis pendant sa captivité, et proposa même une somme de 20,000 livres à l’empereur d’Allemagne pour qu’il le retînt prisonnier. Lorsque Richard revint en Angleterre, Jean s’enfuit en Normandie pour se soustraire à la colère de son frère ; mais, quelque temps après, il passa le détroit, implora son pardon et l’obtint, grâce à l’intercession de sa mère Éléonore. À la mort de Richard Cœur de Lion, son neveu Arthur, duc de Bretagne, devenait l’héritier du trône. Mais Éléonore, qui avait pour Jean une affection toute particulière, l’aida à s’emparer de la couronne, et il se fit reconnaître roi d’Angleterre, à Northampton, par une assemblée de barons et d’évêques, après avoir promis solennellement de respecter les droits de chacun. Arthur, trop faible pour résister, lui avait rendu hommage pour le duché de Bretagne ; Philippe-Auguste, roi de France, lui avait vendu à prix d’argent sa neutralité, et il paraissait affermi sur le trône, lorsqu’il enleva la femme du comte de La Marche, Isabelle d’Angoulême, qu’il épousa après avoir répudié la fille du comte de Glocester. Sur la demande d’Hugues de La Marche, Philippe-Auguste déclara alors la guerre à Jean sans Terre, et Arthur de Bretagne profita de cette circonstance pour réclamer ses droits usurpés. Ayant Arthur prisonnier, Jean sans Terre le fit conduire d’abord à Falaise, puis à Rouen, où il le poignarda de sa propre main et jeta son corps dans la Seine (1202). Cité pour ce meurtre par Philippe-Auguste devant la cour des pairs, il refusa de comparaître, et se laissa enlever sans les défendre le duché de Normandie et ses autres fiefs du continent (1204-1206). Son despotisme, sa lâcheté, ses cruautés et ses débauches l’avaient rendu odieux à ses sujets, comme ses crimes en faisaient un objet d’horreur pour l’Europe chrétienne. Sa prétention d’imposer au clergé de Cantorbéry un prélat de son choix, ses persécutions contre les moines attirèrent sur lui l’excommunication papale. Philippe-Auguste, choisi par le saint-siége, s’arma pour exécuter la sentence de déposition. Mais Jean, épouvanté, s’humilia devant le pontife jusqu’à se reconnaître son vassal, et Innocent III lui laissa son royaume (1213).

Cette même année, Jean sans Peur résolut d’aller porter la guerre en France et fit alliance avec l’empereur Othon et avec les comtes de Boulogne et de Flandre; mais, pendant que Louis, fils de Philippe-Auguste, le tenait en échec en Bretagne, la victoire remportée à Bouvines par ce dernier sur ses ennemis coalisés (1214) vint enlever à Jean sans Terre tout espoir de reconquérir ses provinces de France. Il retourna alors en Angleterre et eut à lutter contre les deux forces vives de ce pays, la noblesse et le clergé, qui lui imposèrent la grande charte (1215), et qui, fatigués de ses trahisons et de ses crimes, se révoltèrent ouvertement et offrirent la couronne à Louis, fils de Philippe-Auguste (1216). Abandonné de tous, Jean en fut réduit à fuir devant son rival, et mourut de peur et de chagrin au château de Newark.